L’Italie est une des principales puissances de l’Union européenne. Son image, comme la réalité du reste, est contrastée. Un Nord riche et industriel, un Sud plus pauvre -16,3 % des habitants vivaient sous le seuil de pauvreté en 2022, un tissu économique actif et internationalisé, mais une dette publique très élevée… Le tout pour un Etat dont le revenu par habitant (24 000 euros) est supérieur à celui de l’Espagne. De quoi s’y intéresser de près, afin de savoir où nos voisins transalpins en sont.
Le gouvernement italien issu des dernières élections parlementaires en 2023 a suscité beaucoup d’émoi, et une part a priori semble persister, y compris dans les commentaires d’analystes qu’on pourrait penser neutres. Force est de constater que les nouvelles autorités ont fait preuve de pragmatisme, en gérant les affaires du pays d’une manière prudente. C’est en particulier le cas pour les questions économiques. Des fonds européens étaient ainsi promis par l’UE, à condition « de bien se tenir ». Avec un ratio dette publique/PIB de 140 % en 2023, lequel n’est qu’en légère baisse sur 2021 (record à 147,1 %), l’Italie ne pouvait pas se permettre de faire dans les excès.
Avant d’en venir aux échanges extérieurs de notre voisin transalpin, quelques chiffres peut-être. La croissance est poussive, mais guère davantage que celle de la France (0,6 % prévue en 2024). Comme ailleurs, l’inflation fera sans doute une pause cette année (2,2 % selon Coface, après un bond de 6,1 % en 2023). Le solde budgétaire est proche en pourcentage du nôtre (-4,5 % prévus en 2024, après -5,3 % l’an dernier).
Cela étant, quels sont les points forts et faibles de l’Italie aujourd’hui ? Tout d’abord, selon différents spécialistes, dont ceux de Coface, le redressement du tourisme, qui est un des piliers de son activité économique, permet de soutenir la croissance.
Ensuite - et c’est là bien un succès du gouvernement Meloni, la stratégie de diversification géographique en matière d’approvisionnement énergétique est un atout remarqué. Le pays héritier de la grande Rome bénéficie aussi d’une très bonne position dans l’agroalimentaire haut de gamme, les tissus et l’habillement de bonne facture.
Et puis, on l’a dit supra, un écosystème de PME compétitives à l’export soutient l’économie. En outre, l’endettement privé demeure faible (107 % du PIB contre 162 % en moyenne dans la zone Euro). Tout va pour le mieux ? Non, bien sûr. Comme partout, certains points négatifs sont à relever. Nous n’allons pas tous les énumérer.
Naturellement, les taux d’intérêts élevés pèsent sur les coûts d’emprunt des ménages et des entreprises. Les ménages commencent de plus en plus à être sevrés d’aides gouvernementales - le quoi qu’il en coûte italien. On peut parler ainsi de la suppression de l’incitation fiscale « super–bonus », ou encore du régime de protection sociale « revenu citoyen ». La dette publique et donc la deuxième plus élevée de l’Union européenne derrière la Grèce, tandis qu’une part assez significative (20 %) de ce montant est détenu par des investisseurs privés étrangers, ce qui est évidemment contraignant, car on est soumis à leurs arbitrages et à leurs pressions. Néanmoins, certains facteurs portent davantage à l’optimisme. Ainsi, le reflux des importations, en particulier relevant de l’énergie, conjugué au bon dynamisme des exportations, contribue au retour à l’équilibre de la balance courante. L’Italie souffre, en revanche, d’une pression migratoire persistante ainsi que d’une démographie déclinante, ce que le gouvernement Meloni voudrait corriger. Face à cette situation contrastée, les autorités entendent poursuivre la mise en oeuvre de leur programme « Vision 2035 », qui affiche des objectifs ambitieux, dont le triplement du revenu par tête d’habitant… vraiment très ambitieux. Il faudra aussi lutter contre la corruption, toujours un véritable fléau, si l’on en croit l’organisme Transparency International qui classe l’Italie au 130e rang sur 180 en la matière. Au total, une économie très développée mais avec des travers encore inattendus. Qu’en est-il maintenant du commerce extérieur de l’Italie, dont il est vrai qu’elle est connue pour ses succès à l’exportation ?
Des IDE importants, de grands projets de coopération
La France est donc le premier investisseur dans la péninsule avec un stock d’IDE de 80,1 milliards d’euros en 2022, et un flux de 2,7 milliards cette année-là. C’est considérable, selon des chiffres calculés selon l’approche géographique, c’est-à-dire de l’investisseur ultime. Quoi qu’il en soit, notre stock augmente rapidement, puisqu’il a doublé en dix ans, faisant de l’Italie notre 5e pays de prédilection, après les Etats- Unis (232,9 milliards), les Pays-Bas (194,9), la Belgique (138,7), puis le Royaume-Uni (120,1). Nous comptons, d’après les éléments fournis par la Direction générale du Trésor, plus de 2 200 participations dans les entreprises italiennes, qui emploient plus de 300 000 collaborateurs. Qu’en est-il dans le sens inverse ? L’Italie fait également bonne figure, avec un stock d’IDE de 50,7 milliards d’euros, toujours selon l’approche de l’investisseur ultime, arrivant ainsi au 5e rang, après les Etats-Unis (139,8 milliards), l’Allemagne (107,3), la Suisse (107,1) et le Royaume-Uni (86,6). L’Italie compte des participations dans plus de 2 000 entreprises en France, assurant ainsi l’emploi de plus de 100 000 salariés. Ses secteurs de prédilection sont l’énergie, l’automobile, le spatial, l’aéronautique, la pharmacie, ou encore les assurances. Le secteur manufacturier est majoritaire.
Une coopération privée et publique exemplaire
Pas étonnant que le secteur manufacturier soit majoritaire puisque le nombre d’entreprises industrielles outre Rubicon est nettement plus élevé qu’en France (plus de 365 000 contre 274 000). Le tissu général d’entreprises est plus dense du reste, avec 4,5 millions d’entreprises (4,1 chez nous) incluant beaucoup d’entreprises industrielles et familiales.
La France et l’Italie entendent stimuler la résilience des secteurs stratégiques, en particulier en lançant, ou en approfondissant des coopérations industrielles dans cinq d’entre eux : l’hydrogène, le cloud, la micro-électronique, la santé et l’espace.
Des échanges commerciaux franco-italiens en légère baisse
Les échanges commerciaux avec notre voisin transalpin ont diminué légèrement en 2023, à 105,5 milliards d’euros contre 109 en 2022. L’Italie est notre deuxième client (8,7 % de nos exportations), après l’Allemagne (13,5 %) et notre 5e fournisseur, derrière l’Allemagne (12,8 %), la Chine 10,2 %), la Belgique (8,6 %) ou encore les Etats-Unis (7,8 %). Nos ventes ont reculé de 2,9 % en 2023. On y trouve en premier lieu les hydrocarbures (7,1 milliards d’euros), les produits chimiques, les parfums et cosmétiques (5,6 milliards d’euros), puis les produits agro-alimentaires (4,4 milliards d’euros) - un poste en hausse comme les précédents ; le textile-habillement (3,9 milliards) ; devant les produits informatiques et électroniques (2,2 milliards).
Nos achats sont un peu plus soutenus que nos ventes, puisqu’ils n’ont baissé que de 1 % en 2023, à 32,5 milliards. Qu’importe-t-on principalement d’Italie ? En premier lieu - cela ne surprendra personne, des produits du secteur textile-habillement - cuir, chaussures (en hausse de 13,9 % à 7,2 milliards d’euros), puis des machines industrielles et agricoles (+10,9 à 6,6 milliards), ensuite des produits des industries agro-alimentaires (en progrès de 9,7 % à 5,6 milliards) devant des produits pharmaceutiques (+9,2 % à 2,2 milliards). Ainsi, nous sommes quasiment à l’équilibre.
Quant aux échanges de services, le solde est, en général, nettement favorable à notre pays. L’industrie touristique est évidemment importante pour Paris comme pour Rome (8,5 % du PIB pour la France, 13 % pour l’Italie). L’année 2023 a constitué un record à cet égard pour nos échanges, qui ont crû d’environ 10 %.