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Éditorial

Alimentation : payer plus cher ?

Les années se suivent et se ressemblent, avec toujours une certaine agitation. Alors que les problèmes internationaux demeurent récurrents ; sur le plan domestique, nous serons passés du sujet des retraites l’an dernier à celui de l’agriculture cette fois-ci. Tout cela avec en toile de fond les enjeux environnementaux et climatiques.

Ces équations sont difficiles à résoudre pour nos gouvernants dans le contexte de mondialisation croissante des échanges - fugacement remise en cause pendant l’épisode du Covid, et la pression des règles de l’U.E.

Or, la question de l’agriculture, donc des agriculteurs, est primordiale. Tout d’abord, il y a évidemment l’enjeu humain, celui des souffrances ressenties par nombre d’entre eux. Ensuite, parce qu’ils sont en quelque sorte garants de l’entretien des terres françaises. Enfin, leurs productions nous permettent de nous alimenter, nous, mais aussi une partie de la planète. Accessoirement, nos échanges dans le domaine de l’agroalimentaire au sens large dégagent un excédent, essentiellement lié au succès de nos vins et alcools.

Cela étant dit, il est juste de prendre des mesures de protection de l’environnement. On peut penser ainsi à l’usage de pesticides et de certains produits phytosanitaires. Et pourquoi pas même des mesures plus dures qu’ailleurs ?

A ce stade, on est cependant confrontés à deux écueils : d’une part, l’impossibilité de se passer tout de suite de ces produits sans dégrader la productivité, d’autre part, la concurrence étrangère qui n’émet pas ces interdits, y compris dans le reste de l’U.E.

Dès lors, que faire ? Certainement pas revenir sur le fond de l’interdiction de produits dangereux pour notre santé, mais pousser fermement à leur mise en vigueur - reportée, en soutenant la recherche de substituts. Quant à la concurrence étrangère, il convient de taxer d’une manière ou d’une autre les produits qui ne respectent pas les mêmes règles que nous. Cela pose le problème des traités de libre-échange ainsi que des différences de transposition des directives dans l’U.E. Si l’on n’arrive pas à se mettre d’accord sur des mesures communes, on sera forcés de s’aligner sur le moins-disant.

L’obsession du « moins cher »

Un autre problème important est celui de la rémunération des agriculteurs. Pour certains d’entre eux - en particulier les éleveurs, la vie est très difficile, dans une ambiance de mise en cause de la consommation de viandes, et de la volonté d’aucuns de vouloir restreindre leur production en France. Ce dont profitent nos concurrents puisque le taux d’importations atteindrait désormais 25 % dans ce secteur.

Quant aux revenus, la cascade de marges qu’engendrent les différents intermédiaires et le focus porté sur le prix final tendent évidemment à tasser le prix des matières premières agricoles - on va simplifier car l’impact des cours mondiaux est important également.

Cette obsession du « prix le moins cher », largement amplifié par les grands distributeurs et certains partis politiques surfant sur la vague, rend toute solution impossible puisqu’à un moment donné, quoi qu’on en dise, si on paye plus cher la matière première, il faut que le consommateur accepte de régler une somme un peu plus élevée pour le bien de tous.

Le Bio sera peut-être ainsi relancé car il souffre en ce moment, alors qu’il avait été encouragé par les pouvoirs publics. Le budget moyen des ménages consacré à l’alimentation n’est plus que de 13 % du total. On doit donc pouvoir y arriver sans faire craquer les bourses. De ce point de vue, le propos récent du Président de la République sur la possibilité d’arbitrer une partie de ces dépenses essentielles avec celle consacrée aux plateformes n’est pas dénué de bon sens. La plus grande modération de l’inflation pourrait nous aider à recadrer tout cela.

Alain Gazo
Directeur de la rédaction