La loi Travail a fait couler beaucoup d’encre… et continue de le faire. Il faut en effet que les DRH s’imprègnent des nouveautés, tout au moins des ajustements qu’elle intègre.
En fait de nouveautés, il s’agit du reste parfois de la codification d’une jurisprudence « constante » de la cour de cassation. Ainsi en est-il du nouvel article L1233-3 du Code du Travail, qui consacre deux causes économiques de licenciement établies depuis plus de 15 ans par les hauts magistrats : la réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise concernée, ou tout bonnement la cessation de son activité.
Cela étant, le législateur est allé au-delà de ces grands principes, en rentrant dans un luxe de détails, afin d’éviter « l’insécurité juridique ». Détails dans lesquels nous ne rentrerons pas ici. Cet article a passé le cap du Conseil constitutionnel, faute semble-t-il de recours en la matière, alors que le traitement différencié entre les entreprises qu’il institue aurait pu occasionner la censure du « Palais Royal ». En effet, si la baisse du CA est un critère retenu par le législateur pour autoriser un licenciement économique, la durée d’évolution à prendre en considération varie de un à quatre trimestres à proportion grandissante de la taille des entreprises. Cela peut paraître logique mais, entre nous soit dit, un trimestre de recul du CA, même dans une entreprise de moins de 11 salariés, cela fait court !
C’est là que l’interprétation des juges reprendra sans nul doute ses droits, car le législateur ne peut tout verrouiller et c’est heureux. En l’occurrence, il ne précise pas la notion de niveau de la baisse du CA. A l’opposé, le champ libre est laissé à l’employeur pour mettre en avant d’autres indicateurs pouvant justifier les licenciements économiques.
Alexandra Stocki, avocat associé, cabinet Bird & Bird, évoque ainsi dans la livraison de La Semaine sociale Lamy du 7 novembre l’évolution du taux de marge. Précisons à ce stade qu’un seul indicateur, à supposer que son utilisation soit jugée pertinente, suffit à permettre de déclencher une procédure de licenciement économique, ce qui cette fois, relève encore Alexandra Stocki, « rompt avec la jurisprudence antérieure de la cour de cassation ».
Quant « au cadre l’appréciation du motif », il n’est en revanche pas modifié, souligne l’avocate associée de Bird & Bird, qui estime que la jurisprudence de la cour de cassation et du Conseil d’Etat devrait être maintenue, reprenant un attendu de la Chambre sociale du 04/09/1995 : « les difficultés économiques doivent être appréciées au regard du secteur d’activité du groupe auquel appartient l’entreprise concernée ».
Droit à la déconnexion : une nouveauté
L’hyperconnectivité draine de multiples problèmes, en particulier elle se heurte à deux principes intangibles en matière de législation du travail, le droit au repos et celui à la santé. La loi dite El Khomri introduit (art. L 2242-8) l’obligation dans le cadre de la négociation annuelle imposée sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail (art. L2242-8), d’aborder dans le même temps « les modalités de plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion et la mise en place de l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congés, ainsi que de la vie personnelle et familiale ». Certes, la négociation est obligatoire, mais pas la conclusion d’un accord. Ce qui limite la portée du changement.
Cependant, il semble dès lors que l’employeur, faute d’accord avec les partenaires sociaux, devra prendre unilatéralement des décisions le couvrant d’éventuelles poursuites du chef de non respect du droit au repos ou à la santé, qui apparaissent en préambule de la constitution de 1946, rappelle le doctorant Luc de Montvalon, dans la Semaine sociale Lamy du 7 novembre, qui a consacré deux numéros entiers (31/10 et 07/11) aux dispositions de la loi Travail. Cette dernière impose à l’employeur (C. Trav. L. 3121-60) de vérifier régulièrement que la charge de travail est raisonnable et permet [sa] bonne répartition dans le temps […]. L’entreprise évitera également par là-même d’éventuelles réclamation en rappel d’heures supplémentaires…
Vincent Gardy