Aux dernières nouvelles, on comptait plus de 260 000 travailleurs européens détachés exerçant temporairement leur activité en France dans le secteur du BTP. Alors que ces emplois sont par nature non délocalisables, on imagine la perte de jobs - comme dirait Donald Trump, pour les Français ou les étrangers en situation régulière résidant dans notre pays.
Ne pouvant résoudre le problème en le prenant à la racine, puisqu’il résulte d’accords européens et surtout du grand principe de libre circulation des travailleurs au sein de l’UE, les autorités françaises multiplient les lois et les décrets afin de réduire un tant soit peu le flot. Et pour que le flot se tarisse, il faut que la comparaison de prix soit moins favorable pour le donneur d’ordre lorsqu’il arbitre entre le schéma classique (emplois locaux) et l’appel à des prestataires extérieurs à notre pays.
Tout cela pour résumer la situation, qui s’avère très complexe dans le BTP en raison de la cascade habituelle des sous-traitances et de l’imagination fertile des intervenants de la chaîne pour s’ouvrir des passe-droits. Les pouvoirs publics cherchent donc des solutions sur trois pistes : responsabiliser encore davantage les donneurs d’ordres, afin de les obliger à être plus vigilants ; mieux informer les travailleurs détachés de leurs droits, en affichant à l’entrée des chantiers, en français et dans leur langue, les minima salariaux, les horaires légaux… auxquels ils ont droit ; enfin de frapper au portefeuille, en fermant le cas échéant administrativement un chantier ou tout au moins en interdisant la poursuite de la prestation de l’équipe incriminée. Voire un autre chantier de la même entreprise localisée ailleurs, lorsque celui où l’infraction avait été constatée est déjà terminé au moment de la décision.
Une application peu aisée ou inefficace
Sur le premier point du dispositif énuméré avec les autres dans un décret du 7 mai dernier, venant préciser les nouveaux articles 105 et 112 du code du travail, nous nous permettrons d’être dubitatifs.
En effet, on voit mal un travailleur – lituanien par exemple – aller dénoncer son employeur, alors qu’il n’est ici que pour une courte période.
Quant à l’obligation de vigilance vis à vis des contrats des employés des sous-traitants, c’est une meilleure idée. Le problème réside dans la complexité de l’écheveau des contrats et sous-contrats, souvent difficile à démêler, même lorsque le maître d’ouvrage est de bonne foi.
La possibilité d’un arrêt administratif de l’intervention sur un chantier est intéressante, mais parfois des impératifs la rendent difficile, alors que les installations construites ou réparées peuvent être d’intérêt public.
Vincent Gardy