Comment préserver la liberté d’un individu dans l’entreprise dans tous les aspects, y compris celui de ses croyances, tout en assurant la discrétion qui peut s’imposer, en premier lieu dans le cadre des relations avec les clients ?
Ce sujet ne cesse de défrayer la chronique, en particulier à l’aune des exigences posées par la pratique de la religion musulmane.
La Cour de cassation et son homologue belge avaient botté en touche en 2014 à travers une question préjudicielle auprès de la CJUE, dans des affaires au contexte relativement similaire.
Après deux ans et demi de réflexion, les juges européens ont rendu leurs arrêts le 13 mars 2017. Munie de ce précieux avis, la Chambre sociale a rendu son arrêt à elle le 22 novembre dernier dans l'affaire qui concernait la France.
Pour faire court, une dame en relation avec la clientèle avait été licenciée, car elle avait refusé de retirer son voile lorsqu'elle se trouvait face aux clients. Elle connaissait cette interdiction, sachant – ce qui avait été retenu par la Cour d'appel, qu'elle pouvait manifester ses convictions religieuses dans l'entreprise le reste du temps.
Cependant, l’employeur, la société Micropole, avait invoqué à l’appui de sa démarche sa volonté, exprimée à l’origine de manière verbale, de mener une politique de neutralité.
On peut évidemment inscrire les attendus de cette politique dans le règlement intérieur, mais il faudra faire très attention à sa rédaction ! On en arrive vite à l’accusation de discrimination indirecte, si les mesures posées amènent facilement à un licenciement de la personne concernée.
Dans tous les cas, la Chambre sociale, suivant en cela scrupuleusement les attentes de la CJUE, exige qu’un autre poste soit proposé à l’employé(e) concerné(e) dans l’entreprise, au cas où elle ne souhaiterait pas respecter le règlement intérieur, ou la norme, écrite ou non, sous forme d’une note de service par exemple, qui restreindrait sa pratique religieuse visible dans la fonction qu’il (elle) occupe. « […] il appartient à l'employeur de rechercher si, tout en tenant compte des contraintes inhérentes à l'entreprise et sans que celle-ci ait à subir une charge supplémentaire, il est possible de proposer à la salariée un poste de travail n'impliquant pas de contact visuel avec ses clients, plutôt que de procéder à son licenciement. »
Inutile de dire qu’une ETI - ou une grande entreprise, aura à cet égard des possibilités que les TPE/PME n’ont pas ! La Haute juridiction s’inscrit ainsi dans ce que les experts nomment « l’accommodement raisonnable », principe anglo-saxon.
Quoi qu’il en soit, les cas conflictuels, si l’on en croit les chiffres de l’étude annuelle Randstadt, ne cessent d’augmenter en entreprise dans le cadre de la pratique religieuse. Pas étonnant alors que notre république laïque entre en conflit frontal avec certains enseignements religieux.