Le feuilleton du détachement continue. Depuis plusieurs années, vous le savez, la question du détachement des salariés étrangers, issus de l'Union européenne tout particulièrement, fait l'objet de débats houleux et d'une réglementation de plus en plus stricte, visant à rendre la concurrence davantage équitable. Le dernier épisode en date est celui de l’instruction de la Direction Générale du Travail du 19 janvier dernier.
Cette instruction est abordée en détail par Marijke Granier-Guillemarre, avocate associée MGG Voltaire Avocats, dans La Semaine sociale Lamy du 1er mars dernier. De nouvelles règles sont édictées, qui visent à lutter contre la concurrence sociale, défavorable à la libre compétition des entreprises, et aussi aux travailleurs français. L’instruction du 19 janvier 2021 est le lointain débouché d’une directive européenne du 29 juillet 2018, transposée en droit interne par une ordonnance du 20 février 2019, applicable en théorie dès le 30 juillet 2020. Nous y voici donc. L’idée, comme le souligne Marijke Granier-Guillemarre, c’est que « le principe d’égalité de traitement “à travail égal, salaire égal”, doit désormais être garanti aux travailleurs détachés en France ». La différence avec la réglementation précédente, c'est qu'il ne s'agit plus seulement de faire respecter un salaire minimum, mais de
« garantir l'égalité de traitement avec les salariés employés par les entreprises de la même activité établis en France, en matière de rémunération […] ». Les avantages ou accessoires éventuellement prévus doivent être également versés aux travailleurs détachés.
Bref, sur le papier, en résumant très hâtivement, les différences deviennent minimes en termes de rémunération et d’avantages sociaux. Quant aux contrôles, ils devraient être très rigoureux et les sanctions implacables. Notons que ce que l’on peut appeler le noyau dur de la réglementation sociale française s’appliquera pendant toute la durée du détachement du travailleur étranger en France, dans la limite cependant d’un an. Au-delà d’un an, c’est a priori l’intégralité de cette réglementation qui deviendra applicable.
Le BTP particulièrement ciblé
Soulignons que le secteur du BTP est particulièrement ciblé par des dispositifs spécifiques encore plus stricts. Les pouvoirs publics semblent décidés ainsi à contribuer à réduire fortement le nombre de travailleurs détachés en France, puisque la ministre, Elisabeth Borne, a indiqué vouloir rapidement élaborer dans ce cadre un plan « de résorption sectorielle ». Marijke Granier-Guillemarre rapporte, en outre, qu'Elisabeth Borne a déploré « la persistance d'un recours massif au travail détaché dans certains secteurs, […] incompréhensible dans une période de chômage ». C'est qu'en 2019, plus de 500 000 travailleurs détachés sont venus chez nous, principalement dans le BTP, l’industrie et l’agriculture. A tout pécheur miséricorde ! Ceux qui vilipendaient « les lanceurs d’alerte » il y a quelques années, font-ils désormais preuve de bon sens ? Soyons optimistes !
Vincent Gardy