Les jugements se suivent et ne se ressemblent pas en matière d'attribution éventuelle de titres- restaurant au télétravailleur. Deux logiques s’opposent : le principe d'égalité de traitement entre les collaborateurs d'une même entreprise, en tout cas dans le même établissement, d’une part, et celui d’une attribution très encadrée, destinée aux salariés ne bénéficiant pas d’une cantine, d’autre part.
Nous simplifions volontairement, mais l’idée est là. La Semaine sociale Lamy du 19 avril dernier a consacré une chronique détaillée à ces affaires. Que s’est-il passé ? Des télétravailleurs de grosses structures se sont plaints – via leurs syndicats – de ne plus se voir attribuer de titres-restaurant, alors qu’ils étaient en télétravail, tandis que leurs collègues exerçant leur activité en présentiel en bénéficiaient. Rupture d’égalité donc selon eux.
Sauf qu’ils n’étaient pas placés dans la même situation, et que l’idée de base du titre- restaurant était de compenser le surcoût lié à une restauration hors du domicile. Du reste, rappellent Elise Lederlin, avocate associée et Inès Saint-Lary, avocate, du cabinet Delsol Avocats, la jurisprudence admettait ainsi qu’un employeur puisse exclure du bénéfice de titres-restaurant des salariés dont le domicile était situé dans la même commune, ou encore à moins de dix minutes de leur lieu de travail. Les employeurs peuvent tout à fait également n’attribuer de titres que pour les jours effectivement travaillés.
Une lecture différente
Et là, les chemins des juges se séparent. Le tribunal judiciaire de Nanterre demeure dans la logique initiale de la législation (ordonnance du 27 septembre 1967) et motive ainsi sa décision. « L'objectif poursuivi par l'employeur […] est de faire face au surcoût lié à la restauration hors de leur domicile pour ceux qui seraient dans l'impossibilité de [le faire] ».
Voilà qui est clair. Le télétravailleur, par définition, sauf s’il se trouve dans une salle de coworking distante de son lieu de travail nominal, est chez lui !
Le tribunal judiciaire de Paris, dans une analyse nous semble-t-il assez surréaliste, instaure, lui, une sorte de droit au remboursement – au moins partiel – du repas pris pendant la journée de travail, quel que soit le lieu où s’exerce l’activité. Il estime que « [les titres-restaurant] ont pour principe directeur de permettre au salarié de se restaurer lorsque son temps de travail comprend un repas ». A cet égard « les télétravailleurs se trouvent dans une situation équivalente à celle des salariés sur site ». Les bras nous en tombent !
Le principe de l'égalité de traitement rappelé par le même tribunal judiciaire de Paris, et posé par l'article L. 1222.9 du Code du travail entre télétravailleurs et collègues sur site, nous semble valoir toutes choses égales par ailleurs. Attendons la suite en appel, puis en cassation !
Vincent Gardy