Dans deux arrêts du 11 mai dernier, lié l’un au recours d'un salarié, l'autre à celui d'un employeur, la Chambre sociale marque le coup.
En résumé, le barème Macron est consacré. On sait que de nombreux conseils de Prud’hommes et cours d'appel ont, depuis 2017, fait de la résistance à la mise en place de cette loi, qui encadre les possibilités pour les juges de fixer le montant des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à un niveau couvrant intégralement le préjudice subi.
On sait que ce barème visait à donner plus de visibilité aux employés mais surtout aux employeurs, quant au montant des indemnités à verser en cas de rupture injustifiée. Il est reproché à ce barème d’être défavorable aux salariés ayant peu d’ancienneté dans leur entreprise ou dont la rémunération est faible. Les syndicats de salariés ont donc tenté de s’y opposer, au travers de contentieux devant les juridictions de premier ou de deuxième degré, en utilisant différents leviers, au premier rang desquels la Convention n° 158 de l’OIT. A cet égard, saisie pour avis par les juges du fond, l’assemblée plénière estimait en 2019 que les termes de l’article L. 1235-3 du Code du Travail ne contrevenaient pas avec les stipulations de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT. Il s'agissait d'un avis, non contraignant par définition, quoiqu’émanant de l'instance judiciaire suprême. Cette fois il s’agit d'arrêts. Le champ de la contestation s'était étendu entretemps à la Charte sociale européenne. Les plaignants prétendaient que le « barème Macron » était attentatoire à son texte (article 24 de la charte). La Chambre sociale balaie cette argumentation, en se drapant dans les oripeaux de la DDHC – c’est bien pratique.
Aux termes de cet article, « la loi doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». Un mode de réparation intégrale in concreto est donc exclu, tandis qu’in abstracto, le barème n’est pas inconventionnel (par rapport à la Charte sociale européenne).
Certes, la France risque une condamnation par le Comité européen des droits sociaux, autorité interprétative de la Charte. Mais cela n’aurait pas de conséquences concrètes. Quoi qu’il en soit, ces arrêts de la Haute cour en réjouissent certains et en déçoivent d’autres. Parmi ces derniers, Julien Icart, professeur à l’université de Panthéon-Assas. Il voit à l’avenir de contentieux prud’hommaux se concentrer sur les affaires à enjeux ou basculer sur des échappatoires, avec « l’instrumentalisation de motifs illicites –discrimination, harcèlement… – permettant d’échapper au barème » (in Semaine sociale Lamy du 16 mai dernier).
Vincent Gardy