La langue française est celle de notre nation. Son usage est battu en brèche depuis maintenant de nombreuses années, en particulier dans les médias ou les entreprises transnationales.
La loi du 04/08/1994 dite loi Toubon, instaurait un certain nombre de contraintes, en particulier aux publicitaires, afin de préserver notre langue. Une des dispositions (article 1321-6 du Code du Travail) relevait que « tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l’exécution de son travail », doit être rédigée en français. Cependant, l’alinéa 2 du même article introduisait une exception concernant la réception de documents de l’étranger ou destinés à des étrangers. Tout cela est quelque peu ambigu, mais il était clair que la règle était l’usage du français. A cet égard, la Cour de Cassation avait fait preuve d’une lecture disons bienveillante, de l’article 1321-6, par le célèbre arrêt Air France du 12 juin 2012. Les hauts magistrats avaient fait une interprétation étendue de l’exception de l’alinéa 2. Ils avaient accepté la validité de manuels aéronautiques rédigés en anglais ne provenant pas de l’étranger et destinés à des collaborateurs dont la plupart étaient français. Dans leur raisonnement, ils relevaient le caractère international du transport aérien qui amenait, selon eux, les collaborateurs à savoir manier la langue de Shakespeare.
Des arguments spécieux ? Pour une part, car l’on aurait pu proposer ces documents en anglais avec une traduction dans notre langue nationale puisque l’objectif de la loi était de la protéger. Dix ans, plus tard, la Cour de Cassation tempère sa jurisprudence, certes dans un cas un peu différent. Résumons l’affaire. Un responsable des ventes d’une société française avait, suite à son licenciement, saisi le conseil des Prud’hommes d’une réclamation de certaines sommes, dont des commissions pour un part retenues sur ses bulletins de paye.
Le salarié se fondait sur le fait que le plan de commissionnement était écrit en langue anglaise et ne lui était donc pas applicable. Les juges du fond lui donnent tort, retenant que la langue de travail de l’entreprise était l’anglais et que les échanges internes, y compris avec le demandeur, étaient pour la plupart rédigés dans cette langue.
Au visa de l’article 1321-6 du Code du Travail, elle casse et renvoie, car la cour d’appel n’a pas vérifié si le document de base était venu de l’étranger, sachant que c’est la seule exception à la règle, hormis la nationalité du destinataire. Elle s’en tient à la lettre du texte, sachant qu’il semble suffire d’envoyer un document de l’étranger, rédigé dans une autre langue, pour qu’il puisse prendre vigueur. Cela ne paraît pas être un obstacle majeur. Malheureusement, notre langue est toujours en grand danger.
Vincent Gardy