De g. à d. Charles Foucque, directeur général de Seqino; Franck Lemoine, directeur commercial et marketing de Pouey International; Alain Gazo, directeur de la rédaction; Sophie Susterac, directrice marketing et communication de Factofrance et de Crédit Mutuel Factoring; Nicolas Flouriou, président de l’AFDCC (Association Française des Credit-managers et Conseils); Emmanuel Millard est le CEO de International CFO Alliance.
Alain Gazo pose les termes du débat : évaluer les risques pesant sur le poste-clients des entreprises, avec un fil rouge TPE-PME. Mais, au fait, cette distinction est-elle pertinente dans la pratique ? Certainement, rebondit Emmanuel Millard en substance, car « les problématiques sont nettement différentes selon qu’on soit une PME ou une grande entreprise, par exemple en matière de RSE. Une approche ciblée et profilée est nécessaire pour aborder les questions, souligne-t-il, car les entreprises cotées ce n’est pas la France ». Il rappelle que les TPE-PME-ETI ont une importance considérable, puisqu’elles emploient 70 % des salariés et réalisent 50 % de l’activité. Cela étant dit, qu’en est-il de la santé économique des entreprises, et donc plus particulièrement des PME ?
Tout dépend des secteurs, indique Emmanuel Millard, qui remarque cependant une « inquiétante tendance haussière des défaillances depuis la fin du covid, s’accompagnant d’un accroissement substantiel des règlements judiciaires, y compris d’entreprises importantes ». Tout cela, fort heureusement, sans impact global sur l’emploi.
Nicolas Flouriou pointe, quant à lui, un facteur de morosité, qui serait « la diminution de la confiance dans les institutions, car le commerce est intimement lié à la confiance » et que son absence freine les investissements, sans compter les multiples crises internationales qui nous affectent.
Un Etat moins accommodant
Mais qu’en est-il des délais de paiement ? Sophie Susterac souligne la position d’observatoire de l’activité économique du factor. A ce titre, elle identifie une stagnation des délais de paiement à 48 jours. Nicolas Flouriou relève, lui, un délai moyen de 51 jours, en raison d’une légère augmentation des retards, qui passe à 13 jours en moyenne. La raison principale proviendrait de la complexité des processus de validation dans certaines grandes organisations. Parfois, ajouterions- nous, d’un soupçon de mauvaise foi aussi. En tout cas, Franck Lemoine parle d’une hausse des délais de paiement corroborée par une croissance de 20 % de la production en matière de recouvrements chez Pouey. Quoi qu’il en soit, rappelle Nicolas Flouriou, l’essentiel du financement des entreprises relève d’un poste clients trop substantiel, plus de 800 milliards d’euros d’en-cours contre 150 milliards seulement de crédits de trésorerie (découverts…). Et in fine, 53 à 56 milliards d’impayés chaque année.
Un affacturage plus approprié pour les TPE
Paradoxalement, en dépit de ces éléments factuels, Sophie Susterac constate une quotité disponible de tirage de 18 % qui est restée stable jusqu’en 2023 et nettement supérieure à la période d’avant-covid (12 %). « Néanmoins, dit-elle, à fin septembre 2024, nous voyons que les réserves disponibles reculent depuis le début de l’année, signe que la pression s’accentue sur les trésoreries. La tendance est d’autant plus marquée au sein des micro-entreprises, avec des quotités de réserves disponibles en très net recul (7,1 % actuellement) ».
Sophie Susterac évoque la souplesse de l’offre puisque, « à la différence des lignes de découvert, il n’y a pas de plafond et que, en fonction de la connaissance de nos clients et de leurs propres clients, nous pouvons financer au-delà des limites fixées par l’assureur-crédit ».
Qu’en est-il lorsqu’on se développe à l’international ? « Il est certain que les PME sont mal outillées pour gérer les risques à l’international, souligne Franck Lemoine. En ce qui concerne Pouey, poursuit-il, notre rayonnement à l’international, en direct ou à travers des partenaires, nous permet de mener des enquêtes en cinq à dix jours, de manière à proposer une garantie appropriée à notre client, ou au contraire, de l’inciter à ne pas conclure la vente envisagée ». Dans tous les cas, une assurance-crédit semble plus indispensable que sur le territoire français.
Davantage de précautions à prendre à l’international
L’affacturage international permet aussi, intervient Sophie Susterac, de sécuriser le poste-clients dans un contexte plus compliqué, « en externalisant la gestion du compte-clients, ce qui est plus important encore dans les relations internationales, alors que les procédures de recouvrement sont souvent complexes ». Sans compter l’obtention de financements alors que les opérations à l’international sont gourmandes en cash.
Assiste-t-on à une augmentation du nombre des factures achetées à l’export ? Sophie Susterac reconnaît que, de ce point de vue, le CA cédé par les exportateurs français est relativement stable. En revanche, elle note « une forte progression de l’affacturage international lié au financement des filiales à l’étranger ».
Quoi qu’il en soit, si les techniques nouvelles, telles que celles de l’IA, facilitent beaucoup de choses, elles sont une source d’inspiration pour les fraudeurs : faux comptes, voire usurpations de comptes existants… les exemples cités par Franck Lemoine sont nombreux. Par exemple, une vérification opérée par Pouey sur une demande de garantie d’un client allemand pour un montant de 200 000 euros en marchandises. Le site de livraison se trouvait sur « le parking d’un établissement de commerce spécialisé ». Le commanditaire avait contrefait le bilan d’une société basée à Perpignan !
Soigner la préparation des factures
A un moment précis, malheureusement, le paiement ne se fait pas dans les délais, et surtout traîne. Et là, cela se complique. « Surtout pour une TPE– PME, commente Franck Lemoine, qui n’a ni le temps, ni au surplus les connaissances juridiques pour le faire ». Et obtenir une ordonnance d’injonction de payer, complète-t-il, prend beaucoup de temps car les tribunaux sont engorgés. « En tout cas, n’ayez pas peur de perturber la relation client, en réclamant bien sûr avec tact, votre dû, conseille-t-il, mais vous aurez certainement parfois besoin de faire appel à un spécialiste–société de recouvrement–ou avocat ».
Avant d’en arriver là, « maîtrisez le suivi de votre compte-clients et appuyez-vous sur un logiciel de recouvrement, en tout cas un logiciel de gestion », suggère Charles Foucque. « En effet, poursuit-il, un logiciel de facturation en mode SaaS, comme par exemple celui de Seqino, permet d’établir des factures structurées, comportant des champs obligatoires étendus ».
Une évolution majeure va amener des changements substantiels le 1er septembre 2026, et évidemment il convient de s’y préparer rapidement. Il s’agit de la transmission obligatoire de factures sous forme électronique. L’idée de l’administration est essentiellement d’ordre de contrôle fiscal.
Comment cela va-t-il se passer ? Contrairement à ce qui était prévu initialement, vous ne pourrez pas les faire transiter vousmême par un portail gratuit de l’Etat, qu’on avait nommé PPF. « Tôt ou tard, l’Etat aurait été amené à retirer ce dispositif, car il aurait créé des problèmes », estime Emmanuel Millard. Comment faire dès lors ? Eh bien, vous passerez par une plate-forme privée, nommée PDP. 70 sont immatriculées à ce jour, mais elles sont en attente d’une homologation définitive. C’est le cas précisément de Seqino qui a noué un partenariat avec Pouey sur ce plan.
Les banques ont également demandé l’agrément pour être des PDP. C’est le cas de la maison-mère de Factofrance, Crédit Mutuel Alliance Fédérale, dont la filiale Euro-Information a créé sa propre PDP, signale Sophie Susterac.