Le télétravail aura atteint des sommets d’utilisation cette année. Peut-on considérer que cette embellie sera durable ? Est-ce la panacée ? Nous nous sommes entretenus avec Emmanuelle Capiez, DRH monde d’Assystem sur leur pratique du télétravail pendant la crise sanitaire du printemps et le dispositif mis en place dans son entreprise. Nous retraçons, ci-après, en substance, notre échange.
Assystem est une ETI française de belle taille – 6 000 collaborateurs environ – née il y a une cinquantaine d’années, toujours détenue et dirigée par son fondateur, Dominique Louis. C’est un groupe international d’ingénierie, dont l’activité repose sur deux piliers principaux : d’une part les projets du domaine de l’énergie, nucléaire en particulier, avec de très belles références clients comme EDF, CEA, Rosatom… et d’autre part également autour des infrastructures de transport et du bâtiment (SNCF, Société du Grand Paris…).
Cette activité est largement internationalisée, à 40 % du CA, avec une présence dans de nombreux pays. 2 000 collaborateurs d’Assystem travaillent ainsi hors de France. Ce sont les 4 000 qui exercent en France qui sont concernés par les questions figurant en préambule.
« Notre fonctionnement est celui d’un grand groupe, mais notre culture d’entreprise est ancrée dans une grande proximité, une forte agilité aussi bien vis-à-vis de nos clients que de nos collaborateurs », souligne d’entrée Emmanuelle Capiez. C’est peut-être ce qui a fait – « car cela correspond à des demandes », qu’un accord sur le télétravail existait déjà dans l’entreprise avant l’irruption du Covid 19. Cela dit, il était loin d’être généralisé, et ne s’appliquait que pour les postes compatibles et à raison d’un à deux jours par semaine.
La crise sanitaire et le confinement décidé par les autorités en mars dernier ont évidemment alors tout changé. « Nous sommes passés en télétravail cinq jours sur cinq pour 80 % de ces collaborateurs pour lesquels ce dispositif était possible, car pour 20 % d’entre eux, les contraintes techniques (fermeture de sites clients) ou celles liées à la gestion de données confidentielles ont exigé une mise au chômage partiel », expose Emmanuelle Capiez.
Faire face au risque d’asocialisation
L’asocialisation et la baisse de l’émulation créées par l’absence de contacts humains directs peuvent peser sur le moral, et donc les performances de certains salariés, qui font face, comme le souligne la DRH d’Assystem, à un contexte familial ou de logement peu favorables. Consciente de ces difficultés, le directeur général et elle-même organisaient chaque semaine une conférence sur le web, ouverte à tous sur la base du volontariat. « Cela nous permettait d’échanger sur les protocoles sanitaires mis en place, plus généralement les décisions prises pendant cette période, car nous ne voulions pas laisser nos collaborateurs dans l’isolement, extrapole Emmanuelle Capiez. Les managers furent accompagnés régulièrement également par la direction, en particulier quant à la fonction des salariés et à la communication à distance », ajoute-t-elle.
Au-delà de ces échanges, un travail important a été effectué pour que les collaborateurs accèdent facilement à tout – informations ou documents, qui pourraient les concerner. « L’exercice s’est avéré périlleux, reconnaît Emmanuelle Capiez, car nous étions sans arrêt obligés de modifier ces décisions en fonction des directives gouvernementales. ».
Retour à un télétravail partiel
Manifestement, la gestion de la crise sanitaire a été appréciée chez Assystem puisque, illustre la DRH, le baromètre social [de satisfaction] réalisé tous les deux ans, a démontré un bon niveau de satisfaction des collaborateurs, « avec une note moyenne de 8/10 ».
D’autre part, Assystem a bénéficié, contrairement à bien d’autres sociétés, d’un rapide retour à la normale de ses activités après le confinement. Quoi qu’il en soit, les collaborateurs ont repris le travail, pour ceux qui étaient en chômage partiel, par exemple sur les sites où ils exercent leur métier. Certains projets de développement à l’international sont freinés, en premier lieu par l’absence de possibilités aisées de déplacement.
Cette expérience de télétravail pendant le confinement a été donc plutôt positive. Va-t-on vers une extension de ce dispositif, par rapport à son utilisation antérieure au confinement ?
Emmanuelle Capiez confirme que cette organisation de travail en alternance de présentiel va s’inscrire dans la durée en continuité de l’accord Télétravail signé dans l’entreprise. Pour les postes qui sont « éligibles », le volontariat sera toujours de mise. Elle projette une augmentation vraisemblable du nombre de personnes concernées. Mais, prévient-elle, « nous resterons dans une fourchette basse du nombre de journées télétravaillées, soit une ou deux par semaine, comme auparavant. En effet, poursuit-elle, l’isolement est pesant pour certains, sans compter les difficultés matérielles pour beaucoup ». C’est pourquoi certains collaborateurs, dont l’autonomie est moindre – par exemple les jeunes ingénieurs pendant leur première année d’embauche – n’ont pas accès au télétravail, même si leur poste en tant que tel est éligible.
Le télétravail partiel est cependant apprécié par certains collaborateurs, car il diminue le temps de déplacement, le stress… Il convient donc qu’il fasse partie de la palette des possibilités chez Assystem, et sans doute ailleurs.
Vincent Gardy