Le Pérou est revenu dans l’actualité avec la libération controversée de l’ancien président Fujimori - précédemment, lourdement condamné, et qui a bénéficié d’une grâce médicale, puis avec la visite du Pape en janvier. Si l’adage « ce n’est pas le Pérou » est bien connu de tous, le pays l’est en fait beaucoup moins, en tous cas en termes de puissance économique. C’est pourquoi nous avons estimé utile de vous apporter un éclairage synthétique à ce sujet.
Le Pérou compte environ 32 millions d'habitants. Ce n'est donc évidemment pas un mastodonte, mais tout de même une puissance moyenne en Amérique latine. La croissance y a été soutenue ces dernières années, malgré, évidemment, un ressac au début de la présente décennie. Dès 2014, la progression du PIB s’est installée à nouveau, atteignant un pic à +3,9 % en 2016, puis environ 3 % en 2017, peut-être un peu moins.
L’environnement des affaires, classé B par la Coface et ressorti au 54e sur sur 190 dans l’enquête 2017 « Doing Business » est plutôt favorable. La corruption est modérée, tandis que les tracasseries administratives ont été minorées par le gouvernement du président Pablo Kuczynski, arrivé au pouvoir en juillet 2016.
La TVA a été réduite pour pousser la consommation, et certaines charges fiscales des entreprises ont été diminuées. Le but principal de cette dernière série de mesures est de dégonfler la baudruche du secteur informel, qui pèse pour les trois quarts du PIB.
Les niveaux de l’inflation (2,5 % en 2017), des comptes courants (à peine plus de 3 % de déficit) sont très raisonnables. Quant au rapport de la dette publique au PIB, il fait rêver (26 % environ en 2017 !). Profitant d'une situation favorable de ce point de vue, le président Pablo Kuczynski a fait accepter par le Parlement une dérogation temporaire jusqu’à 2021 du niveau de déficit maximal fixé constitutionnellement à 1%. Il s’agit de stimuler ainsi le secteur privé non-minier et d’améliorer le climat des affaires.
Le Pérou n’est pas à proprement parler un pays pauvre. Son PIB par habitant ressort à 6167 US $. Cependant, d’importants ilôts de pauvreté subsistent dans les Andes et les zones amazoniennes en particulier. Plus de 20% de la population vit encore en-dessous du seuil de pauvreté admis internationalement.
Quoi qu’il en soit, le Pérou dispose de plusieurs points forts, relevés par Coface dans son analyse 2016, outre ceux évoqué ci-après. En vrac, citons la bonne santé du système bancaire, l’attractivité touristique, d’importantes ressources minières en cuivre dont de nouveaux gisements sont entrés récemment en exploitation, mais aussi en argent, zinc, or… ainsi qu’halieutiques ou énergétiques.
L’appartenance à l’Alliance Pacifique vient conforter ces points forts, et favorise la persistance d’un fort potentiel de croissance. En revanche, plusieurs points noirs sont signalés par Coface, comme la dépendance à la demande mondiale de matières premières, et par voie de conséquence aux besoins chinois ; un climat et une sismologie qui peuvent jouer de mauvais tours aux Péruviens ; l’importance de la culture de la coca, des infrastructures de santé et d’éducation déficientes. A ce dernier égard, l’ampleur du secteur informel ne favorise pas la formation des travailleurs.
Cela étant, la croissance péruvienne est « l’une des plus dynamiques de la région », relèvent encore les experts de Coface.
Elle est portée par une augmentation modérée de la consommation, favorisée par l’amélioration du pouvoir d’achat, ainsi que par des investissements dans certaines infrastructures comme celles de l’assainissement et de l’eau potable, ou encore… de la construction de prisons.
Parallèlement, des efforts sont faits en matière d’éducation.
L’agriculture, pourvoyeuse de ressources non négligeables à l’export, est en pleine modernisation, tandis que, toujours dans le secteur primaire, cette fois dans les mines, les infrastructures sont améliorées, et même de nouveaux sites mis en exploitation.
Notons que la fin – provisoire – du phénomène El Niño va permettre aussi aux Péruviens de respirer – au sens propre comme au figuré.
Cependant, les experts considèrent que les investissements – en particulier dans le secteur privé, demeurent encore insuffisants, étant au demeurant plutôt orientés globalement à la baisse.
Des IDE en berne
Un recul régulier des IDE depuis 2012 aggrave la situation du point de vue des investissements. En effet, après avoir atteint cette année-là un niveau record, les flux de capitaux en provenance de l'étranger ont reculé constamment depuis, à l'instar de la presque totalité de l’Amérique latine il est vrai.
Malgré tout, le cadre juridique et fiscal qu'on peut juger attrayant, en matière de rapatriement de dividendes en particulier – permet au Pérou de demeurer le quatrième pays récepteur d’IDE en Amérique du Sud. Seuls le devancent le Brésil, la Colombie et le Chili.
Malgré tout, les IDE reçus en 2016 avaient accusé une nette baisse, à 6,86 milliards de dollars US contre 8,27 en 2015, selon la CNUCED. Cette tendance défavorable devrait persister jusqu’en 2019.
Sans grande surprise, l’Espagne est le premier investisseur étranger, devant le Royaume-Uni. Les Etats-Unis figurent non loin derrière, tandis que les Pays-Bas, mais aussi les voisins colombien et chilien sont également très actifs. L’industrie minière, les communications, les finances, l’industrie et l’énergie sont les secteurs les plus courtisés de ce point de vue.
Outre une politique non restrictive sur les dividendes, ainsi que nous l’avons indiqué supra, les investisseurs trouvent sur place des conditions salariales favorables par rapport à celles des pays voisins.
La consolidation de l’Etat de droit, malgré de gros efforts dans la lutte contre la corruption mériterait quand même d’être encore amplifiée, alors que le président Kuczynski a mis l’accent sur le développement de l’économie. On attend dès lors également un abaissement des barrières douanières.
Commerce extérieur : une reprise post El Niño
Le phénomène El Niño a des retentissements importants sur l’agriculture péruvienne, par conséquent sur sa production et ses capacités à exporter. Lorsqu’il se termine provisoirement, la situation du pays des Incas s’améliore, dopée par des exportations plus dynamiques.
Conjuguée à la hausse parallèle de la production et des exportations de cuivre, le retour à un climat moins extrême aura ainsi contribué à améliorer les comptes extérieurs péruviens en 2016, puis en 2017. A vrai dire, ces comptes sont équilibrés en règle générale. Sans doute une consommation loin d’être frénétique y est pour beaucoup.Evidemment, le prix des matières premières, en particulier celle du cuivre, ainsi que le comportement de la devise locale, le « nuevo » Sol, alors à la hausse, a permis en 2015 au Pérou de réduire la valeur de ses importations de 5,1% en valeur (mais +8 ,6% en volume) alors que l’achat de biens de consommation a pris 5,8% en volume. Il est vrai que celui des biens d’équipement reculait de 11,6 %, ce qui n’est en revanche pas franchement bon signe.
Les principaux fournisseurs du pays andin étaient en 2016 la Chine (22,8 % du total), les Etats-Unis (19,6 %), puis, le Brésil (5,9 %), le Mexique (4,6 %), ou encore la Corée du Sud (3,6%). La France est loin derrière avec 0,9% d’un total de 36,1 milliards de dollars en 2014.
Les ventes de la France au Pérou sont très diversifiées. Cependant, quelques postes ressortent légèrement de l’ensemble. Tout d’abord nos exportations de matériel militaire du type munitions au sens large (mines, missiles, grenades, cartouches…) pour 8 % du total. Le domaine de la santé – animale ou humaine – prend plus de 9 % (médicaments, sérum, sang humain ou animal…). L’appareillage électrique dépasse quant à lui les 5 %, tandis que les biens d’équipement en matière aérodynamique (turboréacteur…), nous ont apporté 4,1 % de notre CA en 2016.
Un commerce extérieur péruvien équilibré
L'effet de change favorable a donc contribué à ce que les comptes extérieurs péruviens passent légèrement dans le vert en 2016, d'autant que les exportations ont eu le vent en poupe, en volume et surtout en valeur (+16,5 %), grâce à la bonne tenue des ventes de cuivre (+24,4 %) et d’or (+16,5 %).
Les produits du secteur primaire représentent 70 % du total. Notons que le Pérou regorge de minerais précieux, dans tous les cas forts utiles à la production industrielle (premier producteur d’or, de plomb, et d’étain en Amérique latine, sans compter l’argent, le zinc…). Les hydrocarbures ne sont pas non plus à négliger dans les exportations péruviennes.
Du côté de l’agriculture et de la pêche, notons l’essor du café, ou encore de la farine de poisson. Le textile, la confection, la chimie et l’agro-alimentaire représentent 30 % des ventes. Celle-ci s sont conditionnées par la demande régionale, et ont donc souffert ces dernières années du marasme ambiant en Amérique latine.
Eu égard au spectre des exportations péruviennes, on ne s’étonnera pas que la Chine soit le premier client du pays andin (23,4%, devant les Etats-Unis (17,2%)… et la Suisse (7,1%). Puis viennent le Canada (4,7%) et la Corée du Sud (3,8%). La France n’arrive qu’en 24e position parmi ses clients (0,7% du total des exportations péruviennes).
Nos achats ressortent principalement du domaine agro-alimentaire (fruits) ou encore de la pêche (mollusques, crustacés…) de conserves ou assimilées, et puis évidemment des cafés ou des produits dérivés, pour respectivement 17,6%, 13,2%, 10,7% et 5,9%. Les hydrocarbures comptaient pour 10,8% du total en 2016.
Les échanges extérieurs péruviens sont ainsi repartis à la hausse après une chute sensible depuis 2012. Ils étaient passés de 88,5 milliards de dollars en 2012 à 71,5 milliards en 2015, avant de remonter à 72,4 il y a deux ans.
Les experts du Trésor français apprécient favorablement cette évolution des comptes extérieurs du Pérou. Ils estiment que l'excédent commercial devrait s’accentuer, tant bien sûr que les prix des matières premières et la conjoncture mondiale vont dans le même bon sens. Ce solde commercial positif soutient une croissance qui tend cependant à être moins tonique, même si l’on reste au-dessus de 2 %.
Les spécialistes du Trésor français pointent également du doigt la trop grande dépendance géographique du commerce extérieur du pays andin vis-à-vis de la Chine et des Etats-Unis, ainsi que la baisse sensible de l’investissement public en 2017.