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Etats-Unis : un marché difficile mais attractif, les atouts du grand New York

Notre part de marché dans les importations aux Etats-Unis (1,7%) est relativement faible. La France n’est que le huitième fournisseur mondial des US et le troisième européen, derrière l’Allemagne et le Royaume-Uni.

Cependant, compte tenu de la puissance des Etats-Unis et du montant de leurs exportations (2900 mds USD en 2017), le montant de nos ventes est significatif en valeur absolue – 34 milliards d’euros, soit 7,3% des exportations françaises totales.
Nos trois premiers secteurs d’exportation étaient l’an dernier pour un quart les matériels de transport (avions, navires…), devant les machines et équipements (18,4%) puis l’agro-alimentaire (12,4%). L’an dernier, l’agro-alimentaire précisément (+4,9%), et surtout les produits chimiques, parfums et cosmétiques (+11%) avaient le vent en poupe.
Notons que les entreprises de l’industrie pharmaceutique réalisent 10% de leurs ventes totales à l’étranger dans le pays de Washington. Ces exportations sont d’ailleurs pour une bonne part le fait… de filiales US en France !
Notre part de marché globale est restée relativement stable en 2017, en dépit d’une croissance totale soutenue – de 5%– des importations US. Nos échanges croisés de biens et de services représentent désormais environ 120 milliards d’USD selon Eurostat. Les filières de l’énergie et de l’aéronautique correspondent pour un tiers à ces échanges. Notre balance commerciale est souvent excédentaire – fait notable à souligner. En 2016, elle atteignait 3,6 milliards de dollars. Cet écart positif est principalement dû aux performances de nos secteurs des vins et spiritueux (+3,2 milliards d’USD) ou de la parfumerie-cosmétique (+1,1 milliards d’USD), à parité avec la pharmacie.
En revanche, nous enregistrons un déséquilibre pour ce qui est des machines et matériels électriques ou électroniques (2,5 milliards d’USD), de l’aéronautique (1,7 milliard) ou encore de l’énergie (1,6 milliard).

Retour d’estime pour New York et le Texas

Le Texas et la Californie « sont au cœur de la relation commerciale transatlantique », affirme, chiffres à l’appui, Business France. Le Texas est le premier exportateur de biens vers notre pays – industrie du pétrole aidant – et la Californie le premier importateur de l’Hexagone. 24 000 entreprises françaises sont à l’origine de nos ventes au pays de Appalaches – nombre significatif puisque représentant environ 20% de celles qui travaillent à l’international.
Les IDE croisées sont très importantes également. Notre stock aux Etats-Unis s’élevait à 251 milliards d’USD en 2015, dont 106 dans l’industrie, soit en cinquième position derrière le Royaume-Uni (569 milliards), le Japon (414), le Canada et l’Allemagne (318 milliards). Les 4800 filiales d’entreprises françaises emploieraient actuellement près de 600 000 personnes aujourd’hui. La réciprocité est quasi à l’identique, puisque 4600 filiales d’entreprises américaines dans l’Hexagone feraient travailler un peu moins de 500 000 salariés chez nous. On parle toujours de la Californie et de sa Silicon Valley et de nouveau du Texas avec le gaz de schiste. Cependant, d’autres zones sont à considérer avec attention, selon les secteurs où l’on souhaite se positionner.
Nous avons souhaité cette fois-ci porter notre attention sur le Grand New York (New York, New Jersey et Connecticut) principalement axé sur les services, l’innovation, la haute technologie, la pharmacie et la distribution de gros.


Henri Baïssas : il faut des références et un bon marketing !

Nous nous sommes entretenus avec Henri Baïssas, directeur de la zone Amérique du Nord à Business France, sur les opportunités et les freins d’une implantation aux Etats-Unis, en particulier dans la région de New York.

Conquérir : Pourquoi et comment faut-il aborder les Etats-Unis ?

Henri Baïssas : C’est un territoire immense et un marché colossal. C’est pourquoi il faut s’y intéresser dans le cadre du développement de son entreprise, en ayant en ligne de mire une implantation, car les exportations classiques ne resteront que ponctuelles sans cela. Bien entendu, il faudra choisir avec soin son point de chute de départ, d’où l’on pourra rayonner ensuite…
Il faut observer à cet égard que l’on peut définir à grands traits trois grandes zones d’attractivité aux USA.
Tout d’abord la côte est, autour de New York en particulier, qui concentre 110 millions d’habitants et qui a l’avantage d’une relative proximité avec l’Europe. Nous y reviendrons plus en détail ensuite.
En deuxième lieu, la côte ouest, avec à peu près 50 millions d’habitants et un PIB quasiment identique à celui de la France. Cette région se caractérise par son ouverture à l’innovation, et par l’importance qu’y ont pris les techs…
Enfin, ce que j’appellerais les USA du milieu, que je schématiserais en deux sous-zones :
La partie nord, ancien cœur industriel, en particulier de l’automobile, qui a souffert, à l’image de Detroit, mais qui demeure cependant un pôle significatif.
La partie sud, qui, elle, se développe rapidement dans le secteur industriel autour de Mobile (Alabama) où l’on remarque par exemple l’implantation d’Airbus. Et autour d'Atlanta (Georgie) et des Etats voisins avec, entre autres, ses usines automobiles (BMW en Caroline du Sud notamment).
Ces zones brossées à grands traits représentent des marchés à aborder d’une manière différenciée en termes de comportement par rapport à l’innovation.

Conquérir : Sur quels critères se fonde-t-on pour choisir telle ou telle région que vous avez mentionnée ?

Henri Baïssas : Cela dépend essentiellement de l’activité que l’on souhaite y développer. Ainsi, si l’on est une smart industrie, on ira plus volontiers vers le centre des Etats-Unis (Chicago, Atlanta…). Pour la mode et les médias, la côte est reste en revanche un marché de prédilection. C’est là où se trouvent les principaux donneurs d’ordre en la matière.
Quant aux starts-up, c’est dans la région de San Francisco et la Silicon Valley qu’on les trouve toujours en plus grand nombre. Cependant, le flux vers New York est désormais supérieur à celui vers la Californie…

Conquérir : …pourquoi ce revirement ?

Henri Baïssas : Il y a plusieurs raisons à cela. J’en évoquerais principalement trois :
Tout d’abord la vraie émergence d'un écosystème tech sur New York.
Ensuite, la relative proximité de la côte est par rapport à l’Europe.
Enfin, des coûts salariaux ou d’implantation relativement moindres…

Conquérir : …relativement ?

Henri Baïssas : Relativement, car la fiscalité new-yorkaise, les coûts salariaux… sont quand même très élevés. Pour engager et retenir des collaborateurs qualifiés, il faut les payer cher, car le turn-over est élevé. Le rapport à cet égard est d’environ deux à trois par rapport à la moyenne française. Dès lors, une implantation dans la région de New York est uniquement opportune pour des entreprises de haute technologie ou service à forte valeur ajoutée. Si l’on produit des biens de consommation et que l’on a besoin d’entrepôts de logistique, de surfaces de stockage… mieux vaut aller à Miami ou à Atlanta, voire encore à Philadelphie. Pour les véhicules automobiles autonomes par exemple, le Michigan fera davantage l’affaire… et ainsi de suite.
Quant à New York, c’est une bonne idée pour les éditeurs de solutions. People Doc y a, par exemple, très bien réussi.

Conquérir : Quelques mots sur l’implantation française dans la région de New York ?

Henri Baïssas : Nous évaluons le nombre d’entreprises françaises implantées sur place à 500, essentiellement dans les métiers de services, mais aussi les starts-up, et avec 200 sociétés de la french tech qui y préparent leur décollage mondial.

Conquérir :  Quand et comment sauter le pas vers les Etats-Unis ?

Henri Baïssas : Les USA sont tentants, le marché est fabuleux. Beaucoup d’entreprises tricolores y réussissent et rebondissent ensuite ailleurs après s’être frottées à ce marché très exigeant. Cependant, réussir aux Etats-Unis suppose trois préalables.
D’abord posséder un véritable atout différentiel marketing, qui permettra de se démarquer de la concurrence. Ce qui suppose de bien connaître le marché.
Ensuite, disposer de références sur le marché français, qui « parlent » au marché américain. Je pense à cet égard à un éditeur de solution de e-procurement destinée aux acheteurs, IValua qui a fait venir un client français connu outre-Atlantique pour convaincre de grandes entreprises américaines. Quant à PeopleDoc, elle a mis en avant comme référence Starbucks qui était pourtant un client relativement modeste pour elle en France, mais qui est un nom qui évidemment résonne aux oreilles des Nord-Américains.
Enfin, il faut donner des gages de pérennité de son implantation aux Etats-Unis, en ayant une vision à quelques années de son développement. Moyennant quoi, la rentabilité est souvent là, avec parfois un démarrage moins rapide que prévu, mais souvent des accélérations tout aussi inattendues par la suite.

Propos recueillis par Alain Gazo