Relativement discret, le Vietnam a su tracer son chemin ces dernières années, en épousant à bien des égards la stratégie de la Chine : celle du communisme libéral sur le plan économique. Si, sur le plan de la démocratie telle que nous la concevons, le compte n'y est pas, en tout cas force est de constater que sur le plan de l’économie, la réussite est là.
Et surtout en 2020, la croissance était au rendez-vous, un peu plus même que celle de l'Empire du Milieu (2,8 % contre 2,4 %). Certes, on est bien en dessous de la moyenne de 6,8 % enregistrée ces deux dernières décennies. Mais, cela demeure un bel exploit. Quelles sont les raisons de ce succès ? Elles sont naturellement multiples, et sont principalement le résultat d’un travail de longue haleine, entamé en 1986, avec l'abandon du projet communiste traditionnel. Essentiellement centrée historiquement sur l'agriculture – 18 % du PIB aujourd'hui – principalement la riziculture et les produits de la pêche, l'économie vietnamienne s'est alors orientée vers l’industrie (37 %) puis les services (45 %). Parmi ces services, ceux liés aux tourisme (hôtels, restaurants, lieux de loisirs…). 2020 a été très négative pour ces activités, comme partout ailleurs dans le monde.
Une industrie dynamique
En revanche, l’industrie s’est très bien portée. Tout d’abord parce que la pandémie a été très bien contrôlée. Dès lors, l’économie a pu repartir rapidement, après un court temps d’arrêt. Le Vietnam a donc bénéficié d’un report d’importateurs vers lui – on pense aux ordinateurs ou à la téléphonie par exemple. Signalons à cet égard que le Coréen Samsung représente 25 % des exportations. Une autre raison de cette belle performance, c'est le conflit commercial sino-américain, avec son lot d’augmentations de taxes à l’importation, qui amène les opérateurs à revoir leur sourcing. Pour la suite, les observateurs spécialisés sont très optimistes pour ce pays-phare de la péninsule indochinoise, puisqu’une croissance de 6,7 % est prévue pour 2021 par Credendo, l'assurance-crédit belge (moins que les 8,1 % envisagés en début d’année en Chine, mais plus que dans bien des Etats de l'Asie du Sud-Est et de l’Est). Les fondamentaux sont en outre satisfaisants, avec un déficit budgétaire annuel contrôlé (moins de 6 % en 2020, année très compliquée par essence) et une dette publique à «seulement » 46,6 % du PIB. Quelques faiblesses – il en faut bien – sont cependant pointées par Credendo, dont un manque de transparence publique en dépit des efforts réalisés ces dernières années ainsi que la vulnérabilité du secteur bancaire. Les banques d'Etat devraient d'ailleurs prochainement être recapitalisées, selon les experts. Du côté des forces, la perspective de relations américano-chinoises durablement affectées par leur conflit commercial, mais aussi géostratégique, devrait favoriser les IDE entrants. Ces IDE pourraient se porter sur des productions industrielles désormais davantage diversifiées et de plus haut de gamme.
Cette montée en gamme va de pair avec l’enrichissement progressif de la population. Si, aujourd’hui, la classe moyenne représente 13 % du total, elle devrait monter à 45 % d’ici une quinzaine d’années. Le PIB par habitant, actuellement de 2 540 USD, devrait suivre peu ou prou cette courbe ascendante. Un PIB dopé par les exportations Le PIB vietnamien est alimenté par une forte croissance du commerce extérieur – et particulièrement des exportations – sur le long terme. Ces exportations ont augmenté de 7 % en 2020, atteignant 282,7 milliards d’USD, tandis que les importations
– dynamiques également en raison de la hausse de la demande de produits médicaux mais aussi électroniques – se montraient cependant un peu moins toniques, à 262,7 milliards d’USD. Du coup, l'excédent commercial, déjà élevé, a presque doublé de 2019 à 2020, atteignant 20 milliards d’USD. Rappelons que le commerce mondial a, pendant ce temps, fléchi d’environ… 10 %. Notons d'ailleurs que les échanges commerciaux du Vietnam ont plus que triplé en huit ans !
Il est intéressant de signaler que les entreprises étrangères installées sur place exportent deux fois plus que les entreprises locales. Les ventes vietnamiennes sont principalement assises sur le secteur manufacturier, avec une volonté des autorités, comme dans d’autres pays émergents, de monter en gamme. On observe du reste que les produits manufacturés à moindre valeur ajoutée (textile, vêtements, chaussures) ou encore les produits agricoles, ont cédé du terrain, face à ceux à plus grande valeur, comme les mobiles Samsung en particulier. Mais, on remarque aussi les ventes d’ordinateurs et d’accessoires. Le téléphone (18 %) et les ordinateurs ou composants associés (15,8 % du total) se taillent la part du lion. Les USA… premier client Les Etats-Unis, faisant fi de la période de guerre, ont trouvé en ce pays de l’ancienne Cochinchine un rempart contre le quasi ennemi chinois. C'est vrai sur le plan politique. Cela l’est à coup sûr aussi sur le plan commercial, puisque les Etats-Unis demeuraient en 2020 le premier client du Vietnam, avec 77 milliards d’USD et 27 % du total. La Chine et l’UE à 27 arrivent ensuite, avec respectivement 48,9 et 40 milliards d’USD. L’Asean ne figure qu’à la 4e place, à 23,2 milliards d’USD, un montant en baisse de 8,7 %, au lieu d’une augmentation de 25,4 % vers les USA. Du côté des importations, leur structure est corrélée avec les nécessités d’une économie essentiellement exportatrice. Dès lors, les produits indispensables à la fabrication et à l’assemblage de produits électroniques et textiles destinés à la revente à l’extérieur prédominent.
En tête de gondole, les ordinateurs, produits électroniques et accessoires (64 milliards d’USD, en forte hausse). Viennent ensuite les machines, équipements et accessoires (37 milliards d’USD), les téléphones portables et accessoires (16,6), puis les tissus (11,9). Les pays asiatiques – toutes zones confondues – dominent nettement le marché, avec 70 % de pénétration. En premier lieu, vient la Chine (32 %), devant la Corée du Sud (18 %). Les échanges franco–vietnamiens demeurent faibles, alors que l’Indochine fut un des fleurons de notre empire colonial. Nous sommes le 18e client de notre ancienne colonie (1,17 % des exportations vietnamiennes, selon les données douanières locales), et en contrepartie son 20e fournisseur (0,58 % de parts de marché). Tout cela en 2020, où l’arrêt des livraisons d’avions a pesé sur nos ventes (-39,7 %). Le déficit commercial s’est donc creusé de 7,2 % à 3,3 milliards d’euros, malgré la belle performance de nos exportations de produits pharmaceutiques (+14 %). Afin de fournir des indicateurs plus valables sur le long terme, nous citerons les chiffres de 2019. Le Vietnam était alors notre 45e client (1,6 milliard d'euros) et notre 22e fournisseur (5,6 milliards d'euros). Ce qui implique un lourd déficit de 4 milliards d'euros.
Nos ventes se concentraient sur quatre secteurs principaux : – Les matériels de transport (quasi exclusivement l'aéronautique avec 616 millions d'euros). – Les produits pharmaceutiques (263 millions), donc encore en hausse en 2020. – Les équipements mécaniques, le matériel électrique, électronique et informatique, dont une bonne part de machines industrielles et agricoles. – Enfin les produits des IAA (162 millions d’euros). Si l’on y ajoute les produits agricoles, on arrive au « score » honorable de 12 %. Quant à nos IDE, ils sont en revanche loin d’être négligeables, si l’on se réfère au comparatif européen. En effet, nous étions fin 2018 le deuxième investisseur dans ce cadre, mais aussi le 15e investisseur mondial, avec un stock d’IDE de 3,7 milliards d’USD. Deux tiers des investissements français sont fixés dans le domaine des semences, un cinquième dans l'industrie (essentiellement eau, gaz, électricité), 7 % dans l’agriculture, et 5 % dans la distribution (Source : Chambre de commerce et d'industrie française au Vietnam). Les flux commerciaux du Vietnam devraient notablement progresser à l’avenir, en raison de probables nouvelles relocalisations industrielles, mais aussi de futurs investissements liés à de nombreux accords multilatéraux signés par le Vietnam, comme celui avec l’Union européenne, entré en vigueur le 1er août dernier. Le Vietnam a également conclu des accords similaires avec des pays d’Asie-Pacifique (CFTPP), et ses voisins plus immédiats (CRCEP).