Une grande partie du commerce extérieur de la France s’effectue avec les pays d’Europe, spécifiquement ceux de l’UE, et au-delà, avec des Etats majeurs sur le plan économique (USA, Chine, Royaume-Uni en particulier). Dès lors, nos échanges avec l'Amérique latine au sens large sont relativement restreints en pourcentage, ce qui ne veut pas dire que des opportunités n’existent pas à leur échelle pour nos PME–PMI et ETI.
Parmi ces pays d’Amérique latine, le Mexique est un acteur qu’il faut regarder de près. Il est majeur sur ce continent pour la France. L’ancien empire aztèque bénéficie de plusieurs côtés favorables, à commencer par sa démographie (128 millions d’habitants), ses ressources pétrolières, un vrai outil industriel aussi, avec une main-d’œuvre qualifiée. Le revenu de ses habitants est, qui plus est, qualifié par les spécialistes « d’intermédiaire élevé ». Alors, bien sûr, le Mexique est orienté prioritairement vers les Etats-Unis qui, d'une part absorbent, dans le cadre de l’Alena, une grande partie de ses exportations, d'autre part lui procurent des ressources financières à travers le rapatriement de sommes gagnées par l'immigration chez les « Yankees », ainsi que les appellent couramment les descendants d’Espagnols et d’Indiens.
En second lieu, le reste de l’Amérique latine, et bien sûr le Canada, sont des partenaires importants du Mexique. Parmi les Européens, c’est l’Espagne, ancienne puissance coloniale, qui mobilise le plus les échanges. Cependant, notre position dans ces échanges est loin d’être négligeable. Le Mexique était ainsi encore en 2020 notre deuxième partenaire commercial, derrière le Brésil, avec toujours un solde positif, bien que nettement réduit, du fait principalement de la baisse significative de nos livraisons d’aéronefs.
Les exportations temporairement en recul
Alors que nos exportations étaient sur une pente ascendante toutes ces dernières années, et avaient connu une hausse de 6,5 % en 2019, 2020 a été marquée par un recul de 20 % des échanges bilatéraux, essentiellement dû à la faiblesse de nos ventes, puisqu’elles ont baissé de plus de 1 milliard d’euros à 2,6 milliards, tandis que nos importations s’effritaient tout juste à 2,3 milliards.
Nos cinq premiers postes d’exportation constituant plus de 75 % du total sont, dans l’ordre, les matériels de transport, principalement avions, mais aussi matériel ferroviaire – rappelons que la France construisit le métro de Mexico, avec 655 millions d’euros en 2020. Suivaient les produits manufacturés divers (19,8 % du total à 460 millions), les produits informatiques, électroniques et optiques (19,3 % à 447 millions), les équipements électriques et ménagers (6,5 % à 151 millions) puis les machines industrielles, agricoles et diverses, avec 6 % et 138 millions.
Les produits pharmaceutiques, ou encore le poste « produits chimiques, parfums et cosmétiques », viennent assez loin, ce qui laisse entrevoir une réalité bien différente de nos ventes, par rapport à l'Asie par exemple.
Une situation économique plutôt solide
Les spécialistes du crédit export, comme Credendo ou Coface, établissent un bilan contrasté, mais plutôt positif, de la situation économique et politique du Mexique. Pour un investisseur – et nos IDE sont dynamiques, on le verra supra, il est bon de savoir où on met les pieds. Les points forts relevées par Credendo sont, en particulier, une dette contrôlée, la présence d’un secteur manufacturier significatif – le Mexique étant en concurrence avec la Chine, on le sait, comme atelier du monde, surtout pour les Etats-Unis, et sa diversification économique. Le taux de change flottant donne de la flexibilité, tandis que les réserves de change permettent de voir venir. Du côté du revers de la médaille, Coface cite, en particulier, l'insuffisance des infrastructures (transport, santé, éducation), une base d’imposition étroite, ou encore un niveau élevé de corruption dans un contexte de criminalité malheureusement exacerbé.
Le Mexique a connu, comme partout ailleurs, une forte récession en 2020 (-8,5 %) après des années 2018 et 2019 déjà moyennes. Les estimations de croissance pour 2021 se situent dans la fourchette 2,5 % -3 %, à peu près la même chose en 2022. En revanche, les autres indicateurs économiques sont plutôt au vert. Ainsi, le solde public c’est établi à -3,6 % l’an dernier, bien sûr en hausse notable, mais relativement peu en égard à ce qui s’est passé dans la plupart des autres pays du monde. Il devrait se maintenir sur ce seuil en 2021, selon Coface et Credendo.
Le solde courant est même faiblement positif, alors que la dette publique demeure à un niveau assez bien contrôlé (65,6 % du PIB), de même que l’inflation, à 3,3 %.
Un gouvernement aux tendances étatistes
Quoi qu’il en soit, force est de constater avec les experts de Credendo que, bien que le Mexique à ce propos ait été le moins restrictif d’Amérique latine avec le Brésil (on parle plus de ce dernier, n’est-ce pas !) en matière de lutte contre la pandémie, la décroissance y a été plus forte que la moyenne régionale.
Credendo attribue ce surcroît de déficit à la modification des règles du jeu pour les investisseurs, ce qui a engendré un certain attentisme. L’assureur belge énumère un certain nombre d’abandons de projets majeurs : construction d’un aéroport, annulation d’achats d’électricité par système d’enchères… Et puis, bien sûr, l’austérité budgétaire pratiquée par le président Lopez Obrador.
Malgré tout, l’assureur-crédit belge envisage une croissance de plus de 4 % cette année, Coface, étant beaucoup moins optimiste à cet égard. Les experts de Credendo misent sur un impact marqué du méga-plan de relance aux Etats-Unis. L’effet du ruissellement en somme ! Naturellement, l’évolution de la crise sanitaire peut influer notablement sur le résultat final.
Faire des affaires au Mexique, au-delà des problèmes de corruption ou de criminalité, c’est évidemment aussi se prémunir contre les défauts de paiement. On s’attend, en effet, à une hausse des défaillances dans le privé, dans la mesure où le gouvernement de Manuel Lopez Obrador a été parcimonieux dans ses soutiens pendant la pandémie, en les réservant essentiellement aux ménages modestes, donc pas ou peu à des entreprises privées.
Les experts de Credendo mettent également en exergue l’intervention étatique qui peut être nuisible pour leur expansion (révisions de contrats inattendues, augmentation substantielle du salaire minimum en 2021, nouvelles réglementations, collecte d’impôts supplémentaires frappant les grandes entreprises…). En revanche, la reprise du tourisme à moyen terme dopera certains secteurs d’activité et les comptes nationaux. Sur le plan politique, le gouvernement de Manuel Lopez Obrador est moins solide au fil du temps, mais la popularité du président demeure élevée. Le risque politique est considéré comme faible.
IDE : toujours en baisse
Sur l’ensemble de la région Amérique latine, les IDE ont fortement reculé, de 45 % à 55 % en 2020. Si cette chute brutale est en grande partie liée à la pandémie, il convient cependant de relever que ces mêmes IDE avaient déjà reculé notablement de 8 % en 2019 dans les pays de l’Amérique latine. Pour ce qui concerne le Mexique, il demeure à une place élevée dans le classement des récipiendaires d’IDE dans le monde, la 14e, juste derrière la France et devant la Russie en termes d’attractivité. Il s’avère le deuxième Etat d’Amérique latine derrière le Brésil dans ce cadre. Le montant des IDE reçus dans l'ancien empire des Mayas en 2019 atteignait plus de 34 milliards de dollars US. Le stock total se montait à plus de 600 milliards d'euros fin 2019. La France y est le neuvième investisseur, au Mexique, loin derrière les Etats-Unis (47 %) mais aussi l’Espagne (12 %) et le Canada (7 %). Nous arrivons en cinquième position des pays de l’UE. C’est le secteur industriel qui est le plus prisé par les investisseurs étrangers (47 % des flux en 2019), principalement du fait dernièrement de rachats d’entreprises locales, en particulier dans le secteur des infrastructures.
La bonne place du Mexique dans ce concert des destinataires d’IDE serait due, selon les experts du Trésor public français, à ce qu'il est « un des pays émergents les plus ouverts aux IDE ».
Près de 500 entreprises tricolores y sont présentes, dont 38 du CAC 40. Nos investissements, selon les données du Trésor, se montent à plus de 9,5 milliards de dollars US et permettent 150 000 emplois directs (dont 80 % hors de la capitale). Nous intervenons dans des secteurs très variés : aéronautique, automobile, énergie, agroalimentaire, services financiers et d’assurance.
Plus généralement, les IDE réalisés au Mexique le sont essentiellement dans les secteurs suivants : industrie (automobile en premier lieu), télécommunications, numérique et santé. Notons que les services financiers ont été particulièrement percutants de ce point de vue en 2019 (33 % des IDE), moins cependant que les télécoms-médias (61 %). A contrario, les investissements dans le domaine de l’énergie ont lourdement chuté en 2019 (-75 %), l’Etat étant venu au secours de la compagnie pétrolière national Pemex, en difficulté, ainsi que du service public d'électricité.
Ce faisant, il convient de noter que le gouvernement mexicain a bâti fin 2020 un plan d'investissements dans les infrastructures du pays d’un montant de 20 milliards de dollars US. Les secteurs touchés sont prioritairement ceux de l’énergie, des transports et du tourisme. La participation d'investisseurs privés à une partie des projets est prévue. Peut-être donc des opportunités à saisir !
Pour finir ce chapitre Mexique, nous souhaitons souligner que 80 % des exportations mexicaines sont destinées au marché US, phénomène en bonne partie lié au niveau d’intégration élevé de son industrie dans la chaîne de valeur américaine. Le Mexique est d’ailleurs devenu le premier partenaire des Etats-Unis en 2019 (2e client, 2e fournisseur). Son sort est donc grandement lié à la forme économique de son grand voisin.