Dans un univers extrêmement perturbé, l’Afrique n’est pas épargnée par les conflits – latents ou déjà exacerbés. Pourtant, ce continent est porteur de perspectives de croissance forte, à court terme comme à long terme. On a tendance à beaucoup évoquer à cet égard l’Afrique sub-saharienne. Mais il ne faut pas oublier le Maghreb, et singulièrement le Maroc.
Le Maroc jouit du régime le plus stable d’Afrique du Nord depuis de nombreuses années déjà. Bien sûr, il n’est pas exempt de difficultés frontalières. C’est particulièrement le cas avec l’Algérie, en raison du contentieux du Sahara espagnol, mais aussi avec l’Espagne, autour des presidios de Ceuta et de Melilla, réclamés de longue date par la monarchie chérifienne. Peut-être ces tensions vont-elles s’apaiser à l’aune du revirement complet de l’Etat ibérique vis-à-vis du statut de son ancienne colonie. Quoi qu’il en soit, une politique étrangère audacieuse et entrepreneuriale lui a permis de développer son influence dans une partie de l’Afrique, en particulier francophone, sur le plan économique, mais pas seulement.
Le royaume alaouite a également renoué des relations avec Israël, où vivent de nombreux descendants de juifs marocains. Cela devrait non seulement favoriser le tourisme, mais aussi les investissements sur place.
Cela dit, pour l’heure, l’Espagne, son voisin immédiat, et la France, ancienne puissance tutélaire, demeurent les principaux partenaires commerciaux, même si, comme partout ailleurs, la Chine, surtout à l’import, fait plus que pointer le bout de son nez.
A ce propos, même si le Maroc est un pays désormais largement développé, son positionnement encore intermédiaire à cet égard, lui permet, ainsi qu’à des investisseurs, de bénéficier d’aides spécifiques, comme celle de l’AFD.
Coface positionne du reste favorablement le risque « Maroc » au niveau B pour le risque pays et A pour l’environnement des affaires.
Très précautionneux sur le plan sanitaire pendant la crise du Covid, le royaume a pâti d’une rétractation de ses recettes touristiques, qui représentaient ordinairement 12 % de son PIB.
En décroissance, de 6,3 % en 2020, son PIB devrait avoir rebondi de 5,7 % en 2021, selon les estimations de Coface, sans doute un peu moins en raison de la fermeture récente de ses frontières aériennes pendant plus de deux mois. En 2022, les analystes de Coface envisagent pour le pays une croissance modérée de 3 % en parallèle d’une inflation de seulement 1,5 % qui devra, selon nous, être probablement réévaluée.
Le solde public a évidemment pâti, comme presque partout ailleurs dans le monde, de la pandémie, en tous cas des mesures prises pour en limiter les effets sur les populations. Ce solde a atteint -7,6 % en 2020, sans doute -6,7 % en 2021, avec une prévision à -6,5 %, quasiment inchangée en pourcentage, en 2022.
Parallèlement, la dette publique a sensiblement progressé, passant de 64,8 % du PIB en 2019 à 79 % en 2022 (estimation). C’est mieux que chez nous, mais les situations de nos deux pays ne sont évidemment pas comparables. Quoi qu’il en soit, le Maroc bénéficie d’atouts non négligeables. Bien entendu, de sa position proche du marché européen, mais aussi de sa politique économique, en particulier dans le monde de l’industrie, avec une stratégie de diversification accompagnée d’une montée en gamme de sa production.
La communauté internationale est présente pour soutenir ses investissements verts, à hauteur de 300 millions de dollars, à travers deux projets, tandis que son marché finit par devenir significatif et que le pays s’intègre de façon croissante, on l’a mentionné supra, au marché africain.
Tout va-t-il pour autant pour le mieux dans le meilleur des mondes au royaume chérifien ? Quand même pas, malheureusement.
Coface relève ainsi que son économie repose encore beaucoup sur les performances agricoles (12 % du PIB, 30 % de la population active), des performances très liées à la pluviométrie, variable d’une année à l’autre. Des poches de pauvreté demeurent en outre nombreuses et le taux de chômage est encore élevé, surtout chez les jeunes, avec de grandes disparités régionales engendrant çà et là des contestations parfois vigoureuses.
De plus, le Maroc, dont la productivité et la compétitivité demeurent faibles, est en concurrence sur ce plan avec d’autres pays du bassin méditerranéen, comme la Turquie ou l’Egypte. Le roi et son gouvernement ne baissent pour autant pas les bras, bien au contraire. Les investissements sont ainsi stimulés par le fonds ad hoc « Mohammed VI », centré sur le tourisme, le transport et les infrastructures au sens large. A cet égard, un plan « d’accélération de l’industrialisation » pourrait offrir des opportunités au secteur privé. Les IDE, dont 35 % proviennent de France, devraient remonter en 2021, à la faveur notamment de l’implantation sur place d’une usine de fabrication du vaccin chinois.
Par ailleurs, une nouvelle usine automobile – un des points forts du Maroc, va ouvrir à Kenitra, ouvrant la perspective à une augmentation de la capacité de production de véhicules, donc d’exportations. Les exportations de pièces automobiles, mais aussi de produits alimentaires et de phosphate ont été soutenues du reste en 2021. Cela, alors que le secteur du tourisme, demeuré en retrait l’an dernier, devrait reprendre modérément, sauf nouvelle catastrophe bien sûr.
Notons que la dette publique n’était détenue que pour 25 % par des créanciers extérieurs en 2020 et qu’en outre 70 % de cette partie se trouve financée par des créanciers bilatéraux et multilatéraux, ce qui est évidemment rassurant.
Commerce extérieur marocain : de profondes transformations
La structure des exportations marocaines a sensiblement évolué dans les années 2010. « Cela est essentiellement dû à la montée en puissance des écosystèmes industriels, notamment automobile, désormais premier secteur exportateur », rapporte la Direction générale du Trésor. Cela n’empêche pas la balance commerciale du royaume de demeurer régulièrement déficitaire mais évidemment, nous Français, resterons discrets à cet égard !
Pourquoi ces déficits récurrents ? En raison de la nécessité d’importer des produits énergétiques, des intrants pour l’industrie, ainsi que des céréales, en cas de mauvaises récoltes locales. Quoi qu’il en soit, le taux de couverture n’a été que de 57,4 % en 2019, plutôt stable en pourcentage depuis 2010. Les importations ont atteint 491,2 milliards de dirhams cette année-là, et les exportations 282 milliards. Quant aux principales tendances observées au sein des exportations, on voit logiquement une augmentation des ventes de nature industrielle « nouvelle », alors que le secteur manufacturier à faible valeur ajoutée recule – le textile en particulier. Le secteur agro-alimentaire résiste bien.
Si l’on examine plus en détail les postes industriels, l’on remarque une hausse supérieure à la moyenne de l’automobile (écosystème du câblage en premier lieu), ainsi que de l’aéronautique. Le secteur agricole-alimentaire arrive en deuxième position, derrière celui de l’automobile (21,8 % contre 28,4 %). Tandis que le textile poursuit son déclin, le phosphate arrive troisième, avec cependant des performances énergétiques variables selon les années, en fonction de la demande et des cours mondiaux.
L’Union européenne demeure le premier partenaire du Maroc (53,1 % des importations et 66,7 % des exportations). Les deux premiers fournisseurs restent l’Espagne (15,6 %) et la France (12,2 %). Le troisième fournisseur est la Chine (10,1 %) mais l’Inde aussi revient fort.
La « fameuse » UMA (Union du Maghreb Arabe regroupant la Mauritanie, l’Algérie, la Tunisie, la Lybie et bien sûr le Maroc) demeure peu vigoureuse, en raison de relations parfois tumultueuses entre les protagonistes ou de la déliquescence des Etats concernés. La crise sanitaire a montré, d’autre part, la dépendance trop grande de l’industrie marocaine aux intrants provenant d’Europe ou d’Asie. L’idée est évidemment de les produire en interne, avec l’appui du fonds d’investissement stratégique évoqué supra.
France-Maroc : un partenariat fort
Le partenariat entre la France et le Maroc demeure vigoureux malgré l’ouverture accentuée du royaume alaouite au monde. La France est ainsi le deuxième partenaire commercial au Maroc, avec un solde bilatéral restant cependant déficitaire depuis une décennie. Les flux financiers en sa direction sont étoffés, faisant de nous le premier pays en termes de stock comme de flux moyen d’IDE. Le Maroc est d’ailleurs le premier bénéficiaire des financements de l’AFD (Agence française de développement) dans le monde, avec un encours qui s’élevait à 2,4 milliards d’euros à fin juin 2020. Le secteur de l’eau, mais aussi ceux des transports, de l’énergie et de l’équipement industriel sont particulièrement visés par ces financements, comme par les garanties BPI. Notons enfin que les transferts financiers provenant de résidants marocains en France comme des touristes représentent une manne significative.
Sur le plan des échanges commerciaux, nous avons accusé un déficit de 816 millions d’euros en 2019. Le Maroc est notre 19e partenaire commercial – le premier africain. Les principaux postes bénéficiaires en 2019 étaient les produits métallurgiques et métalliques (336,6 millions en 2019), les produits informatiques, électroniques et optiques (205,6 millions).
Les principaux postes déficitaires étaient les matériels de transport (-1343,5 millions d’euros), le textile, l’habillement, le cuir et les chaussures (-646,5 millions), les produits sylvicoles, apicoles et piscicoles (-314 millions d’euros).
La France, premier investisseur étranger du royaume, est présente dans tous les domaines d’activité, mais principalement dans les services (trois quarts du stock). Le premier sous-secteur récipiendaire d’IDE tricolores et celui de la banque et de l’assurance (41,5 %), devant l’immobilier (22,3 %) et en troisième lieu seulement l’industrie (16,7 %). Plus de 950 filiales de sociétés françaises y sont recensées, dont « une trentaine du CAC 40 », selon la DGT.