L’Afrique du Sud apparaît de prime abord comme un pilier solide de l'Afrique subsaharienne. Cependant, la situation n'y est pas si rose malgré un état de développement comparativement plus avancé depuis des décennies. Nos relations économiques avec ce pays sont relativement limitées à l'aune de nos échanges mondiaux. En revanche, si on les rapporte à ceux avec l'Afrique subsaharienne dans son ensemble, elles sont significatives, devant la Côte d'Ivoire sous certains aspects. Il nous a donc paru intéressant de nous pencher sur cet Etat de la pointe du continent.
L'Afrique du Sud a su passer sans trop de casse du système de l’apartheid à un régime dominé par la majorité noire avec une ANC qui s'est maintenue au pouvoir, amenant ainsi une certaine stabilité. Cependant, cet équilibre est fragile. La popularité de l’ANC tend à s’éroder, suite à de nombreux scandales, dont celui de corruption présumée de l’ancien président Jacob Zuma. L’aile extrême de l’ANC veut accentuer les mesures favorisant les populations non blanches (plan Black Economic Enpowerment) en développant les expropriations.
Des émeutes surviennent de temps à autre, favorisées par un chômage de masse - l'assureur-crédit Credendo parle d'un taux de 35 %, ce qui amène à des troubles de nature xénophobe.
Cela étant, si Coface évaluait récemment le risque pays de l’Afrique du Sud à C, ce qui n’est pas bon, l’environnement des affaires est, lui, coté à A4. De fait, le pays du Cap de Bonne Espérance jouit de nombreux atouts. A commencer par des ressources naturelles abondantes (or, platine, charbon, minerais rares), un marché financier développé, et un système bancaire en bonne santé selon Coface. A cet égard, Credendo valorise l'accroissement de la dette publique détenue par les investisseurs nationaux.
En revanche, les aspects négatifs ne doivent pas être occultés. Outre un chômage élevé, la pauvreté toucherait 20 % de la population, créant un climat social délétère (criminalité, grèves…). En dépit d’un taux d’emploi insuffisant, on constate en outre un manque de main-d’œuvre qualifiée. Les autres structures sont souvent insuffisantes en matière de transport ou d’énergie, occasionnant par exemple de fréquentes coupures de courant. L’emblématique électricien Eskom est, du reste, en grande difficulté.
Une croissance de croisière à l’aune des pays européens
La croissance sud-africaine est faiblarde. Elle suit une courbe assez comparable aux pays de l’Ouest européen, voire s’avère un tantinet plus faible. Début 2022, le consensus tournait pour cette année autour de 2 %, après +5,1 % en 2021 et -6,4 % en 2020. En 2021, le rebond a été occasionné par l’explosion des exportations de matières premières, mises sous cloche lors du premier épisode du Covid. L’augmentation des prix a fait le reste. Cette année, les experts pensent qu’il n’en sera pas de même et que la consommation intérieure ne pourra pas prendre le relais, d’autant que le taux d’inflation sera élevé, sans doute de 5 %. Ce qui a amené la Banque centrale, qui est indépendante, à donner un tour de vis monétaire, en relevant récemment son taux directeur à 4,75 %. Le manque, déjà patent –d’investissements, devrait donc se faire encore plus sentir sauf, selon Coface, dans le domaine des énergies renouvelables. Les IDE, par parenthèse, sont faibles. Malgré tout, le solde public (-8 % en 2021 après -10,8 % en 2020) devrait s’alléger à -6,5 % en 2022 selon Coface.
Observons que la dette publique attendrait 73 % en 2022, ce qui nous fait pâlir d’envie, nous Français. Tout cela est bien incertain néanmoins, et très dépendant du niveau de prix des matières premières à l'export, comme à l'import (pétrole), du rythme de reprise du tourisme… Quoi qu'il en soit, les réserves de change restent satisfaisantes (cinq mois environ du montant des importations).
Second partenaire commercial de la France
Nous l’avons dit supra, l’Afrique du Sud est le deuxième partenaire commercial de la France (en Afrique subsaharienne premier client et deuxième fournisseur) et avec un excédent commercial à la clé de 530 millions d’euros (+16 %) en 2021. On est bien loin du record du début des années 2010 (+1,4 milliard d’euros), mais dans la période de disette actuelle, on ne va pas se plaindre !
Du reste, l'an dernier, nos exportations ont progressé de 20 % pour atteindre 1,6 milliard d'euros, récupérant tout le terrain perdu en 2020. L'augmentation a été tirée par « les machines industrielles et agricoles (+48 % à 249 millions d'euros) » à l'instar des pièces détachées pour le la construction et l’industrie minière ou encore des machines de sondage et de forage de la terre.
Tout cela en lien avec le boom des matières premières, bien entendu. Nos ventes de produits agroalimentaires ont bondi aussi de 41 %, pour atteindre 201 millions d’euros, particulièrement en raison de la levée des restrictions à l’importation d’alcools, favorisant le cognac et le champagne. En revanche, le matériel de transport était encore à la traîne, alors que la reprise du trafic aérien se faisait alors attendre. Globalement, si l’on s’en tient à la nomenclature des douanes, « les produits chimiques, cosmétiques et parfums » demeurent notre premier poste d’exportation – environ 20 % du total. Viennent ensuite « les machines industrielles et agricoles », qui montent au deuxième rang, grâce en particulier, à la vente de parties de réacteur nucléaire ou de matériels pour l’industrie minière.
Une deuxième place au détriment des produits pharmaceutiques, en régression à 15 %, juste devant l’agro-alimentaire, en hausse de quatre points à 13 %.
Les experts du Trésor, tout en reconnaissant que « l’Afrique du Sud est un débouché secondaire pour les produits français » – 0,3 % du total de nos exportations en 2021 –soulignent qu’elle demeure notre premier client en Afrique subsaharienne, avec 16 % devant la Côte d’Ivoire (14 %) tandis que nous sommes son dixième fournisseur (2,1 %) en Europe derrière l’Allemagne (8,2 %) et l’Italie (2,7 %).
Du côté des importations, elles ont progressé en 2021 à peu près dans les mêmes proportions que nos exportations (+20 % à 1,1 milliard d’euros). Nos achats de « produits métallurgiques et métalliques » ont bondi de 120 % à 121 millions d’euros. Sans surprise, ce sont les produits des industries minières qui mènent la danse à 175 millions d’euros, dopés essentiellement par le fer et le manganèse. Notons cependant que le premier poste était celui du matériel de transport, à 362 millions d’euros en particulier celui de la véhiculation de marchandises.
La Chine principal partenaire
La France tient donc une place relativement honorable dans les échanges commerciaux de l’Afrique du Sud, loin cependant derrière la Chine. L’Empire du Milieu était en 2020 son premier fournisseur (20,8 % du total), mais aussi son premier client (11,5 %). Côté ventes, venaient ensuite les USA (8,4 %), l’Allemagne (7,5 %), le Royaume-Uni (5 %), puis le Japon (4,5 %). Quant à leurs achats, les Sud-Africains se tournent en second lieu vers l’Allemagne (9,1 %) ensuite les Etats-Unis (6,4 %), l’Inde (5,2 %) et l’Arabie Saoudite (3,9 %).
C’est que le pétrole et les produits assimilés représentent le premier poste à l’importation à 12,6 % du total, loin devant les appareils électriques pour la téléphonie (3,6 %), les véhicules de tourisme (3,1 %) puis les médicaments (2,6 %). Du côté des ventes, le platine, le palladium, l’iridium, l’oxium… représentent 12,6 %, devant l’or sous toutes ses formes (7,9 %) et ensuite les minerais de fer ainsi que leurs concentrés (7,2 %).