La crise sanitaire a exacerbé une tendance déjà préexistante, celle de l’envolée du e-commerce. Qui dit e-commerce, dit livraison de colis et respect des délais. Les opérateurs du secteur ont donc connu des progressions de volume considérables en 2020, en particulier leur leader, Colissimo. Nous nous sommes entretenus avec Jean-Yves Gras, son directeur général depuis janvier 2021, à la fois sur le marché et sur l’offre de cette marque du groupe La Poste, ainsi que les perspectives à court et à moyen terme.
Plantons tout d’abord le décor. Le marché repose essentiellement sur l’envoi de monocolis de moins de 30 kgs, ce qui correspond à l’essentiel des besoins des
e-commerçants. On peut le découper en quatre tranches :
- Les livraisons hors domicile, dans les points relais. Les spécialistes en sont Relais Colis, Mondial Colis et Pickup (groupe La Poste). Ce canal a souffert des fermetures administratives imposées par l’Etat à différentes reprises en 2020 et 2021.
- Les expressistes. Au départ principalement spécialisés dans le B2B, ils ont étendu progressivement leur cible au B2C, tout en restant sur un positionnement premium, express J+1. Parmi ces acteurs, DHL Fedex, ou encore Chronopost, ce dernier majoritairement détenu par le groupe La Poste.
- Des intervenants qui montent en puissance, à l’image principalement d’Amazon Logistics. Le géant américain souhaite créer son propre réseau de distribution.
- Enfin, et surtout, la livraison à domicile, où opèrent essentiellement deux acteurs, Colis Privé et surtout Colissimo.
Colissimo représentait en 2020, souligne Jean-Yves Gras, près de 50 % du milliard de colis livrés, avec 471 millions de colis, en progression de 29 % par rapport à 2019. Une progression phénoménale, on le voit.
Alors que le premier confinement a nécessité « une phase d’adaptation un peu compliquée, le deuxième confinement nous a été favorable, dans la foulée de la poussée du e-commerce » reconnaît-t-il encore. Au total, les dépenses faites sur Internet en 2020 ont représenté 13,4 % des ventes de détail, versus 9,2 % en 2019. Comment Colissimo arrive-t-il à capter près de la moitié du trafic de colis en France ?
Tout d'abord, sans doute, en raison d'une offre large. Certes centré sur les livraisons à domicile, à plus de 80 %, l'opérateur du groupe La Poste peut également compter sur son réseau de relais Pickup (15 000 relais commerçants), mais aussi sur celui des 7 600 bureaux de poste. Ce succès est bâti sur une dizaine « d’hypercomptes » (La Redoute, Fnac-Darty, Vente Privée, Amazon…) mais aussi une multitude de PME et d’ETI qui se sont lancées dans le e-commerce.
Ce succès n’est pas venu en un jour. Il est assis, selon Jean-Yves Gras, « sur une stratégie audacieuse qui a consisté dès le début des années 2000 en des investissements capacitaires considérables ». 450 millions d’euros ont été ainsi investis dans des plates-formes de tri de nouvelle génération, comme celle qui vient d’être mise en production récemment en région parisienne, où 37 000 colis peuvent être traités par heure. Cette mise de fonds considérable dans l’outil industriel s’est accompagnée d’une autre dans le réseau, pour accroître sa capillarité. Dès lors, « Colissimo était prêt à faire face à la hausse notable du e-commerce, qui s’est installée dès 2019 », souligne son directeur général.
1 milliard de colis en 2030 pour Colissimo
Au-delà de cette période particulière de crise sanitaire, Colissimo se fixe un objectif de
1 milliard de colis par an en 2030. Jean-Yves Gras évoque, en effet, une croissance prévisible de 7 % à 10 % du marché du e-commerce ces prochaines années, par un probable effet de rattrapage de notre décalage en la matière avec les pays voisins. Par exemple, le taux de pénétration du e-commerce dans les ventes de détail était de 27 % par an au Royaume Uni et de 17 % en Allemagne en 2020.
Le marché est donc porteur pour Colissimo, mais la concurrence est très présente. Pour tenir ses parts de marché, voire les améliorer, Colissimo mise sur deux axes stratégiques principaux : une amélioration continue du service, en répondant aux nouvelles attentes des clients finaux, mais aussi la responsabilité sociale et environnementale qu’il entend assurer.
Constatant ainsi la demande de rapidité de la livraison de la part des consommateurs, Jean-Yves Gras évoque le fait que 15 % des livraisons de Colissimo se font déjà à J+1, en particulier en région parisienne, même si la promesse y demeure de J+2. De même, l'opérateur met tout en œuvre pour réduire le niveau de la mise en instance de colis, alors que leur taux est déjà très faible, « inférieur à 3 % actuellement après la deuxième présentation systématique en cas d'absence ».
Nous l’avons dit supra, Colissimo accentue également le respect des critères RSE, à travers différentes actions ou mesures alors que ces aspects sont de plus en plus importants pour les consommateurs :
- livraisons complètement décarbonées sur Paris en 2024
- emballages réutilisables.
- et un volet sociétal, sur lequel le groupe La Poste – donc ses marques et filiales, est évidemment très bien placé. « 80 % de nos colis sont livrés par nos facteurs, et le reste par des sous-traitants » dit-il. Les classements mondiaux d’organismes spécialisés en attestent : La Poste est classée numéro 1 mondial par Vigeo Eiris pour la deuxième année consécutive.
Nous avons beaucoup évoqué les problématiques des clients finaux, moins celles des clients directs de Colissimo.
A cet égard, Jean-Yves Gras indique travailler avec ses équipes sur une segmentation plus fine de l’expérience client, par exemple vis-à-vis des secteurs high-tech ou cosmétique, avec des offres appropriées. Plus généralement, il espère développer les comptes PME/ETI, en les faisant bénéficier de solutions déjà éprouvées par les grands comptes.