Le durcissement progressif des lois dans certains domaines contribue à une perception différente de tel ou tel comportement d’une période à l’autre, provoquant souvent des difficultés. Ainsi en est-il des comportements dits sexistes au travail… et ailleurs.
Hasma Naït Hammou, élève-avocate, Hedac, et Victor Roisin, avocat associé, Factorhy Avocats, nous amenaient dans La Semaine sociale Lamy du 15 juillet dernier, sur la voie d’une réflexion sur ce sujet, sous l’angle de la répression interne d’actes ou de propos sexistes. Leur dissertation repose sur l’analyse d’un arrêt de la Chambre sociale du 12 juin 2024. En l’occurrence, et pour résumer, un salarié avait été licencié pour des propos tendancieux répétés, à connotation sexuelle, voire insultants et dégradants. Le salarié fit valoir que son comportement n’avait pas évolué pendant vingt ans, et qu’il n’avait jamais été sanctionné de ce fait.
Sans doute, mais les temps ont changé et la loi n° 2016- 1088 du 08/08/2016 a fait de la prévention - et donc de la répression des agissement sexistes, l’une des obligations explicites de l’employeur quant à la prévention des risques. En la circonstance, l’employeur en était conscient, puisqu’il avait envisagé une mise à pied disciplinaire, avant de licencier le salarié pour faute simple. La cour d’appel de Grenoble a considéré ce licenciement sans cause réelle et sérieuse, donc aux motifs de la répétition dans le temps d’actes jugés tout à coup répréhensibles et de la volonté de l'employeur, dans un premier temps, de prendre une simple mesure disciplinaire à l’encontre du salarié.
Les auteurs de l’analyse reconnaissent « qu’il est de jurisprudence constante qu’un comportement toléré par l’employeur ne peut pas justifier un licenciement pour motif disciplinaire ». Mais là… on touche à l’obligation de sécurité, puisque les agissements du salarié fautif peuvent avoir des répercussions sur la santé mentale de ses collègues. Dans cette affaire, au visa précisément et notamment de l’article L. 4121-1 du Code du travail, la Haute cour écarte donc l’application de la jurisprudence habituelle : « […] Tenir de manière répétée des propos à connotation sexuelle, insultants et dégradants, constitue un comportement fautif constitutif d’une cause réelle et sérieuse de licenciement, quelle qu’ait pu être l’attitude antérieure de l’employeur ».
Cette jurisprudence ne semble cepend pas être encore solidement établie. Hasma Naït Hammou et Victor Roisin recommandent néanmoins la prudence aux employeurs, quitte à « adresser au préalable au salarié (avant toute sanction) un rappel de ses obligations ».
Vincent Gardy