Le Salon Go Entrepreneurs de Paris, successeur de la version parisienne du célèbre Salon des entrepreneurs, toujours organisé par Les Echos-Le Parisien-Evénements, s'est déroulé entièrement en digital, les 9 et 10 juin derniers, en direct des plateaux de ces quotidiens dans la capitale. Les internautes ont été nombreux à se connecter en direct, même si les émissions filmées sont visionnables a posteriori en replay.
Conquérir bénéficiait, pour sa part, d'une conférence diffusée en direct, qui a été vue le jour même par plus de 1 500 internautes, dont certains ont pu questionner nos intervenants. Le sujet de notre conférence, tellement lié à l'ADN de notre magazine, était « Prospection et fidélisation des clients : quelles méthodes en 2021 ? ». Ce sujet, traditionnel pour nous, est plus que jamais d'actualité, alors que la crise sanitaire a accéléré le mouvement de la digitalisation des process, y compris dans le domaine commercial. Pour en parler, Alain Gazo, directeur de notre rédaction, accueillait sur le plateau Les Echos-Le Parisien, Christophe Boniface, directeur commercial de l’ANCV (Agence nationale des chèques vacances) et Pierre Leroux, créateur et PDG de Lemon Learning, PME spécialisée principalement dans la formation à l’optimisation de l'emploi des CRM et des ERP.
D'emblée, Alain Gazo pose le débat. Il s'agit d'évoquer les méthodes éprouvées de développement commercial en B2B, à l’aune cependant des bouleversements qu’a imposés la crise sanitaire, au point peut-être d’ancrer dans la durée certaines nouvelles pratiques. Au début, poursuit-il, il y a une envie, celle d'entreprendre, qui doit d'ailleurs persister tout au long de la vie de l'entreprise. Mais, l'envie ne suffit pas. Il faut aussi avoir une idée de service ou de produit à promouvoir. Et cette idée doit être différenciante. Pas forcément sous la forme d’une rupture technologique, même si c’est là qu’on va trouver – si succès il y a au bout – la plus grande réussite.
La plupart du temps, il suffira de proposer un produit ou un service existant déjà dans les grandes lignes, mais en le personnalisant à sa façon – par exemple à travers une ouverture 24h/24, un meilleur SAV, une équipe dédiée au client.
Mais alors, comment savoir si cette idée trouvera son public ? Une étude de marché, ou tout au moins un test auprès de proches, est indispensable avant de se lancer à grande échelle.
Concrètement, qu’en a-t-il été pour Pierre Leroux, créateur de Lemon Learning ? Il affirme que les deux moteurs, « du reste récurrents » de son projet ont été « l'envie d'indépendance et l'ambition ». Ce qui a fait tilt pour lui, ce fut l'émergence des Mooc en 2014. Le créateur a perçu que l'éducation serait fortement impactée par ce nouveau procédé. Allait-il aller dès lors vers le grand public ou vers les professionnels ? Une étude de marché le fit pencher vers la clientèle des professionnels, qui paraissait plus pertinente, et qui ne nécessitait pas de levée de fonds, ce que Pierre Leroux voulait éviter.
« Même si nous fêtons bientôt nos 40 ans, les produits de l’ANCV doivent sans arrêt évoluer et s’adapter au marché – comme tout autre, rebondit Christophe Boniface. Ainsi, en 2009, nous avons pris la décision stratégique de nous intéresser au marché des TPE, et du reste nous allons réinterroger ce marché prochainement, afin de cerner ses nouvelles attentes, car le monde évolue vite. »
Avancer avec pragmatisme
Il faut choisir un créneau, cibler une clientèle, souvent à grands traits au début. Mais comment trouver ses premiers clients ? Ce peuvent être, analyse d’expérience Alain Gazo, des proches, parfois issus de contacts professionnels antérieurs, ou encore les clients de ses clients ou de ses fournisseurs. Et, il ne faut pas hésiter à tester ses idées, parfois « en marchant ». Pierre Leroux abonde dans ce sens. Après avoir démarré plusieurs activités en parallèle dans le domaine du digital à l’origine, et avoir pris le parti de celle qui est la sienne désormais, il a exposé sur des salons pour confronter son offre produit au marché avant de la stabiliser. « Il faut effectivement tester les produits, en échantillonnant la population cible, complète Christophe Boniface, et dès lors mieux segmenter l’offre, par exemple de manière verticale, en fonction des métiers ». « Nous avons 1,2 million de clients TPE potentiels, c'est donc énorme, explicite-t-il, il convient dès lors de pratiquer un marketing très personnalisé, car on ne parle pas à nos interlocuteurs de la même manière selon leur secteur d'activité ».
« Le bouche-à-oreille, le relationnel… ont leurs limites, reprend Alain Gazo, dès lors il faut trouver des sources de prospection plus loin. Comment procéder ? », interroge-t-il.
« On peut faire appel à des structures généralistes qui louent et mettent à jour régulièrement des bases de données et nous protègent des violations des règles RGPD », propose Christophe Boniface. « L'achat de fichiers est effectivement aujourd'hui illégal, reprend Pierre Leroux, chez Lemon Learning, nous louons des fichiers d’adresses mail à des médias spécialisés, à des clubs de DSI… ».
Un outil CRM d’emblée
« Tout cela fait très rapidement beaucoup de données, évoque Alain Gazo, et il faut les structurer ». Doit-on mettre en place un outil CRM tout de suite ? Pierre Leroux pense que oui, à l'aune de sa propre expérience. C'est le choix qu'il a fait dès le début, et il en est satisfait, « car le CRM structure l'activité commerciale » et provoque les bons réflexes, ceux d’une prospection assidue et rigoureuse.
De plus, si l’on craint la question du coût alors que l’on démarre son activité, Pierre Leroux tranquillise les auditeurs. « Il existe des CRM gratuits ou peu coûteux –10 à 20 euros par mois de location, et ils sont parfaitement adaptés aux petites entreprises », complète-t-il.
« Le CRM est un outil devenu indispensable, corrobore Christophe Boniface, il permet effectivement de structurer sa démarche, mais aussi un reporting efficace, à même d’analyser la démarche des commerciaux. Au-delà de son coût, prolonge-t-il, le CRM s’avère un investissement rentable, car il apporte des données précieuses pour la démarche, tant commerciale que marketing. »
« Les meilleurs CRM permettent, en outre, de classer les prospects en plusieurs catégories, de sorte que l’on peut disposer d’une indication sur la rapidité du développement des affaires : trop d’affaires en phase initiale versus celles qui sont bien avancées sont ainsi le signe de dysfonctionnements dans la démarche commerciale », expose en substance de son côté Pierre Leroux.
Le CRM c'est bien, mais il faut mettre la main à la pâte, reprend Alain Gazo. La période de la crise sanitaire – en voie d’achèvement, se prend-on à espérer, a forcément bouleversé la démarche commerciale. Mais jusqu’à quel point ?
Un après-Covid différenciant
« Nous avons été obligés de nous adapter, reconnaît Christophe Boniface, en évitant surtout de ne pas perdre le fil de la relation avec le client, car c'est fondamental, expose-t-il. Le téléphone a été beaucoup utilisé, mais aussi les webinaires, les visioconférences avec présentation de produits. « Au début ce fut un peu compliqué, mais nous nous sommes aperçus que la relation avec nos clients, pendant cette période difficile, pouvait être encore plus forte qu'avant », se souvient le directeur commercial de l’ANCV.
« Demain, nous retrouverons un nouvel équilibre, entre le contact commercial en présentiel, ou en distanciel, avec toujours comme fil rouge de garder le contact avec les clients, y compris par des visites physiques en fonction de la taille du marché qu’ils représentent, projette Christophe Boniface. De ce point de vue, les nouveaux outils de visio vous démultiplient (province, étranger…) », conclut-il sur ce point.
« Le marketing digital fonctionne, mais sur des formats courts », réagit Pierre Leroux. Il émet une opinion contrastée pour l’avenir. Le développement commercial en province et à l’étranger de Lemon Learning a été ainsi favorisé par l’emploi des nouveaux outils qui permettent d’échanger à distance, mais les visites des grands comptes parisiens, lorsqu’elles vont être à nouveau possibles, lui paraissent toujours essentielles. « Le digital ne remplace pas non plus le papier à 100 %, rebondit Christophe Boniface, car les campagnes d’e-mailing finissent par lasser ». Il faut penser à bien personnaliser son message, au nom de l’entreprise destinataire, et à celui du commercial si possible comme émetteur, conseille-t-il encore. L’utilisateur de livres blancs, dans le cadre de campagnes d’e-mailing, ou encore sur les réseaux sociaux, est efficace, estime Pierre Leroux, si l'on en assure correctement leur promotion, quitte à payer, comme sur LinkedIn. Mais, attention, il ne faut pas faire plusieurs coups à la fois, mais au contraire chercher à exploiter jusqu’au bout, par exemple sur une durée d’un an le plan qu’on a établi et se concentrer sur la thématique choisie, avance-t-il encore.
« Beaucoup de digital dans tout cela… et l’humain ? », interroge Alain Gazo. « Je revendique la place de l'humain aujourd'hui et demain, témoigne avec force Christophe Boniface, il faut être présent auprès des clients à travers un mélange de contacts dématérialisés et présentiels, afin qu'ils ne nous perdent pas de vue, mais aussi qu'ils nous permettent de faire évoluer nos produits ».
« Ne négligeons surtout pas le téléphone, prévient Pierre Leroux, il permet un contact direct, et de confronter rapidement son offre à l’attente du client ou du prospect ».
En conclusion, Alain Gazo évoque la nécessité pour le chef d’entreprise d’être toujours proche du terrain, même lorsqu’il dispose d’une équipe commerciale conséquente.
Nos intervenants :
Autour d’Alain Gazo, directeur de la publication et de la rédaction de Conquérir :
- Christophe Boniface, directeur commercial de l’ANCV (Agence nationale des chèques vacances) qui va bientôt fêter ses 40 ans. Elle a pour mission de donner accès aux vacances au plus grand nombre de Français. L'agence a deux marchés, celui traditionnel des comités d’entreprises, aujourd’hui CSE, ainsi que de plus en plus de celui des TPE et des PME, et, de l’autre côté du spectre, le marché des professionnels du tourisme acceptant les chèques vacances. Ces marchés sont très larges et nécessitent une technique commerciale et marketing pointue. Christophe Boniface dirige une équipe d’une cinquantaine de commerciaux.
– Pierre Leroux est le PDG et le fondateur en 2014 de Lemon Learning, qui propose des plates-formes d’adoption digitale s’intégrant aux logiciels, afin qu’ils soient utilisés au mieux par les utilisateurs. Aujourd’hui « leader dans ce domaine en France », Lemon Learning compte une trentaine de collaborateurs.