Go Entrepreneurs s’est déroulé comme l’an dernier à la Sucrière, cette fois le 23 juin, mais avec une formule en évolution, puisque les conférences se déroulaient entièrement en présentiel et non plus en mode hybride. Certaines d’entre elles, comme celle de Conquérir, ont été cependant filmées et seront accessibles en replay. La formule a donc évolué et, dans le même temps, l’assistance a nettement grossi par rapport à septembre 2021. Les Echos-Le Parisien Evénéments ont compté environ 8 000 visiteurs. De nombreuses conférences ou ateliers, souvent sur des créneaux assez courts, de 30 à 45 minutes, ont jalonné l’événement. Les visiteurs pouvaient également échanger classiquement avec les exposants : institutionnels (Région Rhône-Alpes, BPI, INPI…), banques, sociétés de portage salarial ou encore des intervenants internationaux, avec un stand québécois. Québec International, la Société de Développement de Drumondville, ainsi que le Mouvement Desjardins y accueillaient les personnes intéressées pour investir dans la Belle Province ou y immigrer prochainement.
Prospection : quel impact du covid à long terme ?
Nous avons quant à nous tenu notre conférence régulière autour des évolutions des techniques de prospection et de fidélisation de la clientèle. Près de 200 auditeurs ont suivi nos débats en direct. Quelques centaines d’autres l’auront fait a posteriori en accédant à notre replay sur le site de Go Entrepreneurs Lyon. Auprès d’Alain Gazo, directeur de la rédaction de notre magazine, qui animait la conférence, se trouvaient Damien Barthelémy, directeur général de Creditsafe France et Jean-Michel Armand, directeur général de Hybird.
Au-delà des thématiques de fond, Alain Gazo souhaitait évoquer la pérennité des dispositifs d’urgence, mis en place pour pallier l’impossibilité pendant le gros de la crise du covid, des traditionnels rendez-vous présentiels en B2B qui, certes, avaient déjà décliné ces dernières années.
L’envie, l’idée et l’énergie
D’emblée, devant un public principalement composé de créateurs de TPE récentes, mais aussi de porteurs de projets, Alain Gazo plante le décor. Selon lui, deux conditions cumulatives doivent présider au démarrage d’une entreprise : l’envie d’entreprendre et bien entendu une idée. Et ensuite l’énergie nécessaire pour la démarrer correctement puis la faire vivre.
« Notre idée, se souvient Damien Barthelémy, c’était d’aider les entreprises à mieux se faire payer et donc de proposer de la donnée commerciale et financière qualifiée à des coûts accessibles. Nous avons, poursuit-il, et c’est essentiel, cherché à cerner le plus précisément possible la cible qui serait intéressée par notre nouvelle approche ».
Les fondateurs de Creditsafe France commandèrent une étude de marché qui les orientait plutôt vers l’abandon de leur projet. Fort heureusement, ils ne renoncèrent pas et, à partir des données accumulées dans l’enquête, ciblèrent les TPE-PME pour lesquelles les services proposés par les acteurs du marché alors en place ne présentaient pas un rapport qualité prix suffisamment attractif pour y adhérer. « L'idée de départ repose ici sur un service différenciant, disruptif comme l'on dit maintenant », résume Damien Barthélémy.
Le projet doit présenter un caractère innovant, mais pas forcément à l’échelle technologique, rebondit Alain Gazo. Il évoque à titre d’exemple un service 24 h/24 , là où cela n’existait pas auparavant, ou encore de qualité plus soignée, venant combler un vide dans une région ou un pays déterminés.
Quid de la création d’Hybird ? A-t-elle relevé des canons ainsi définis ? Pas forcément, reconnaît en souriant Jean-Michel Armand, dont l’affaire tourne pourtant bien aujourd’hui. Son envie de créer ainsi que celle ses associés était bien là au départ et l’orientation, assez générique, aussi.
Ils voulaient devenir intégrateurs d’un logiciel libre. L’axe CRM est venu au fil de l’eau, tout simplement en mettant en place leur propre base de données commerciales ! La cible générale était en revanche identifiée, c’était celle des PME. Pas d’étude de marché à proprement parler dans ce cas, mais effectivement des échanges avec des proches qui, dans l’ensemble, ont plutôt cherché à les dissuader de persévérer. A cet égard, le fondateur conseille de se méfier des Cassandre, même si Alain Gazo recommande, à défaut d’étude de marché en bonne et due forme, de consulter a minima des proches, et surtout de se lancer sans attendre un prototype complètement abouti. La mise sur le marché, éventuellement sur un territoire ou une cible restreinte, fera office de test en grandeur nature.
A la conquête des clients
Si on demeure dans l’univers du B2B, on peut affirmer que les clients ne viennent pas tous seuls. La démarche des dirigeants de Creditsafe France et de Hybird a épousé des chemins bien différents, tenant en bonne partie aux moyens financiers de départ forcément beaucoup plus importants dans la première de ces structures.
Damien Barthélémy et ses équipes ont opéré une segmentation en fonction de la taille des entreprises, de leur localisation et en procédant ainsi par élimination.
Jean-Michel Armand est allé directement au contact de prospects potentiels lors de réunions, et de chefs d'entreprises en échangeant avec la CCI (de Marseille en l'occurrence), puis en exposant sur des salons ciblés.
Tout dépend évidemment de la cible visée et des moyens dont on dispose, mais Damien Barthélémy conseille de s’adresser à des sociétés telles que la sienne pour se faire aider à segmenter son marché, à sélectionner les segments porteurs après avoir repéré ce qui fonctionnait bien puis à louer des fichiers et à les travailler. En n’oubliant pas, conseille-t-il, de vérifier la capacité financière et le comportement de paiement de ses futurs acheteurs. Hybird s’est mis aussi à la location de certains fichiers en 2020.
Organiser les données
Tout cela fait très rapidement beaucoup de données à digérer, remarque à ce stade de la discussion Alain Gazo. Comment s’organiser pour ne pas les perdre et en faire bon usage ? « Bien entendu, on peut démarrer avec un simple fichier Excel, intervient Jean-Michel Armand, mais un CRM sera beaucoup plus efficace, alors qu'il va représenter votre mémoire secondaire. Il va vous permettre, poursuit-il, de classer nos clients, mais aussi de les fidéliser ». Les fidéliser, par exemple en nous permettant de nous souvenir qu’on a réglé le problème d’un client à un moment donné ou qu’il nous a proposé de le rappeler dans six mois, selon les propos du fondateur d’Hybird.
Un CRM oui, mais quelles données y insérer ? Damien Barthélémy estime qu’il faut limiter le nombre de champs et ne retenir que le top 7/8 de ceux dont on a besoin, sous peine d’être submergé et surtout peut-être que les tableaux ne soient pas remplis. « Il n’y a rien de pire que d’accumuler des informations vieilles, fausses, ou inutiles », résume de son côté Jean-Michel Armand.
Pour quel coût ? Il évoque un coût de démarrage variable en fonction des projets, puis un abonnement en mode SaaS, dont le montant demeure souvent raisonnable, par exemple de 35 euros par mois et par utilisateur chez Hybird.
Une prospection multicanale
Au-delà de la prospection directe, via les salons, au téléphone, auprès de contacts obtenus directement ou issus de fichiers… l’approche multicanale est, sans surprise, recommandée par nos intervenants. Quel que soit le canal – réseau social, site internet, campagne d’e-mailing –, Damien Barthélémy évoque la nécessité dans tous les cas d'apporter du contenu intéressant aux cibles visées. Par exemple, explicite-t-il, « on va mettre en ligne sur notre site des éléments ou une vidéo relatifs aux conférences auxquelles nous participons ». Quid plus précisément des campagnes e-mailing ? questionne alors Alain Gazo. Jean-Michel Armand les décrit comme un canal à l’image des autres, qu’il ne faut pas négliger même si son rendement est faible en règle générale et qu’il faut apporter de la valeur pour accrocher l’attention de l’internaute, très sollicité. « Pour que cela fonctionne correctement, complète Damien Barthélémy, il convient de segmenter la population visée et d’opérer des tests, en se focalisant sur le destinataire ; le mass-mailing est banni ». Quant aux réseaux sociaux, Twitter et Facebook sont utilisés par Hybird, par exemple pour relayer une conférence en amont ou en aval. LinkedIn est utile pour des prises ou des reprises de contacts post-salon. « Il faut rentrer dans la thématique de chaque cible et choisir le canal le plus adéquat en fonction de son appétence à le fréquenter », estime Jean-Michel Armand.
Prospection post-covid : un retour incomplet à la normale
Hybird a été particulièrement impacté en matière de prospection par la crise sanitaire, puisque son canal clé de prospection est l'approche directe sur les salons ou au travers des rencontres physiques individuelles. « Nous reprenons depuis quelques mois des modalités plus classiques de prospection, assure son fondateur, mais les habitudes prises persisteront à l’avenir, comme celles des visioconférences, et il faut reconnaître qu’elles occasionnent un gain de temps ».
Afin de définir le mode d’action approprié, Damien Barthélémy évalue logiquement l’espérance de gain rapportée au temps passé et au coût. Un déplacement lointain n’est souvent pas justifié. Quid de l’arbitrage visio/téléphone alors que l’on dispose d’un important centre d’appels ? Damien Barthélémy évoque un bilan à ce stade favorable à la visio : « Diminution de 4 % du taux d’annulation et augmentation de 5 % du taux de concrétisation ». Pour autant, admet-il, « rien ne remplace les contacts physiques, car tout le monde n’a pas 25 ans… ».
Conquérir les clients c’est bien, les fidéliser c'est mieux, car l'acquisition coûte cher ! Chez Creditsafe, on fait sûrement très bien les choses puisque d'une année sur l'autre le taux de fidélisation « est de 97 % ». Quel est le secret ? Damien Barthélémy prévient que la relation avec le client doit être animée et entretenue au fil de l’eau et ne pas masquer les difficultés qui peuvent être rencontrées en s’efforçant au contraire de les résoudre. « Nous devons être à l'écoute de nos clients, rebondit Jean-Michel Armand, ne pas manquer de les rappeler de temps à autre pour éviter qu'ils ne nous oublient. La relation nouée, poursuit-il, doit s'éloigner du carcan client–fournisseur, même si l'essentiel est d’être à l’écoute, de proposer des nouveautés et de résoudre les problèmes lorsqu’ils surviennent ».
- Damien Barthélémy est directeur général France, Belgique et Italie de Creditsafe. Il a créé la filiale France de ce groupe, spécialisé dans la fourniture de données commerciales et financières en 2006. Il revendique 11 000 clients et donc des données sur de nombreuses entreprises dans notre pays et dans le monde. Le groupe, d’origine scandinave, a lui-même été fondé en 1997.
- Jean-Michel Armand est le directeur général d’Hybird. Sa société, qu’il a fondée en 2005 avec quatre autres ingénieurs, est éditeur intégrateur d’un CRM destiné au B2B, nommé Creme, sous forme d’un logiciel libre, c’est-à-dire libre de droits.