Emmanuel Millard, président de la DFCG, président international de CFO Alliance et Axelle Legrand, présidente franco-béninoise de TQM Consulting, sont des experts des sujets de financement sur le continent africain. Ils proposent à nos lecteurs leur vision de l’intérêt que représente l'Afrique pour les entreprises françaises et européennes.
L’Afrique est à n’en pas douter un continent en pleine expansion économique, regorgeant d'entreprises dynamiques et innovantes. Cependant, le potentiel de croissance de ces entreprises reste encore boudé par les investisseurs étrangers. Le secteur informel, faisant référence à l'économie non réglementée et non officielle, représente environ 55 % du PIB en Afrique subsaharienne. Il regroupe les petits commerces de rue, les vendeurs ambulants, les marchés… Ces entreprises, bien qu’informelles, jouent un rôle crucial dans l’économie africaine en fournissant des emplois, en stimulant la production et en réduisant le chômage. Leur structure leur rend l'accès au financement traditionnel comme les prêts bancaires aux investisseurs en capital-risque difficile, limitant ainsi leur capacité de développement, pourtant très importante.
Les entreprises de taille moyenne dans les critères varient d'un pays à l'autre comptent généralement entre 50 et 250 employés et réalisent un chiffre d'affaires annuel compris entre quelques millions et quelques dizaines de millions de dollars. D'après la Banque Mondiale, ces entreprises représentent environ 20 % du PIB en Afrique subsaharienne. Elles sont actrices de la diversification économique et représentent environ 30 % de l’emploi total en Afrique subsaharienne. Elles contribuent de manière significative à la production et à la productivité et sont présentes dans différents secteurs tels que l'agro- industrie, les technologies de l'information et de la communication, la logistique, le tourisme, les services financiers, etc. Elles jouent un rôle crucial dans la réduction du chômage et la promotion de l’inclusion sociale, mais aussi dans la mise en oeuvre des objectifs de développement durable et de matérialité financière et environnementale. Selon une étude de l'OCDE, ces entreprises ont connu une croissance annuelle moyenne de 6,1 % entre 2010 et 2018, dépassant la moyenne mondiale de 4,5 %. Cela démontre leur dynamisme et leur potentiel de croissance, et la place qu'elles occupent dans l'économie.
Mais l'Afrique, c'est aussi plus de 700 entreprises multinationales qui opèrent dans des secteurs clés tels que les télécommunications, l'énergie et les services financiers, et contribuent à la croissance économique du continent. Certaines d'entre elles figurent parmi les plus grandes du monde !
Un accès difficile aux financements classiques
Malgré ce fort potentiel de croissance, les entreprises africaines peinent à accéder aux financements traditionnels. Les financements traditionnels font référence aux frais bancaires, lignes de crédit, ou aux émissions d'actions ou d’obligations sur les marchés financiers.
Parmi les raisons qui justifient leurs difficultés d'accès aux prêts et aux financements figurent le manque de garanties et d'historique en matière de crédit requis par les institutions financières, l'insuffisance ou l'absence de formalisme et de documentation juridique, administrative, ou encore financière qui tient souvent à une organisation, une structure et des opérations non stabilisées, ce qui rend difficile voire impossible la présentation des documents attendus par les financeurs. Par ailleurs les barrières et procédures réglementaires complexes ainsi que les obstacles bureaucratiques et administratifs peuvent aussi décourager les entreprises à demander des financements.
Mieux analyser les marchés
L’un des principaux facteurs de dissuasion des investisseurs reste la perception du risque élevé, en raison de la volatilité économique, des risques de change, de l’instabilité et des défis politiques mais aussi des incertitudes légales et réglementaires. Enfin, le manque de connaissances ou d’analyse approfondie du marché africain, de ses opportunités et de ses spécificités constitue aussi un frein sérieux à l’investissement.
Pourtant, plusieurs autres facteurs combinés, outre sa croissance économique soutenue et solide, font de l’Afrique un marché dynamique et prometteur pour les investissements. Tout d’abord, la population jeune et en expansion de l’Afrique crée une demande croissante de biens de consommation, de services et d’infrastructures, offrant ainsi de grandes opportunités d’investissements. L’urbanisation rapide en Afrique crée des besoins en infrastructures, logements, transports, services financiers et autres secteurs, et ainsi des opportunités d’investissement supplémentaires.
De plus, la richesse des ressources naturelles du continent, notamment le pétrole, le gaz, les minéraux et la grande étendue des terres arables sont des atouts pour les investissements dans les secteurs de l’énergie, de l’exploitation minière et de l’agriculture. L’intégration économique régionale en Afrique, à travers des organisations telles que le Comesa, la Cedeao et l'Uma, facilite la circulation des biens et des services offrant ainsi des opportunités dans des marchés plus vastes.
La croissance rapide de l'adoption des technologies de l'information et de communication en Afrique crée des opportunités dans les domaines de la fintech, de l'e- commerce et des services numériques. Enfin, les réformes économiques entreprises par de nombreux pays africains pour améliorer le climat des affaires, attirer les investissements étrangers et stimuler la croissance économique contribuent à rendre le marché africain attractif pour les investisseurs. La prise en compte de ces défis permet d’apporter des solutions adaptées autour des questions de financement, de formation professionnelle et de moyens matériels nécessaires au développement économique.
C'est ici que les financements privés européens et français notamment ont un rôle crucial dans le développement de ces entreprises africaines à travers l'apport de ressources financières et compétences techniques. En 2019, le Cnuced évaluait les investissements directs étrangers (IDE) en Afrique à 45 milliards de dollars, dont une part importante provenait d’investisseurs européens.
Ces financements privés européens offrent aux entreprises africaines des opportunités de croissance importantes à condition qu’elle se modernisent, voire se restructurent, passage obligé pour envisager un développement à l’international.
En retour, les investisseurs européens peuvent bénéficier d'un marché en expansion. Selon une étude récente, le PIB de l'Afrique pourrait attendre 3000 milliards de dollars d'ici 2030, offrant ainsi de nombreuses opportunités commerciales. De plus, les investissements privés ont un impact social important en créant des emplois et en stimulant le développement économique local, à condition de s'inscrire dans une démarche environnementale et durable maîtrisée. Avec des besoins d’investissements importants et un marché en forte croissance, les financements privés européens peuvent jouer un rôle clé dans le développement des entreprises africaines et contribuer à la transformation économique du continent. Et dans ce cadre, le renforcement des partenariats entre l'Europe et l'Afrique est plus que jamais essentiel.