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Turquie : des secteurs prometteurs pour les investisseurs

İstanbul Hagia, mosquée de Sophia - © TGA - Türkiye Tourism Promotion and Development Agency

Frontalière avec l’UE, la Turquie a des accords commerciaux spécifiques avec elle - exemption des droits de douane pour les importations turques dans les secteurs industriels. Elle est une puissance régionale notable, à la lisière de l’UE d’une part, et d’un Moyen-Orient dont l’expansion économique se poursuit. Nous pensons aux pays du Golfe, en particulier. L’analyse de son économie fait rejaillir des points forts et des points faibles, ainsi que des pistes d’investissement intéressantes. Le pays du Bosphore mise aussi sur le développement du tourisme et pas seulement balnéaire. Notre directeur de la rédaction, Alain Gazo, s’est rendu en octobre dans l’extrême est de la Turquie avec une délégation franco-turque, afin de prendre connaissance des projets en oeuvre dans ce domaine.

Mais, avant tout, il convient de refaire un tour d’horizon de la situation économique du pays. Quelques chiffres tout d’abord : 85 millions d’habitants, un revenu net de 12.235 euros par habitant. La politique expansionniste menée par les autorités il y a quelques années avait eu des effets positifs sur la croissance, mais négatifs sur l’inflation et le cours de la monnaie, la livre turque. Depuis, la gestion des finances est devenue plus orthodoxe. Ce facteur, ajouté à d’autres, a contribué à faire baisser l’inflation, même si avec 35% en 2024 et 29% prévus en 2025, cela fait encore beaucoup. En revanche, d’autres indicateurs sont plus favorables : croissance du PIB à 3% en 2024 et 3,5% cette année. Le solde budgétaire s’avère raisonnable : -3% l’an passé, -2,8% en 2025. Rappelez-vous le nôtre ! Et la dette publique continue son recul à 25,1% cette année en prévisionnel. Incroyable ! Et encore les budgets de ces dernières années ont été impactés par les dépenses liées au tremblement de terre de 2023. Tout n’est pas rose cependant ! La position géographique de la Turquie présente des avantages et des inconvénients.

 

Le tourisme en force

Dans la lignée de la reprise sensible des voyages, le tourisme se porte bien en Turquie. Selon les données du département concerné d’Istanbul, le pays a accueilli 62,3 millions de visiteurs en 2024, en faisant une des principales destinations mondiales. En 2025, une nouvelle légère hausse est constatée, s’accompagnant d’une dépense par personne et par jour en augmentation de 8 % par rapport à 2024. Les principaux visiteurs proviennent des pays européens, mais aussi de Russie et des pays du Golfe. Mais, nous avons pu le constater lors de notre reportage, les touristes sud-américains ou asiatiques de l’Est sont aussi de plus en plus nombreux. La France est un des marchés les plus importants en Europe dans ce domaine, avec près de 1,1 million de visiteurs en 2024, qui viennent chercher qui le soleil et le sable, ou la mer, qui la richesse du patrimoine culturel. Les principaux spots sont bien sûr Istanbul, Bodrum, Antalya ou la Cappadoce, mais des efforts financiers prodigués dans la mise en valeur des activités archéologiques et culturelles en général, élargissent le spectre. Le projet « Age d’or de l’archéologie » a fait passer le nombre de travaux dans ce domaine à 765 en 2025, et bientôt 800.Le service de promotion insiste également sur la gastronomie, avec une augmentation sensible du nombre de restaurants étoilés Michelin. Quant à l’incentive, il y en a pour tous les goûts, avec Istanbul pour les réunions de type corporate, Bodrum pour ses clubs de plage ou encore Antalya. Pour le reste, les autorités turques ont de grands espoirs de développement tout en veillant à promouvoir un tourisme durable. A cet égard la Turquie a signé un accord avec le « Global Sustainable Tourism Council » devenant ainsi « le premier pays à développer un programme national dans ce cadre ». Des certifications (de conformité) d’hébergement sont en train d’en découler, avant d’aborder les fournisseurs de boissons et de nourriture.

Commerce extérieur : un mieux relatif

Les données de notre commerce extérieur transmises par les Douanes pour 2024 traduisent la poursuite de l’amélioration de notre solde commercial négatif FAB/FAB. Il régresse, en effet, de 19,1 milliards d’euros pour s’établir à 81 milliards d’euros. On est désormais loin du record absolu de -162 milliards en 2022 !

Pour autant, il demeure bien au-delà de la moyenne des années 2010. Cela étant, comment expliquer cette meilleure tendance l’an dernier ? Elle est due en premier lieu à une baisse plus importante (-4,5%) de nos importations que de nos exportations (-1,6%). Dans les deux cas, ces reculs sont davantage liés à la décélération des prix, après la fièvre post-covid, qu’à ceux des volumes. Quoi qu’il en soit, les importations CAF ont été mesurées à 698,9 milliards d’euros en 2024 et les exportations à 598,3 milliards. Parmi les évolutions notables, les experts des douanes relèvent côté importations, celles à la baisse, des achats d’énergie, de produits manufacturés, d’automobiles et de machines, à la hausse ceux dans l’aéronautique.

Du côté des ventes, le repli est assez marqué dans l’automobile, les hydrocarbures et les cartes électroniques. En revanche, l’aéronautique, les parfums et les produits agroalimentaires sont en hausse.

Qu’en est-il de notre position dans le commerce mondial ? De ce point de vue, la baisse se poursuit, puisque nous ne détenons plus que 2,6% de parts de marché, contre par exemple 5,1% en l’an 2000. Mince consolation, si la part de marché de la France a reculé de 0,4 point depuis 2019, l’Allemagne a fait pire (-0,7 point), tandis que l’Italie et l’Espagne sont stables ou quasi stables.

Regardons maintenant nos exportations par grandes masses. En numéro un, viennent les produits agroalimentaires (63,9 milliards, +1,9%), puis l’aéronautique (57,2 milliards, +2,9%), l’automobile 51,9 milliards, -8,1%), la chimie (51,7 milliards, -3,2%), les machines (46,1 milliards, -4,6%). Suivent les textiles et l’habillement (40,2 milliards, +0,2%), les produits métallurgiques (38,7 milliards, +2,2%), la pharmacie (37,7 milliards, +1,4%), l’informatique et différents produits électriques (32,2 milliards, -9,9%), les équipements électriques ménagers (28,3 milliards, +3,9%), les parfums et cosmétiques (24,9 milliards, +5,5%), les caoutchoucs et plastiques (23,5 milliards, +0,4%). Et, pour compléter ce top 10, les divers manufacturés (23,4 milliards, +3,6%).

Le Néolithique attire les visiteurs à Sanliurfa

Forteresse sur le bord de l’Euphrate - © Conquérir

La représentation que l’on se fait généralement du tourisme en Turquie, repose principalement sur deux piliers : Istanbul et la côte de la Mer Egée pour le farniente.

Cependant, la Turquie ce sont des centaines d’années, voire des millénaires de culture. Un patrimoine issu de l’Islam, des vestiges de la présence passée du christianisme, qui continue d’avoir une certaine activité, en particulier à proximité de la Syrie. Et aussi des sites préhistoriques, qui remontent parfois au Néolithique. Tous ces ingrédients sont réunis dans l’est de la Turquie, à proximité de la frontière syrienne, et le tourisme culturel s’y développe. Nous avons pu le constater sur place, à l’invitation du Ministère de la Culture et du Tourisme de ce pays, en nous rendant à Sanliurfa.

Les autorités nationales et locales sont très actives dans le développement du tourisme culturel en mettant à profit la découverte de sites néolithiques très anciens puisque des vestiges retrouvés dans l’un d’eux datent de 10.000 ans avant J.C., ce qui en fait sans doute l’un des plus anciens découverts dans le monde. Il se trouvent en particulier dans la zone que nous avons visitée à Sanliurfa et aux alentours. Deux sites principaux sont déjà ouverts au public : GöbekliTepe et KarahanTepe, ce dernier en cours d’exploration. Et les trouvailles ne sont pas de simples pierres cassées ! On découvre de véritables sites précédemment enfouis qui témoignent d’une utilisation vers 9800-8200 av. J.C, probablement dédiés à des rituels. Un musée d’archéologie couvrant également des périodes plus contemporaines, jusqu’à la période islamique, vaut le coup d’oeil ainsi que le musée de la mosaïque (romaine) adjacent.

GöbekliTepe-le principal site, attire beaucoup de visiteurs _ probablement dépassera-t-il les 900.000 entrées cette année, selon Mehmet Kasim Gülpinar, Maire de la Commune concernée, Sanliurfa, et de son agglomération.

La saison la plus favorable pour la découverte va de septembre jusqu’à mai-juin.

Evidemment, il faut loger ces visiteurs. Mehmet Kasim Gülpınar souhaiterait doubler le nombre de places hôtelières dans sa ville, actuellement de 9000, afin que les touristes y logent davantage.

Notons que les visiteurs sont pour une bonne partie turcs, mais aussi européens et asiatiques, voire sud-américains.

Sanliurfa n’est pas une commune à la française. Elle compte 2,3 millions d’habitants et est établie sur 19 000 km². C’est une sorte de grande métropole. Mehmet Kasim Gülpinar, indique que l’agriculture est dominante (céréales, pistaches, grenade, amandes, coton, élevage, etc.).

L’industrie est insuffisamment développée, regrette-t-il. C’est qu’il faut occuper une population jeune nombreuse, alors que le chômage est plutôt élevé. Le tourisme représente une opportunité pour créer des emplois. On a parlé de visiteurs « instruits » et donc probablement aisés. L’hôtellerie est au diapason ainsi que les restaurants. Certains proposent des menus gastronomiques de haut niveau avec des produits originaux, élaborés avec soin à partir de ressources locales acquises auprès de plus de 170 fermiers, nous assure-t-on. Le folklore est également de la partie et la musique en général puisqu’un festival mondial parrainé par l’UNESCO s’y déroulera l’an prochain du 20 au 26 octobre. Sanliurfa a du reste obtenu le label de « City of Music » de l’UNESCO. Toutes ces initiatives sont facilitées par le retour à la stabilité, dans cette région proche de la Syrie, qui se trouve à 60 km de sa frontière.

650.000 syriens avaient trouvé refuge dans l’agglomération de Sanliurfa. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 280.000. Quoi qu’il en soit, 3 groupes ethniques sont présents : les turcophones, les arabes et les kurdes. Le Maire de Sanliurfa affirme que l’entente règne entre ces communautés, en respectant toutefois leurs différences puisque lui-même annonce parler les 4 langues véhiculaires : le turc, l’arabe, le kurde et le zaza (variante du kurde).

Il nous apparut édifiant du reste que l’orchestre folklorique qui s’est produit face à la délégation à laquelle j’appartenais était kurde. La réconciliation semble là ! Tant mieux ! Notons _ c’est un plaisir, que le maire parle un excellent français acquis dans un temps où notre pays avait une bien plus grande influence culturelle.

Pour ceux qui disposent d’un peu de temps, une petite croisière sur l’Euphrate, relativement proche, est également très plaisante.

Alain GAZO

Déclarations douanières : Delta I et Delta E arrivent : quels objectifs ?

Les déclarations douanières, qui emportent avec elles les liquidations des droits, sont un des éléments administratifs fondamentaux des démarches d’exportation et d’importation. Elles ont considérablement évolué depuis une vingtaine d’années, sous l’impact d’une part, d’une dématérialisation accélérée, d’autre part de la volonté de la Commission européenne de coordonner et de centraliser tout cela.
Nous avons rencontré les représentants de Conex, leader des éditeurs de progiciels douaniers, pour en savoir davantage sur la nouvelle évolution à venir l’an prochain.

Delta I/E remplacera les précédents applicatifs de dédouanement encore en vigueur aujourd’hui, à savoir Delta G, ECS BS, Delta X. Notons cependant que, pour les valeurs inférieures à 150 euros, la déclaration se fera toujours dans l’actuel applicatif nommé Delta H7. Rappelons que, pour ces petites valeurs, seule la TVA est due sur les produits importés dans l’UE, donc en France, mais qu’il faut quand même déclarer ces dernières à la douane.

Les pouvoirs publics motivent l’arrivée de Delta I et Delta E par l’obligation de mise au standard du CDU des systèmes de dédouanement import/export, ainsi que de la construction d’un système permettant d’interconnecter les systèmes nationaux pour les besoins de dédouanement centralisé.

Les pouvoirs publics motivent l’arrivée de Delta I et Delta E par l’obligation de mise au standard du CDU des systèmes de dédouanement import/export, ainsi que de la construction d’un système permettant d’interconnecter les systèmes nationaux pour les besoins de dédouanement centralisé.

In fine, Bruxelles vise un système d’échange de données douanières entièrement automatisé entre Etats membres pour la gestion de leurs opérations.

Alban Gruson, fondateur de Conex, relève effectivement deux objectifs principaux à travers la mise en place de Delta I puis de Delta E, à savoir à terme une uniformisation complète des informations recueillies au plan communautaire, mais aussi un enrichissement des données à fournir, de façon probablement à ce que les douanes puissent analyser plus finement les flux à l’import comme à l’export. « On va analyser désormais au plus fin », résume en substance Bertrand Gruson, directeur général de Conex. Cette nouvelle étendue de données est rendue possible par la disparition du DAU. Certes, il était devenu électronique, mais mis à part cela, comme pour les déclarations de TVA, le formulaire demeurait identique. Avec Delta I puis Delta E, plus de limitations liées à ce format. On transmet un jeu d’écritures électroniques par définition illimitées en théorie. C’est-à-dire que les entreprises importatrices/exportatrices, doivent se préparer à maîtriser de nouveaux outils ; elles ou les sociétés auxquelles elles délèguent les déclarations douanières.

Bulgarie : bientôt dans la Zone Euro avec de belles opportunités

Un petit détour par l’est de l’Union Européenne, en cette fin d’année, avec un coup de projecteur sur la Bulgarie, un pays dont on parle peu, mais qui va entrer dans la Zone Euro au 1er janvier 2026, et ainsi abandonner sa monnaie nationale, le lev. L’occasion d’évoquer la situation économique d’un Etat entré assez tardivement dans l’UE et d’éventuelles opportunités pour nos entreprises.

Si le PIB rapporté au nombre d’habitants est de moitié du nôtre (15 764,60 euros), il a beaucoup augmenté ces dernières années, soutenu par l’animation économique apportée par les fonds européens. Le salaire brut minimum mensuel (460 euros), certes le plus bas de l’UE, a nettement remonté depuis 2018 (286 euros alors) et, à Sofia, la capitale, le salaire brut moyen serait de 1 400 euros aujourd’hui.

 

Des IDE notoires, de belles opérations françaises

Les IDE ont permis à l’économie bulgare de bien se redresser depuis une dizaine d’années. Le stock d’IDE était ainsi évalué à 78 % du PIB en 2018. La France était seulement « le 14e investisseur » dans le pays des Balkans, selon le rapport de la direction générale du Trésor Public. Nos investissements sont principalement centrés sur les activités financières et les assurances (19,9 %), l’immobilier (19,8 %), l’industrie manufacturière (19,4 %), ou encore les activités de commerce et de réparation automobile (15,1 %), cela dans le cadre des délocalisations de production. Si l’on retire ce zoom, la répartition globale des IDE est un peu différente avec, globalement, une domination de l’immobilier (23,2 % du stock), de l’industrie manufacturière (18,6 %), de celle de banques ou d’assurances (17,7 %).

 

Pour en revenir à la présence française à proprement parler, elle concerne environ 200 entreprises tricolores, qui emploient sur place aux alentours de 17 000 personnes, selon les chiffres dont nous disposons. Des industries de premier plan en font partie, comme Schneider Electric, Saint-Gobain Latécoère ou Montupet. Côté services, on trouve donc la banque et l’assurance (BNP Paribas, Groupama), des opérateurs de Facilities (Veolia, Varna), de la distribution (Mr Bricolage et Decathlon), ou encore de l’habillement. Parmi les secteurs moins traditionnels, signalons que, « grâce à un environnement favorable à l’entrepreneuriat et à une main-d’oeuvre qualifiée », selon les termes de la DGT, le numérique tricolore s’est bien implanté avec une trentaine d’entreprises comme Trexir (jeux vidéo).

Selon les chiffres les plus récents, le stock d’IDE a encore progressé en 2024 (4 % après 9,2 % en 2023). Le stock des IDE représente désormais 57,7 milliards d’euros. Les Pays-Bas apparaissaient, toujours selon la DGT, en pole position, avec 13,1 % du stock. L’Autriche arrive deuxième (9,2 % du stock), devant la Grèce (7,7 %), l’Allemagne (7,1 %) puis la Suisse (6,5 %).

La France huitième fournisseur

La France a gagné une place dans le classement des fournisseurs de la Bulgarie en 2024 (1,238 milliards d’euros), juste devant les Pays-Bas, soit 2,5 % des importations bulgares. L’UE représente 45,1 % des importations bulgares (22,5 milliards d’euros). L’Allemagne, avec 5,1 milliards d’euros est du reste le deuxième fournisseur, à un cheveu de la Chine (5,2 milliards). Le voisin turc arrive troisième (4,4 milliards). A l’export, l’UE domine assez largement (64 %, 27,6 milliards d’euros). L’Allemagne est le premier récipiendaire (6,6 milliards d’euros), suivie du voisin roumain (3,8 milliards), puis de l’Italie (3 milliards d’euros), avant la Turquie et la Grèce. La France demeure le sixième client (3,4 % des ventes bulgares). Si l’on raisonne en chiffres globaux, on constate un déficit commercial bulagre accentué en 2024 à 6,7 milliards d’euros. Les exportations ont atteint 43,1 milliards d’euros en recul, tandis que les importations s’avéraient en très légère hausse, à 49,8 milliards.

Italie : des résultats contrastés

L’Italie est une des principales puissances de l’Union européenne. Son image, comme la réalité du reste, est contrastée. Un Nord riche et industriel, un Sud plus pauvre -16,3 % des habitants vivaient sous le seuil de pauvreté en 2022, un tissu économique actif et internationalisé, mais une dette publique très élevée… Le tout pour un Etat dont le revenu par habitant (24 000 euros) est supérieur à celui de l’Espagne. De quoi s’y intéresser de près, afin de savoir où nos voisins transalpins en sont.

Le gouvernement italien issu des dernières élections parlementaires en 2023 a suscité beaucoup d’émoi, et une part a priori semble persister, y compris dans les commentaires d’analystes qu’on pourrait penser neutres. Force est de constater que les nouvelles autorités ont fait preuve de pragmatisme, en gérant les affaires du pays d’une manière prudente. C’est en particulier le cas pour les questions économiques. Des fonds européens étaient ainsi promis par l’UE, à condition « de bien se tenir ». Avec un ratio dette publique/PIB de 140 % en 2023, lequel n’est qu’en légère baisse sur 2021 (record à 147,1 %), l’Italie ne pouvait pas se permettre de faire dans les excès.

Avant d’en venir aux échanges extérieurs de notre voisin transalpin, quelques chiffres peut-être. La croissance est poussive, mais guère davantage que celle de la France (0,6 % prévue en 2024). Comme ailleurs, l’inflation fera sans doute une pause cette année (2,2 % selon Coface, après un bond de 6,1 % en 2023). Le solde budgétaire est proche en pourcentage du nôtre (-4,5 % prévus en 2024, après -5,3 % l’an dernier).

Cela étant, quels sont les points forts et faibles de l’Italie aujourd’hui ? Tout d’abord, selon différents spécialistes, dont ceux de Coface, le redressement du tourisme, qui est un des piliers de son activité économique, permet de soutenir la croissance.

Ensuite - et c’est là bien un succès du gouvernement Meloni, la stratégie de diversification géographique en matière d’approvisionnement énergétique est un atout remarqué. Le pays héritier de la grande Rome bénéficie aussi d’une très bonne position dans l’agroalimentaire haut de gamme, les tissus et l’habillement de bonne facture.

Et puis, on l’a dit supra, un écosystème de PME compétitives à l’export soutient l’économie. En outre, l’endettement privé demeure faible (107 % du PIB contre 162 % en moyenne dans la zone Euro). Tout va pour le mieux ? Non, bien sûr. Comme partout, certains points négatifs sont à relever. Nous n’allons pas tous les énumérer.

Naturellement, les taux d’intérêts élevés pèsent sur les coûts d’emprunt des ménages et des entreprises. Les ménages commencent de plus en plus à être sevrés d’aides gouvernementales - le quoi qu’il en coûte italien. On peut parler ainsi de la suppression de l’incitation fiscale « super–bonus », ou encore du régime de protection sociale « revenu citoyen ». La dette publique et donc la deuxième plus élevée de l’Union européenne derrière la Grèce, tandis qu’une part assez significative (20 %) de ce montant est détenu par des investisseurs privés étrangers, ce qui est évidemment contraignant, car on est soumis à leurs arbitrages et à leurs pressions. Néanmoins, certains facteurs portent davantage à l’optimisme. Ainsi, le reflux des importations, en particulier relevant de l’énergie, conjugué au bon dynamisme des exportations, contribue au retour à l’équilibre de la balance courante. L’Italie souffre, en revanche, d’une pression migratoire persistante ainsi que d’une démographie déclinante, ce que le gouvernement Meloni voudrait corriger. Face à cette situation contrastée, les autorités entendent poursuivre la mise en oeuvre de leur programme « Vision 2035 », qui affiche des objectifs ambitieux, dont le triplement du revenu par tête d’habitant… vraiment très ambitieux. Il faudra aussi lutter contre la corruption, toujours un véritable fléau, si l’on en croit l’organisme Transparency International qui classe l’Italie au 130e rang sur 180 en la matière. Au total, une économie très développée mais avec des travers encore inattendus. Qu’en est-il maintenant du commerce extérieur de l’Italie, dont il est vrai qu’elle est connue pour ses succès à l’exportation ?

Des IDE importants, de grands projets de coopération

La France est donc le premier investisseur dans la péninsule avec un stock d’IDE de 80,1 milliards d’euros en 2022, et un flux de 2,7 milliards cette année-là. C’est considérable, selon des chiffres calculés selon l’approche géographique, c’est-à-dire de l’investisseur ultime. Quoi qu’il en soit, notre stock augmente rapidement, puisqu’il a doublé en dix ans, faisant de l’Italie notre 5e pays de prédilection, après les Etats- Unis (232,9 milliards), les Pays-Bas (194,9), la Belgique (138,7), puis le Royaume-Uni (120,1). Nous comptons, d’après les éléments fournis par la Direction générale du Trésor, plus de 2 200 participations dans les entreprises italiennes, qui emploient plus de 300 000 collaborateurs. Qu’en est-il dans le sens inverse ? L’Italie fait également bonne figure, avec un stock d’IDE de 50,7 milliards d’euros, toujours selon l’approche de l’investisseur ultime, arrivant ainsi au 5e rang, après les Etats-Unis (139,8 milliards), l’Allemagne (107,3), la Suisse (107,1) et le Royaume-Uni (86,6). L’Italie compte des participations dans plus de 2 000 entreprises en France, assurant ainsi l’emploi de plus de 100 000 salariés. Ses secteurs de prédilection sont l’énergie, l’automobile, le spatial, l’aéronautique, la pharmacie, ou encore les assurances. Le secteur manufacturier est majoritaire.

Une coopération privée et publique exemplaire

Pas étonnant que le secteur manufacturier soit majoritaire puisque le nombre d’entreprises industrielles outre Rubicon est nettement plus élevé qu’en France (plus de 365 000 contre 274 000). Le tissu général d’entreprises est plus dense du reste, avec 4,5 millions d’entreprises (4,1 chez nous) incluant beaucoup d’entreprises industrielles et familiales.

La France et l’Italie entendent stimuler la résilience des secteurs stratégiques, en particulier en lançant, ou en approfondissant des coopérations industrielles dans cinq d’entre eux : l’hydrogène, le cloud, la micro-électronique, la santé et l’espace.

Des échanges commerciaux franco-italiens en légère baisse

Les échanges commerciaux avec notre voisin transalpin ont diminué légèrement en 2023, à 105,5 milliards d’euros contre 109 en 2022. L’Italie est notre deuxième client (8,7 % de nos exportations), après l’Allemagne (13,5 %) et notre 5e fournisseur, derrière l’Allemagne (12,8 %), la Chine 10,2 %), la Belgique (8,6 %) ou encore les Etats-Unis (7,8 %). Nos ventes ont reculé de 2,9 % en 2023. On y trouve en premier lieu les hydrocarbures (7,1 milliards d’euros), les produits chimiques, les parfums et cosmétiques (5,6 milliards d’euros), puis les produits agro-alimentaires (4,4 milliards d’euros) - un poste en hausse comme les précédents ; le textile-habillement (3,9 milliards) ; devant les produits informatiques et électroniques (2,2 milliards).

Nos achats sont un peu plus soutenus que nos ventes, puisqu’ils n’ont baissé que de 1 % en 2023, à 32,5 milliards. Qu’importe-t-on principalement d’Italie ? En premier lieu - cela ne surprendra personne, des produits du secteur textile-habillement - cuir, chaussures (en hausse de 13,9 % à 7,2 milliards d’euros), puis des machines industrielles et agricoles (+10,9 à 6,6 milliards), ensuite des produits des industries agro-alimentaires (en progrès de 9,7 % à 5,6 milliards) devant des produits pharmaceutiques (+9,2 % à 2,2 milliards). Ainsi, nous sommes quasiment à l’équilibre.

Quant aux échanges de services, le solde est, en général, nettement favorable à notre pays. L’industrie touristique est évidemment importante pour Paris comme pour Rome (8,5 % du PIB pour la France, 13 % pour l’Italie). L’année 2023 a constitué un record à cet égard pour nos échanges, qui ont crû d’environ 10 %.

Royaume-Uni : une économie solide

Le Royaume-Uni est évidemment un de nos principaux partenaires commerciaux et celui qui nous procure un excédent commercial annuel régulier, dernièrement de 10 milliards d’euros. En période de disette, c’est réconfortant. Au moment du Brexit, ses partisans outre-Manche vantaient l’arrivée d’un nouvel eldorado et ses pourfendeurs médiatiques et politiques partout ailleurs en Europe lui prédisaient l’apocalypse. Rien de tel ne s’est réalisé.

On prétendait aussi que les services financiers - entre autres, s’effondreraient. Ce n’est pas le cas, et du reste le Royaume-Uni rééquilibre toujours sa balance extérieure grâce aux services, alors que sa balance commerciale est régulièrement déficitaire. Mais on n’a pas de leçons à leur donner de ce point de vue. Les relations commerciales et de services avec les Etats-Unis sont évidemment très significatives. Le pays de l’oncle Sam est du reste clairement son premier client à l’export avec 16 % du total, nettement devant l’Allemagne (9 %), les Pays-Bas (8 %), l’Irlande (7 %) et la France (6 %). A l’import, c’est en revanche l’Allemagne (13 %) qui domine - mais assez peu finalement face aux Etats- Unis et à la Chine (10 %). Viennent ensuite les Pays-Bas et la France. Malgré le Brexit, qui semblait receler tant de dangers, nos voisins d’outre-Manche ne sont pas devenus des miséreux, puisque leur PIB par habitant (49 567, 62 livres sterling) est similaire au nôtre, ainsi qu’au global, puisque la population de 68 millions d’habitants est quasiment identique à la nôtre. Le gouvernement travailliste - déjà très impopulaire, dont la réussite électorale est due à une mutation politique alors en transition a, d’une part, cherché à resserrer les liens avec l’UE, en particulier dans le domaine de la défense, mais dans d’application du Brexit à la circulation des marchandises avec l’UE. L’introduction progressive des contrôles aux frontières en 2024, ce qui inclut des inspections physiques et des déclarations appropriées, ainsi qu’un système d’entrée-sortie et de l’ETIAS en 2025 devraient, souligne cependant Coface dans son analyse annuelle, « ajouter quelques frictions et augmenter les coûts commerciaux entre le Royaume-Uni et l’UE ». Malgré tout, estime l’assureur-crédit, l’impact économique global devrait être limité.

La croissance britannique n’est pas au top, mais elle est au diapason de celle des pays européens, à l’exception de l’Espagne.

Quels sont les points forts de nos voisins d’outre-Manche ? Selon Coface, qui publie une analyse documentée et qui apparaît neutre, ils seraient au nombre de quatre :

  • Une importante production d’hydrocarbures qui couvre environ trois quarts des besoins énergétiques.
  • La présence de secteurs à forte valeur ajoutée (aéronautique, pharmacie, automobile).
  • Un très bon positionnement dans les services financiers, juridiques aux entreprises.
  • Un régime fiscal et juridique « compétitif et attrayant ».

Les revers de la médaille seraient principalement :

  • L’endettement élevé du secteur public et financier, ainsi que des ménages.
  • Une productivité faible associée à un manque de formation.
  • Des investissements insuffisants dans les infrastructures et les transports.
  • Des inégalités régionales que l’on retrouve du reste dans les élections, avec un Grand Londres manifestement déconnecté de l’arrière-pays, ce qui explique sans doute les commentaires décalés des journalistes, qui ne connaissent que la capitale.

 

Les échanges commerciaux franco-britanniques au niveau de 2019

Après une baisse notable des échanges avec notre voisin d’outre-Manche, due aux incertitudes consécutives au Brexit et surtout au covid, le retour « à la normale est en cours ». La France est globalement le quatrième partenaire commercial du Royaume-Uni avec, par exemple, 64,6 milliards de livres sterling d’importations chez nous et 60,2 milliards de livres sterling d’exportations. On le voit, nous sommes excédentaires sur la balance de biens (+10,8 milliards d’euros en 2023, un montant relativement stable en 2024). En 2023, nous avons exporté à peu près autant de biens au Royaume-Uni (36,8 milliards d’euros) que de services (36,7 milliards d’euros). En sens inverse, nous avons reçu pour 26,1 milliards d’euros de marchandises et avons absorbé pour 29,4 milliards de services. Les investissements réciproques ne sont pas en reste de cette dynamique puisque le stock d’investissements du Royaume-Uni dans notre pays affichait l’an dernier une hausse de 11 % par rapport à 2013 à 99 milliards d’euros, juste derrière les Etats-Unis, la Suisse et l’Allemagne.

Quels biens échange-t-on principalement ? Selon la Direction Générale du Trésor, les flux intra-branches sont largement majoritaires. Les principaux biens que nous exportons sont ceux de l’agroalimentaire, de l’automobile, de l’aéronautique et des machines. A l’entrée en France, nous recevons également majoritairement des biens issus de ces catégories : agroalimentaire, aéronautique, machines, automobile, mais aussi agriculture au sens large et chimie. Cela évidemment, en mettant à part nos importations d’hydrocarbures, voire un temps d’électricité, au moment de la fermeture de plusieurs de nos centrales. Quand on parle d’échanges de services, de quoi s’agit-il ? Ce sont avant tout des services professionnels divers, des services financiers mais aussi de voyages et de transport, sans compter ceux de télécommunications et d’information. Du point de vue de leur valeur absolue, nos exportations vers le Royaume-Uni avaient progressé de 7 % en 2023 par rapport à 2019 et nos importations de 20 %, mais cela était dû aux circonstances spécifiques mentionnées supra et surtout sans doute à notre positionnement de quasi hub pour l’entrée de marchandises britanniques vers l’UE, rappellent nos spécialistes de la Direction Générale du Trésor.

Portugal : des IDE français les balances de services et élevés, de biens déficitaires

Le Portugal ne fait pas forcément beaucoup parler de lui. Sa situation politique plutôt stable, la taille de sa population ou de son économie n’en font pas un acteur majeur dans l’UE. Pourtant, les touristes français s’y rendent en masse et nos IDE sur place se situent au deuxième rang avec 17,38 milliards d'euros, juste derrière ceux de l’Espagne. De quoi aviver notre intérêt à en savoir plus.

La population du Portugal est relativement stable depuis des décennies – environ 10 millions d’habitants. La saignée produite par une émigration massive, tout particulièrement en France où nous avons accueilli dans les années 1960-1970 un million de Lusitaniens, n’a pas été compensée par l’arrivée des rapatriés d’Angola, ni par un taux de natalité qui demeure désespérément bas. En revanche, le niveau de vie a considérablement augmenté, suite à l’intégration dans l’UE et aux aides subséquentes qui lui ont été versées. Aujourd’hui encore, le Portugal bénéficie largement du fonds de soutien européen.

La croissance du tourisme, mais aussi de l’industrie automobile, reposant en grande partie sur le partenariat avec Stellantis, l’attrait du pays pour les retraités européens aussi ont permis une certaine prospérité économique pour ceux qui sont restés au pays, même s’il demeure des poches de pauvreté, dans l’Alentejo par exemple. Le PIB par habitant est aujourd’hui évalué à 24 296 dollars. Evidemment, c’est moins qu’en France, en Allemagne ou au Royaume-Uni… mais ce n’est pas si mal. Le pouvoir d’achat des Portugais et donc appréciable.

Ce qui est assez remarquable, lorsqu’on se penche sur les principaux indicateurs économiques, relayés par exemple par Coface, c’est qu’actuellement ils sont plutôt meilleurs que la moyenne de ceux de l’UE, de la France en particulier. La croissance a même été assez forte en 2023 (environ 2,5 %), nettement au-dessus de la moyenne de l’UE, avec une prévision de 1,4 % en 2024, selon Coface. Les comptes publics sont surtout quasiment équilibrés. Le solde public est évalué en très léger déséquilibre en 2023, la même chose en 2024. Rappelons qu’en France, on a « fait » -5,5 % l’an dernier. Tout cela alors qu’au pays de Vasco de Gama, le « quoi qu’il en coûte » a été quasiment supprimé. Quant au fameux ratio dette publique/PIB, il est certes élevé (106,2 % en 2023), mais il devrait cette année reculer assez sensiblement à 103,1 %. C’est encore une fois mieux que nous.

Encore des faiblesses structurelles

Alors, tout va-t-il pour le mieux dans le meilleur des mondes au pays du nostalgique fado ? Pas tout à fait, prévient Coface. L’assureur-crédit français pointe à cet égard « des insuffisances croissantes en matière d’infrastructures », un secteur manufacturier à la valeur ajoutée faible ou moyenne, un système juridique lent et des banques grevées par des portefeuilles de créances à risques.

En revanche, Coface relevait en 2023 parmi les points positifs une gouvernance politique plutôt stable. Actuellement, c’est un peu moins bien, on le sait, mais il semble que le PSD et le PSP, adversaires pendant la campagne électorale, aient conclu a minima un pacte de non-agression, car le PSD et ses alliés ne veulent pas traiter avec Chega, parti qualifié d’extrême droite. Il y a fort à penser que la politique du PSD sera similaire à celle du PSP, ne serait-ce que parce que c’est la commission européenne qui est le chef d’orchestre dans l’UE et impose ses vues, surtout à un pays qui a besoin des fonds européens. A cet égard d’ailleurs, son taux d’absorption des dits fonds est supérieur à la moyenne. Car il faut savoir que le taux d’emploi n’est pas forcément très élevé dans tous les pays. Autre point positif rapporté par Coface, le faible coût de la main-d’oeuvre et la naissance d’une industrie manufacturière nouvelle, dans les produits alimentaires et électroniques. Enfin, alors que l’on parle à longueur de journée de transition énergétique, le potentiel de cet Etat de l’extrême-ouest européen en matière d’énergie renouvelable est significatif, tant en matière d’hydroélectricité que d’éolien ou de photovoltaïque.

Attractivité touristique et en matière d’investissement

Parmi les atouts du Portugal, il y a évidemment le tourisme, même s’il est dimensionné à une taille plus réduite que l’Espagne, par définition. Il a connu un rebond post-pandémie qui l’a porté au-dessus du niveau de 2019. Les dépenses des voyageurs français en 2023 ont du reste atteint un record à plus de 3,1 milliards d’euros, après un creux à 1,5 milliards en 2020 et un premier sommet à 2,5 milliards en 2019. Même si l’on considère l’effet de l’inflation (du reste en recul à 2,6 % en 2023, après 6,5 % en 2022 et peut-être 1,4 % en 2024), le saut est considérable. Lesquels éléments, combinés, mettent notre balance des services bilatérale en piteux état (-4,1 milliards d’euros).

Pour ce qui est des IDE, nos positions sont à l’inverse, très fortes. Nous détenons la deuxième position, avec donc 17,3 milliards d’euros de stock, faisant de nous le deuxième investisseur étranger derrière l’Espagne. Le service économique de notre ambassade à Lisbonne recense 1 200 filiales d’entreprises tricolores, opérant dans des secteurs variés, à commencer par l’automobile et l’aéronautique, mais aussi le tourisme bien entendu, les services au sens large, la logistique et d’autres secteurs industriels. Ces filiales emploient la bagatelle de 110 000 personnes et réaliseraient un CA annuel de plus de 17 milliards d’euros.

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