Gestion

Poste clients : parer aux risques dans une société en évolution

Le poste-clients est un actif essentiel d’une société. Sa surveillance et sa préservation sont des enjeux essentiels et intemporels. En revanche, les risques évoluent en même temps que notre société. La technologie permet de mieux cerner les risques, mais aussi à des personnes mal intentionnées de réaliser des escroqueries, à travers des fraudes parfois très sophistiquées. Nous avons souhaité faire le point sur ces questions avec cinq spécialistes.

D’emblée, Alain Gazo oriente la discussion sur les deux clignotants majeurs, l’évolution du nombre de défaillances d’une part, celle des délais de paiement d’autre part. La défaillance d’un client, dans certains cas d’un fournisseur, peut mettre en grande difficulté une entreprise. De même, une augmentation exagérée des délais de règlement des clients est susceptible de l’amener à un dépôt de bilan faute de trésorerie.

Qu’en est-il tout d’abord des défaillances aujourd’hui ? Franck Lemoine observe « un retour à la normale post-covid » où les pouvoirs publics - à travers le PGE, les reports de dettes fiscales et sociales - avaient contribué à fortement freiner les dépôts de bilan. Cependant, le niveau des défaillances est relativement davantage en hausse dans les ETI et les PME, retrouvant celui de 2010 dans ce cas selon Ghislain Verstraete, qui relève aussi « un stock de conciliations élevé propice à une nouvelle hausse des défauts dans un proche avenir ». Nicolas Flouriou prévoit 55 000 défaillances sur l’ensemble de l’année, soit un niveau à peu près équivalent à celui de 2019 et globalement inférieur à celui de la période de la crise des subprimes. 90-92 % d’entre elles concernent les sociétés de zéro à un salarié, donc sans impact social majeur. « Cela étant, rebondit Thomas Bonte, davantage de grosses sociétés sont effectivement concernées, ce qui a précisément des conséquences dommageables ». « Peu de secteurs échappent à la tendance, poursuit-il, et surtout 82 % des défauts aboutissent à des liquidations ».

« Le PGE a créé des entreprises zombies pendant trois-quatre ans, par exemple dans le retail ou l’habillement », constate Nicolas Flouriou, tandis que Ghislain Verstraete remarque en outre un niveau de radiations à la hausse.

Franck Lemoine évoque « le déni des dirigeants », qui attendent trop avant de prendre les mesures qui s’imposent. Un avis partagé par l’ensemble des participants, même s’il tempère en valorisant le fait que l’immense majorité des dirigeants s’en sortent « en se battant et en innovant ».

Venons-en maintenant aux délais de paiement : où en est-on ? La loi LME avait tenté d’y mettre bon ordre. Est-elle respectée ? Dans un premier temps, elle avait favorisé une nette régression des problèmes apparents. Nicolas Flouriou rapporte un retard de paiement de « douze jours en moyenne, quinze dans les grandes entreprises, en légère hausse par rapport à 2019 ». Il observe - c’est logique - que « les fournisseurs stratégiques sont mieux traités tandis que ceux au bout de la chaîne de sous-traitance le sont bien moins ». Le président de l’AFDCC alerte aussi sur « la désinvolture » de certains grands groupes, où « des dysfonctionnements comptables » existent, en dépit de l’absence de problèmes de trésorerie chez eux.

Comment lutter contre ce fléau ? Ghislain Verstraete évoque le « name and shame » pratiqué par la DGCCRF, accompagné d’amendes, « néanmoins d’un montant insuffisant et donc non dissuasives ». Quoi qu’il en soit, le délai moyen de paiement, hors secteur public et agroalimentaire, est de 45 jours selon Nicolas Flouriou, plutôt 65 pour certains dossiers d’affacturage selon Ghislain Verstraete. « Et les grandes entreprises paient plus mal », ajoute Franck Lemoine.

Quant au secteur public - revenons-y, la situation ne se serait que peu améliorée, indique François Piéchaud, « au point que certaines entreprises ne veulent plus travailler avec le public », complète Franck Lemoine. « Les délais de règlement des collectivités locales et encore davantage ceux des hôpitaux publics sont très lents », approuve Nicolas Flouriou.

Journée Crédit 2022 : des débats sérieux, une assistance en hausse

Le 18 novembre s’est tenue la traditionnelle Journée Crédit de l’AFDCC (Association française des credit managers et conseils), comme d’habitude au Pavillon Dauphine à Paris. Le nombre de participants – plus de 400 credit managers et partenaires – prestataires et fournisseurs du métier, étaient présents, selon les données de l'organisateur.

En tout cas, alors que cela fait plus de vingt ans que nous sommes partenaires de cet événement majeur de l’AFDCC, nous avons pu constater un net regain d’affluence par rapport à 2021. Que sont venus faire les participants ?

D’une part, écouter des conférenciers intéressants, d’autre part et peut-être surtout échanger avec leurs homologues d’autres entreprises, et bien sûr les prestataires exposants. Quant aux conférences, au contenu souvent dense, mentionnons deux temps forts : l’un de nature économique avec l’intervention de Anne-Marie Delattre, sur le thème « 360° d’un monde économique en pleine mutation », l’autre sur l’axe
« Abandonner, jamais » avec Virginie Delalande.

La Journée Crédit est aussi le moment pour les credit managers venus d'Ile-de-France, mais pour beaucoup aussi de province, de faire le point avec leurs élus sur l'actualité du mouvement, dirigé depuis un an par un nouveau président, Nicolas Flouriou.

Parmi les provinciaux, nous avons rencontré le délégué du Nord de la France, où l’AFDCC semble bien progresser avec actuellement une volonté de coopération, voire d’extension, en Wallonie. Pendant les pauses, les participants à la convention, _ les credit managers, pouvaient visiter les stands de certains partenaires de l’AFDCC présents.

Le monde de la gestion du poste clients était là : assurance-crédit (Coface, Credendo, Allianz Trade), sociétés de recouvrement, éditeurs de logiciels de cash management ou encore spécialistes du renseignement financier et commercial. La plupart des principaux acteurs de ce dernier secteur étaient de la partie. Ainsi en était-il de Creditsafe, filiale française d’un groupe scandinave fondée en 1998 par son actuel PDG, Cato Syversen et dirigé dans notre pays par Damien Barthélémy. Creditsafe fêtait la veille de la Journée Crédit  ses vingt-cinq ans (seize ans dans notre pays) à l’Aquarium du Trocadéro.

Cato Syversen expliqua les débuts de la start-up en Norvège dès 1998, avec l'idée d'utiliser les canaux d’un Internet encore balbutiant pour fournir des informations commerciales et financières à un plus grand nombre d’entreprises que ne le faisaient alors les intervenants du secteur. Plus vite donc et à moindre coût. L’aventure fut un succès, après les balbutiements du départ, car l’idée était la bonne, mais Internet pas encore installé chez ses clients potentiels.

Le succès est au rendez-vous, puisqu’après un rapide déploiement à l’international, Creditsafe est aujourd’hui implanté directement dans quatorze pays, dont la France, la Suède, l’Italie, le Royaume-Uni et bien sûr la Norvège. Le tout pour un dernier CA total de 275 millions d’euros, dont un cinquième dans notre pays.

L’acteur français Infolegale, venu sur le marché à la fin des années 2000 cette fois, avec au moins au départ un positionnement sur les plus grandes entreprises et les ETI, s’est renforcé cette année à travers l’arrivée de nouveaux investisseurs et de la croissance externe avec l’acquisition de Covline, société basée à Strasbourg, éditant un logiciel de cash management en mode SaaS, Eloficash. Le directeur commercial de cette société, Richard Jauffraud, qui confirme qu’il continue de jouir d’une autonomie au sein du groupe Infolegale, énonce une proposition de « CRM financier », à savoir un logiciel de gestion du poste clients qui autorise « la constitution de dossiers complets, de la facture à l'encaissement », avec une cible prioritaire d’ETI et de grandes entreprises.

Renseignement et recouvrement

Chez Ellisphere, acteur majeur de la sphère du renseignement commercial et financier, Thierry Bès, directeur de la communication, se réjouissait, malgré « un contexte général chahuté, d’une année assez bien maîtrisée avec un développement du CA ». Pourquoi ces bons résultats affichés ? Deux raisons principales à cela selon lui : 

  • une relation clients « digne de ce nom, avec une organisation technologique et RH bien perçue par eux ».
  • Des solutions répondant aux enjeux des entreprises, quel que soit leur secteur d’activité, grâce par exemple à des scorings spécifiques sur les probabilités de défaillance, à côté bien sûr de solutions standards.

Pour 2023, et aussi les années suivantes, Thierry Bès estime que le chamboulement apporté par l’obligation de transmission électronique des factures pour toutes les entreprises – au plus tard pour les plus petites en 2026, devrait par ricochet porter ses fruits pour les acteurs du renseignement financier puisque la nécessité de disposer de données entièrement fiables se fera encore plus sentir qu’aujourd’hui.

Le renseignement est primordial certes, mais la gestion du poste clients passe aussi par l'affacturage et l’assurance-crédit, en direct ou à travers des courtiers, comme Verspieren Crédit et Finance. Son directeur du développement, Ghislain Verstraete, évoquait une année 2022 de croissance pour cette filiale du spécialiste nordiste reconnu du courtage. Une croissance organique puisque les besoins de financement sont croissants, à preuve  « la hausse de 16 % des montants affacturés au plan national au premier semestre, suite au début des remboursements des PGE et aux effets de l'inflation » et que la nécessité de se protéger des risques devient plus prégnante. La croissance de Verspieren Crédit et Finance provient aussi de rachats, comme celui récent « d’un jeune pure player de l’affacturage, Tresoptim».

A un moment donné, malgré toutes les précautions du monde que l’on a pu prendre, nous pouvons être amenés à faire appel à une société de recouvrement. Parmi elles, un acteur plutôt jeune, mais déjà bien ancré dans le paysage, Recouvéo.

Les dirigeants de cette start-up installée à Paris et à Marseille, Cédric Brun et Lionel Rabayrol, affirmaient ainsi son positionnement : « Nous sommes un cabinet de recrutement à taille humaine, plutôt premium, axé principalement sur les créances complexes et litigieuses avec une préparation de dossier dotée d’une teinte juridique, afin d’anticiper une possible action contentieuse, le tout à des coûts maîtrisés ».

Le nombre de nouveaux acteurs du monde de la gestion du poste clients se multiplie ces dernières années.

Parmi les nouveaux acteurs, Hoopiz, fondé et dirigé par Christophe Goffinon. Hoopiz propose une solution SaaS de credit management tout en un, « favorisant la maîtrise du poste clients, de la prospection à l’encaissement », cela pour « les entreprises de toutes tailles et de tous secteurs, spécialement les PME-PMI». La start-up a noué des partenariats avec plusieurs acteurs de premier plan, du renseignement commercial à l’assurance-crédit, en passant par l’affacturage entre autres.

Credit management : savoir prendre des risques calculés

Alors que le nombre de défaillances d’entreprises, en forte hausse, retrouve son niveau normal, que les modes de transmission des factures sont appelés à changer, que les délais de paiement – visibles ou masqués, sont toujours une question cruciale, l’AFDCC (Association française des credit managers et conseils) entend jouer un rôle croissant en portant ses thématiques auprès des pouvoirs publics et des grandes entreprises. Nous avons rencontré son président, Nicolas Flouriou, pour évoquer les ambitions de son association en la matière.

Conquérir : Nous voyons l’AFDCC poster désormais régulièrement ses prises de position à travers les réseaux sociaux. Quel en est le but ?

Nicolas Flouriou : Seule association de credit management, nous entendons être le porte-voix de notre profession de manière encore plus audible qu’auparavant. Nous publions régulièrement nos avis étayés afin de défendre notre métier et l’importance du respect des délais de paiement. Nous comptons 1.000 membres sur toute la France, qui travaillent dans de grandes entreprises, mais aussi des PME-PMI, lesquelles n’ont pas forcément de credit manager dédié, mais un collaborateur qui gère ces aspects-là et auquel nous pouvons apporter des conseils adéquats. Notre objectif est de compter 3.000 adhérents à fin 2026.

Conquérir : Pouvez-vous identifier pour nos lecteurs vos prises de position récentes ?

Nicolas Flouriou : Certainement. Tout d’abord, un avertissement sur les pratiques visant à éluder la loi LME qui impose des délais de règlement très encadrés. Comme le délai court à partir de la date d’émission de la facture, la tentation est grande de contourner la loi en différant l’envoi du bon de commande numéroté, parfois au-delà de la délivrance de la prestation. D’après l’Observatoire des Délais de Paiement, les retards de paiement représentent un préjudice de 12 milliards d’euros de trésorerie perdue pour les PME, qui en pâtissent. Nous avons également indiqué les 10 bonnes pratiques pour améliorer le Cash Clients, les enjeux du DSO, les clés pour dimensionner son équipe… L’un des sujets, c’est d’ailleurs ce que nous attendons des fournisseurs d’informations commerciales et financières du fait de la raréfaction de l’information commerciale, suite à la possibilité de publier ses comptes en confidentiel totalement ou partiellement (NDLR : sauf pour les sociétés cotées). 860.000 font usage de cette opportunité. Cette absence de transparence n’aide pas les credit managers à prendre des décisions…

Conquérir : L’enjeu des délais de paiement est toujours là ?

Nicolas Flouriou : Il est plus que jamais crucial. L’encours du crédit interentreprises est évalué à 700 milliards d’euros, soit quatre à cinq fois supérieur à celui du crédit bancaire à court terme sous toutes ses formes. Le non-respect de ces délais de paiement a un impact de 12 milliards d’euros pour les PME. Le retard du délai de paiement facial ressort à 11–12 jours en 2022 comme en 2023 en moyenne, tiré vers le haut par les grandes entreprises. Nous considérons d’ailleurs qu’un label incitatif pouvant intégrer les délais de paiement comme un critère RSE serait un bon moyen de freiner ces écarts, à l’instar du « name and shame » de Bercy. L’Observatoire des délais de paiement, qui inclut notre enquête AFDCC annuelle, contribue à maintenir la vigilance sur ce sujet.

Rationaliser et améliorer la trésorerie

Ventya se veut un spécialiste du sur-mesure à des conditions raisonnables. C’est ce que confirme un de ses clients, Cédric Lardeau, DSI de A2micile, qui résume ainsi la prestation de Ventya    : « Ils ont standardisé une prestation à la carte ». A2micile exerce principalement ses activités dans le marché – très concurrentiel – des services à la personne à travers ses marques commerciales Azaé et Domaliance (ménage, repassage, jardinage, aide aux seniors et aux personnes dépendantes). Le groupe détient, en direct ou à travers des filiales, 250 agences en France, et est également déployé en Allemagne comme en Belgique, cela dans « un marché très morcelé ». A2micile emploie 12 000 personnes. Si la partie B2B est déterminante, A2micile exerce aussi en B2C. A savoir que certaines prestations à domicile ont pour donneurs d’ordre des assisteurs mandatés par les assureurs, dans le cadre des garanties qu’ont souscrites les clients de ces derniers. « Cela représente plusieurs centaines de missions par jour, explicite Cédric Lardeau, et un volume de facturation équivalent, car chaque prestation donne lieu à facturation ». La nature de ces interventions occasionne assez souvent des écarts de facturation car elles peuvent voir leur durée prolongée ou au contraire être annulées.  Et les règles sont différentes selon les caractéristiques des garanties souscrites par les bénéficiaires.

« Cela entraîne de nombreuses opérations de gestion à la main, chronophages et provoquant des délais de règlement plus longs », relate Cédric Lardeau. Il se trouvait qu’un des assisteurs travaillait déjà avec Ventya sur la partie rapatriement. Le projet a été mis en œuvre en 2017. « Désormais, rapporte encore Cédric Lardeau, le flux de notre système d’information est connecté à celui de Ventya, auquel nous envoyons notre flux de facturation, avec des échanges de données informatisés mentionnant les éléments relatifs à la mission réalisée (le nombre d'heures d'interventions, le numéro du client…) Ventya communique ensuite à l’assisteur des flux de la manière dont il est attendu, agissant ainsi en tant qu’intermédiaire de confiance ». Dans l’heure qui suit, « tous les décalages de facturation nous reviennent », indique le DSI.

Outre les gains de temps obtenus sur la gestion, un avantage intéressant pour la trésorerie de l'entreprise est apparu puisque, alors qu'auparavant les factures n'étaient honorées par l’assisteur qu’après que tous les « litiges » aient été purgés, aujourd'hui les paiements sont libérés immédiatement pour la partie des montants qui ne sont pas fixes. «    Au total, moins de stress, plus de rapidité de traitement et financièrement un avantage », se réjouit Cédric Lardeau. Très satisfait, il s’est mué cette fois en force de propositions pour Ventya auprès des autres assisteurs avec lesquels il travaille, toujours dans le but de simplifier et de rationaliser les flux.

Transmission électronique de factures obligatoire : top départ

Le salons Solutions (3 au 5 octobre Porte de Versailles) a été marqué par la thématique des nouvelles obligations de transmission électronique des factures via le portail instauré par l’Etat. La mise en place se fera progressivement, mais prestataires et entreprises clientes sont déjà dans les starting blocks.

Trois questions principales se posent à vous lecteurs qui ne vous êtes pas encore trop penchés sur la question à ce stade :

  • Le calendrier.
  • La nécessité ou pas de faire appel à un prestataire.
  • La possibilité de profiter de la circonstance pour opérer d’autres aménagements dans le système d’information.

Le calendrier d’abord. David Brillet, directeur commercial de Ventya, opérateur historique de la facturation électronique, le rappelle. Initialement, à partir du 1er juillet 2024, les grandes entreprises (plus de 5 000 salariés) devaient être concernées, avant les moyennes entreprises un an plus tard, puis la totalité le 1er juillet 2026. En réalité, le tout prend du retard, probablement les douze premières mois.

Tout cela sachant que les TPE/PME, même si elles n’en auront pas encore l’obligation, vont subir les pressions de leurs donneurs d’ordre de s’y conformer avant la date butoir, quelle qu’elle soit, en particulier la réception des factures, ce que Quadient a bien en tête. De quoi s’agit-il précisément ? « De faire transiter les factures clients et fournisseurs à travers une plate-forme de l’administration dans un format similaire au PDF, précise David Brillet. Bien entendu, la mise en place, comme les déploiements promettent d’être progressifs prolonge-t-il encore, avec une cohabitation pendant deux-trois ans entre les factures papier, celles arrivant par mail, ou par la plate-forme ».

Le portail de l’administration sera gratuit. Cependant, pour des raisons qualitatives, de traitement, d’intégration à d’autres systèmes, de nombreuses entreprises, sauf si leurs volumes d’émission sont faibles, passeront, si elles ne le font déjà, par des prestataires pour exécuter leurs envois et souvent pour optimiser leur process. Cela dans le cas où le volume d’émissions est important.

« Même si l’utilisation promet dans tous les cas d’être fastidieuse et chronophage », modère de son côté David Brillet.

Portefeuille clients : une analyse préventive nécessaire

Le portefeuille clients doit faire l’objet d'une surveillance régulière, soit à l’aide de moyens automatisés - souvent avec l’appui d'un prestataire extérieur, soit à travers une approche directe. La détérioration actuelle de la conjoncture s’accompagne d'une augmentation encore modérée des défaillances d’entreprises. Nicolas Flouriou, président de l’AFDCC (Association française des credit managers et conseils), évoque avec nous les principaux points d’actualité de son métier.

Conquérir : Peut-être tout d’abord quelques mots sur votre association et son actualité ?

Nicolas Flouriou : Nous rassemblons environ 1 000 credit managers, de PME jusqu’aux plus grands comptes, ainsi que des membres associés gravitant dans notre écosystème (sociétés de recouvrement, éditeurs de logiciels de recouvrement, créateurs de plates-formes, tout en un permettant de choisir une prestation à l’unité, assureurs crédits, factors, fournisseurs de données qualitatives…). Il est à noter que 50 % de nos membres exercent leur activité en province.

Conquérir : Il y a un an, j’avais rencontré votre prédécesseur Eric Scherer. Son inquiétude portait sur les conséquences du remboursement des PGE. On n’a pas l’impression que cela ait impacté grandement le nombre des défaillances…

Nicolas Flouriou : …Vous avez en partie raison. Cela étant, le nombre de défaillances commence à augmenter modérément, à la faveur en particulier de la reprise des recouvrements par l’URSSAF. De plus, malheureusement quatre cinquièmes des ouvertures de procédures aboutissent actuellement à des liquidations, une proportion plus élevée qu’à l'ordinaire. Quant au remboursement du PGE, qui a commencé pour beaucoup, il pourrait occasionner de graves répercussions pour les entreprises qui l’ont utilisé, alors que beaucoup ne s’en sont pas servi.

Au-delà de l’aspect PGE et de difficultés spécifiques, de nombreuses sociétés souffrent d’autres maux : hausse du prix des matières premières, reconstitution de stocks compliquée à la fois en raison de la raréfaction des intrants et de la trésorerie importante à y engager. Quant à l'inflation, les entreprises qui ne sont pas en mesure de répercuter la hausse des prix de leurs fournisseurs ou des salaires, vont souffrir.

Conquérir : Dans ce contexte, il faut être vigilant !

Nicolas Flouriou :  Plus que jamais ! C’est précisément le rôle du credit manager de rendre des avis sur l’ouverture de nouveaux comptes clients, des montants de crédit alloués, toujours ainsi à la lisière du commercial et de la finance. Un credit manager, ou toute autre personne remplissant en partie cette fonction comme dans les TPE, peut s’aider d'outils automatisés de spécialistes de la donnée commerciale et financière. De même, pour relancer les paiements à l’aide de scénarios pré-établis. Cependant, l’humain sera toujours là, par exemple pour surveiller de plus près les clients à risque de nos jours ou pour les négociations, plus ou moins complexes, avec ses clients ou prospects.

 Conquérir : Quels sont vos principaux chantiers aujourd’hui ?

Nicolas Flouriou :  Tout d'abord, le passage en trois étapes du 01/07/2024 au 01/07/2026 à l'obligation faite à toutes les entreprises de transmission électronique des factures dans le domaine commercial privé. Ces données devront être fournies à l’Etat à travers un dispositif spécifique. C’est un enjeu primordial pour les prochains mois et nous entendons à l’AFDCC apporter toutes les informations au plus vite à nos adhérents afin qu’ils bénéficient des meilleures pratiques. L’idée est, bien sûr, d’automatiser ces process. Les credit managers vont être les chefs de ces projets dans leurs entreprises. Un certain nombre d’opérateurs de plates-formes privées doivent être prochainement certifiés par l’Etat. Ce seront celles avec lesquels nous pourrons travailler.

Au-delà de cette question, celle des délais de paiement est toujours d’actualité bien sûr. Les retards avaient diminué, après la loi LME. On a assisté ensuite ces dernières années à un effet « plateau ». Alors que les retards sont stables chez les TPE-PME, on remarque désormais leur hausse dans les grandes entreprises ou les PME les plus importantes, souvent sous l’effet d’une obligation de transmettre des documents sur des plates-formes dont le fonctionnement est complexe ou les procédures inutilement compliquées voire absurdes.

Conquérir : Avec la fin de la période de fermeture Covid, quels événements organisez- vous ?

Nicolas Flouriou : Nous n’allons pas abandonner le digital avec nos webinaires nationaux ou régionaux qui fonctionnent très bien. Cela nous permet de multiplier nos prises de parole et les contacts entre les adhérents, qui parfois ne peuvent pas se déplacer facilement.

Cependant, les événements physiques ont évidemment leur importance, pour faire du réseautage par exemple, échanger avec des collègues, des professionnels du métier… Notre point d'orgue se situe en novembre, comme d'habitude, avec notre Journée Credit traditionnelle (18 novembre cette année). Auparavant, nous nous serons retrouvés pour notre événement de rentrée autour des perspectives économiques. Trois autres grands moments nationaux sont aussi régulièrement inscrits à notre agenda :  les Journées d’Information juridique, la Journée Innovation, entendue au sens large (produits, aspect réglementaire…) et les Assises des délais de paiement et des financements en partenariat avec la Figec.

Conquérir : Pouvez-vous faire part à nos lecteurs de quelques points saillants du programme de la Journée Crédit du 18 novembre, dont Conquérir est traditionnellement partenaire ?

Nicolas Flouriou :  Le programme sera chargé. Outre les moments de convivialité, au moment du cocktail déjeunatoire et de la soirée, je mentionnerais cependant deux temps forts, qui offriront la parole à des personnalités renommées : une grande conférence économique avec Anne-Laure Delattre : « 360° d’un monde macroéconomique en pleine mutation » et « Abandonner ? Jamais ! », une conférence exceptionnelle avec Virginie Delalande.

Transmission obligatoire électronique de factures : à vos marques !

Les représentants de Ventya, acteur présent de longue date dans la transmission et l’archivage des factures, Dominique Bougnot, directeurgénéral, et David Brillet, directeur commercial. Nous parlons d'un nouveau panorama.

Conquérir : Pouvez-vous nous rappeler les nouvelles obligations imposées aux entreprises et l’échéancier ?

Dominique Bougnot : Les échéances se rapprochent, en effet. A partir du 01/07/2024, les grands comptes (plus de 5 000 salariés…), puis le 01/07/2025 les moyennes entreprises et la totalité le 01/07/2026 auront l’obligation de faire transiter leurs factures clients et fournisseurs à travers une plate-forme de l’Administration. Le format de base requis est une sorte de PDF auquel sont attachées un certain nombre de données. Ce déploiement progressif fera que pendant deux-trois ans cohabiteront les factures papier, celles arrivées par mail sous forme de PDF et puis celles transitant par la plateforme.

Conquérir : Peut-on traiter tout cela en interne ? Et quand faut-il s’y prendre ?

David Brillet : Le portail de l’administration est gratuit. Cependant, son utilisation est susceptible d’être fastidieuse. Passer par un prestataire-expert fait gagner du temps, il permet l’automatisation de l’envoi et la réception des factures. La connexion à l’ERP est facilitée et les données transmises à l’administration cadrées dans les limites des exigences reprises. Et le coût facial n’est pas très élevé. Quant au délai de préparation, il faut compter de trois à six mois pour un produit packagé. Les petites entreprises ont avantage, elles aussi, à mettre en place dès à présent cette nouvelle organisation, car elles seront le 01/07/2024 confrontées à la réception des factures des grands comptes par le nouveau canal.

Crédit du Nord : focus sur l’open banking

L'univers bancaire demeure très concurrentiel : banques généralistes nationales et internationales, structures mutualistes… Les acteurs doivent pouvoir se distinguer par une structure de clientèle - et donc d'approche ciblée, ainsi que par des solutions innovantes. Le Crédit du Nord met actuellement en exergue pour sa clientèle une politique dite d’open banking, à travers des partenariats bancaires ou extra-bancaires. Nous avons rencontré à ce propos Bruno Magnin, directeur de la clientèle corporate du groupe Crédit du Nord.

Tout d'abord, il convient de resituer le Crédit du Nord dans son contexte opérationnel et financier. Le groupe Crédit du Nord regroupe neuf banques locales, très connues dans leur région et implantées de longue date puisque, par exemple la Banque Courtois a été créée au XVIIIe siècle. Actuellement filiale de Société Générale, le groupe Crédit du Nord est implanté nationalement avec, en particulier, de fortes positions en région parisienne, dans le Nord et le Nord-Ouest à travers la banque éponyme, dans le couloir rhodanien avec la SMC (Société Marseillaise de Crédit), ainsi que dans le Sud-Ouest (Banque Courtois).

Les autres banques régionales sont Kolb, Laydernier, Nuger, Rhône-Alpes, Tarneaud, Société de Banque Monaco, tandis que la célèbre société de Bourse Gilbert Dupont fait également partie du groupe.

Le groupe Crédit du Nord « compte 8 000 collaborateurs, répartis dans plus de 700 agences sur tout le territoire, 1,75 million de clients particuliers, 153 000 clients professionnels et 43 000 clients entreprises ». Il s’adresse dans les segments des entreprises plus particulièrement aux PME car, souligne en substance Bruno Magnin, « nos banques régionales sont de véritables PME qui s’adressent à leurs homologues, et cela se retrouve dans leur ADN de naissance car elles ont été fondées par des entrepreneurs pour des entrepreneurs ».

Un dialogue permanent avec la clientèle

Questionné plus en détail sur la spécificité de ces banques, Bruno Magnin évoque « un dialogue permanent, et de confiance avec les clients [favorisé] par l'autonomie de décision locale, permettant les décisions rapides ». Proche des PME locales, le groupe Crédit du Nord, à travers ses différentes banques, a eu à cœur de soutenir ses clients entreprises pendant la crise sanitaire, « avec des reports d’échéance quand il le fallait, ou encore en se montrant proactif sur des propositions de PGE ». Les montants alloués à ce titre ont été supérieurs à la part de marché du réseau, mentionne-t-il.

Cette part de marché, le groupe Crédit du Nord souhaite la maintenir et si possible l'augmenter. Dès lors, ses équipes s'efforcent de proposer des produits ou des solutions répondant aux besoins identifiés de ses clients, voire en les anticipant.

Originalité revendiquée, celle de l’open banking, à savoir donc « la construction d’offres bancaires ou non bancaires » avec des partenaires. De quoi « simplifier la vie des clients, et sécuriser leurs projets d'entreprise ».

Trois sujets majeurs ont été identifiés par la banque, nous rapporte-t-on en substance : la sécurité, la transition énergétique et le digital au sens large. Quant à la sécurité, il s’agit de sensibiliser les entreprises aux risques cyber, « qui peuvent concerner les ETI, mais aussi les PME, voire les TPE ». Les sensibiliser, mais aussi les aider à se protéger, grâce à des solutions assurancielles et techniques, dans ce dernier cas à travers des partenaires aguerris.

Transition énergétique et RSE

Autre sujet identifié, celui de la transition énergétique et de la RSE. Là encore, aussi bien en matière d’économie d’énergie, que de diminution de l’empreinte de CO2, le groupe Crédit du Nord propose des solutions relevant de son métier premier – la fourniture de financements, mais aussi la mise en relation avec des partenaires « de confiance » pour mettre en place en pratique des évolutions soutenables en la matière. Sans oublier l’aide à la recherche des multiples aides accessibles pour aller vers la transition énergétique.

Pour revenir à l’univers bancaire à proprement parler, le réseau Crédit du Nord propose un prêt de transition environnemental pour appuyer les investissements dans ce domaine, ainsi que des prêts à impact positif. Il s'agit dans ce dernier cas de prêts qui ne sont pas nécessairement fléchés vers des investissements directs dans « le vert », mais qui peuvent avoir des impacts positifs en matière de RSE. Moyennant le respect de certains critères, les entreprises emprunteuses peuvent bénéficier de bonifications sur le taux d’intérêt acté, deux ans puis quatre ans après le début du crédit.

Dernier domaine visé par les nouveautés exposées, celui des innovations en matière de digital. « Les besoins en la matière et les réponses que nous y apportons se sont considérablement renforcés ces dernières années », souligne Bruno Magnin. Il évoque, en particulier, la promotion de la signature électronique, le suivi des opérations du client – en France ou à l’international, en temps réel et « en association avec une start-up, une solution de gestion de trésorerie 100 % en ligne, remplaçant efficacement les outils Excel de partage de documents ».

A propos des opérations à l’international, qui concernent nombre d’entre vous, chers lecteurs, Bruno Magnin fait part de la présence de spécialistes du commerce international dans toutes les banques locales, « à même de répondre aux traitements et au financement des opérations, tant à l’import qu’à l’export, ainsi qu’aux ouvertures de comptes à l’étranger ». Le groupe Crédit du Nord bénéficie, en outre, de l’implantation de sa maison-mère, Société Générale, dans de nombreux pays du monde.

Propos recueillis par Alain Gazo

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