Gestion

Assurance-crédit : une précaution souvent utile

La conjoncture économique est incertaine. Les défaillances d’entreprises sont à la hausse. Les commandes sont plus difficiles à obtenir et l’on éprouve d’autant plus le besoin de sécuriser le poste-clients. Quel rôle pour l’assurance-crédit dans ce contexte ? Nous nous sommes entretenus avec Franck Lemoine, directeur commercial et marketing de Pouey International, afin qu’il nous éclaire sur ce point, ainsi que sur l’offre de son entreprise en la matière.

Conquérir : Quelle place convient-il d’accorder à l’assurance-crédit dans la sécurisation du posteclients ?

Franck Lemoine : C’est un dispositif qu’il faut prendre en considération car il est très pertinent. Il permet de se protéger du risque de non-paiement, de se couvrir en cas de défaillance d’un client dont l’impact peut être important, enfin de monitorer son poste-clients en fonction des résultats de l’analyse des risques effectuée par l’assureur-crédit. L’entreprise va ainsi pouvoir sécuriser, en règle générale, jusqu’à 80 % de son CA. Cela sauf en cas de risque systémique, comme ce fut le cas en 2009-2010…

Conquérir : ... cela représente un coût !

Franck Lemoine : Certes, il faut payer une prime d’assurance, mais la couverture peut éviter une perte de CA et de résultat dont les conséquences seraient très préjudiciables, a fortiori dans le cas assez fréquent où les marges sont faibles. C’est pourquoi environ 15 % des entreprises de plus de 10 salariés (le taux d’équipement augmente avec la taille des entreprises) sont aujourd’hui dotées de solutions d’assurance-crédit. Cette proportion pourrait augmenter alors que l’environnement économique est dégradé et que les dépôts de bilan sont à la hausse. Le METI (Mouvement des ETI) annonçait ainsi un CA en baisse de 10 % en 2024 pour cette catégorie d’entreprises. Cela, alors qu’une nouvelle concurrence chinoise apparaît depuis moins d’un an, à la recherche de nouveaux marchés hors USA…

Conquérir : ... tous les risques ne sont pas couverts !

Franck Lemoine : Effectivement. La couverture exclut d’emblée les risques relevant d’un litige non résolu, de la force majeure ou de la fraude. L’assureur-crédit est là avant tout pour couvrir l’insolvabilité. En règle générale, il se rémunère sur l’intégralité du poste-clients couvert d’une société, ce qui lui permet de moyenner ses risques. Cela étant, les acheteurs de leurs clients sont rangés en trois catégories : ceux qui sont garantis, ceux qui le sont partiellement et ceux qui sont refusés, car leur niveau de solvabilité est estimé trop faible. Dans ce cas, l’exclusion est réalisée à partir d’une grille de notation. L’encours maximum peut être également plafonné afin d’équilibrer les garanties vis-à-vis d’autres sociétés clientes de l’assurance-crédit. Quant à la question que l’on pourrait se poser sur l’attitude actuelle des assureurs-crédit, nous ne remarquons pas de frilosité particulière, en tout cas pour le moment. Les notations issues de l’analyse des comptes 2024, supposément moins bons qu’en 2023, pourraient évidemment quelque peu modifier la donne.

Conquérir : Comment se situe Pouey International, qui au départ est un spécialiste du recouvrement de créances, dans l’univers de l’assurance-crédit ?

Franck Lemoine : Notre société aux capitaux familiaux est plus que centenaire, vous le savez. Notre offre a évolué au fil du temps et s’est étoffée. Le recouvrement, ce que j’appellerais le curatif, représente encore 40 % de notre CA. Avec le temps, s’y est ajouté le renseignement commercial et financier, reposant sur les études ad hoc de solvabilité de tiers (fournisseurs ou clients). Notre expertise en la matière, basée sur des enquêtes commerciales approfondies permettant d’évaluer précisément la solvabilité d’une entité à l’instant T, nous a conduits à créer en 1997 une société d’assurance à même de proposer des solutions différentielles sur le marché de l’assurance-crédit…

Conquérir : ... de quoi s’agit-il ?

Franck Lemoine : Tout d’abord, nous pouvons intervenir en top up, à savoir en complétant la garantie sur un encours que ne souhaite pas accorder l’assureur-crédit au-delà d’une certaine somme, pour les raisons que j’ai indiquées précédemment. Ensuite, nous sommes à même de garantir un risque choisi par l’assuré dont le portefeuille est principalement constitué de clients ne causant aucune inquiétude. Il veut juste se protéger sur certains d’entre eux qui apparaissent éventuellement plus fragiles. Dans 80 % des cas, nous accordons ces garanties, qui peuvent aller jusqu’à 300 000 euros d’encours/acheteurs.

D’autre part, les caractéristiques de notre police sont différentes de celles de nos confrères « de premier rang ». En premier lieu, la prime perçue ne porte que sur le client ou les affaires considérées et non pas sur la totalité d’un poste-clients. Ensuite, nous intervenons très vite, après l’échéance. La société couverte doit nous faire part d’un retard de paiement sous 30 jours, sauf exception. Enfin, nous indemnisons notre client sur la base de 100 % du montant hors taxes de la créance dans la limite de la garantie accordée et sans quotité comme le pratique le métier.

Notre approche chirurgicale nous permet de compléter utilement un dispositif primaire, en offrant à l’entreprise des sécurités additionnelles ou alternatives sur ses marchés domestiques ou internationaux.

Poste clients : parer aux risques dans une société en évolution

Le poste-clients est un actif essentiel d’une société. Sa surveillance et sa préservation sont des enjeux essentiels et intemporels. En revanche, les risques évoluent en même temps que notre société. La technologie permet de mieux cerner les risques, mais aussi à des personnes mal intentionnées de réaliser des escroqueries, à travers des fraudes parfois très sophistiquées. Nous avons souhaité faire le point sur ces questions avec cinq spécialistes.

D’emblée, Alain Gazo oriente la discussion sur les deux clignotants majeurs, l’évolution du nombre de défaillances d’une part, celle des délais de paiement d’autre part. La défaillance d’un client, dans certains cas d’un fournisseur, peut mettre en grande difficulté une entreprise. De même, une augmentation exagérée des délais de règlement des clients est susceptible de l’amener à un dépôt de bilan faute de trésorerie.

Qu’en est-il tout d’abord des défaillances aujourd’hui ? Franck Lemoine observe « un retour à la normale post-covid » où les pouvoirs publics - à travers le PGE, les reports de dettes fiscales et sociales - avaient contribué à fortement freiner les dépôts de bilan. Cependant, le niveau des défaillances est relativement davantage en hausse dans les ETI et les PME, retrouvant celui de 2010 dans ce cas selon Ghislain Verstraete, qui relève aussi « un stock de conciliations élevé propice à une nouvelle hausse des défauts dans un proche avenir ». Nicolas Flouriou prévoit 55 000 défaillances sur l’ensemble de l’année, soit un niveau à peu près équivalent à celui de 2019 et globalement inférieur à celui de la période de la crise des subprimes. 90-92 % d’entre elles concernent les sociétés de zéro à un salarié, donc sans impact social majeur. « Cela étant, rebondit Thomas Bonte, davantage de grosses sociétés sont effectivement concernées, ce qui a précisément des conséquences dommageables ». « Peu de secteurs échappent à la tendance, poursuit-il, et surtout 82 % des défauts aboutissent à des liquidations ».

« Le PGE a créé des entreprises zombies pendant trois-quatre ans, par exemple dans le retail ou l’habillement », constate Nicolas Flouriou, tandis que Ghislain Verstraete remarque en outre un niveau de radiations à la hausse.

Franck Lemoine évoque « le déni des dirigeants », qui attendent trop avant de prendre les mesures qui s’imposent. Un avis partagé par l’ensemble des participants, même s’il tempère en valorisant le fait que l’immense majorité des dirigeants s’en sortent « en se battant et en innovant ».

Venons-en maintenant aux délais de paiement : où en est-on ? La loi LME avait tenté d’y mettre bon ordre. Est-elle respectée ? Dans un premier temps, elle avait favorisé une nette régression des problèmes apparents. Nicolas Flouriou rapporte un retard de paiement de « douze jours en moyenne, quinze dans les grandes entreprises, en légère hausse par rapport à 2019 ». Il observe - c’est logique - que « les fournisseurs stratégiques sont mieux traités tandis que ceux au bout de la chaîne de sous-traitance le sont bien moins ». Le président de l’AFDCC alerte aussi sur « la désinvolture » de certains grands groupes, où « des dysfonctionnements comptables » existent, en dépit de l’absence de problèmes de trésorerie chez eux.

Comment lutter contre ce fléau ? Ghislain Verstraete évoque le « name and shame » pratiqué par la DGCCRF, accompagné d’amendes, « néanmoins d’un montant insuffisant et donc non dissuasives ». Quoi qu’il en soit, le délai moyen de paiement, hors secteur public et agroalimentaire, est de 45 jours selon Nicolas Flouriou, plutôt 65 pour certains dossiers d’affacturage selon Ghislain Verstraete. « Et les grandes entreprises paient plus mal », ajoute Franck Lemoine.

Quant au secteur public - revenons-y, la situation ne se serait que peu améliorée, indique François Piéchaud, « au point que certaines entreprises ne veulent plus travailler avec le public », complète Franck Lemoine. « Les délais de règlement des collectivités locales et encore davantage ceux des hôpitaux publics sont très lents », approuve Nicolas Flouriou.

Poste-clients : face à la multiplication des risques, quelle attitude adopter ?

De g. à d. Charles Foucque, directeur général de Seqino; Franck Lemoine, directeur commercial et marketing de Pouey International; Alain Gazo, directeur de la rédaction; Sophie Susterac, directrice marketing et communication de Factofrance et de Crédit Mutuel Factoring; Nicolas Flouriou, président de l’AFDCC (Association Française des Credit-managers et Conseils); Emmanuel Millard est le CEO de International CFO Alliance.

Alain Gazo pose les termes du débat : évaluer les risques pesant sur le poste-clients des entreprises, avec un fil rouge TPE-PME. Mais, au fait, cette distinction est-elle pertinente dans la pratique ? Certainement, rebondit Emmanuel Millard en substance, car « les problématiques sont nettement différentes selon qu’on soit une PME ou une grande entreprise, par exemple en matière de RSE. Une approche ciblée et profilée est nécessaire pour aborder les questions, souligne-t-il, car les entreprises cotées ce n’est pas la France ». Il rappelle que les TPE-PME-ETI ont une importance considérable, puisqu’elles emploient 70 % des salariés et réalisent 50 % de l’activité. Cela étant dit, qu’en est-il de la santé économique des entreprises, et donc plus particulièrement des PME ?

Tout dépend des secteurs, indique Emmanuel Millard, qui remarque cependant une « inquiétante tendance haussière des défaillances depuis la fin du covid, s’accompagnant d’un accroissement substantiel des règlements judiciaires, y compris d’entreprises importantes ». Tout cela, fort heureusement, sans impact global sur l’emploi.

Nicolas Flouriou pointe, quant à lui, un facteur de morosité, qui serait « la diminution de la confiance dans les institutions, car le commerce est intimement lié à la confiance » et que son absence freine les investissements, sans compter les multiples crises internationales qui nous affectent.

Un Etat moins accommodant

Mais qu’en est-il des délais de paiement ? Sophie Susterac souligne la position d’observatoire de l’activité économique du factor. A ce titre, elle identifie une stagnation des délais de paiement à 48 jours. Nicolas Flouriou relève, lui, un délai moyen de 51 jours, en raison d’une légère augmentation des retards, qui passe à 13 jours en moyenne. La raison principale proviendrait de la complexité des processus de validation dans certaines grandes organisations. Parfois, ajouterions- nous, d’un soupçon de mauvaise foi aussi. En tout cas, Franck Lemoine parle d’une hausse des délais de paiement corroborée par une croissance de 20 % de la production en matière de recouvrements chez Pouey. Quoi qu’il en soit, rappelle Nicolas Flouriou, l’essentiel du financement des entreprises relève d’un poste clients trop substantiel, plus de 800 milliards d’euros d’en-cours contre 150 milliards seulement de crédits de trésorerie (découverts…). Et in fine, 53 à 56 milliards d’impayés chaque année.

Un affacturage plus approprié pour les TPE

Paradoxalement, en dépit de ces éléments factuels, Sophie Susterac constate une quotité disponible de tirage de 18 % qui est restée stable jusqu’en 2023 et nettement supérieure à la période d’avant-covid (12 %). « Néanmoins, dit-elle, à fin septembre 2024, nous voyons que les réserves disponibles reculent depuis le début de l’année, signe que la pression s’accentue sur les trésoreries. La tendance est d’autant plus marquée au sein des micro-entreprises, avec des quotités de réserves disponibles en très net recul (7,1 % actuellement) ».

Sophie Susterac évoque la souplesse de l’offre puisque, « à la différence des lignes de découvert, il n’y a pas de plafond et que, en fonction de la connaissance de nos clients et de leurs propres clients, nous pouvons financer au-delà des limites fixées par l’assureur-crédit ».

Qu’en est-il lorsqu’on se développe à l’international ? « Il est certain que les PME sont mal outillées pour gérer les risques à l’international, souligne Franck Lemoine. En ce qui concerne Pouey, poursuit-il, notre rayonnement à l’international, en direct ou à travers des partenaires, nous permet de mener des enquêtes en cinq à dix jours, de manière à proposer une garantie appropriée à notre client, ou au contraire, de l’inciter à ne pas conclure la vente envisagée ». Dans tous les cas, une assurance-crédit semble plus indispensable que sur le territoire français.

Davantage de précautions à prendre à l’international

L’affacturage international permet aussi, intervient Sophie Susterac, de sécuriser le poste-clients dans un contexte plus compliqué, « en externalisant la gestion du compte-clients, ce qui est plus important encore dans les relations internationales, alors que les procédures de recouvrement sont souvent complexes ». Sans compter l’obtention de financements alors que les opérations à l’international sont gourmandes en cash.

Assiste-t-on à une augmentation du nombre des factures achetées à l’export ? Sophie Susterac reconnaît que, de ce point de vue, le CA cédé par les exportateurs français est relativement stable. En revanche, elle note « une forte progression de l’affacturage international lié au financement des filiales à l’étranger ».

Quoi qu’il en soit, si les techniques nouvelles, telles que celles de l’IA, facilitent beaucoup de choses, elles sont une source d’inspiration pour les fraudeurs : faux comptes, voire usurpations de comptes existants… les exemples cités par Franck Lemoine sont nombreux. Par exemple, une vérification opérée par Pouey sur une demande de garantie d’un client allemand pour un montant de 200 000 euros en marchandises. Le site de livraison se trouvait sur « le parking d’un établissement de commerce spécialisé ». Le commanditaire avait contrefait le bilan d’une société basée à Perpignan !

Soigner la préparation des factures

A un moment précis, malheureusement, le paiement ne se fait pas dans les délais, et surtout traîne. Et là, cela se complique. « Surtout pour une TPE– PME, commente Franck Lemoine, qui n’a ni le temps, ni au surplus les connaissances juridiques pour le faire ». Et obtenir une ordonnance d’injonction de payer, complète-t-il, prend beaucoup de temps car les tribunaux sont engorgés. « En tout cas, n’ayez pas peur de perturber la relation client, en réclamant bien sûr avec tact, votre dû, conseille-t-il, mais vous aurez certainement parfois besoin de faire appel à un spécialiste–société de recouvrement–ou avocat ».

Avant d’en arriver là, « maîtrisez le suivi de votre compte-clients et appuyez-vous sur un logiciel de recouvrement, en tout cas un logiciel de gestion », suggère Charles Foucque. « En effet, poursuit-il, un logiciel de facturation en mode SaaS, comme par exemple celui de Seqino, permet d’établir des factures structurées, comportant des champs obligatoires étendus ».

Une évolution majeure va amener des changements substantiels le 1er septembre 2026, et évidemment il convient de s’y préparer rapidement. Il s’agit de la transmission obligatoire de factures sous forme électronique. L’idée de l’administration est essentiellement d’ordre de contrôle fiscal.

Comment cela va-t-il se passer ? Contrairement à ce qui était prévu initialement, vous ne pourrez pas les faire transiter vousmême par un portail gratuit de l’Etat, qu’on avait nommé PPF. « Tôt ou tard, l’Etat aurait été amené à retirer ce dispositif, car il aurait créé des problèmes », estime Emmanuel Millard. Comment faire dès lors ? Eh bien, vous passerez par une plate-forme privée, nommée PDP. 70 sont immatriculées à ce jour, mais elles sont en attente d’une homologation définitive. C’est le cas précisément de Seqino qui a noué un partenariat avec Pouey sur ce plan.

Les banques ont également demandé l’agrément pour être des PDP. C’est le cas de la maison-mère de Factofrance, Crédit Mutuel Alliance Fédérale, dont la filiale Euro-Information a créé sa propre PDP, signale Sophie Susterac.

Credit management : savoir prendre des risques calculés

Alors que le nombre de défaillances d’entreprises, en forte hausse, retrouve son niveau normal, que les modes de transmission des factures sont appelés à changer, que les délais de paiement – visibles ou masqués, sont toujours une question cruciale, l’AFDCC (Association française des credit managers et conseils) entend jouer un rôle croissant en portant ses thématiques auprès des pouvoirs publics et des grandes entreprises. Nous avons rencontré son président, Nicolas Flouriou, pour évoquer les ambitions de son association en la matière.

Conquérir : Nous voyons l’AFDCC poster désormais régulièrement ses prises de position à travers les réseaux sociaux. Quel en est le but ?

Nicolas Flouriou : Seule association de credit management, nous entendons être le porte-voix de notre profession de manière encore plus audible qu’auparavant. Nous publions régulièrement nos avis étayés afin de défendre notre métier et l’importance du respect des délais de paiement. Nous comptons 1.000 membres sur toute la France, qui travaillent dans de grandes entreprises, mais aussi des PME-PMI, lesquelles n’ont pas forcément de credit manager dédié, mais un collaborateur qui gère ces aspects-là et auquel nous pouvons apporter des conseils adéquats. Notre objectif est de compter 3.000 adhérents à fin 2026.

Conquérir : Pouvez-vous identifier pour nos lecteurs vos prises de position récentes ?

Nicolas Flouriou : Certainement. Tout d’abord, un avertissement sur les pratiques visant à éluder la loi LME qui impose des délais de règlement très encadrés. Comme le délai court à partir de la date d’émission de la facture, la tentation est grande de contourner la loi en différant l’envoi du bon de commande numéroté, parfois au-delà de la délivrance de la prestation. D’après l’Observatoire des Délais de Paiement, les retards de paiement représentent un préjudice de 12 milliards d’euros de trésorerie perdue pour les PME, qui en pâtissent. Nous avons également indiqué les 10 bonnes pratiques pour améliorer le Cash Clients, les enjeux du DSO, les clés pour dimensionner son équipe… L’un des sujets, c’est d’ailleurs ce que nous attendons des fournisseurs d’informations commerciales et financières du fait de la raréfaction de l’information commerciale, suite à la possibilité de publier ses comptes en confidentiel totalement ou partiellement (NDLR : sauf pour les sociétés cotées). 860.000 font usage de cette opportunité. Cette absence de transparence n’aide pas les credit managers à prendre des décisions…

Conquérir : L’enjeu des délais de paiement est toujours là ?

Nicolas Flouriou : Il est plus que jamais crucial. L’encours du crédit interentreprises est évalué à 700 milliards d’euros, soit quatre à cinq fois supérieur à celui du crédit bancaire à court terme sous toutes ses formes. Le non-respect de ces délais de paiement a un impact de 12 milliards d’euros pour les PME. Le retard du délai de paiement facial ressort à 11–12 jours en 2022 comme en 2023 en moyenne, tiré vers le haut par les grandes entreprises. Nous considérons d’ailleurs qu’un label incitatif pouvant intégrer les délais de paiement comme un critère RSE serait un bon moyen de freiner ces écarts, à l’instar du « name and shame » de Bercy. L’Observatoire des délais de paiement, qui inclut notre enquête AFDCC annuelle, contribue à maintenir la vigilance sur ce sujet.

Credit management : un rôle de pivot

Comme chaque année, nous faisons le point sur l’actualité financière pratique des entreprises avec Nicolas Flouriou, président de l’AFDCC (Association française des credit managers et conseils).

Conquérir : Quels sont les principaux points d’évolution en 2024 qui peuvent impacter vos métiers ?

Nicolas Flouriou : Cette année est marquée par l’instabilité politique, une conjoncture encore incertaine, et une augmentation notable des défaillances d’entreprises. Nous avons, en outre, toujours à faire face à une inflation pas encore complètement maîtrisée, même si les prix de l’énergie, qui avaient eu un fort impact l’an dernier, en particulier sur les entreprises industrielles, se sont quelque peu apaisés depuis.

Quoi qu’il en soit, le nombre de défaillances a fortement augmenté puisque, sur douze mois glissants, il a crû de 25,2 % et même de 6,3 % comparé à la période 2010-2019. Bien entendu, il y a encore dans ces chiffres un effet rattrapage des entreprises qui avaient bénéficié du PGE, de la flexibilité de l’Urssaf pendant trois ans, ou encore d’aides directes liées à des fermetures administratives.

Une partie d’entre elles, une fois qu’elles ont dû commencer à rembourser un PGE déjà utilisé partiellement ou totalement, et/ou s’acquitter des cotisations Urssaf… sont tombées en défaillance, faute de trésorerie suffisante, et ont dû mettre la clé sous la porte. Certaines d’ailleurs auraient dû le faire bien avant, s’il n’y avait pas eu les aides gouvernementales dûes à cet épisode du covid….

Conquérir : Les dépôts de bilan sont souvent liés à la défaillance de gros clients, mais aussi à des recouvrements de créances trop tardifs. Où en est-on, à ce propos des délais de paiement ?

Nicolas Flouriou : Il est indéniable que la situation s’est beaucoup améliorée depuis 2008, date de la loi LME, puisque les délais légaux de paiement ont été ramenés à un maximum de soixante jours pleins. Cependant, les retards de paiement sont toujours là, de douze jours en moyenne. Les petites entreprises - mais aussi les petites collectivités locales, paient mieux, au contraire des grandes entités, souvent en raison de procédures administratives de validation trop complexes. Si problème de règlement ou d’obtention de crédit comme de lignes d’affacturage il y a, je conseille vivement à vos lecteurs de se rapprocher de la Médiation des Entreprises ou la Médiation du Crédit. s instances de médiation concernées. C’est gratuit et discrétionnaire.

Conquérir : Il y a la Journée crédit, dont notre magazine est partenaire !

Nicolas Flouriou : Effectivement, c’est le point d’orgue de l’année réservé à nos adhérents. Cela sera cette fois le 21 novembre, à Paris, toujours au Pavillon Dauphine. Nous attendons 400 à 450 personnes, dont de nombreux adhérents. Pour cette journée de conférences et d’échanges, je mentionnerais trois temps forts :

- Une conférence économique donnée par un spécialiste de très haut niveau, Philippe Dessertine.

- Une table-ronde sur l’évolution du métier de credit manager et des passerelles existantes vers celui de DAF ou de dirigeant de société.

- Une conférence inspirante de Sophie Lavaud, alpiniste de haut niveau, qui a gravi les huit plus grands sommets du monde. La longue préparation de ces exploits peut être mise en parallèle avec l’établissement de politiques de long terme en matière de crédit-clients, en coopération avec les équipes commerciales.

Transmission électronique de factures obligatoire : top départ

Le salons Solutions (3 au 5 octobre Porte de Versailles) a été marqué par la thématique des nouvelles obligations de transmission électronique des factures via le portail instauré par l’Etat. La mise en place se fera progressivement, mais prestataires et entreprises clientes sont déjà dans les starting blocks.

Trois questions principales se posent à vous lecteurs qui ne vous êtes pas encore trop penchés sur la question à ce stade :

  • Le calendrier.
  • La nécessité ou pas de faire appel à un prestataire.
  • La possibilité de profiter de la circonstance pour opérer d’autres aménagements dans le système d’information.

Le calendrier d’abord. David Brillet, directeur commercial de Ventya, opérateur historique de la facturation électronique, le rappelle. Initialement, à partir du 1er juillet 2024, les grandes entreprises (plus de 5 000 salariés) devaient être concernées, avant les moyennes entreprises un an plus tard, puis la totalité le 1er juillet 2026. En réalité, le tout prend du retard, probablement les douze premières mois.

Tout cela sachant que les TPE/PME, même si elles n’en auront pas encore l’obligation, vont subir les pressions de leurs donneurs d’ordre de s’y conformer avant la date butoir, quelle qu’elle soit, en particulier la réception des factures, ce que Quadient a bien en tête. De quoi s’agit-il précisément ? « De faire transiter les factures clients et fournisseurs à travers une plate-forme de l’administration dans un format similaire au PDF, précise David Brillet. Bien entendu, la mise en place, comme les déploiements promettent d’être progressifs prolonge-t-il encore, avec une cohabitation pendant deux-trois ans entre les factures papier, celles arrivant par mail, ou par la plate-forme ».

Le portail de l’administration sera gratuit. Cependant, pour des raisons qualitatives, de traitement, d’intégration à d’autres systèmes, de nombreuses entreprises, sauf si leurs volumes d’émission sont faibles, passeront, si elles ne le font déjà, par des prestataires pour exécuter leurs envois et souvent pour optimiser leur process. Cela dans le cas où le volume d’émissions est important.

« Même si l’utilisation promet dans tous les cas d’être fastidieuse et chronophage », modère de son côté David Brillet.

Salon Solutions : les PDP en pole position

La salon Solutions existe depuis plus de vingt ans. Couplé cette année encore à Mobility for Business il s’est tenu les 9 et 10 octobre derniers à la Porte de Versailles. Cet événement est ancré dans la modernité. Chaque année, de nouveaux acteurs et de nouveaux métiers sont mis à l’ordre du jour des conférences et des stands.

Conquérir est partenaire du salon Solutions depuis ses débuts. Les CRM et les ERP étaient ses axes principaux, avant l’irruption de la dématérialisation, qui s’accentue, en particulier dans le domaine des échanges de documents, y compris des factures, à la faveur du coup d’accélérateur que représente l’obligation imposée par les pouvoirs publics de transmettre par voie électronique, à travers un portail dédié, ses factures.

Initialement, les entreprises devaient pouvoir les faire transiter via le PPF, qui serait mis en place par l’Etat. Mais elles devront désormais faire appel obligatoirement à des PDP, plates-formes initiées pour décharger les sociétés de cette tâche chronophage. 70 PDP ont été immatriculées par l’Etat, et attendent une certification définitive, qui devrait intervenir d’ici la fin d’année. En effet, le PPF a été abandonné.

Les PDP, rouage indispensable

Sages Informatique entre aussi dans le jeu. Sages Informatique est éditeur d’un logiciel de GED en mode SaaS, nommé Zeendoc, permettant de dématérialiser tout type de document.

En l’occurrence, Sages Informatique, qui se consacre en la circonstance à son rôle d’OD, a préféré s’appuyer sur un intervenant solide, Doxalia, filiale spécialisée du Crédit Agricole, qui a obtenu l’agrément PDP. « C’est une véritable garantie pour nos clients, car ils ont besoin de sécurité dans leurs opérations et que les investissements dans ce domaine sont extrêmement lourds », résume Pierre-Emeric Chabanne, directeur général.

Transmission obligatoire électronique de factures : à vos marques !

Les représentants de Ventya, acteur présent de longue date dans la transmission et l’archivage des factures, Dominique Bougnot, directeurgénéral, et David Brillet, directeur commercial. Nous parlons d'un nouveau panorama.

Conquérir : Pouvez-vous nous rappeler les nouvelles obligations imposées aux entreprises et l’échéancier ?

Dominique Bougnot : Les échéances se rapprochent, en effet. A partir du 01/07/2024, les grands comptes (plus de 5 000 salariés…), puis le 01/07/2025 les moyennes entreprises et la totalité le 01/07/2026 auront l’obligation de faire transiter leurs factures clients et fournisseurs à travers une plate-forme de l’Administration. Le format de base requis est une sorte de PDF auquel sont attachées un certain nombre de données. Ce déploiement progressif fera que pendant deux-trois ans cohabiteront les factures papier, celles arrivées par mail sous forme de PDF et puis celles transitant par la plateforme.

Conquérir : Peut-on traiter tout cela en interne ? Et quand faut-il s’y prendre ?

David Brillet : Le portail de l’administration est gratuit. Cependant, son utilisation est susceptible d’être fastidieuse. Passer par un prestataire-expert fait gagner du temps, il permet l’automatisation de l’envoi et la réception des factures. La connexion à l’ERP est facilitée et les données transmises à l’administration cadrées dans les limites des exigences reprises. Et le coût facial n’est pas très élevé. Quant au délai de préparation, il faut compter de trois à six mois pour un produit packagé. Les petites entreprises ont avantage, elles aussi, à mettre en place dès à présent cette nouvelle organisation, car elles seront le 01/07/2024 confrontées à la réception des factures des grands comptes par le nouveau canal.

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