Gestion

Digitalisation, numérisation : des succès français à l’honneur

Emprise croissante des ERP, des CRM, dématérialisation des factures et des documents, digitalisation de pans entiers de l’économie, tout cela a fait la fortune des acteurs qui ont su se positionner avec succès dans ces secteurs. Ils le doivent à leur intelligence, à leur savoir-faire, et bien sûr aussi à une bonne appréciation de leur marché. Dans ce numéro « Spécial 40 ans », nous avons souhaité donner la parole à quelques-uns d’entre eux, de dimensions différentes, mais qui ont tous su se positionner avec succès dans cet univers. Ce sont Esker, Ventya et Infolegale. Il y en a bien sûr de nombreux autres, mais c’est sur eux que nous avons souhaité porter notre éclairage aujourd’hui.

Esker, une percée impressionnante

Esker, éditeur rhône-alpin, comme d'autres dans cette région particulièrement entreprenante, il faut le souligner, est né en 1985, mais sa progression a été particulièrement notable ces dernières années, à travers une augmentation de son périmètre général d'activité et une expansion soutenue à l’international. Nous nous sommes entretenus avec Thomas Honegger, directeur des opérations France à propos de l’évolution dans le temps de la firme, de ses activités actuelles et de ses projets.

Esker fut, de prime abord, éditeur de logiciels émulateurs de terminaux (boîtiers Unix). Cela de 1985 à 2000, afin, en particulier, « de rendre les écrans plus conviviaux pour les utilisateurs ».

C'est en 2001 que se produisit une bifurcation dans le métier principal exercé. Esker passa à la mise en place d’une plate-forme multi canal « pour diffuser dans le bon format et dans le bon média les documents émis d’une entreprise à l’autre et de nature commerciale (factures clients et fournisseurs) ». Les médias furent le fax et l’e-mail.

Les dirigeants d’Esker eurent alors l’idée « de remonter dans la chaîne de valeur pour traiter plus globalement les flux de gestion ». C’est-à-dire de proposer un outil sophistiqué allant plus loin dans son but que, en quelque sorte, le métier de postier. On va alors pouvoir extraire les éléments des factures pour pouvoir les intégrer directement dans la comptabilité, les imputer analytiquement, ou encore mettre en place un système de validation des pièces.

« Nous générons ainsi des transactions financières et digitalisons des processus cash in et cash out », explique Thomas Honegger. Il relève deux faits particulièrement marquants pour Esker qui ont favorisé son développement très impressionnant depuis.

- Son positionnement précoce dès 2003, comme un éditeur en mode SaaS, ce qui était très novateur à l’époque. Aujourd’hui, il s’agit « d’une plate-forme cloud mondiale ».

- Un phénomène extérieur, cette fois, celui de l'accélération de la dématérialisation des flux de gestion, pour les Etats comme les entreprises, accélération notable à partir des années 2010.

Actuellement l'offre d’Esker, résume Thomas Honegger, consiste en une plate-forme unique, avec deux suites logicielles, l’une nommée « Order-to-cash », la seconde
« Procure-to-pay ».

La première concerne la relation avec les clients, comporte différents modules, dont celui de la gestion du compte client, facilitée par la digitalisation des commandes entrantes, module qui peut être complété par deux autres, à savoir un CRM de recouvrement et un module de gestion des encaissements permettant d'assurer la réconciliation des paiements entre la banque et le client.

Quant à la suite « Procure-to-pay », elle facilite le traitement des commandes et la gestion des factures entrantes jusqu'au processus de réconciliation, déjà évoqué supra pour les clients.

La plateforme est unique certes, mais les clients d’Esker peuvent ne choisir qu’une des deux suites ou même que certains modules de chacune d'entre elles.  Cependant, selon Thomas Honegger, les directeurs financiers ont plutôt avantage, et c'est, selon lui, souvent leur choix, de souscrire aux deux, afin de mutualiser les coûts et de faciliter la formation interne.

De ce point de vue, selon le directeur des opérations, Esker bénéficie d’un net avantage concurrentiel, car les autres grands acteurs, souvent américains ou scandinaves, n’ont pas une couverture fonctionnelle aussi large, et offrent « très rarement » les deux suites en même temps.

Alors, quelles perspectives pour Esker ? Thomas Honegger se montre très optimiste. D'une part, le marché est très dynamique car « la prise de conscience des dirigeants qu'il faut continuer à digitaliser leurs process s’est accélérée depuis le début de la crise du Covid, leur faisant prendre conscience de l'importance de garantir leur continuité opérationnelle ». Esker ne reste évidemment pas non plus les bras croisés, par exemple en apportant de nouvelles fonctionnalités, comme celle offerte par le module Esker pay, donnant accès directement à des solutions de reverse factoring, de paiement plus traditionnelles, à des scorings externes…

La conquête de nouveaux marchés est également en marche, par exemple « en allant vers les achats stratégiques des entreprises » et bien sûr, par une expansion, toujours soutenue, à l’international.

 


 

Ventya : une structure souple, un savoir-faire bien ancré

Ventya est un spécialiste de longue date de la dématérialisation de factures fiscalement probatoires. « Nous avons trouvé notre place dans un marché très concurrentiel », se félicite Dominique Bougnot, directeur général et cofondateur de la firme. « Société de taille moyenne dans notre secteur, nous nous distinguons par notre capacité à personnaliser notre offre aux métiers de nos clients », poursuit-il. Progressivement, le nombre de secteurs où Ventya est présent s’étoffe : assistance, voyages d’affaires, livre, location de voitures, agriculture… tout en ne perdant pas cette spécificité originelle de l’approche fine du client.

Si cette personnalisation est particulièrement demandée chez les très gros clients, elle peut l’être aussi chez les plus petits, qui bénéficient toutefois d’une offre plus simple. Ventya a noué un certain nombre de partenariats, soit pour proposer l’envoi de factures papier pour ceux qui le souhaitent encore, soit pour servir, en marque blanche, les clients d’opérateurs de domaines connexes comme Canon France au travers de la solution Cloud Facture pour l’envoi de factures électroniques.

A travers son portail Clear’Invoice, Ventya procède donc à l’envoi dématérialisé de factures ou à leur réception, toujours avec une garantie du respect de la législation et bientôt des nouvelles exigences liées au passage progressif au tout numérique des échanges de factures entre entreprises privées à partir du 1er juillet 2024. Dès lors, Dominique Bougnot voit 2022 comme une année de transition.

Néanmoins, l’année devrait être favorable pour Ventya et les autres opérateurs du métier, pour deux raisons selon lui :

  • La prise de conscience liée au Covid 19 qui a mis en difficulté les services comptables.
  • L’accélération du processus de transformation digitale liée à l’échéance 2024-2026.

A ce moment-là, les entreprises devront opter soit pour utiliser la solution qui sera mise en place par l’Etat, laquelle sera cependant « généraliste », selon Dominique Bougnot, soit pour les plates-formes extérieures de prestataires, à l’exemple de celle de Ventya. « Ces plates-formes devront être immatriculées et homologuées », commente-t-il encore.

Outre ses capacités de personnalisation, il valorise pour Ventya « une solution française basée en France, dont le support client et la R & D sont également fixés dans notre pays, et qui ”parle français” ». Les factures sont également conservées dans l’Hexagone. De quoi rassurer…

 


 

Bodet Software : l’exigence industrielle dans le monde informatique

Parmi les entreprises digitales, la très grande majorité sont issues d’informaticiens qui ont développé des solutions dans différents domaines (ERP, CRM et SIRH, bien sûr).

Bodet Software fait exception à la règle. En effet, elle est issue de la création d'une activité complémentaire d'un industriel, en l'occurrence Bodet, horloger bien connu pour la fabrication d'horloges de grandes dimensions à destination d’édifices, de gares…

Cette origine différente nous a incité à creuser davantage le sujet avec son responsable du marketing, Cédric Lampin. Et cette origine, cela tombe bien, elle remonte aussi, comme Conquérir, à environ 40 ans. A vrai dire, dans les années 70, existait chez Bodet une activité très réduite, d’horlogerie spéciale, permettant d’horodater les heures d’entrée et de sortie des salariés. Le pointage en somme. Cette petite activité va bénéficier d’un élan considérable porté par différents événements successifs.

Ce fut d’abord vers les années 83-84 l’arrivée des premiers ordinateurs individuels dans les entreprises. L’informatisation des listings de contrôle fut alors rendue possible, et du reste nécessaire, à la faveur d’évolutions législatives importantes, comme celles liées à la possibilité d’instaurer des horaires variables.

En 89, Bodet Software fut, se souvient avec fierté Cédric Lampin, le premier à mettre sur le marché un système de badgeage centralisé sur PC IBM, avec un système d’exploitation DOS. Des fonctions avancées ont pu être ainsi mises en place :

  • un meilleur contrôle du temps de travail en journée,
  • une individualisation des horaires, permettant un calcul plus aisé des heures supplémentaires,
  • la possibilité d’ouvrir les accès physiques à l’entreprise en utilisant le badge de pointage.

 L’irruption d’Internet change la donne

L’arrivée de Microsoft Windows a représenté aussi bien sûr « une étape majeure » dans le processus de démocratisation de l’utilisation des solutions proposées par Bodet Software et d’autres éditeurs. Elle a favorisé « une plus grande décentralisation de la fonction RH ».

Vers la fin des années 90, souligne Cédric Lampin, ces évolutions se confirment pour des raisons cette fois politiques. La loi Aubry et ses fameuses 35 heures nécessitent une réorganisation complète du temps de travail dans les entreprises et aussi de la comptabilisation des heures. Bodet Software s’est attelé à faire en sorte que sa solution évolue au diapason.

L’irruption d’Internet dans les années 2000, en particulier cette fois à travers les messageries, a permis le développement de produits ou de modules de gestion RH orientés vers le collaboratif et la planification collective, par exemple le partage de plannings de présence, de congés… entre les services RH et l'ensemble des salariés.

Les années 2010 ont été marquées par « le principe du Cloud ou Software as a
Service »
en affranchissant les entreprises de la maintenance et leur permettant de toujours bénéficier des dernières fonctionnalités logicielles.  Parallèlement, la mobilité s’est accrue, facilitée par l’explosion des smartphones. « Notre solution logicielle Kelio était calibrée pour faire en sorte que toutes les fonctionnalités puissent être traitées en
mobilité »,
se souvient encore Cédric Lampin. « Nous avons fait en sorte que notre logiciel permette de traiter l’ensemble des problématiques RH et cela en partage – ce qu’on nomme le SIRH », souligne Cédric Lampin. « Nous couvrons, poursuit le responsable marketing de Bodet Software, l'ensemble du processus de gestion des temps, gestion administrative du personnel et gestion des talents avec le recrutement, les entretiens professionnels, la gestion du plan de formation, l’onboardings, la gestion des notes de frais…

Et en 2020, nous avons ajouté un nouveau maillon à la chaîne, celui de la production de bulletins de paye », se réjouit-t-il.

« Nous avons pendant ces 40 ans de mutation, imposé une logique industrielle dans les processus informatiques de gestion RH, c’est-à-dire celle de la pérennité et de l’accompagnement dans la durée », conclut Cédric Lampin.


Infolegale : apporter de la valeur ajoutée dans l’information

Acteur français de référence pour la sécurisation de la relation BtoB, Infolegale s’est donnée pour mission d’aider les entreprises à pérenniser leurs relations d’affaires et se positionne comme l’expert de l’information légale, capitalistique, financière et réputationnelle sur les entreprises et leurs dirigeants. Elle propose une gamme complète de solutions d’évaluation et de mesure des risques liés à la solvabilité, la fraude, la conformité et la réputation.

« Infolegale est venue injecter de la valeur ajoutée et de la prédictibilité dans les data et les indicateurs mis à la disposition des entreprises pour limiter les risques induits par les échanges commerciaux », explique son cofondateur Bertrand Laffay. Depuis une dizaine d’année, les paradigmes du marché de l’information ont considérablement changé au gré des évolutions technologique mais aussi réglementaires et comportementales. Les moyens d’obtention et de distribution des informations ont également évolué. « Infolegale, dès sa création, indique Bertrand Laffay, s’est appuyée sur de nouveaux modes de collecte digitale et collaborative des informations via ses programmes de collecte SmartData et la création d’un écosystème de plateformes digitales permettant l’enrôlement des sociétés, afin qu’elles déposent de l’information à partager avec la communauté. »

Infolegale a également développé de nouveaux modes de traitement et d’analyse des données caractérisant la relation BtoB, afin d’améliorer la prédictibilité et la pertinence de ses scores dans un contexte, d’une part, de raréfaction relative de la donnée financière disponible du fait de la règlementation autorisant la demande de confidentialité des comptes déposés aux greffes qui restent par ailleurs accessibles aux sociétés de scoring telles qu’Infolegale, pour calculer leurs scores et d’autre part, e d’augmentation du volume et de la rapidité d’accès à une multitude d’informations transactionnelles ou réputationnelles sur les entreprises, informations plus ou moins qualitatives et difficilement vérifiables, donc difficilement exploitables et interprétables avec fiabilité.

Anticiper les risques

La digitalisation des échanges, qui se concrétise plus sensiblement dans les mentalités et dans les flux transactionnels depuis l’après Covid, offre de nouvelles opportunités d’amélioration de la mesure et de l’anticipation des risques, sous réserve que les informations puissent être « opposables » et que les traitements qui leur sont appliqués puissent permettre aux entreprises une utilisation simple, fiable et exploitable au quotidien.

Les grandes entreprises et les ETI se sont d’ores et déjà approprié une grande part de la valeur ajoutée de cette approche via l’intégration des données dans des solutions logicielles au moyen de connecteurs ou depuis des plateformes en ligne. « La généralisation de la digitalisation, permet à présent une démocratisation de l’accès à ces informations exhaustives et qualitatives, ainsi qu’à la prédictibilité des scores, souligne Bertrand Laffay. Infolegale accompagne le mouvement en lançant dès le début de l’année prochaine une offre pure player, de rapport de solvabilité. » Baptisée Presto Infolegale, elle donnera accès, pour des achats à l’unité et sans engagement, à toute la valeur ajoutée de ses informations. L’offre de rapports Presto Infolegale s’adressera principalement aux TPE et PME, « afin de leur donner accès, simplement et à faible coût, à des rapports d’identité et de solvabilité à forte valeur ajoutée, les aidant ainsi à parfaire la connaissance de leurs partenaires commerciaux et à pérenniser durablement leurs relations d’affaires », résume encore Bertrand Laffay.

 

 

 

 

 

Caisses d’Epargne : focus sur la transformation et la transition écologique des entreprises.

La transition énergétique requiert des investissements. On le voit dans ce dossier, l’Etat est à la manœuvre pour favoriser son redéploiement. EDF, énergéticien majeur en France, est en première ligne. Les banques ont évidemment aussi un rôle à jouer et les Caisses d’Epargne développent des solutions pour aider les dirigeants d’entreprises à concilier au mieux performance et responsabilité environnementale.

Nous nous sommes entretenus avec Frédéric Cormerois, directeur du marché des entreprises, de l’économie sociale et des institutionnels à BPCE pour le réseau des Caisses d’Epargne.

Conquérir :  Quelles actions concrètes avez-vous menées auprès des entreprises pendant la crise ?

Frédéric Cormerois : Nos chargés d’affaires ont été immédiatement mobilisés aux côtés des entrepreneurs sur l’ensemble du territoire pour trouver les solutions adaptées aux impacts d’une crise inédite par son ampleur et sa brutalité, à commencer par permettre le versement des salaires ou lutter contre la cybercriminalité. Mais aussi pour déployer massivement les mesures d’accompagnement : 68.000 Prêts Garantis par l’Etat (PGE) ont été octroyés à nos clients pour plus 10 Milliards d’euros et 130.000 prêts ont fait l’objet de reports d’échéances.

Le niveau d’endettement des entreprises est à son plus haut historique et un reprofilage de cette dette s’imposera pour nombre d’entreprises. Nous les accompagnerons dans ce sens, à la fois pour leur permettre de faire face à leur remboursement, mais aussi pour leur donner l’opportunité de continuer à investir sur l’avenir.

Conquérir : Quels moyens allez-vous mettre en œuvre afin d’accompagner les PME–ETI dans leur transformation et notamment en matière de transition énergétique ?

Frédéric Cormerois : En tant qu’acteur bancaire engagé dans les territoires de longue date, les Caisses d’Epargne ont l’ambition d’encourager et d’accompagner leurs clients dans leurs projets de transformation au sens large. Tout l’enjeu aujourd’hui est de proposer une approche globale au dirigeant d’entreprise pour servir au mieux ses projets de transformation en matière de digitalisation, de développement à l’international et de transition environnementale. Cela passe par comprendre sa stratégie et lui apporter les conseils personnalisés et bien entendu, le cas échéant, le financement de ses besoins de trésorerie et d’investissements pour lui permettre d’accélérer sa croissance, mais aussi faciliter sa transition énergétique.

Dans ce domaine, notre accompagnement sera focalisé dans trois directions : la rénovation thermique des locaux professionnels, la production d’énergie renouvelable, principalement à travers l’installation de panneaux photovoltaïques, et la mobilité verte. J’entends par là la mise en place de financements dédiés incluant non seulement les véhicules ou la flotte de véhicules de tourisme ou utilitaires, électriques ou hybrides, mais aussi les infrastructures de recharge. Cela sera possible par le biais de financements locatifs de type crédit-bail ou LLD (location longue durée), mais aussi par des financements traditionnels.

 

Afin d’encourager les entreprises et les associations à s’engager massivement dans une démarche responsable, nous allons mettre à leur disposition un nouveau type de financement : « les prêts à impact ». Le client pourra bénéficier d’une bonification de son taux s’il atteint l’objectif à vocation sociale ou environnementale défini à l’avance.

Au-delà des financements, nous proposons également une large sélection de placements qui s’appuient sur des investissements socialement responsables ou éco-responsables.  


Caisses d’Epargne : une place croissante auprès des entreprises françaises

Les Caisses d’Epargne sont un réseau de 15 banques régionales mutualistes, couvrant la métropole comme les DOM-TOM. Au total, 350 chargés d’affaires entreprises, répartis dans 110 centres d’affaires, accompagnent au quotidien des entreprises quel que soit leur taille et leur secteur d’activité sur des opérations courantes et plus complexes (gestion des flux, financement, digitalisation, ingénierie sociale, reprofilage de dettes, développement à l'international, innovation et gestion de patrimoine…). Aujourd’hui, « une PME sur cinq est aujourd’hui cliente des Caisses d’Epargne, et une ETI sur trois, rapporte Frédéric Cormerois, et la tendance s’accélère ».

 

RSE et conséquences de la crise sanitaire, réflexions d’Emmanuel Millard, président de la DFCG

Emmanuel Millard, président de la DFCG, association des directeurs financiers et des contrôleurs de gestion, nous fait part du rôle des directions financières et du contrôle de gestion pendant la crise sanitaire, ainsi que les orientations RSE préconisées par son organisation.

Les directions financières et de contrôle de gestion

Les fonctions régaliennes des directions financières et de contrôle de gestion sont l’élaboration et le pilotage de la politique financière de l’entreprise avec les équipes de comptabilité, de la trésorerie et parfois même de l’informatique. En complément, ces dernières années, les dirigeants financiers ont élargi progressivement leur champ de compétences tant vis-à-vis des fonctions internes de l’entreprise que des partenaires externes et leur intervention sur les leviers clés de la performance de l’entreprise. En effet, certains projets d’optimisation de la fonction finance (réduction des coûts notamment), ont conduit à des missions de changement en coordination avec les autres directions (mise en place de centres de services partagés, externalisation de pans entiers des métiers back-office et comptables, implémentation d’ERP…). Les équipes des directions financières et de contrôle de gestion se sont alors mises à accompagner les opérationnels dans la mise en place de leurs outils de suivi. Les différentes directions ont ainsi été munies de tableaux de bord incluant des indicateurs métiers et financiers pour l’optimisation de la rentabilité des différentes activités. Cet accompagnement est enrichi par l’évolution des compétences des fonctions finance et gestion dont le rôle est, de plus en plus, de prévoir et d’anticiper dans un contexte d’incertitude.

L’entreprise pendant la crise sanitaire

Les entreprises et leurs dirigeants ont vécu depuis 18 mois maintenant des situations de crise multiples et ont dû s’adapter en permanence. Ces modifications fréquentes et imprévues ont remis en cause les modèles économiques. D’un côté, les opérations ont été impactées par les différentes évolutions réglementaires et sanitaires et ont fait face à de nouvelles contraintes au quotidien. De l’autre côté, ces adaptations ont suscité une recherche d’agilité et de raccourcissement des délais de prévisions, dans les domaines de la trésorerie en particulier. Il est à noter que les directions financières ont souvent été remarquablement promptes à passer à une gestion totalement ou partiellement dématérialisée.

Comment tirer son épingle du jeu

Dans ce contexte chaotique, bon nombre de dirigeants ont dû lutter pour la survie de leurs activités. Les aides de l’Etat ont permis de repousser les défauts de paiement mais les échéances à venir vont mettre à mal les trésoreries et la santé financière des entreprises dans les prochains mois. Pour autant, ce temps de crise est idéal pour se poser les bonnes questions : impacts post-Covid, revues des portefeuilles d’activités ou de filiales, fermetures de sites, changements d’organisation et d’ERP… et fixer pour ces actions des objectifs et leurs indicateurs de suivi de la performance. Les directions financière et de contrôle de gestion sont au cœur de cette transformation pour permettre aux dirigeants de piloter finement les projets comme :

  • Réévaluation de leur modèle économique ;
  • Amélioration de l’exploitation de leurs données financières mais aussi extra-financières ;
  • Développement de l’intelligence collective en brisant les silos internes.

 

DFCG : préparer le management post-crise Covid

Emmanuel Millard, directeur général adjoint de Collia, vient d’être élu président de la DFCG (association nationale des directeurs financiers et des contrôleurs de gestion, le « Réseau des dirigeants financiers »). Rappelons qu’il était précédemment président de son groupe secteur public. C'était l'occasion de faire un point sur l’activité de la DFCG avec son nouveau président.

La DFCG a été créée en 1964, et compte actuellement « 3 500 membres permanents ». «Nous mobilisons environ 40 000 personnes dans l’ensemble de nos événements à Paris et en province, ainsi que dans nos groupes de travail », souligne Emmanuel Millard. Parmi ces groupes de travail figurent ceux dédiés à l’international, au contrôle de gestion, DAF au féminin, DAF à temps partagé ou encore le secteur public, lequel est désormais piloté par une personnalité bien connue, Jacques Rappoport, sans oublier les 15 présidences de régions. Une équipe d’une vingtaine de permanents, animée par Damien Abreu, fait tourner l’Association au quotidien. « Nous sommes le premier réseau de professionnels du secteur, affirme Emmanuel Millard, des professionnels aussi bien issus du secteur public que du secteur privé ».

Emmanuel Millard croit à la poursuite du rapprochement entre les pratiques du secteur public et celles du secteur privé. « Nous avons été le fer de lance de l'ouverture de la fonction publique aux cadres venus du privé, rappelle-t-il, en contribuant aux dispositions à cet égard de la loi du 19 août 2019. Tout cela, poursuit-il encore, participe de nos travaux sur l'amélioration de la performance du management dans ces deux univers ». Cette initiative s’intègre dans la volonté de la DFCG « d’accompagner le débat public sur la réforme de l’Etat, sur le plan de relance sur la dette et la trésorerie des entreprises… ». Le comité scientifique de l’Association est chargé d’effectuer les analyses indispensables ainsi que d’établir des propositions concrètes.

A propos de la crise que nous continuons à subir, la DFCG souhaite évoquer avec les pouvoirs publics la question de la dette, non seulement celle de l’Etat, mais aussi celle des entreprises.

« L’économie a été irriguée, et il fallait le faire, souligne-t-il, il convient à présent de se projeter et réfléchir à la manière de rééquilibrer le bilan des entreprises après la crise de la COVID». Faudra-t-il des amortissements longs, un abandon partiel de créances ? En attendant, les directeurs financiers, aussi bien des PME–PMI, des ETI, que des plus grands groupes, auront leur attention fixée cette année plus que jamais sur la trésorerie. Au-delà de 2021, « dont le démarrage sera certainement encore compliqué, il faudra probablement repenser le fonctionnement de l’entreprise de demain, qui sera différent après la crise », estime Emmanuel Millard.

Si les événements organisés par la DFCG se poursuivent actuellement en distanciel, ils reviendront tôt ou tard sous une forme présentielle, principalement Financium en décembre, les Assises nationales des services publics en octobre, et les Assises du contrôle de gestion prix du DAF de l’année) et l’ensemble des prix en région, comme les « Trophées des DAF".

2022 : une vigilance nécessaire sur les comptes-clients

L’AFDCC (Association française des credit managers et conseils) tiendra sa traditionnelle et très attendue Journée Crédit annuelle au Pavillon Dauphine le 26 novembre. Un événement d’autant plus attendu cette fois qu’il coïncidera avec la célébration des 50 ans de l’association. Conquérir en sera partenaire, comme d’habitude.

Nous faisons le point avec Eric Scherer, président de l’AFDCC, sur quelques temps forts de la manifestation, mais nous commençons par un tour d’horizon sur les sujets actuels de préoccupation des credit managers et sur leurs préconisations éventuelles aux entreprises.

Conquérir :  L’an dernier, vous sembliez plutôt inquiet quant à la situation des entreprises fragiles, en raison de la crise du Covid, en particulier au début de l’échéance pour certaines du remboursement du PGE initialement prévu au terme d’un an, en tout cas en franchise d’intérêt. Aujourd’hui, on constate un niveau très bas de défaillances d’entreprises. Que s’est-il passé ?

Eric Scherer : Effectivement, pour le moment, cela va plutôt bien de ce point de vue. L’Etat et les organismes publics, ou encore les banques, se sont montrés très cléments. Ainsi, la franchise de remboursement sans intérêt a été allongée. D’autre part, on a constaté de nombreuses annulations de dettes fiscales et sociales. L’Urssaf ou encore le Trésor public n’ont en tout cas pas assigné les débiteurs au Tribunal de commerce, limitant ainsi le nombre de dépôts de bilan.

D’une manière générale, les aides ont été largement prolongées et le sont parfois encore (fonds de solidarité, chômage partiel, coûts fixes pris en charge par l’Etat dans les secteurs soumis à des fermeture administratives…). Les banques ont accordé des moratoires à leurs débiteurs, à travers un report de mensualités jusqu’à six mois. Quant aux bailleurs, après de longues discussions, ils ont accepté de faire un effort, là encore soutenus par l’Etat. Aujourd’hui, ces béquilles ont été retirées, sauf principalement dans le tourisme ou l'événementiel.

Conquérir : Vous craignez une rechute ?

Eric Scherer : Pour le moment, en effet, la trésorerie des PME est plutôt bonne, en partie grâce au PGE. Mais, à partir de mars, pour celles quil’ont souscrit dès mars 2020, il faudra rembourser et dans le même temps reprendre le paiement normal des cotisations fiscales et sociales. Et là, celles qu’on appelle les entreprises zombies risquent de rechuter. Euler Hermès prévoit ainsi une hausse de 40 % des défaillances en 2022 vis-à-vis de 2021.

Fort heureusement, certaines PME ont mis à profit le ballon d'oxygène du PGE pour faire des efforts sur leurs charges, se restructurer… Parallèlement à ces aspects plutôt relatifs à la trésorerie, nous entrons dans une zone de turbulences.

La reprise, qui a pris corps depuis le début 2021, demeure chaotique car elle est altérée par un certain nombre d’événements qui la contrarient : pénurie de matières premières et dans le même temps hausse des coûts, attentes de conteneurs, transports de marchandises introuvables ou coûteux…

Tout cela a un impact, parfois important sur le CA – si l’on ne peut pas honorer ses commandes en temps utile par exemple, et bien sûr sur les marges. La reprise se trouve donc freinée, alors qu'au surplus l'inflation croissante fait que l'on redoute une hausse des taux, alors que le besoin d'investissement, particulièrement en matière énergétique, se fait pressant. Ce contexte est évidemment préoccupant pour la santé des entreprises…

Conquérir : … comment peut-on pallier les difficultés?

Eric Scherer : L’Etat, soit par des dispositions propres, soit au travers de directives européennes, s’efforce de préserver les accidents graves menant à des liquidations.
Deux ordonnances vont dans ce sens. La première est d’origine nationale : la PTSC, une procédure judiciaire temporaire et dérogatoire dite de « traitement de sortie de crise » qui a été mise au point par le législateur pour traiter à la source les maux causés par la pandémie (loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de sortie de crise sanitaire).
Cette procédure se veut novatrice car elle doit permettre l’adoption rapide d’un plan de nature à restructurer l’endettement de l’entreprise et à régler les difficultés occasionnées ou aggravées par la crise sanitaire et économique. Elle vise à trouver une solution de viabilisation des entreprises en difficulté, une viabilisation qui pourrait passer par un remboursement du passif étalé jusqu’à 100 %. Un gros risque à suivre pour les credit managers… Le décret d’application a été publié le 17 octobre. Temporaire et spécifique, la procédure est entrée en vigueur le 18 octobre 2021 et s’appliquera jusqu’au 1er juin 2023.
L’AFDCC a collaboré à la réflexion préalable, à la demande du Parlement et des économistes de Bercy. Le 12 novembre, dans le cadre des journées d’information juridique et financière organisées pour nos adhérents, nous présenterons en détail ces dispositions, et surtout l’impact possible pour les créanciers.

Conquérir : … vous parliez aussi d’une autre ordonnance en préparation…

 Eric Scherer : … oui, elle découle cette fois d’une directive européenne, et touche plutôt les grandes entreprises exerçant dans des domaines nécessitant une restructuration rapide (sous-traitance automobile, aéronautique, fonderies…). Des classes de créanciers sont instituées, laissant un avantage substantiel à ceux qui disposent de garanties ou apportent de l'argent. La classe des chirographaires pourrait en souffrir.

Conquérir : Qu'en est-il de l'évolution des délais de paiement dans ce contexte ?

Eric Scherer : Là encore, d’une diminution des retards observés à partir de 2015 environ, puis d'une stabilisation autour de 11 jours de retard de paiement, nous sommes remontés en 2021 à 15 jours, le BTP présentant des retards encore plus importants. Nous redoutons désormais un dérapage. La pression sur les marges que j'ai évoquée tout à l'heure pèse sur le BFR et pourrait entraîner la tentation de laisser filer le crédit fournisseur.

Nous, à l’AFDCC, en collaboration avec d'autres organisations, souhaitons sensibiliser les responsables d'entreprises à l’aspect citoyen de tenir leurs engagements en matière de délais de paiement.

Conquérir : Vous organisez donc la Journée Crédit le 26 novembre. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

 Eric Scherer : C’est, vous le savez, l'occasion pour nous de fêter nos 50 ans. L'ambiance sera donc assez festive. Pour autant, nous n'oublions pas le caractère studieux de cet événement, qui sera jalonné de plusieurs conférences.

Le matin, ce sera notre conférence économique, où nous bénéficierons de l’expertise de Alexis Karklins-Marchay, intervenant sur Radio Classique et auteur de nombreux ouvrages dont L’économie et le monde de Balzac. Il voyage beaucoup et pourra nous éclairer sur ce qu’il estime être les forces et les faiblesses de notre pays.

Plusieurs médiateurs connus interviendront dans d’autres conférences, dont celles de Bernard Thellier, négociateur du GIGN et de Marc Thiercelin dit « Captain Marck », navigateur et skipper professionnel français. Une table ronde d’ampleur réunira cinq grands acteurs partenaires de l’AFDCC (Altares, Ellisphere, Dimo Gestion, Serrola, Euler Hermès) afin de faire un point sur l’évolution des différents secteurs d’activité. Comme toujours, un espace de rencontre sera consacré à nos partenaires des métiers du credit management, où nos adhérents pourront se familiariser avec les dernières techniques du métier.

Propos recueillis par Alain Gazo

Renseignement commercial et financier : des acteurs inventifs

 

Comme le dit François Asselin, président de la CPME, en début de ce numéro, les entreprises françaises ont subi des sorts contrastés, en fonction des secteurs et des sous-secteurs où elles exercent leur activité.

Une enquête – non exhaustive – que nous avons menée à l’automne, montrait que les éditeurs et prestataires du monde des ERP, des CRM, de la dématérialisation… s’en sortaient plutôt bien. Certes, leurs prestations sont souvent désormais réglées sous forme d’abonnements, donc a priori pérennes. Et donc, même s’ils ont eu davantage de difficultés en conquête, leur CA est plus stable que la moyenne.

Alors, qu’en est-il des spécialistes du renseignement commercial et financier ? Nous avons échangé avec les principaux acteurs du marché qui ont bien voulu répondre à nos questions. Ellisphere, leader du marché, dont le directeur Data Mining Marketing Services, Jean-Daniel Ruegger, est interviewé par notre directeur Alain Gazo, dans la rubrique Développement commercial, Damien Barthélémy, directeur général de Creditsafe, qui continue sa progression en France, et Bertrand Laffay, cofondateur et codirigeant d’Infolégale, société purement française, en développement rapide.

Ellisphere existe depuis longtemps, si l’on remonte sa filiation. Elle réalise un peu plus de 50 millions de CA et compte 300 collaborateurs. C’est une société française détenue par des fonds d’investissement. Creditsafe, filiale d’un groupe suédois, implantée en France en 2006, est en progression constante depuis lors. Elle génère désormais plus de 20 millions d’euros de CA et emploie plus de 100 collaborateurs dans l’Hexagone. Quant à Infolégale, fondée en 2008, elle est en forte croissance, atteignant près de 8 millions d’euros de CA en 2020, et compte plus de 150 collaborateurs.

Lorsqu’on a adopté une bonne stratégie, on progresse logiquement plus vite en pourcentage lorsque tout va bien, que les intervenants de plus grande taille figurant depuis longtemps dans le paysage. C’est le cas d’Infolégale, qui a une feuille de route à +20 % par an, fait valoir Bertrand Laffay. Voilà cependant une performance notable.

Cela, c’est la moyenne, mais qu’en a-t-il été en 2020, année si particulière ?

Lui comme ses confrères – nous résumons hâtivement – n’ont pas trop à se plaindre, même si, relativement aux plans de marche initiaux, ils font un peu moins bien que prévu, tout en maintenant une progression parfois sensible néanmoins. Pourquoi cette santé plutôt satisfaisante ?

Il y a plusieurs raisons à cela. D’abord le contexte. « Alors qu'une hausse des dépôts de bilan était envisagée dans cette situation de crise, les entreprises ont voulu s'assurer qu'elles seraient payées, et ne pas contracter en cas de doute sérieux, » analyse en substance Damien Barthélémy. « Dès lors, des sociétés telles que la nôtre, qui sont à même de permettre de prendre les bonnes décisions, sont consultées », poursuit-il. « Quoique, paradoxalement de prime abord, le nombre des défaillances ait finalement chû, en 2020, le manque de visibilité, rebondit Bertrand Laffay, a incontestablement favorisé notre profession. Cependant, reprend-il, le marché progresse aussi à la faveur d'innovations technologiques ou d'élargissements des informations fournies ». Parallèlement, les prix sont devenus plus accessibles aux TPE–PME à partir de la fin des années 2000, avec l’apparition d'offres packagées destinées à cette cible, initiées en particulier par Creditsafe et offrant une plus grande simplicité d’accès à l’information. Infolégale s'est, à la même époque, plutôt engagée dans la production de données dans des domaines pas encore couverts, où le renseignement est devenu indispensable suite à de nouvelles réglementations (loi Sapin II, compliance…).

Damien Barthélémy met de son côté l’accent sur les efforts importants réalisés par Creditsafe pour alimenter sa base de davantage de données sur les inscriptions de privilèges. « C’est fondamental, explique-t-il en substance, car leur présence accroît notablement le risque de défaillance d’une entreprise ». Creditsafe met également en exergue les informations sur les contentieux au Tribunal de Commerce. « Deux assignations dans une même année pour une PME présupposent un risque de faillite de 20% », souligne Damien Barthélémy.

Des scores de plus en plus affinés

Les différents acteurs du marché rivalisent d'imagination pour créer des scores synthétiques attribuant une note reposant sur le plus de critères objectifs – ou subjectifs – possibles.

C'est ainsi que Bertrand Laffay met en exergue la création par Infolégale en 2020 d’un
« indice de vigilance Covid CLD », destiné à mesurer le degré d’exposition au Covid d’un portefeuille clients. « Le marché nous a suivis sur ce point », se réjouit-t-il. On peut retrouver une telle initiative chez ses confrères, sous une forme parfois légèrement différente ou sous un autre nom. Creditsafe évoque ainsi l'arrivée d'une matrice croisant des éléments propres à l’entreprise et le risque d’exposition à la crise sanitaire lié au secteur d’activité.

Après un millésime 2020 compliqué, mais finalement plutôt favorable pour le secteur du renseignement commercial et financier, quels sont les prévisions et les projets des acteurs pour 2021 ?

Bertrand Laffay espère qu'Infolégale reviendra à la moyenne de croissance « de 20 % » relevée ces dernières années. Sur le plan qualitatif, il reste sur la même ligne : la valeur ajoutée supplémentaire créée, en particulier, à partir de modes de collecte de données alternatifs (collaboratifs…), plus généralement des investissements supplémentaires dans la production de données, liens capitalistiques, exhaustivité des annonces légales, registre des paiements et des contentieux, informations sur les entreprises et leurs dirigeants, en bénéficiant d'outils « nativement digitaux », qui permettent d’aller toucher les TPE–PME, tout en consolidant la présence d’Infolégale dans le segment des grands comptes, où la firme est très bien implantée.

Damien Barthélémy mise, de son côté, sur une hausse de 10 % du CA de Creditsafe en 2021, après le petit ressac de 2020 (près de 5 % environ tout de même). Là encore, un investissement accru dans la fourniture de données (privilèges, contentieux aux Tribunaux de Commerce…) va permettre à Creditsafe de produire des scores encore plus affinés et prédictifs reposant sur davantage de critères, comme la présence de privilèges, les contentieux au TC…

Les taux de fidélisation très élevés affichés par les différents protagonistes devraient favoriser l’atteinte de leurs objectifs.

 

ERP, CRM, dématérialisation… un solide bilan malgré la crise sanitaire

Le salon Solutions, manifestation rituelle de la profession des éditeurs de solutions de rationalisation de la gestion et de la conquête de marchés, se tiendra les 5 et 6 octobre prochains à la Porte de Versailles.

L’occasion pour les exposants de revoir partenaires, clients ou visiteurs en recherche de solutions. Le salon de l’an dernier, juste avant les nouvelles interdictions fut, en effet, en demi-teinte.

Les acteurs de la profession se portent, en général, bien, voire très bien. La nécessité de poursuivre les activités à distance, ainsi que les obligations légales de plus en plus nombreuses, poussent les entreprises, y compris les PME-PMI, à s’équiper. Cela fait par exemple le bonheur d’Esker, dont le CA et le résultat explosent. Esker, qui est très internationalisée historiquement, avec une forte présence aux USA, a d’autant mieux résisté à la crise, que ,rapporte Thomas Honegger, directeur général France, l’impact sur les affaires du prestataire lyonnais aux Etats-Unis et en Asie par rapport au niveau attendu a été quasiment nul en 2020, contrairement à ce qui est arrivé en Europe du Sud.

Cela étant, « l’enjeu est fort dans l’order to pay et l’order to cash », indique-t-il. Dès lors, des projets – parfois de grande dimension – continuent d’arriver chez Esker, avec « un engouement marqué pour la digitalisation des processus », toujours selon Thomas Honegger.

Pour répondre à la demande actuelle et future, Esker multiplie les innovations, « en perfectionnant ses suites logicielles et en les complétant régulièrement, comme par exemple récemment avec un module spécifique de credit management ».

L’obligation faite aux entreprises de recourir à l’envoi de factures dématérialisées dés 2023, même à leurs partenaires du privé, fait le bonheur d’Esker, comme des autres intervenants de la place, à l’image de Ventya.

Dominique Bougnot, son directeur général, fait valoir un exercice 2020-2021 raisonnablement satisfaisant, eu égard au contexte, sachant que son CA repose principalement sur les transactions effectuées au travers de son portail Clear’Invoice et que Ventya est très bien implantée dans le domaine de la mobilité, fortement touché par la pandémie.

Les fondamentaux poussent cependant en sa faveur. La ruée sur la digitalisation se poursuit, même dans des milieux réticents à la base comme les coopératives agricoles. Pendant ces longs mois, beaucoup de factures clients n’étaient pas honorées, du fait du télétravail (une bonne excuse parfois !).

Les entreprises ont donc fait contre mauvaise fortune bon cœur, en prenant ainsi en considération, souligne Dominique Bougnot, le gain économique sur l’envoi de chaque facture, « puisqu’une facture électronique revient quatre fois moins cher que son homologue papier ».

Ventya propose à ses clients d’opérer via son portail Clear’Invoice des échanges électroniques avec ses partenaires commerciaux (factures entrantes, sortantes…). Un service d’éditique, de mise sous pli et l’expédition par courrier est cependant disponible. Même dans le cas de commandes de l’Etat, Dominique Bougnot estime qu’il est plus pratique de faire transiter les factures par le portail de Ventya, qui gère ainsi « l’ensemble du portefeuille », que d’aller directement sur Chorus, plate-forme des fournisseurs de commandes publiques. Cela évite, par exemple, de faire revalider régulièrement sa signature électronique, puisque c’est Ventya qui le fait. Les factures peuvent être stockées sous une forme hautement sécurisée, pendant dix ans, via le partenaire de référence qu’est Arkhineo (Groupe Docapost).

Ventya a su diversifier sa clientèle ces dernières années, au-delà de son socle de base vers d’autres métiers, la cosmétique (Yves Rocher), la mobilité (tourisme, voyage d’affaires, assistance) ou encore les coopératives agricoles. Plus généralement, toutes les tailles d’entreprises sont accessibles, « avec une importante capacité de personnalisation de la solution, si besoin est ».

 

Univers des ERP : des PME agiles

Celles qu’on appelait autrefois les SSII ont été la plupart du temps créées par des informaticiens. Elles se sont développées au fil du temps, pour être fréquemment revendues par la suite à des groupes, à la suite du départ en retraite du principal fondateur. Ce qui leur a fait perdre en authenticité. C’est dommage car elles sont souvent nées puis ont prospéré en province. On peut penser à Qualiac en Auvergne (Aurillac), ou à Sylob à Albi, entre de nombreux exemples. Qualiac et Sylob ont été vendues à des groupes depuis quelques années.

Heureusement, il existe encore des exemples d’entreprises du secteur des CRM, ou des ERP, qui demeurent indépendantes et progressent, parfois discrètement.

Il en est ainsi de Info 3W, fondée il y a vingt ans et dont le principal établissement se trouve à Obernai (Alsace). Guy White, père des actuels dirigeants, Michel et Dominic, avait, dans les années 80, fondé une entreprise (Sem Suhne) spécialisée dans la fabrication de transformateurs spécifiques, destinés en particulier, à l’origine, à l’univers de la téléphonie.

Dès la fin des années 90, un logiciel fut créé pour rationaliser les pratiques de la production, avec donc une visée interne. Il fonctionnait à la satisfaction générale. Du coup, Michel et Dominic White eurent l’idée de monter une nouvelle structure, Info 3W, afin de commercialiser leur logiciel d’ERP/SetInUp destiné à gérer une entreprise « de la production à la facturation en passant par les interventions ». « C’est un outil informatique conçu par des industriels pour des industriels », énonce Michel White. « Nous connaissons très bien les évolutions en la matière en milieu industriel, et sommes capables de faire bénéficier de notre expertise nos confrères industriels, non seulement en matière logicielle, mais aussi en les conseillant dans leurs process ».

Michel White énonce trois objectifs principaux pour les prochaines années : développer SetInUp sur le cloud, affirmer sa position dans les secteurs de l’industrie, mais aussi celui de la pose-installation-intervention, souvent connexe, enfin demeurer éditeur et intégrateur du logiciel. L’implémentation, est soit dit en passant, souvent effectuée par Michel White lui-même. La version on premise (traditionnelle) se nomme Alix.

Le gérant d’Info 3W annonce également l’arrivée récente d’un module de gestion de projets. Il se montre raisonnablement optimiste pour la suite, « alors que les entreprises sont conscientes que l’on gagne beaucoup de temps, donc d’argent, avec le numérique ».

 

Les agriculteurs s’y mettent aussi

Les agriculteurs, population des plus traditionnelles, se mettent à l’utilisation des moyens modernes, par choix ou par nécessité. C’est ainsi que la dématérialisation de documents fait une percée chez eux depuis quelques années, souvent directement ou indirectement à travers les coopératives auxquelles ils sont affiliés.

En voici un exemple, au travers des services rendus à 42 coopératives en France, rassemblant plus de 100 000 agriculteurs par Adherents.Coop, qui est une émanation de la Coopération Agricole, créée il y a vingt ans, au moment de l’émergence d’Internet et des nombreux outils qui allaient y être associés. Ces outils allaient profondément modifier la communication entre les coopératives et les agriculteurs partenaires.

Partenaire, cela correspond à un triple lien :

- Capitalistique : ces agriculteurs sont porteurs de parts de leur coopérative.

- Client : ils livrent leur production à la coopérative.

- Fournisseur : la coopérative leur fournit, en particulier, les intrants nécessaires à leur production.

L’idée d’Adherents.Coop était de fournir à l’agriculteur un maximum d’informations sur leur relation avec leurs coopératives au travers d’un portail de services dédiés, explique son directeur, Sébastien Gaborit. « Nous offrons, poursuit-il, une série de briques applicatives dans lesquelles les coopératives clientes viennent chercher ce qui leur paraît utile, pour bâtir leur propre portail de services ».

Adherents.Coop assure le développement, le support et l’hébergement de sa solution. Ces échanges de documents à travers les portails se sont étendus ces dernières années aux factures. Les factures sont toujours émises par la coopérative (auto-facturation pour les remises de marchandises par les agriculteurs, facturation fournisseur pour les produits livrés en vue de leur exploitation).

Jusqu’à un terme assez récent, les factures étaient toujours adressées par courrier. Les duplicatas étaient stockés et disponibles sur le portail, mais sans valeur probante. « Nous avons pour ambition de faire passer intégralement les agriculteurs à un parcours de factures purement digital, explique encore Sébastien Gaborit, d’autant que l’obligation légale d’y recourir se rapproche ». Adherents.Coop propose donc un service entièrement digital à travers le portail extranet de chaque coopérative concernée, qui génère des factures au format PDF avec valeur fiscalement probatoire.

La prestation est exécutée d’une manière totalement transparente pour les intéressés par Ventya, qui signe et génère un certificat électronique et procède au stockage de documents dix ans garanti sans modification, ce qui est conforme aux normes en vigueur.

Ventya a été choisie après un appel d’offres, principalement sans doute pour sa capacité à bien comprendre le métier des coopérateurs et donc à leur proposer, « dans le cadre d’une entreprise à taille humaine », la solution aboutie la plus adaptée. Une fois le dispositif mis en place, qu’en est-il de l’adhésion des agriculteurs ? « Même si l’habitude d’imprimer les PDF reste forte, admet Sébastien Gaborit, les agriculteurs sont généralement satisfaits du nouveau process, qu’ils demeurent libres ou pas d’adopter ». « En effet, relève-t-il, ils apprécient de pouvoir à coup sûr récupérer leurs factures, parfois égarées auparavant, et surtout peut-être la rapidité dans l’expédition des factures ». Le volume des factures traitées par les coopératives concernées va de 15 000 à 300 000 par an.

 

 

 

 

 

Défaillances d’entreprises : attention à 2021

L'Etat français va investir 100 milliards d'euros sur trois ans grâce à des fonds provenant en partie du pot commun mis en place par l'Union européenne. On peut se demander comment nous serons en mesure collectivement de faire face à l’apurement futur de la dette. Cependant, les dirigeants d’entreprises ont des préoccupations davantage pragmatiques : augmenter leurs ventes, à tout le moins par les temps qui courent, éviter qu’elles ne chutent, et aussi, bien entendu recouvrer leurs créances dans les délais. A ce moment crucial, nous avons souhaité nous entretenir avec Eric Scherer, président de l’AFDCC (Association des credit managers et conseils), et qui exerce les fonctions de credit manager chez Hachette.

Conquérir : Dans votre métier, vous êtes très attentif aux dépôts de bilan et surtout à leurs signes précurseurs. Comment expliquez-vous les bons chiffres des défaillances d’entreprises pendant les six premiers mois de 2020 ?

Eric Scherer : Tout d’abord, une évolution défavorable du CA ne se traduit pas instantanément par une défaillance. D’autre part, l’Etat et les organismes sous sa tutelle ont pris des mesures d’urgence dès mars dernier, afin de permettre au maximum d’entreprises de passer le cap difficile du confinement, puis de ses séquelles, auxquelles nous sommes toujours confrontés. Vous connaissez ces mesures : report du paiement des charges sociales, chômage partiel largement facilité… et aussi, ce dont on parle peut-être moins, les PGE (Prêts bancaires garantis par l’Etat). Ils ont été attribués d’une manière très large au printemps dernier à ceux qui en faisaient la demande. Les conditions de ces prêts sont particulièrement favorables, avec une clause de sortie sans frais au bout d’un an, période pendant laquelle seuls les intérêts, au taux réduit de 0,25 %, sont dus. Les bénéficiaires pourront opter au terme de ces douze mois pour un remboursement complet du capital ou pour une prolongation d’une durée de cinq ans, à un taux cette fois plus élevé, de 3 % environ, et avec des conditions d’amortissement plus classiques.

Tout cela veut dire que beaucoup d’entreprises, dont de nombreuses PME–PMI, ont ainsi reçu un bol d’air, qui leur a permis de résister aux chocs pour certaines d’entre elles, lors des mois d’arrêt d’activité. Et d’éviter de la sorte des licenciements, voire un dépôt de bilan.

Mais après ? Le report du règlement des charges sociales ne sera pas éternel et la question du remboursement du PGE à échéance d’un an, ou de sa prolongation au-delà à des conditions moins favorables, va se poser d’ici quelques mois…

Conquérir : … et il faut donc être attentif à la solidité de son compte-clients !

Eric Scherer : Tout à fait, c’est pourquoi j’affirme que 2020 est par essence l’année des credit managers, car le cash devient une priorité absolue. Chaque semaine, chez Hachette, nous effectuons une revue de cash approfondie, basée sur de nombreux indicateurs émanant de tableaux de bord, dont certains mis en place récemment, afin d’être encore plus précis dans nos prévisions, et donc dans les limites d’engagement que nous défendons auprès de notre direction financière.

Pour faire face à cette exigence de cash, plusieurs outils, bancaires ou non bancaires, nous facilitent la tâche, des outils souvent fondés sur la dématérialisation des process. Par exemple, les virements dits « Instant payement » permettent d’être crédités instantanément ou presque comme leur nom l’indique. Nous pouvons dans la foulée lettrer les comptes en l’espace de 24 heures. Cela constitue une innovation essentielle de ces deux-trois dernières années. Les solutions de reverse factoring sont également utilisées d’une manière plus large, en permettant d’engranger des ressources pour investir, se développer…

Le risque de crédit est toujours là, bien sûr. Les entreprises ont la possibilité de passer par un assureur-crédit. Ou bien de créer leur propre système de garantie en interne, ce que nous faisons chez Hachette par exemple. Les normes IFRS9 nous permettent, en effet, de constituer des provisions spécifiques pour loger les mauvais risques. On peut toutefois souscrire une police dite « in excess », afin de garantir les risques au-delà d’une certaine limite. Dans tous les cas, il est opportun d’utiliser des scorings, soit ceux des sociétés d’information du marché, ou ceux que l’on peut bâtir soi-même, en fonction de son expérience propre, ou d’éléments comptables en notre possession.

Les scorings établis par les assureurs-crédit ne donnent pas accès aux comptes des sociétés, lorsqu'ils ont été déposés avec une clause de confidentialité. Et dans tous les cas, je conseille d'être intransigeant sur les clauses contractuelles de paiement, afin d'éviter les dérives, surtout dans un contexte où de nombreuses entreprises ont bénéficié directement ou indirectement de cash au travers des dispositifs que j’ai évoqués précédemment.

Conquérir : L’année des credit-managers, l’année de l’AFDCC également ?

Eric Scherer : Notre association se porte bien effectivement en menant de plus en plus souvent des actions avec les professions connexes : ADV, comptables, acheteurs… 2020 est l'année des 50 ans de notre association. Nous devions les fêter en novembre prochain mais, compte tenu de l’ampleur que nous voulions donner à l’événement, nous l’avons repoussé à 2021.

La Journées crédit fait partie des quatre grandes manifestations qui rythment nos années « normales », les autres étant notre Journée d'information juridique, économique et financière, dédiée aux credit-managers en début d'année civile ; la Journée de l'innovation et les Assises des délais de paiement, organisées en partenariat avec la Figec. Des événements en province complètent ces manifestations nationales. Ce programme a été chamboulé à partir de mars dernier. Nous avons remplacé certaines réunions par des webinars destinées à l’information de nos adhérents, et qui ont connu un vif succès.

Notre pôle formation s’est également réorganisé, afin de ne pas arrêter ses prestations, délivrées tant pour nos adhérents que pour des publics externes.

Nous avons ainsi développé de nombreux cours en e-learning. Même après la crise que nous traversons, cette pratique devrait persister en la combinant toutefois avec des formations en présentiel qu’il me semble essentiel de maintenir.

Je voudrais rappeler d’autre part que l’AFDCC a souhaité depuis plusieurs années donner une vision professionnelle de notre métier à travers une formation adéquate – que nous dispensons et avons pensée, à une reconnaissance par l’Etat d’un cursus complet de bac à bac +5, qui est désormais accessible aux intéressés.

Propos recueillis par Alain Gazo

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