Relations sociales
Reclassement : attention à être clair !
Les questions relatives au reclassement de salariés sont source de nombreux litiges. De bonne foi ou non, les collaborateurs concernés tentent de faire jouer le non-respect des obligations légales pesant sur l’employeur en la matière.
En la circonstance, dans le cadre d’un processus de restructuration d’une entreprise en vue de « sauvegarder sa compétitivité », une salariée avait refusé le CSP (Contrat de sécurisation professionnelle) qu’on lui avait proposé au titre du reclassement.
L’employeur la licencie suite à ce refus. La salariée se pourvoit devant les Prud’hommes. Les juges du fond lui donnent raison. Suite à un pourvoi de l’employeur en cassation, la Haute Cour confirme l’arrêt d’appel le 23 octobre 2024. La Chambre sociale, au visa des articles L. 1233-4 et L. 1233- 2-1 al. II du code du travail, rappelle la nécessité d’être précis dans la description de l’offre de reclassement.
En l’occurrence, les juges du fond avaient relevé plusieurs manquements de ce point de vue (adresse de l’entreprise, classification du poste…). Dès lors, les hauts magistrats estiment que la cour d’appel a pu en déduire que « […] l’employeur n’avait pas accompli avec la loyauté nécessaire son obligation de reclassement, se contentant d’une offre imprécise et formelle ». Dès lors, le « licenciement était sans cause réelle et sérieuse ».
Vincent Gardy
CV truqué : quelles sanctions ?
Quels sont les droits de l’employeur face à un CV trompeur ou à des assertions mensongères de la part d’un collaborateur qu’il découvre après son embauche. C’est évidemment un sujet récurrent. La Semaine sociale Lamy, dans son « tour de France » des cours d’appel, paru dans sa livraison du 2 septembre dernier, a mis en évidence un certain nombre d’arrêts récents, dont précisément un concernant cette thématique. Quels sont les faits ? Un candidat à un poste dans une société d’assurances a dissimulé lors de son entretien d’embauche le fait qu’il avait été licencié pour faute grave par son ancien employeur. A tout péché miséricorde certes, mais en la circonstance, il avait fait croire qu’il était toujours en poste dans ladite société. L’entretien se passe bien et l’employeur, qui ne va pas chercher plus loin, embauche ce candidat. Mais voilà, le nouvel employeur apprend un jour cette entourloupette et, s’estimant victime d’un dol à son encontre, il licencie le salarié pour faute grave, mettant en outre en évidence que son secteur - celui des assurances, exige un personnel d’une probité à toute épreuve.
Le salarié, décidément pas gêné, se pourvoit devant les Prud’hommes. La cour d’appel donne tort à l’employeur. Certes, sans doute y a-t-il dol. Mais la question à se poser, estime les juges du fond, est de savoir si ce dol a pu être déterminant pour l’embauche du candidat et si son précédent licenciement pour faute grave pouvait avoir une incidence quelconque sur l’emploi proposé. Ce raisonnement peut paraître étonnant, puisque précisément l’employeur avait mentionné la particularité de son métier pour justifier sa décision.
Vincent Gardy
Lettre de licenciement : tous les griefs doivent être examinés
Un salarié peu exemplaire avait été licencié sur la base de plusieurs griefs. Il se pourvoit devant la justice prud’homale aux fins de faire reconnaître son licenciement comme sans cause réelle et sérieuse. Il gagne en première instance. L’affaire est portée en appel par son employeur. La cour examine ses conclusions, et en rejette le bien-fondé, après les avoir analysées une par une. L’employeur se pourvoit en cassation.
Bien lui en a pris. La Chambre haute accueille favorablement son pourvoi par un arrêt du 23 octobre dernier. Pourquoi ? C’est que le juges du fond n’ont pas examiné l’ensemble des griefs signifiés dans la lettre de licenciement. La Haute Cour rappelle en substance qu’au visa des articles L. 1232-1 et L. 1232-6 du code du travail, le juge du fond a l’obligation d’examiner l’ensemble des griefs formulés à l’encontre du salarié dans la lettre de licenciement. Or, en la circonstance, l’un d’entre eux, relatif à son comportement déloyal, a été écarté des débats car ne figurant pas dans les conclusions de l’employeur en appel. Cela ne devait pas empêcher son examen, selon les Hauts magistrats qui cassent l’arrêt d’appel.
Vincent Gardy
Harcèlement : les écarts de langage censurés
Un récent arrêt de la Cour de Cassation du 13 mars dernier se fond dans le moule actuel de l’interdit jeté sur toute suspicion de harcèlement sexuel. En l’occurrence, un supérieur hiérarchique s’était autorisé à faire quelques propositions plutôt directes à certaines de ses collaboratrices. L’affaire passe devant les tribunaux, suite au licenciement du collaborateur en question par son employeur. Lequel le salarié n’est évidemment pas d’accord. La cour d’appel de Versailles fait preuve d’une certaine mansuétude à son égard. Bien sûr, les propos émis par SMS ou mails sortaient du registre professionnel mais, en quelque sorte, ce n’était pas gravissime.
Autrement dit, il avait tenté sa chance, sans insister. De sorte que, selon les juges du fond, le harcèlement sexuel, qui suppose a priori une répétition des faits à l’encontre d’une même personne, n’était pas caractérisé à leurs yeux. La Chambre sociale ne voit pas les choses de la même façon. Elle perçoit les répétitions de l’acte dans le nombre de personnes concernées, qui plus est de la part d'un supérieur hiérarchique. Relevant également entre autres griefs, que ce comportement occasionnait « une situation intimidante ou offensante », elle en déduit que le harcèlement sexuel était caractérisé et qu’il rendait bien impossible le maintien de ce collaborateur dans l’entreprise. L’arrêt de la cour d’appel est dès lors cassé, au visa du viol des articles L. 1153- 1, L. 1153-5, L. 1154-6 et L. 1234-1 du Code du travail.
Vincent Gardy
Propos sexistes : attention les temps ont changé
Le durcissement progressif des lois dans certains domaines contribue à une perception différente de tel ou tel comportement d’une période à l’autre, provoquant souvent des difficultés. Ainsi en est-il des comportements dits sexistes au travail… et ailleurs.
Hasma Naït Hammou, élève-avocate, Hedac, et Victor Roisin, avocat associé, Factorhy Avocats, nous amenaient dans La Semaine sociale Lamy du 15 juillet dernier, sur la voie d’une réflexion sur ce sujet, sous l’angle de la répression interne d’actes ou de propos sexistes. Leur dissertation repose sur l’analyse d’un arrêt de la Chambre sociale du 12 juin 2024. En l’occurrence, et pour résumer, un salarié avait été licencié pour des propos tendancieux répétés, à connotation sexuelle, voire insultants et dégradants. Le salarié fit valoir que son comportement n’avait pas évolué pendant vingt ans, et qu’il n’avait jamais été sanctionné de ce fait.
Sans doute, mais les temps ont changé et la loi n° 2016- 1088 du 08/08/2016 a fait de la prévention - et donc de la répression des agissement sexistes, l’une des obligations explicites de l’employeur quant à la prévention des risques. En la circonstance, l’employeur en était conscient, puisqu’il avait envisagé une mise à pied disciplinaire, avant de licencier le salarié pour faute simple. La cour d’appel de Grenoble a considéré ce licenciement sans cause réelle et sérieuse, donc aux motifs de la répétition dans le temps d’actes jugés tout à coup répréhensibles et de la volonté de l'employeur, dans un premier temps, de prendre une simple mesure disciplinaire à l’encontre du salarié.
Les auteurs de l’analyse reconnaissent « qu’il est de jurisprudence constante qu’un comportement toléré par l’employeur ne peut pas justifier un licenciement pour motif disciplinaire ». Mais là… on touche à l’obligation de sécurité, puisque les agissements du salarié fautif peuvent avoir des répercussions sur la santé mentale de ses collègues. Dans cette affaire, au visa précisément et notamment de l’article L. 4121-1 du Code du travail, la Haute cour écarte donc l’application de la jurisprudence habituelle : « […] Tenir de manière répétée des propos à connotation sexuelle, insultants et dégradants, constitue un comportement fautif constitutif d’une cause réelle et sérieuse de licenciement, quelle qu’ait pu être l’attitude antérieure de l’employeur ».
Cette jurisprudence ne semble cepend pas être encore solidement établie. Hasma Naït Hammou et Victor Roisin recommandent néanmoins la prudence aux employeurs, quitte à « adresser au préalable au salarié (avant toute sanction) un rappel de ses obligations ».
Vincent Gardy
Discrimination à raison de l’origine : toujours plus loin !
Dans un arrêt du 20 décembre 2023, la Cour de Cassation a mis la barre encore plus haut en matière de lutte contre les discriminations en entreprise. En l’occurrence, à ce que l’on comprend, une salariée d’origine étrangère n’était pas satisfaite de sa classification dans la grille de son entreprise.
Elle s’estimait victime d’une discrimination à raison de son origine. L’employeur faisait valoir qu’elle ne disposait pas du diplôme professionnel français qui lui aurait permis d’accéder à la catégorie qu’elle visait. La cour d’appel suit l’employeur dans sa démonstration. La salariée n’a pas fait état, selon elle, d’éléments suffisants pour étayer sa thèse d’une discrimination à raison de son origine. La Cour de cassation prend les juges du fond à rebours. A travers une argumentation pour le moins alambiquée, les hauts magistrats déduisent de la référence à l’absence de diplôme français et d'expérience professionnelle en France, la supposition d’une discrimination à raison de l’origine de la salariée.
Dès lors selon eux, la cour d’appel a violé l’article L. 1134-1 du Code du travail. Nous restons dubitatifs ! La définition de la discrimination à raison de l’origine a-t-elle changé ? Manifestement, la salariée n’avait pas forcément le niveau requis pour accéder tout de suite à la catégorie supérieure.
Vincent Gardy
Clause de non-concurrence, de nouvelles précisions
Une autre affaire, ayant débouché sur un arrêt du 22 mai dernier de la Chambre sociale, apporte un éclairage intéressant sur la nullité d’une clause de non-concurrence invoquée par un salarié.
De quoi s’agissait- il ? Une clause de non-concurrence comportait différents points, en particulier l’un d’entre eux, relatif au périmètre géographique que le salarié estime abusif, car trop étendu. Manifestement, abus il y avait. Ce fut reconnu par le conseil des prud’hommes et même par l’employeur.
Ce dernier estime cependant qu’il n’était pas constaté que tous les autres points de la clause souffraient d’une contestation et que dès lors, les dommages-intérêts pour violation de la clause de non-concurrence lui étaient dus, étant entendu que le non-respect d’un seul point devait conduire à reconnaître « la faute ». L’employeur estimait que seule une limitation de l’extension de la clause aurait dû être prononcée et en aucun cas la nullité complète. Mais les juges du fond ne le suivent pas dans son raisonnement. La Cour de cassation confirme la décision d’appel. Dès lors qu’une clause de non-concurrence est reconnue illicite, même en partie, les juges d’appel ne peuvent qu’en prononcer la nullité, et en aucun cas en réduire le champ d’application.
Vincent Gardy
Période de protection : des contraintes très précises
Le législateur, et avec lui la jurisprudence, sont très soucieux du respect complet de la période de protection des salariés, quel qu’en soit le motif. Un arrêt du 29 novembre dernier nous le remémore.
En l’occurrence, un employeur avait cru pouvoir entamer une procédure de licenciement pendant la période de protection du salarié concerné - pour accélérer le mouvement on suppose. Manifestement, il prit ensuite, dans le respect des règles classiques, la décision de licencier son collaborateur. Lequel l’assigne aux Prud’hommes. Or, l’employeur avait trop anticipé. Il avait convoqué son salarié à l’entretien pendant la période de protection. Le défendeur argua que cet entretien eut lieu à son issue. Mais les hauts magistrats ne voient pas les choses de cette façon. Au visa de l’article L. 1225-4 du code du Travail, dans sa rédaction issue de la loi du 08/08/2016, ils estiment « que l’employeur ne peut engager la procédure de licenciement pendant la période de protection », le fait que l’entretien eut lieu après « importe peu ». L’arrêt d’appel est donc cassé.
Vincent Gardy
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