Relations sociales

Harcèlement : écrivez le mot en toutes lettres !

On parle beaucoup de harcèlement aujourd’hui. Peut-être un peu trop. Je pense là aux plaintes ou récriminations contre des hommes célèbres aux mains lestes. On évoque sans doute un peu moins les questions de harcèlement moral – sans doute un effet de mode.

S’il est indéniable qu’il en existe, il est également certain que les salariés profitent de cette excuse lorsqu’ils sont en difficulté, parfois pour bien d’autres raisons. C’est que le salarié harcelé bénéficie d’une immunité, dès lors bien sûr qu’il a signalé ces faits.
En effet, la jurisprudence constante de la Cour de Cassation, à l’exemple d’un arrêt de la Chambre sociale du 3 février 2016, tend à exercer la pratique du « motif contaminant ».
A savoir que, même si l’employeur justifie d’autres griefs fondés pour licencier un collaborateur, le licenciement est considéré comme nul dès lors que le salarié était « harcelé ».
La période étant moins favorable aux salariés, et surtout aux syndicats qui les assistent, la Cour de Cassation (Cass. Soc. 13/07/17), a émis un bémol à cet effet « contaminant ».
Un peu par la bande, dirait-on. En l’occurrence, un cadre de haut niveau avait été licencié sur le fondement de différents motifs, semble-t-il non contestables. Mais voilà, le salarié, sentant sans doute le coup venir, avait déclaré dans un courrier recommandé à l’employeur, subir de sa part « des comportements abjects, déstabilisants, et parfaitement injustes… ». Voilà qui ressemble beaucoup à du harcèlement ! Et le salarié de demander de ce chef la nullité du licenciement et sa réintégration, en vertu de la fameuse immunité.
Mais voilà, au grand dam de certains commentateurs – dont Jean-Philippe Lhernould, professeur à la faculté de droit et des sciences sociales de l’université de Poitiers in La Semaine sociale Lamy du 23/10/17, les hauts magistrats cassent l’arrêt de la cour d’appel qui lui avait donné raison : « […] alors qu’il résultait de ses constations que le salarié n’avait pas dénoncé des faits qualifiés par lui d’agissements de harcèlement moral, la cour d’appel, qui [n’en a pas] tiré les conséquences légales […], a violé les textes susvisés ». (Ndlr : L. 1152-3 du Code du travail).
Jean-Philippe Lhernould regrette cette décision, en particulier au regard de l’article 12 du Code Procédure civile, qui prévoit que le juge « doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ».

Une atténuation au motif « contaminant »

Ce qui est logique, on n’est pas tous juristes ! Jean-Philippe Lhernould, souligne cette jurisprudence moins favorable aux salariés, qui devrait s’étendre, selon lui, au harcèlement sexuel. Elle anticipait, estime-t-il, les ordonnances Macron, qui ont abouti, entre autres, à un nouvel article L. 1235-2-1 qui stipule justement, on en revient au motif précédent contaminant, que si la nullité du licenciement est toujours encourue en cas de harcèlement moral, les autres griefs reprochés à son collaborateur par l’employeur doivent entrer en ligne de compte, sous forme en quelque sorte de « circonstances atténuantes », et d’une possible moins-value sur les indemnités allouées au salarié licencié.

Vincent Gardy

Contraintes imposées aux entreprises : la Cour de cassation plus souple

Nous avons eu l’occasion à maintes reprises de le souligner ces derniers mois : la Cour de cassation a infléchi depuis 4 ou 5 ans sa jurisprudence dans le sens d’une plus grande souplesse vis à vis des contraintes des entreprises. A notre sens, elle ainsi fait preuve d’un meilleur équilibre entre salariés et employeurs. Deux arrêts récents, sur des thématiques différentes, en témoignent, respectivement en dates du 25 mai et du 1er juin. Le premier est relatif à un contentieux concernant une clause de non concurrence. D’après ce que l’on comprend, le demandeur, en l’occurrence le salarié, voulait obtenir une condamnation de l’employeur du seul fait de l’illicéité – apparemment manifeste – de la clause qui le concernait. Les hauts magistrats ne le suivent pas. L’illicéité de la clause ne suffit pas. Il eût fallu que les juges du fond relèvent que l’employé avait subi un préjudice tangible découlant de cette illicéité. Le demandeur plaidait que l’illicéité de la clause entraînait nécessairement un préjudice, abstraction faite de tout décompte précis. On sait qu’en matière de droit social, l’absence du respect de la forme impose souvent en lui-même un dédommagement, par exemple en matière de licenciement. Le salarié pouvait donc nourrir quelques espoirs sur la seule base de l’illicéité de la clause. Mais voilà, la chambre sociale a modifié son curseur d’analyse désormais.

Obligation de sécurité de résultat : l’employeur peut se défendre

On le voit bien dans le deuxième arrêt sus-mentionné, celui du 1er juin, un arrêt affiché comme de principe par ses auteurs. La Cour de cassation confirme avec solennité en la circonstance sa nouvelle jurisprudence en matière d’obligation de sécurité de résultat. Il est vrai que, suite à une affaire, il est vrai catastrophique, celle des victimes de l’amiante, les hauts magistrats avaient pris une position très intransigeante, pouvant sembler à bien des égard excessive.
Pour faire court, s’il arrivait un « malheur », l’employeur avait toujours tort, quand bien même avait-il « tout » fait pour éviter ou pallier un problème. Codification aidant, la chambre sociale est revenue à une position plus réaliste. Dans cet arrêt du 1er juin relatif à une affaire de harcèlement moral, elle casse une décision de la Cour d’appel accordant des indemnités au salarié plaignant : « […] Qu’en statuant ainsi, sans qu’il résulte de ses constatations que l’employeur avait pris toutes les mesures de prévention visées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail et, notamment avait mis en œuvre des actions d’information et de formation propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral, la Cour d’appel a violé les textes susvisés ».
Bien entendu, le salarié peut toujours chercher à faire valoir des manquements ou des lacunes dans le respect de ces dispositifs, ce qui est légitime. Mais au moins, l’employeur n’est pas condamné « d’office » et peut se défendre.

Vincent Gardy

Détachés… encore des lois, encore des décrets

Aux dernières nouvelles, on comptait plus de 260 000 travailleurs européens détachés exerçant temporairement leur activité en France dans le secteur du BTP. Alors que ces emplois sont par nature non délocalisables, on imagine la perte de jobs - comme dirait Donald Trump, pour les Français ou les étrangers en situation régulière résidant dans notre pays.
Ne pouvant résoudre le problème en le prenant à la racine, puisqu’il résulte d’accords européens et surtout du grand principe de libre circulation des travailleurs au sein de l’UE, les autorités françaises multiplient les lois et les décrets afin de réduire un tant soit peu le flot. Et pour que le flot se tarisse, il faut que la comparaison de prix soit moins favorable pour le donneur d’ordre lorsqu’il arbitre entre le schéma classique (emplois locaux) et l’appel à des prestataires extérieurs à notre pays.
Tout cela pour résumer la situation, qui s’avère très complexe dans le BTP en raison de la cascade habituelle des sous-traitances et de l’imagination fertile des intervenants de la chaîne pour s’ouvrir des passe-droits. Les pouvoirs publics cherchent donc des solutions sur trois pistes : responsabiliser encore davantage les donneurs d’ordres, afin de les obliger à être plus vigilants ; mieux informer les travailleurs détachés de leurs droits, en affichant à l’entrée des chantiers, en français et dans leur langue, les minima salariaux, les horaires légaux… auxquels ils ont droit ; enfin de frapper au portefeuille, en fermant le cas échéant administrativement un chantier ou tout au moins en interdisant la poursuite de la prestation de l’équipe incriminée. Voire un autre chantier de la même entreprise localisée ailleurs, lorsque celui où l’infraction avait été constatée est déjà terminé au moment de la décision.

Une application peu aisée ou inefficace

Sur le premier point du dispositif énuméré avec les autres dans un décret du 7 mai dernier, venant préciser les nouveaux articles 105 et 112 du code du travail, nous nous permettrons d’être dubitatifs.
En effet, on voit mal un travailleur – lituanien par exemple – aller dénoncer son employeur, alors qu’il n’est ici que pour une courte période.
Quant à l’obligation de vigilance vis à vis des contrats des employés des sous-traitants, c’est une meilleure idée. Le problème réside dans la complexité de l’écheveau des contrats et sous-contrats, souvent difficile à démêler, même lorsque le maître d’ouvrage est de bonne foi.
La possibilité d’un arrêt administratif de l’intervention sur un chantier est intéressante, mais parfois des impératifs la rendent difficile, alors que les installations construites ou réparées peuvent être d’intérêt public.

Vincent Gardy

Loi Travail : 127 décrets d’application attendus

Après plusieurs mois de débats, de manifestations, de controverses, la loi Travail, modifiée profondément au fil de l’eau, a enfin pris vigueur, le 8 août dernier. Elle a passé sans encombres le cap du Conseil constitutionnel, qui en a préservé l’essentiel. On attend maintenant 127 décrets d'application...

Nous ne prétendons pas ici vous résumer ni vous commenter cette loi, qui compte 123 articles, tenant sur une centaine de pages. Nous avons voulu simplement en faire ressortir pour vous les quelques éléments essentiels qui concernent la majorité d’entre vous.

Une des idées principales du projet était, on le sait, de progressivement transférer les négociations au niveau de l’entreprise et non plus de la branche, ce que l’on appelle la subsidiarité. L’accord collectif ferait droit seulement en cas d’absence de "protocole" au niveau de l’entreprise. Cependant, tous les domaines ne sont pas touchés par cet aménagement, loin de là. C’est essentiellement la durée du travail qui est ciblée.
Dans les entreprises dotées de représentations syndicales, les règles de validation des accords ont été modifiées. Désormais, les syndicats « majoritaires » n’ont plus de pouvoir d’opposition. En revanche, pour être valides, les accords doivent être signés par un ou des syndicats ayant obtenu plus de 50% (et non plus 30%) des suffrages exprimés au dernier tour des élections. Des référendums dans l’entreprise seront également possibles dans certains cas, et sous certaines conditions.

Des motifs économiques élargis

Autre point phare de la loi, l’élargissement et la prévision plus fine des motifs de licenciement économique dans les PME. Nous ne rentrerons pas dans le détail. Disons que le texte prévoit une batterie d’indicateurs impliquant la baisse du CA ou des commandes, la perte d’exploitation, la dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, voire tout autre élément tangible.
La durée des phénomènes en question doit être appréciée sur un ou plusieurs trimestres, en fonction de la taille des entreprises. Le CPF, après deux petites années d’existence, intègre le CPA, Compte personnel d’activité, qui regroupe également le compte personnel de prévention de la pénibilité et le compte d’engagement citoyen (temps passé à des actions de volontariat et bénévoles au sens large). Parallèlement, le CPF sera ouvert, à compter du 1er janvier 2017, aux non-salariés (travailleurs indépendants, conjoints-collaborateurs).
Du côté du harcèlement, du nouveau également. Les modalités de preuve pour les cas de harcèlement sexuel ou moral se rapprochent de celles exigées en matière de discrimination. Désormais, le plaignant devra « présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement » et non plus « établir des faits permettant de présumer l’existence d’un harcèlement ». La jurisprudence affinera certainement la lecture de ce nouveau texte, qui a pour but de faciliter la démarche du plaignant. Quant aux agissements sexistes au travail, la loi fait peser sur l’employeur une obligation – encore une – de prévention. Jusqu’où ira-t-on ?
Notons enfin dans ce chapitre que la loi étend aux licenciements jugés discriminatoires ou résultant d’un harcèlement sexuel ou lié à la maternité, des indemnités pour licenciement sans cause réelle ou sérieuse. Le salarié obtiendra alors une indemnité au moins égale à ses six derniers mois de salaire, sauf s’il demande – cas improbable – sa réintégration dans l’entreprise.

Le détachement dans le collimateur

Le législateur a profité de la loi Travail pour durcir encore les textes contre le détachement illégal, en renforçant les obligations pesant sur le maître d’ouvrage et le prestataire, avec amendes administratives à la clé, fermetures administratives de sites industriels ou de chantiers – où ont été commises les infractions incriminées.

Vincent Gardy

Différences de traitements dans une entreprise : la porte désormais grande ouverte

Un arrêt rendu par la Chambre sociale de la cour de cassation le 3 novembre dernier complète l’évolution de l’acceptation par les hauts magistrats de différences de traitement dans une même entreprise. Le premier étage de la fusée fut décroché le 27/11/2015. La Chambre sociale acceptait alors qu’un accord collectif prévoie des avantages plus importants pour les cadres en matière de prévoyance. Ce faisant, elle validait de possibles « discriminations* » à raison de la catégorie (cadres ou non cadres en l’occurrence). Ce qui était tout à fait novateur. Ce changement de point de vue des hauts magistrats était en partie lié à la légitimité accrue confiée aux accords collectifs par la loi du 20 août 2008. La loi Travail « accentue » ce mouvement.
Cependant, la cour de cassation émettait un bémol, à savoir que les différences de traitements devaient être étrangères à « toute considération de nature professionnelle ». C’était pour le moins ambigu et cela laissait peu de place à une contestation argumentée. La logique conduisait à laisser faire les partenaires sociaux.
La présomption de justification des différences de traitement infracatégorielles, toujours décidées par un accord collectif, bien entendu, avait complété cette nouvelle jurisprudence (C. Cass. 08/06/2016).
Troisième temps donc le 3 novembre dernier : la chambre sociale étend la présomption de justification de différences de traitements aux écarts provenant d’accords d’établissements.
L’entreprise n’est désormais plus monolithique de ce point de vue, si tant est, là encore, que les partenaires sociaux en aient décidé ainsi. La cour de cassation justifie sa décision par la légitimité électorale désormais reconnue aux syndicats au niveau de l’établissement. Tout cela participe d’une même logique. Des actions pourront seulement être entamées contre ces différences de traitements, si leur fondement est étranger à toute considération de nature professionnelle.

* Discrimination au sens premier du terme, ce qui distingue ou différencie.

Licenciement : attention aux moyens de preuve !

 

Les dirigeants d’entreprises ne lisent pas tous suffisamment notre rubrique Droit pratique social, à défaut de publications beaucoup plus spécialisées, comme la Semaine sociale Lamy. Justement cette dernière, dans sa livraison du 9 mai dernier, rapportait un arrêt de la Cour d’appel d’Orléans, du 12/01/2016, qui va tout à fait dans le sens de la jurisprudence, pérenne dans ce domaine depuis de nombreuses années.
A savoir qu’un employeur a beau avoir de bonnes raisons de licencier un collaborateur, encore faut-il user de précieuses limites.
En la circonstance, un employeur avait cru pouvoir déceler qu’un de ses collaborateurs n’arrivait pas tous les jours dans un état normal. Soupçonnant qu’il soit sous l’emprise de stupéfiants, il le pria à une certaine date de se rendre à Paris dans un véhicule de société, doté d’un GPS. Ce faisant, il alerta la gendarmerie à ce propos. Laquelle gendarmerie contrôla fort à propos l’individu en question qui fut convaincu de conduite sous l’emprise de stupéfiants, et se vit retirer son permis.
Et l’employeur de le licencier… le tour était joué, pensait-il. Pas si simple ! Car il avait oublié quelques règles de base au préalable. En effet, le règlement intérieur doit préciser les moyens de contrôle, dont se fait fort l’employeur. En l’occurrence, le collaborateur n’avait pas été informé que le véhicule était doté d’un dispositif de géolocalisation, encore moins que les données qui en seraient issues pourraient être utilisées à son encontre.
Dès lors, le moyen de preuve n’est pas licite, car il avait été obtenu à la suite d’un contrôle qui, suivant les attendus de la Cour d’appel rapportés par la Semaine sociale Lamy, « a été provoqué de manière déloyale par l’employeur […] ».
Un employeur prévoyant en vaut deux !

Vincent Gardy

Licenciement économique et hyperconnexion : du nouveau

La loi Travail a fait couler beaucoup d’encre… et continue de le faire. Il faut en effet que les DRH s’imprègnent des nouveautés, tout au moins des ajustements qu’elle intègre.

En fait de nouveautés, il s’agit du reste parfois de la codification d’une jurisprudence « constante » de la cour de cassation. Ainsi en est-il du nouvel article L1233-3 du Code du Travail, qui consacre deux causes économiques de licenciement établies depuis plus de 15 ans par les hauts magistrats : la réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise concernée, ou tout bonnement la cessation de son activité.
Cela étant, le législateur est allé au-delà de ces grands principes, en rentrant dans un luxe de détails, afin d’éviter « l’insécurité juridique ». Détails dans lesquels nous ne rentrerons pas ici. Cet article a passé le cap du Conseil constitutionnel, faute semble-t-il de recours en la matière, alors que le traitement différencié entre les entreprises qu’il institue aurait pu occasionner la censure du « Palais Royal ». En effet, si la baisse du CA est un critère retenu par le législateur pour autoriser un licenciement économique, la durée d’évolution à prendre en considération varie de un à quatre trimestres à proportion grandissante de la taille des entreprises. Cela peut paraître logique mais, entre nous soit dit, un trimestre de recul du CA, même dans une entreprise de moins de 11 salariés, cela fait court !
C’est là que l’interprétation des juges reprendra sans nul doute ses droits, car le législateur ne peut tout verrouiller et c’est heureux. En l’occurrence, il ne précise pas la notion de niveau de la baisse du CA. A l’opposé, le champ libre est laissé à l’employeur pour mettre en avant d’autres indicateurs pouvant justifier les licenciements économiques.
Alexandra Stocki, avocat associé, cabinet Bird & Bird, évoque ainsi dans la livraison de La Semaine sociale Lamy du 7 novembre l’évolution du taux de marge. Précisons à ce stade qu’un seul indicateur, à supposer que son utilisation soit jugée pertinente, suffit à permettre de déclencher une procédure de licenciement économique, ce qui cette fois, relève encore Alexandra Stocki, « rompt avec la jurisprudence antérieure de la cour de cassation ».
Quant « au cadre l’appréciation du motif », il n’est en revanche pas modifié, souligne l’avocate associée de Bird & Bird, qui estime que la jurisprudence de la cour de cassation et du Conseil d’Etat devrait être maintenue, reprenant un attendu de la Chambre sociale du 04/09/1995 : « les difficultés économiques doivent être appréciées au regard du secteur d’activité du groupe auquel appartient l’entreprise concernée ».

Droit à la déconnexion : une nouveauté

L’hyperconnectivité draine de multiples problèmes, en particulier elle se heurte à deux principes intangibles en matière de législation du travail, le droit au repos et celui à la santé. La loi dite El Khomri introduit (art. L 2242-8) l’obligation dans le cadre de la négociation annuelle imposée sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail (art. L2242-8), d’aborder dans le même temps « les modalités de plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion et la mise en place de l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congés, ainsi que de la vie personnelle et familiale ». Certes, la négociation est obligatoire, mais pas la conclusion d’un accord. Ce qui limite la portée du changement.
Cependant, il semble dès lors que l’employeur, faute d’accord avec les partenaires sociaux, devra prendre unilatéralement des décisions le couvrant d’éventuelles poursuites du chef de non respect du droit au repos ou à la santé, qui apparaissent en préambule de la constitution de 1946, rappelle le doctorant Luc de Montvalon, dans la Semaine sociale Lamy du 7 novembre, qui a consacré deux numéros entiers (31/10 et 07/11) aux dispositions de la loi Travail. Cette dernière impose à l’employeur (C. Trav. L. 3121-60) de vérifier régulièrement que la charge de travail est raisonnable et permet [sa] bonne répartition dans le temps […]. L’entreprise évitera également par là-même d’éventuelles réclamation en rappel d’heures supplémentaires…

Vincent Gardy

La mobilité du salarié

 

Un arrêt de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation (23/10/2015) confirme la levée progressive des freins juridiques à la mobilité professionnelle des salariés. En la circonstance, l’expression maladroite d’un avenant à la convention de la métallurgie établi en 1979 a valu un imbroglio judiciaire aboutissant au terme de huit ans de procédure à l’arrêt sus-nommé. Cette affaire est savamment commentée par Nadia Gssine, docteur en droit, juriste senior au cabinet Vivant Chiss dans la Semaine sociale Lamy du 25 janvier dernier. Le passage qui était en débat était le suivant : faisant allusion à un changement de lieu de travail, il stipulait : « […] Dans le cas ou cette modification ne serait pas acceptée par l’intéressé, elle sera considérée comme une rupture du contrat du fait de l’employeur et réglée comme telle ».

En 2007, trois salariés d’une entreprise du ressort de cette convention de la métallurgie se voient mutés de Rungis à Paris. Ils refusent de s’y rendre et continuent de se présenter à Rungis. Un contentieux suit.

La question principale réside dans le fait de savoir si la rupture prononcée par l’employeur est licite et si elle peut donner ou pas lieu à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. En renvoyant l’affaire devant une autre Cour d’appel en 2012, la chambre sociale semble interpréter l’expression « du fait » comme un élément de preuve d’une responsabilité de l’employeur en quelque sorte fautive.

La Cour d’appel de renvoi ne l’entend pas de cette oreille. Après un nouveau recours, l’Assemblée plénière tranche, peut-on dire, dans son sens. Elle interprète l’expression « du fait » à la lumière des textes et de la jurisprudence des années 70-80. Selon elle, cela veut simplement dire que, en cas de refus du salarié, l’employeur doit le licencier – ce qui exclut a priori la rupture conventionnelle, sans pour autant qu’il puisse demander des dommages et intérêts de ce fait. Autrement dit, le salarié n’est pas fautif, mais son licenciement est en quelque sorte légitime.

L’Assemblée plénière inscrit cet arrêt dans un contexte plus favorable à la mobilité professionnelle. Nadia Gssine rappelle que le principe de la mobilité du salarié est retenu par la Cour de cassation depuis un arrêt du 4 mai 1999. La mention du lieu de travail dans le contrat n’est qu’indicative, et donc susceptible de modification, sauf bien sûr à avoir couché par écrit une clause spécifique stipulant son exclusivité. A cet égard, la mutation dans un même secteur géographique (notion à cerner évidemment) ne pose aucune difficulté.

Mais la jurisprudence va plus loin désormais. Nadia Gssine évoque à cet égard plusieurs arrêts récents ou relativement récents : l’admission d’une clause géographique s’inscrivant dans un contexte national, d’une affectation occasionnelle hors du lieu habituel de travail acceptée, de la nature itinérante d’un métier, hors même la lettre de contrat… Le tout étant quand même strictement bordé.

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