Relations sociales

CDD, discrimination : quelques rappels utiles !

Deux arrêts récents de la Cour de cassation, rapportés par la Semaine sociale Lamy du 26 novembre dernier, nous permettent de rappeler certaines évidences pourtant négligées parfois.La première affaire avait trait à l’assignation d'un employeur aux Prud’hommes à raison d’une prétendue discrimination. En l’occurrence, un salarié s’était vu privé d’une prime, au moins partiellement, en conséquence d’une absence de quelques jours motivée par une grève. Or, rappelle en substance la Cour de cassation (07/11/18), confirmant ainsi le cheminement des juges du fond, s'il est vrai que l'on peut conditionner l'octroi d'une prime au présentéisme, on doit appliquer la même règle pour tous les salariés, quelle que soit la raison des absences.La cour d’appel avait relevé que les salariés en maladie professionnelle ayant plus d’un an d’ancienneté - et donc absents de leur lieu de travail, continuaient à bénéficier dans cette société de la prime d’assiduité, sans abattement.Dès lors, la Chambre haute, approuvant ainsi l’analyse des juges du fond, estime que l'application d'une retenue à un salarié pour fait d'absence pour grève présentait un caractère discriminatoire.
CDD : toujours la forme !
On sait qu’un CDD doit nécessairement faire l’objet d’un écrit. Quasiment nul ne l’ignore. Encore faut-il signer le contrat ! Voici les tenants d’une affaire qui a fait l’objet d’un arrêt en Cour de cassation le 14/11/2018.
Un salarié demande la requalification en CDI de son CDD en date de la conclusion de celui-ci. Il invoque l’absence de signature de l’employeur au bas du document. Le conseil des Prud’hommes le suit dans son analyse. En revanche, la cour d’appel estime que cette absence de signature n’est pas une irrégularité au caractère irréfragable. Et les juges d'appel de constater que le salarié avait, quant à lui, visé le document, et que le déroulement de la collaboration s’était fait conformément aux clauses figurant dans le contrat.
La Chambre haute censure cette décision : « […] Faute de comporter la signature de l’une des parties, les contrats à durée déterminée [ne peuvent être] considérés comme ayant été établis par écrit ». Par suite, ils sont « réputés conclus pour une durée indéterminée ». Alors, avis aux employeurs : vérifiez tout document écrit soigneusement !

Vincent Gardy

Détachés… encore des lois, encore des décrets

Aux dernières nouvelles, on comptait plus de 260 000 travailleurs européens détachés exerçant temporairement leur activité en France dans le secteur du BTP. Alors que ces emplois sont par nature non délocalisables, on imagine la perte de jobs - comme dirait Donald Trump, pour les Français ou les étrangers en situation régulière résidant dans notre pays.
Ne pouvant résoudre le problème en le prenant à la racine, puisqu’il résulte d’accords européens et surtout du grand principe de libre circulation des travailleurs au sein de l’UE, les autorités françaises multiplient les lois et les décrets afin de réduire un tant soit peu le flot. Et pour que le flot se tarisse, il faut que la comparaison de prix soit moins favorable pour le donneur d’ordre lorsqu’il arbitre entre le schéma classique (emplois locaux) et l’appel à des prestataires extérieurs à notre pays.
Tout cela pour résumer la situation, qui s’avère très complexe dans le BTP en raison de la cascade habituelle des sous-traitances et de l’imagination fertile des intervenants de la chaîne pour s’ouvrir des passe-droits. Les pouvoirs publics cherchent donc des solutions sur trois pistes : responsabiliser encore davantage les donneurs d’ordres, afin de les obliger à être plus vigilants ; mieux informer les travailleurs détachés de leurs droits, en affichant à l’entrée des chantiers, en français et dans leur langue, les minima salariaux, les horaires légaux… auxquels ils ont droit ; enfin de frapper au portefeuille, en fermant le cas échéant administrativement un chantier ou tout au moins en interdisant la poursuite de la prestation de l’équipe incriminée. Voire un autre chantier de la même entreprise localisée ailleurs, lorsque celui où l’infraction avait été constatée est déjà terminé au moment de la décision.

Une application peu aisée ou inefficace

Sur le premier point du dispositif énuméré avec les autres dans un décret du 7 mai dernier, venant préciser les nouveaux articles 105 et 112 du code du travail, nous nous permettrons d’être dubitatifs.
En effet, on voit mal un travailleur – lituanien par exemple – aller dénoncer son employeur, alors qu’il n’est ici que pour une courte période.
Quant à l’obligation de vigilance vis à vis des contrats des employés des sous-traitants, c’est une meilleure idée. Le problème réside dans la complexité de l’écheveau des contrats et sous-contrats, souvent difficile à démêler, même lorsque le maître d’ouvrage est de bonne foi.
La possibilité d’un arrêt administratif de l’intervention sur un chantier est intéressante, mais parfois des impératifs la rendent difficile, alors que les installations construites ou réparées peuvent être d’intérêt public.

Vincent Gardy

Discrimination : les bonnes intentions ne font pas tout

Vouloir le bien de son prochain paraît une attitude digne de respect. Ce principe devrait pouvoir s’appliquer dans l’entreprise. Mais cela n’est pas si simple. En voici une preuve. Une entreprise avait mis en retraite anticipée un salarié dont il était constant que sa santé était altérée depuis plusieurs années. Son employeur décide donc de le mettre en retraite anticipée, estimant que « la poursuite [de son] activité professionnelle serait néfaste pour sa santé mentale [autant que physique] et que financièrement cette nouvelle situation ne lui serait pas dommageable, car [il avait accumulé suffisamment de trimestres de cotisation de retraite pour bénéficier d’une pension décente] ».
Tout cela paraît bien ficelé, et dans l’intérêt d’un salarié, dont y compris la santé mentale semblait en péril. Et les juges du fond de débouter sa demande de dommages et intérêts, au titre d’une mise à la retraite discriminatoire, convaincus qu’ils sont par les arguments de l’employeur. Seulement voilà, la loi est la loi. Et la cour de Cassation, saisie d’un recours du salarié, s’appuie sur la lettre du texte, et casse l’arrêt de la Cour d’appel : « […] qu’en statuant ainsi, alors qu’est discriminatoire la mise à la retraite du salarié fondée sur son état de santé, la Cour d’appel a violé l’article L. 1132-1 du code du Travail (Cass. Soc. 12/07/2018) ».

Vincent Gardy

Différences de traitements dans une entreprise : la porte désormais grande ouverte

Un arrêt rendu par la Chambre sociale de la cour de cassation le 3 novembre dernier complète l’évolution de l’acceptation par les hauts magistrats de différences de traitement dans une même entreprise. Le premier étage de la fusée fut décroché le 27/11/2015. La Chambre sociale acceptait alors qu’un accord collectif prévoie des avantages plus importants pour les cadres en matière de prévoyance. Ce faisant, elle validait de possibles « discriminations* » à raison de la catégorie (cadres ou non cadres en l’occurrence). Ce qui était tout à fait novateur. Ce changement de point de vue des hauts magistrats était en partie lié à la légitimité accrue confiée aux accords collectifs par la loi du 20 août 2008. La loi Travail « accentue » ce mouvement.
Cependant, la cour de cassation émettait un bémol, à savoir que les différences de traitements devaient être étrangères à « toute considération de nature professionnelle ». C’était pour le moins ambigu et cela laissait peu de place à une contestation argumentée. La logique conduisait à laisser faire les partenaires sociaux.
La présomption de justification des différences de traitement infracatégorielles, toujours décidées par un accord collectif, bien entendu, avait complété cette nouvelle jurisprudence (C. Cass. 08/06/2016).
Troisième temps donc le 3 novembre dernier : la chambre sociale étend la présomption de justification de différences de traitements aux écarts provenant d’accords d’établissements.
L’entreprise n’est désormais plus monolithique de ce point de vue, si tant est, là encore, que les partenaires sociaux en aient décidé ainsi. La cour de cassation justifie sa décision par la légitimité électorale désormais reconnue aux syndicats au niveau de l’établissement. Tout cela participe d’une même logique. Des actions pourront seulement être entamées contre ces différences de traitements, si leur fondement est étranger à toute considération de nature professionnelle.

* Discrimination au sens premier du terme, ce qui distingue ou différencie.

Neutralité religieuse et liberté personnelle du salarié

Comment préserver la liberté d’un individu dans l’entreprise dans tous les aspects, y compris celui de ses croyances, tout en assurant la discrétion qui peut s’imposer, en premier lieu dans le cadre des relations avec les clients ?
Ce sujet ne cesse de défrayer la chronique, en particulier à l’aune des exigences posées par la pratique de la religion musulmane.

La Cour de cassation et son homologue belge avaient botté en touche en 2014 à travers une question préjudicielle auprès de la CJUE, dans des affaires au contexte relativement similaire.
Après deux ans et demi de réflexion, les juges européens ont rendu leurs arrêts le 13 mars 2017. Munie de ce précieux avis, la Chambre sociale a rendu son arrêt à elle le 22 novembre dernier dans l'affaire qui concernait la France.
Pour faire court, une dame en relation avec la clientèle avait été licenciée, car elle avait refusé de retirer son voile lorsqu'elle se trouvait face aux clients. Elle connaissait cette interdiction, sachant – ce qui avait été retenu par la Cour d'appel, qu'elle pouvait manifester ses convictions religieuses dans l'entreprise le reste du temps.
Cependant, l’employeur, la société Micropole, avait invoqué à l’appui de sa démarche sa volonté, exprimée à l’origine de manière verbale, de mener une politique de neutralité.
On peut évidemment inscrire les attendus de cette politique dans le règlement intérieur, mais il faudra faire très attention à sa rédaction ! On en arrive vite à l’accusation de discrimination indirecte, si les mesures posées amènent facilement à un licenciement de la personne concernée.
Dans tous les cas, la Chambre sociale, suivant en cela scrupuleusement les attentes de la CJUE, exige qu’un autre poste soit proposé à l’employé(e) concerné(e) dans l’entreprise, au cas où elle ne souhaiterait pas respecter le règlement intérieur, ou la norme, écrite ou non, sous forme d’une note de service par exemple, qui restreindrait sa pratique religieuse visible dans la fonction qu’il (elle) occupe. « […] il appartient à l'employeur de rechercher si, tout en tenant compte des contraintes inhérentes à l'entreprise et sans que celle-ci ait à subir une charge supplémentaire, il est possible de proposer à la salariée un poste de travail n'impliquant pas de contact visuel avec ses clients, plutôt que de procéder à son licenciement. »
Inutile de dire qu’une ETI - ou une grande entreprise, aura à cet égard des possibilités que les TPE/PME n’ont pas ! La Haute juridiction s’inscrit ainsi dans ce que les experts nomment « l’accommodement raisonnable », principe anglo-saxon.
Quoi qu’il en soit, les cas conflictuels, si l’on en croit les chiffres de l’étude annuelle Randstadt, ne cessent d’augmenter en entreprise dans le cadre de la pratique religieuse. Pas étonnant alors que notre république laïque entre en conflit frontal avec certains enseignements religieux.

Licenciement économique et hyperconnexion : du nouveau

La loi Travail a fait couler beaucoup d’encre… et continue de le faire. Il faut en effet que les DRH s’imprègnent des nouveautés, tout au moins des ajustements qu’elle intègre.

En fait de nouveautés, il s’agit du reste parfois de la codification d’une jurisprudence « constante » de la cour de cassation. Ainsi en est-il du nouvel article L1233-3 du Code du Travail, qui consacre deux causes économiques de licenciement établies depuis plus de 15 ans par les hauts magistrats : la réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise concernée, ou tout bonnement la cessation de son activité.
Cela étant, le législateur est allé au-delà de ces grands principes, en rentrant dans un luxe de détails, afin d’éviter « l’insécurité juridique ». Détails dans lesquels nous ne rentrerons pas ici. Cet article a passé le cap du Conseil constitutionnel, faute semble-t-il de recours en la matière, alors que le traitement différencié entre les entreprises qu’il institue aurait pu occasionner la censure du « Palais Royal ». En effet, si la baisse du CA est un critère retenu par le législateur pour autoriser un licenciement économique, la durée d’évolution à prendre en considération varie de un à quatre trimestres à proportion grandissante de la taille des entreprises. Cela peut paraître logique mais, entre nous soit dit, un trimestre de recul du CA, même dans une entreprise de moins de 11 salariés, cela fait court !
C’est là que l’interprétation des juges reprendra sans nul doute ses droits, car le législateur ne peut tout verrouiller et c’est heureux. En l’occurrence, il ne précise pas la notion de niveau de la baisse du CA. A l’opposé, le champ libre est laissé à l’employeur pour mettre en avant d’autres indicateurs pouvant justifier les licenciements économiques.
Alexandra Stocki, avocat associé, cabinet Bird & Bird, évoque ainsi dans la livraison de La Semaine sociale Lamy du 7 novembre l’évolution du taux de marge. Précisons à ce stade qu’un seul indicateur, à supposer que son utilisation soit jugée pertinente, suffit à permettre de déclencher une procédure de licenciement économique, ce qui cette fois, relève encore Alexandra Stocki, « rompt avec la jurisprudence antérieure de la cour de cassation ».
Quant « au cadre l’appréciation du motif », il n’est en revanche pas modifié, souligne l’avocate associée de Bird & Bird, qui estime que la jurisprudence de la cour de cassation et du Conseil d’Etat devrait être maintenue, reprenant un attendu de la Chambre sociale du 04/09/1995 : « les difficultés économiques doivent être appréciées au regard du secteur d’activité du groupe auquel appartient l’entreprise concernée ».

Droit à la déconnexion : une nouveauté

L’hyperconnectivité draine de multiples problèmes, en particulier elle se heurte à deux principes intangibles en matière de législation du travail, le droit au repos et celui à la santé. La loi dite El Khomri introduit (art. L 2242-8) l’obligation dans le cadre de la négociation annuelle imposée sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail (art. L2242-8), d’aborder dans le même temps « les modalités de plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion et la mise en place de l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congés, ainsi que de la vie personnelle et familiale ». Certes, la négociation est obligatoire, mais pas la conclusion d’un accord. Ce qui limite la portée du changement.
Cependant, il semble dès lors que l’employeur, faute d’accord avec les partenaires sociaux, devra prendre unilatéralement des décisions le couvrant d’éventuelles poursuites du chef de non respect du droit au repos ou à la santé, qui apparaissent en préambule de la constitution de 1946, rappelle le doctorant Luc de Montvalon, dans la Semaine sociale Lamy du 7 novembre, qui a consacré deux numéros entiers (31/10 et 07/11) aux dispositions de la loi Travail. Cette dernière impose à l’employeur (C. Trav. L. 3121-60) de vérifier régulièrement que la charge de travail est raisonnable et permet [sa] bonne répartition dans le temps […]. L’entreprise évitera également par là-même d’éventuelles réclamation en rappel d’heures supplémentaires…

Vincent Gardy

Harcèlement : écrivez le mot en toutes lettres !

On parle beaucoup de harcèlement aujourd’hui. Peut-être un peu trop. Je pense là aux plaintes ou récriminations contre des hommes célèbres aux mains lestes. On évoque sans doute un peu moins les questions de harcèlement moral – sans doute un effet de mode.

S’il est indéniable qu’il en existe, il est également certain que les salariés profitent de cette excuse lorsqu’ils sont en difficulté, parfois pour bien d’autres raisons. C’est que le salarié harcelé bénéficie d’une immunité, dès lors bien sûr qu’il a signalé ces faits.
En effet, la jurisprudence constante de la Cour de Cassation, à l’exemple d’un arrêt de la Chambre sociale du 3 février 2016, tend à exercer la pratique du « motif contaminant ».
A savoir que, même si l’employeur justifie d’autres griefs fondés pour licencier un collaborateur, le licenciement est considéré comme nul dès lors que le salarié était « harcelé ».
La période étant moins favorable aux salariés, et surtout aux syndicats qui les assistent, la Cour de Cassation (Cass. Soc. 13/07/17), a émis un bémol à cet effet « contaminant ».
Un peu par la bande, dirait-on. En l’occurrence, un cadre de haut niveau avait été licencié sur le fondement de différents motifs, semble-t-il non contestables. Mais voilà, le salarié, sentant sans doute le coup venir, avait déclaré dans un courrier recommandé à l’employeur, subir de sa part « des comportements abjects, déstabilisants, et parfaitement injustes… ». Voilà qui ressemble beaucoup à du harcèlement ! Et le salarié de demander de ce chef la nullité du licenciement et sa réintégration, en vertu de la fameuse immunité.
Mais voilà, au grand dam de certains commentateurs – dont Jean-Philippe Lhernould, professeur à la faculté de droit et des sciences sociales de l’université de Poitiers in La Semaine sociale Lamy du 23/10/17, les hauts magistrats cassent l’arrêt de la cour d’appel qui lui avait donné raison : « […] alors qu’il résultait de ses constations que le salarié n’avait pas dénoncé des faits qualifiés par lui d’agissements de harcèlement moral, la cour d’appel, qui [n’en a pas] tiré les conséquences légales […], a violé les textes susvisés ». (Ndlr : L. 1152-3 du Code du travail).
Jean-Philippe Lhernould regrette cette décision, en particulier au regard de l’article 12 du Code Procédure civile, qui prévoit que le juge « doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ».

Une atténuation au motif « contaminant »

Ce qui est logique, on n’est pas tous juristes ! Jean-Philippe Lhernould, souligne cette jurisprudence moins favorable aux salariés, qui devrait s’étendre, selon lui, au harcèlement sexuel. Elle anticipait, estime-t-il, les ordonnances Macron, qui ont abouti, entre autres, à un nouvel article L. 1235-2-1 qui stipule justement, on en revient au motif précédent contaminant, que si la nullité du licenciement est toujours encourue en cas de harcèlement moral, les autres griefs reprochés à son collaborateur par l’employeur doivent entrer en ligne de compte, sous forme en quelque sorte de « circonstances atténuantes », et d’une possible moins-value sur les indemnités allouées au salarié licencié.

Vincent Gardy

Contraintes imposées aux entreprises : la Cour de cassation plus souple

Nous avons eu l’occasion à maintes reprises de le souligner ces derniers mois : la Cour de cassation a infléchi depuis 4 ou 5 ans sa jurisprudence dans le sens d’une plus grande souplesse vis à vis des contraintes des entreprises. A notre sens, elle ainsi fait preuve d’un meilleur équilibre entre salariés et employeurs. Deux arrêts récents, sur des thématiques différentes, en témoignent, respectivement en dates du 25 mai et du 1er juin. Le premier est relatif à un contentieux concernant une clause de non concurrence. D’après ce que l’on comprend, le demandeur, en l’occurrence le salarié, voulait obtenir une condamnation de l’employeur du seul fait de l’illicéité – apparemment manifeste – de la clause qui le concernait. Les hauts magistrats ne le suivent pas. L’illicéité de la clause ne suffit pas. Il eût fallu que les juges du fond relèvent que l’employé avait subi un préjudice tangible découlant de cette illicéité. Le demandeur plaidait que l’illicéité de la clause entraînait nécessairement un préjudice, abstraction faite de tout décompte précis. On sait qu’en matière de droit social, l’absence du respect de la forme impose souvent en lui-même un dédommagement, par exemple en matière de licenciement. Le salarié pouvait donc nourrir quelques espoirs sur la seule base de l’illicéité de la clause. Mais voilà, la chambre sociale a modifié son curseur d’analyse désormais.

Obligation de sécurité de résultat : l’employeur peut se défendre

On le voit bien dans le deuxième arrêt sus-mentionné, celui du 1er juin, un arrêt affiché comme de principe par ses auteurs. La Cour de cassation confirme avec solennité en la circonstance sa nouvelle jurisprudence en matière d’obligation de sécurité de résultat. Il est vrai que, suite à une affaire, il est vrai catastrophique, celle des victimes de l’amiante, les hauts magistrats avaient pris une position très intransigeante, pouvant sembler à bien des égard excessive.
Pour faire court, s’il arrivait un « malheur », l’employeur avait toujours tort, quand bien même avait-il « tout » fait pour éviter ou pallier un problème. Codification aidant, la chambre sociale est revenue à une position plus réaliste. Dans cet arrêt du 1er juin relatif à une affaire de harcèlement moral, elle casse une décision de la Cour d’appel accordant des indemnités au salarié plaignant : « […] Qu’en statuant ainsi, sans qu’il résulte de ses constatations que l’employeur avait pris toutes les mesures de prévention visées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail et, notamment avait mis en œuvre des actions d’information et de formation propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral, la Cour d’appel a violé les textes susvisés ».
Bien entendu, le salarié peut toujours chercher à faire valoir des manquements ou des lacunes dans le respect de ces dispositifs, ce qui est légitime. Mais au moins, l’employeur n’est pas condamné « d’office » et peut se défendre.

Vincent Gardy

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