International

Mexique : un géant discret

Une grande partie du commerce extérieur de la France s’effectue avec les pays d’Europe, spécifiquement ceux de l’UE, et au-delà, avec des Etats majeurs sur le plan économique (USA, Chine, Royaume-Uni en particulier). Dès lors, nos échanges avec l'Amérique latine au sens large sont relativement restreints en pourcentage, ce qui ne veut pas dire que des opportunités n’existent pas à leur échelle pour nos PME–PMI et ETI.

Parmi ces pays d’Amérique latine, le Mexique est un acteur qu’il faut regarder de près. Il est majeur sur ce continent pour la France. L’ancien empire aztèque bénéficie de plusieurs côtés favorables, à commencer par sa démographie (128 millions d’habitants), ses ressources pétrolières, un vrai outil industriel aussi, avec une main-d’œuvre qualifiée. Le revenu de ses habitants est, qui plus est, qualifié par les spécialistes « d’intermédiaire élevé ». Alors, bien sûr, le Mexique est orienté prioritairement vers les Etats-Unis qui, d'une part absorbent, dans le cadre de l’Alena, une grande partie de ses exportations, d'autre part lui procurent des ressources financières à travers le rapatriement de sommes gagnées par l'immigration chez les « Yankees », ainsi que les appellent couramment les descendants d’Espagnols et d’Indiens.

En second lieu, le reste de l’Amérique latine, et bien sûr le Canada, sont des partenaires importants du Mexique. Parmi les Européens, c’est l’Espagne, ancienne puissance coloniale, qui mobilise le plus les échanges. Cependant, notre position dans ces échanges est loin d’être négligeable. Le Mexique était ainsi encore en 2020 notre deuxième partenaire commercial, derrière le Brésil, avec toujours un solde positif, bien que nettement réduit, du fait principalement de la baisse significative de nos livraisons d’aéronefs.

Les exportations temporairement en recul

Alors que nos exportations étaient sur une pente ascendante toutes ces dernières années, et avaient connu une hausse de 6,5 % en 2019, 2020 a été marquée par un recul de 20 % des échanges bilatéraux, essentiellement dû à la faiblesse de nos ventes, puisqu’elles ont baissé de plus de 1 milliard d’euros à 2,6 milliards, tandis que nos importations s’effritaient tout juste à 2,3 milliards.

Nos cinq premiers postes d’exportation constituant plus de 75 % du total sont, dans l’ordre, les matériels de transport, principalement avions, mais aussi matériel ferroviaire – rappelons que la France construisit le métro de Mexico, avec 655 millions d’euros en 2020. Suivaient les produits manufacturés divers (19,8 % du total à 460 millions), les produits informatiques, électroniques et optiques (19,3 % à 447 millions), les équipements électriques et ménagers (6,5 % à 151 millions) puis les machines industrielles, agricoles et diverses, avec 6 % et 138 millions.

Les produits pharmaceutiques, ou encore le poste « produits chimiques, parfums et cosmétiques », viennent assez loin, ce qui laisse entrevoir une réalité bien différente de nos ventes, par rapport à l'Asie par exemple.

Une situation économique plutôt solide

Les spécialistes du crédit export, comme Credendo ou Coface, établissent un bilan contrasté, mais plutôt positif, de la situation économique et politique du Mexique. Pour un investisseur – et nos IDE sont dynamiques, on le verra supra, il est bon de savoir où on met les pieds. Les points forts relevées par Credendo sont, en particulier, une dette contrôlée, la présence d’un secteur manufacturier significatif – le Mexique étant en concurrence avec la Chine, on le sait, comme atelier du monde, surtout pour les Etats-Unis, et sa diversification économique. Le taux de change flottant donne de la flexibilité, tandis que les réserves de change permettent de voir venir. Du côté du revers de la médaille, Coface cite, en particulier, l'insuffisance des infrastructures (transport, santé, éducation), une base d’imposition étroite, ou encore un niveau élevé de corruption dans un contexte de criminalité malheureusement exacerbé.

Le Mexique a connu, comme partout ailleurs, une forte récession en 2020 (-8,5 %) après des années 2018 et 2019 déjà moyennes. Les estimations de croissance pour 2021 se situent dans la fourchette 2,5 % -3 %, à peu près la même chose en 2022. En revanche, les autres indicateurs économiques sont plutôt au vert. Ainsi, le solde public c’est établi à -3,6 % l’an dernier, bien sûr en hausse notable, mais relativement peu en égard à ce qui s’est passé dans la plupart des autres pays du monde. Il devrait se maintenir sur ce seuil en 2021, selon Coface et Credendo.

Le solde courant est même faiblement positif, alors que la dette publique demeure à un niveau assez bien contrôlé (65,6 % du PIB), de même que l’inflation, à 3,3 %.

Un gouvernement aux tendances étatistes

Quoi qu’il en soit, force est de constater avec les experts de Credendo que, bien que le Mexique à ce propos ait été le moins restrictif d’Amérique latine avec le Brésil (on parle plus de ce dernier, n’est-ce pas !) en matière de lutte contre la pandémie, la décroissance y a été plus forte que la moyenne régionale.

Credendo attribue ce surcroît de déficit à la modification des règles du jeu pour les investisseurs, ce qui a engendré un certain attentisme. L’assureur belge énumère un certain nombre d’abandons de projets majeurs : construction d’un aéroport, annulation d’achats d’électricité par système d’enchères… Et puis, bien sûr, l’austérité budgétaire pratiquée par le président Lopez Obrador.

Malgré tout, l’assureur-crédit belge envisage une croissance de plus de 4 % cette année, Coface, étant beaucoup moins optimiste à cet égard. Les experts de Credendo misent sur un impact marqué du méga-plan de relance aux Etats-Unis. L’effet du ruissellement en somme ! Naturellement, l’évolution de la crise sanitaire peut influer notablement sur le résultat final.

Faire des affaires au Mexique, au-delà des problèmes de corruption ou de criminalité, c’est évidemment aussi se prémunir contre les défauts de paiement. On s’attend, en effet, à une hausse des défaillances dans le privé, dans la mesure où le gouvernement de Manuel Lopez Obrador a été parcimonieux dans ses soutiens pendant la pandémie, en les réservant essentiellement aux ménages modestes, donc pas ou peu à des entreprises privées.

Les experts de Credendo mettent également en exergue l’intervention étatique qui peut être nuisible pour leur expansion (révisions de contrats inattendues, augmentation substantielle du salaire minimum en 2021, nouvelles réglementations, collecte d’impôts supplémentaires frappant les grandes entreprises…). En revanche, la reprise du tourisme à moyen terme dopera certains secteurs d’activité et les comptes nationaux. Sur le plan politique, le gouvernement de Manuel Lopez Obrador est moins solide au fil du temps, mais la popularité du président demeure élevée. Le risque politique est considéré comme faible.

IDE : toujours en baisse

Sur l’ensemble de la région Amérique latine, les IDE ont fortement reculé, de 45 % à 55 % en 2020. Si cette chute brutale est en grande partie liée à la pandémie, il convient cependant de relever que ces mêmes IDE avaient déjà reculé notablement de 8 % en 2019 dans les pays de l’Amérique latine. Pour ce qui concerne le Mexique, il demeure à une place élevée dans le classement des récipiendaires d’IDE dans le monde, la 14e, juste derrière la France et devant la Russie en termes d’attractivité. Il s’avère le deuxième Etat d’Amérique latine derrière le Brésil dans ce cadre. Le montant des IDE reçus dans l'ancien empire des Mayas en 2019 atteignait plus de 34 milliards de dollars US. Le stock total se montait à plus de 600 milliards d'euros fin 2019. La France y est le neuvième investisseur, au Mexique, loin derrière les Etats-Unis (47 %) mais aussi l’Espagne (12 %) et le Canada (7 %). Nous arrivons en cinquième position des pays de l’UE. C’est le secteur industriel qui est le plus prisé par les investisseurs étrangers (47 % des flux en 2019), principalement du fait dernièrement de rachats d’entreprises locales, en particulier dans le secteur des infrastructures.

La bonne place du Mexique dans ce concert des destinataires d’IDE serait due, selon les experts du Trésor public français, à ce qu'il est « un des pays émergents les plus ouverts aux IDE ».

Près de 500 entreprises tricolores y sont présentes, dont 38 du CAC 40. Nos investissements, selon les données du Trésor, se montent à plus de 9,5 milliards de dollars US et permettent 150 000 emplois directs (dont 80 % hors de la capitale). Nous intervenons dans des secteurs très variés : aéronautique, automobile, énergie, agroalimentaire, services financiers et d’assurance.

Plus généralement, les IDE réalisés au Mexique le sont essentiellement dans les secteurs suivants : industrie (automobile en premier lieu), télécommunications, numérique et santé. Notons que les services financiers ont été particulièrement percutants de ce point de vue en 2019 (33 % des IDE), moins cependant que les télécoms-médias (61 %). A contrario, les investissements dans le domaine de l’énergie ont lourdement chuté en 2019 (-75 %), l’Etat étant venu au secours de la compagnie pétrolière national Pemex, en difficulté, ainsi que du service public d'électricité.

Ce faisant, il convient de noter que le gouvernement mexicain a bâti fin 2020 un plan d'investissements dans les infrastructures du pays d’un montant de 20 milliards de dollars US. Les secteurs touchés sont prioritairement ceux de l’énergie, des transports et du tourisme. La participation d'investisseurs privés à une partie des projets est prévue. Peut-être donc des opportunités à saisir !

Pour finir ce chapitre Mexique, nous souhaitons souligner que 80 % des exportations mexicaines sont destinées au marché US, phénomène en bonne partie lié au niveau d’intégration élevé de son industrie dans la chaîne de valeur américaine. Le Mexique est d’ailleurs devenu le premier partenaire des Etats-Unis en 2019 (2e client, 2e fournisseur). Son sort est donc grandement lié à la forme économique de son grand voisin.

Chine : une relative mobilité dans un monde vacillant

Le grand malheur planétaire de 2020 est venu de Chine. C’est un fait. Et pourtant, c’est là que l’économie s’est rétablie le plus vite puisque son PIB aurait crû de 2,4 % l’an dernier. Le poids relatif de l’Empire du Milieu dans le PIB mondial a donc augmenté. En ces temps encore difficiles, il faut cependant préparer l’avenir et songer aux opportunités qu’il peut présenter. D’autant que l’accord récemment conclu avec l’Union européenne semble en mesure d’ouvrir quelques portes supplémentaires.

Nous ne disposons pas encore de données consolidées définitives sur 2020, et au demeurant, elles ne seraient pas représentatives des tendances de fond. Notre analyse sera donc principalement fondée sur les chiffres 2019, à la fois en termes d’investissements entrants et sortants en Chine, du commerce extérieur de ce pays et de la présence française dans ces deux aspects.

Il convient cependant de dire que la différence entre les chiffres chinois et non-chinois recèle des différences considérables, en grande partie liées aux plateformes de réexportation comme, par exemple, Hong Kong. Les marchandises qui y transitent et qui sont destinées à la France, sont identifiées la plupart du temps par les autorités de Pékin comme exportées à Hong Kong.

Nous nous servirons donc dans la plupart des cas des données fournies par nos services (Douanes, Trésor…).  Pour ce qui est donc des échanges de biens entre la France et la Chine entre 2010 et 2019, ils ont notablement crû, dans les deux sens, proportionnellement davantage en notre faveur. Mais pas en valeur absolue (environ 53 milliards d’euros d’achats pour nous en 2019 contre 36 en 2010), alors que nous vendions pour respectivement 21 et 12 milliards d’euros ces mêmes années. D’où un déficit qui a grimpé en neuf ans de 26,5 à 31,6 milliards d’euros. Selon les calculs du SER de Pékin, notre part de marché globale est relativement faible – mais sur de gros volumes il est vrai, à 1,5 %, alors que l’Allemagne par exemple, se situe autour de 5 %.

Cependant, nous sommes beaucoup plus forts dans certains domaines. Il en est ainsi de l’aérospatial (32,7%), mais aussi dans une moindre mesure, de la pharmacie et de la chimie (3,8 %). L’automobile se situe à 1,1 % (30 % pour l’Allemagne, ce qui explique nos divergences d’opinion sur certains sujets !).

Voyons maintenant les chiffres des échanges franco-chinois en valeurs absolues, et par grands secteurs. Cela en 2019. Numéro 1 des ventes, l’aéronautique et le spatial (7,4 milliards d’euros), numéro 2 l’agroalimentaire (2,7 milliards) tout juste devant les produits chimiques, les parfums et les cosmétiques (2,6 milliards). Les produits pharmaceutiques représentent 1,4 milliard d’euros en valeur, loin devant l’automobile (0,3 milliard).

A l’importation, sans surprise, les produits informatiques, électroniques et optiques font un carton (14,7 milliards d’euros et 28 % du total). Le textile, l’habillement, le cuir et les chaussures (9,9 milliards d’euros), constituent également une grosse part de nos achats  (18,7 %). Les équipements électriques et ménagers (6,4 milliards) ou encore les machines industrielles et agricoles (4,3 milliards d’euros) représentent aussi des sommes significatives. On peut du reste relever qu’on pourrait faire mieux en matière de machines industrielles et agricoles si l’on fabriquait davantage en Europe, et particulièrement en France.

Examinons maintenant le commerce extérieur chinois dans son universalité. Notons d’abord qu’en 2019, il avait réussi à progresser encore d’un petit 0,3 % certes, mais dans un contexte de recul de 3 % en volumes des échanges mondiaux. Du coup, à la faveur également d’une diminution de ses achats à l’extérieur, l’Empire du Milieu avait dégagé un excédent en hausse sensible, à 429 milliards d’USD au lieu de 382 en 2018. Son excédent avec l’UE avait ainsi grimpé de 137 à 151 milliards d’USD, et celui avec l’Asean de 56 à 73. En revanche, la guerre commerciale avec les Etats-Unis avait pesé sur son surplus vis-à-vis de ce dernier pays, quoique de manière modérée finalement (295 milliards d’USD en 2019 au lieu de 324 en 2018). L’arrivée d’un nouveau président aux USA ne devrait pas fondamentalement changer la donne des droits de douane durablement plus élevés. D’autant que le déficit commercial vis-à-vis de la Chine s’est aggravé en 2020.

Nos vins à la peine

Des exportations chinoises donc en légère hausse en 2019, mais que vendent donc les héritiers de la Cité interdite ? D’abord des biens d’équipement. C’est à rappeler et à souligner. Malgré un léger recul en 2019, ils atteignent toujours près de la moitié du total avec 176,9 milliards d’USD. Notons que les exportations de téléphone ont cependant baissé assez notablement de 6,8 % à 224,1 milliards d’USD.

L’augmentation de l’excédent commercial de l’Empire du Milieu a eu pour principale cause la baisse de 1,9 % de ses importations. C’est le cas de celles des semi-conducteurs
(-3,1 %) ou encore des produits pharmaceutiques, chimiques, des parfums et des cosmétiques (-3,2 %).

En revanche, les achats de produits agroalimentaires ont été dynamiques (+7,9 % à 161 milliards d’USD) en provenance de l’Asean (23,5), de l’UE (18,1), ou encore de la Nouvelle-Zélande (+16 % à 10,9 milliards d’USD) et de l’Argentine (+200 % à 6,6 milliards). Bien entendu, les achats en provenance des USA – dans ce secteur aussi, ont notablement diminué de 14,7 % à 14,7 milliards d’USD.

Si les importations de viande ont été très toniques (+7 %), avec une belle progression de l’UE à 4,5 milliards d’USD – l’Espagne se taillant la part du lion – l’Argentine remonte très haut.

En revanche, les achats de vins ont diminué de 14,4 % à 2,4 milliards d’USD. Dans ce contexte, la France perd sa place de premier fournisseur au profit de l’Australie, qui bénéficie d’une taxation zéro à l’entrée de ses produits dans le cadre de l’accord de libre-échange signé avec le pays des kangourous.

Heureusement, les achats de spiritueux ont été plus dynamiques (+13,7 % à 1,6 milliard d’USD) et là nous demeurons n° 1 (1,1 milliard d’USD), nettement devant le Royaume-Uni. Quant aux importations chinoises d’automobiles, elles se sont nettement tassées
(-7,9 % à 78,9 milliards d’USD), principalement en raison d’une contraction de la demande intérieure, selon le service économique de Pékin de notre ambassade en Chine.

Pays par pays, les Etats-Unis sont les plus touchés (-16 %), alors que l’Allemagne (-3,7 % à 23,4 milliards d’USD) demeure largement en tête des importations, devant le Japon (19,8 milliards d’USD). La France, avec 6,4 % à 0,9 milliard d’USD, demeure un intervenant relativement marginal pays par pays. Ce qui n’est pas le cas de l’aéronautique (8,9 milliards d’USD de ventes sur 27,3 milliards d’USD d’achats chinois). Nous y avons même résisté (-13 %, alors que les achats chinois dans ce secteur reculaient de 27,3 %). Les Etats-Unis ont subi une baisse de 43 ,1 % à 11,4 milliards d’USD, demeurant toutefois au-dessus de notre part de marché.

Globalement, les importations chinoises en provenance des USA ont dégringolé de 20,4 % alors que leurs exportations vers le pays de l’oncle Sam baissaient « seulement » de 12,5 %.

Investissements chinois dans le monde : perte de vitesse

La Commission européenne s’est réjouie de ce qu’elle considère comme un excellent accord, celui conclu avec la Chine fin 2020, en particulier en matière d’investissements de part et d’autre. Les commentateurs vantent les mérites de cette signature, survenue juste au moment du Brexit final. Du côté qui nous intéresse le plus, à savoir les possibilités d’investir pour nous dans l’Empire du Milieu, en gardant la maîtrise des opérations, sans avoir un mentor chinois, et sans risquer de « perdre » son savoir-faire, nous nous sommes entretenus avec des personnes qualifiées, connaissant bien la Chine. L’idée est de savoir ce qui va changer, officiellement et dans les faits.

Il est évident que nos « partenaires » vont aussi obtenir des améliorations de leur situation pour de futurs investissements en France et dans le reste de l’UE. Les négociateurs de l’UE ont donc mis en exergue un supposé succès. C’est à voir car leurs homologues chinois avaient certainement en ligne de mire la nécessité d’avoir la possibilité d’investir davantage sur notre continent. C’est que les investissements chinois dans le monde « sont en perte de vitesse depuis deux ans », souligne le service économique de notre ambassade de Pékin.

Après l’extraordinaire percée survenue dès le début des années 2000, on a constaté effectivement un recul – très marqué – des IDE de 60 milliards d’USD, entre 2016 et 2019. Le flux annuel est donc passé de 196 milliards d’USD à 136 ! En parallèle, ces IDE se sont recentrées vers l’Asean, et ce qu’il est convenu de nommer « les pays de la Route de la soie ». Les experts de notre ambassade estiment que cette tendance de fond devrait se poursuivre à l’avenir, au-delà de 2020, année très particulière, qui devrait avoir été marquée par une baisse de 40 % des flux globaux par rapport à 2019, tandis que ceux de la Chine demeuraient au contraire assez stables. Si l’on établit le palmarès des récipiendaires d’IDE chinois, les flux cumulés de 2005 à 2019 mettaient en tête l’UE à 28 avec 14,4 %, dont 4,2 % pour le Royaume-Uni et 1,4 % pour la France. L’Asean se trouve à 12 % et les USA à 8,7 %. Notons aussi la bonne position de l’Australie (5,7 %), ou encore du Brésil (3,4 %).

Ces investissements dans l’UE constituent essentiellement des acquisitions. La part provenant d’entreprises contrôlées par l’Etat est en nette baisse, pour trois raisons, selon notre ambassade : « des législations plus défensives en Europe, un contrôle renforcé des capitaux sortants, enfin une plus grande capacité des entreprises privées à investir à l’étranger ». Alors, sectoriellement, où l’appétence des Chinois se manifeste-t-elle le plus ? C’est assez varié: TIC, transports et infrastructures, énergie…

La France figure au 4e rang des destinataires d’IDE du pays de la Grande muraille dans « l’UE à 28 » (8,1 %), derrière le Royaume-Uni (28,3 %), l’Allemagne (12,7 %) et l’Italie (8,9 %). La Commission avait adopté en 2019 un Règlement permettant d’émettre des avis contraignants en cas d’IDE susceptibles de menacer la sécurité ou d’ordre public d’un Etat membre. Selon la Direction générale du Trésor, les contrôles de la France figurent parmi les plus stricts de l’UE.

Parmi les investissements remarquables effectués en France depuis 2010, signalons le rachat du producteur de cartes à puce Liuxens, la prise de participation majoritaire d’une société chinoise dans la marque de vêtements de luxe SMCP (Sandro, De Fursac…), ou encore le groupe Louvre Hôtels, dans un tout autre domaine.

Notons la chute nette – par ailleurs – des IDE de l’Empire du Milieu en Afrique, où les interventions chinoises sont diversement perçues, dirait-on en termes diplomatiques.


UE-Chine : un accord salué par la Commission

La Commission européenne annonçait fin décembre – au moment du Brexit définitif, un accord de principe sur les investissements entre l’Union européenne à 27 et la Chine. Un accord définitif devrait survenir dans un délai de deux ans.

L’idée de base du protocole convenu est de faciliter et de sécuriser les investissements des pays membres de l’UE dans le pays de la Grande muraille, sachant que les enjeux sont importants puisque les flux cumulés de l’ensemble de l’UE là-bas sont de 140 milliards d’euros (120 milliards d’euros dans l’autre sens). Si, de l’avis général, les contraintes pesant sur les investissements chinois en Europe sont limitées, ce n’est pas le cas de celles qui visent nos propres IDE : secteurs fermés, parfois ouverts mais avec obligation de transfert de technologie, de partenaires locaux majoritaires…  Les négociations UE-Chine duraient depuis huit ans. Notez cette longue période de discussions, alors qu’on nous a rebattu les oreilles sur le temps qu’il a fallu pour signer un accord de départ, puis un nouveau cadre commercial, avec le Royaume-Uni : trois ans « seulement » en fait.

La Commission européenne vante donc un excellent accord avec la Chine – qui pourrait être finalisé en 2022. Le cadre portera sur la protection des investissements et du règlement des différends qui pourraient survenir lors de son application. Selon l’UE, « la Chine a pris des engagements importants dans le secteur manufacturier », qui représente plus de 50 % des IDE de l’UE (dont 28 % pour le secteur automobile et 22 % pour les matériaux de base). On pense, en particulier, à la production de véhicules électriques, de produits chimiques, d’équipements de télécommunications et d’équipements médicaux.

Des engagements ont également été pris dans les services : cloud, finances, services de santé privés, environnement…  A ce propos, la Chine « a accepté […] de mettre en œuvre de manière effective l’Accord de Paris sur le changement climatique ainsi que les conventions de l’OIT qu’elle a ratifiées ». Merveilleux !

Le futur accord UE-Chine remplacera-t-il à terme tous les accords bilatéraux existants. De nombreux observateurs se montrent dubitatifs. Vu la taille du gâteau, les Etats européens se départiront-ils vraiment de leurs ambitions purement nationales ? L’Empire du Milieu jouera-t-il vraiment le jeu ? La commission d’arbitrage des conflits est-elle convenablement dimensionnée ? La concurrence sera-t-elle vraiment plus loyale ?

L’avenir nous le dira. On peut quand même sans trop de risques penser qu’une amélioration se profile pour nos investisseurs, mais il nous faudra certainement rester prudents.

Afrique : un moteur de croissance pour l’avenir

Le développement à l’international nous permet et nous permettra de tirer notre croissance. Trop peu de nos PME-PMI, dont le secteur s’y prête pourtant, s’intéressent à la conquête de marchés dans le reste du monde. Et celles qui le font demeurent prudemment dans l’Union européenne. Or, au-delà des avatars de la période pandémique et post-pandémique, qui changent momentanément la donne, la croissance demeurera plus faible en Europe que dans le reste du monde. A cet égard, on pense souvent à l’Asie et beaucoup moins à l’Afrique. C’est cette perception faussée de ce continent que les autorités françaises veulent changer.

L’équipe de France de l’export, « Team France Export », est à la manœuvre pour booster notre commerce et notre développement en Afrique, agglomérant en particulier les compétences et le savoir-faire de Business France, des CCI, ainsi que de Bpifrance. Nous nous sommes entretenus avec Pedro Novo, directeur exécutif Export de Bpifrance à propos de l’intérêt de l’Afrique en termes de relais de croissance pour nos PME et des actions concrètes menées pour les favoriser.

Conquérir : Pourquoi faut-il s’intéresser à l’Afrique aujourd’hui ?

Pedro Novo : Je dirais effectivement qu’il ne faut pas perdre de temps, car l’Afrique représente une source essentielle pour la croissance du secteur privé - et au niveau national. Les deux ans qui viennent seront cruciaux. La croissance de l’Afrique, vue dans son ensemble, a été très dynamique ces dernières années – 5 % en moyenne – et elle devrait se maintenir ainsi pendant longtemps, tant le continent est vaste et sa démographie puissante. Sa population devrait ainsi doubler d’ici 2050, atteignant alors 2,5 milliards d’habitants. La consommation devrait ainsi mécaniquement progresser et même vraisemblablement davantage, à l’aune de l’émergence des classes moyennes. En conséquence, les besoins d’infrastructures dans des domaines clés, comme l’énergie – en particulier renouvelable – le traitement de l’eau, le transport, mais aussi le tourisme et l’agroalimentaire devraient beaucoup se développer. Et cela offre de véritables opportunités pour nos entreprises françaises et leurs savoir-faire. Bien entendu, tout n’est pas si facile. Je pense à la problématique de l’endettement des Etats, à une qualité de risque difficile à cerner, et à un cadre d’interventions complexes, liées à la présence de multiples guichets, quoique nous ayons bien simplifié la route à cet égard avec la Team France Export.

Conquérir : La diplomatie française est à l’œuvre pour favoriser notre conquête de marchés en Afrique, et aussi permettre aux pays qui le composent de résoudre les difficultés, en particulier celles liées à la crise du Covid. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Pedro Novo : Effectivement, 2021 et 2022 vont être jalonnées de rendez-vous importants à cet égard. Ils suivent des événements s’inscrivant dans le même esprit qui ont eu lieu en 2020, comme la manifestation Big où le Président de la République a accueilli le chef de l’Etat du Kenya, C. Kenyatta. L’idée était alors de renforcer nos liens avec ce pays, et au-delà,

l’Afrique de l’Est. En 2021, voici quelques temps forts. Les 18 et 19 mai a eu lieu à Paris le sommet multilatéral relatif au financement du continent africain, à l’issue de la crise du Covid-19. Puis, une importante réunion d’entrepreneurs et de personnalités, tant françaises qu’africaines, était organisée à Abidjan début juin. Deux autres devraient suivre courant 2021, l’une à Nairobi, l’autre à Casablanca. En octobre, cette fois à Montpellier, une convention réunira un millier de patrons de PME-PMI de toutes tailles, pendant laquelle sera évoquée la nouvelle relation entre la France et le continent africain. Enfin, en février 2022, une manifestation de rencontres entre Européens et Africains est prévue.

Conquérir : Voilà un agenda bien chargé. Quel en est le propos ?

Pedro Novo : Il s’agit d’encourager les entrepreneurs français à saisir davantage les opportunités commerciales et de croissance, qu’offre l’Afrique. Tout cela se fait aussi en lien avec l’action politique du Président de la République sur le continent. Pour cela, il nous faut démystifier le risque qui y est associé dans l’esprit de nos dirigeants de PME- PMI. . Ils pensent qu’investir – en temps et en argent – en Afrique peut être trop couteux, voire également trop risqué. Le retour sur investissement vient certainement un peu moins vite qu’ailleurs, mais lorsque le point mort est dépassé, le résultat est particulièrement satisfaisant pour les entreprises qui se lancent. Pour avoir de bonnes chances de réussite, il convient d’abord de se faire à l’idée que l’Afrique a changé ces dernières années. Les Africains souhaitent s’inscrire dans une logique de partenariat, et que chacun des partenaires y trouve son avantage, en termes économiques comme sociaux. Nous conseillons donc à nos clients de s’établir dans leurs pays stratégiques, de faire de leurs entreprises des entreprises africaines, de transférer les compétences par une formation active, de valoriser les managers locaux et, c’est vrai aussi, de ne pas hésiter à surfinancer les projets, en se fixant un objectif de ROI à cinq ans, voire dix ans. C’est le prix du succès, et ceux qui ont réussi vous diront que ça vaut le coup !

Conquérir : Vous avez évoqué l’agenda Afrique au plus haut niveau de l’Etat. Qu’en est-il de celui de Bpifrance ?

Pedro Novo : En déclinaison de l’agenda de l’Etat, nous avons notre propre plan Afrique sur la période 2020-2025, avec des objectifs ambitieux en matière de financement et de garanties export. Nous comptons doubler notre activité à ce titre sur le continent africain pendant cette période, avec un renforcement notable du crédit export, au-delà de 1 milliard d’euros, mais aussi en matière de garanties et d’Assurance-Prospection, que nous gérons depuis 2018, via notre filiale Bpifrance Assurance Export (l’agence française de crédit à l’export en charge de la gestion des garanties publiques à l’exportation au nom, pour le compte et sous le contrôle de l’Etat). Le crédit export, octroyé par les banques françaises et auquel nous apportons la garantie de l’Etat via Bpifrance Assurance Export facilite évidemment les choses, puisqu’il aide le client final africain à se positionner dans l’achat de technologies et de services français. Les taux d’intérêt sont, en effet ceux de la zone euro, plus bas qu’en Afrique tout en offrant des maturités d’amortissement plus longues que ce qui est proposé sur le continent. Dès 1 million d’euros, nos entreprises sont ainsi en mesure de proposer une offre technique financée, ce qui est une attente forte de nos partenaires en Afrique.

D’autre part, nous poursuivons notre stratégie de soutien du capital investissement africain, via notre dispositif commun avec Proparco en fonds de fonds Averroès Africa et comptons déployer ainsi 130 millions d’euros dans les cinq ans à venir. Au-delà de l’importance des sommes en tant que telles, notre présence dans l’opération permet de faciliter les levées de fonds des start-up et PME du continent. C’est ainsi, que depuis le lancement du premier véhicule Averroès en 2003, nous avons permis aux partenaires de lever plus d’un milliard d’euros pour investir sur le continent africain. Pour les 4 prochaines années ce sont ainsi plus de 1,5 Mds € qui en levier seront injectés via les fonds partenaires Notre appui facilitera certainement le développement de nouvelles filières, comme celle du tourisme, très inégalement développé sur le continent.

Conquérir : Développez-vous des actions non directement d’ordre financier pour appuyer la démarche de nos PME et ETI ?

Pedro Novo : Certainement, et la plupart du temps en coopération avec nos partenaires, en particulier de Business France. Nous avons ainsi lancé en février un programme spécifique haut de gamme destiné à 25 PME et ETI françaises, dénommé Accélérateur Afrique. Ainsi, au travers d’un programme d’immersion collectif de 12 mois, nous aidons ces dirigeants à bâtir un business plan, à organiser leur logistique, à préparer la rédaction de leurs contrats.

Parallèlement, nous croyons beaucoup à la mobilisation de la diaspora pour conquérir des marchés dans leurs pays d’origine ou ceux de leurs parents. C’est ce que nous appelons le Pass Africa. Nous avons créé à l’intention de jeunes entrepreneurs, souvent issus de quartiers populaires, des sessions d’entraînement, baptisées Fast Track, qui incluent mentorat, coaching approprié, accélérateurs de financement. Nous nous assurons, avant qu’ils se lancent, qu’ils aient coché toutes les cases, en particulier celle des mécanismes que Bpifrance et l’Etat mettent à leur disposition. Mais nous parlons souvent de l’Afrique dans sa globalité, alors que

l’Afrique, ce sont 54 réalités différentes.

Conquérir : Nous allons en avoir un aperçu avec vos chefs de bureaux à Abidjan et à Nairobi.

Propos recueillis par Alain Gazo


Afrique : 54 réalités différentes

Bpifrance dispose d’un réseau de cinquante agences en France métropolitaine et dans les DOM-TOM, ce qui représente un maillage très significatif, à même de traiter les demandes de PME–PMI ou d’ETI désireuses de se développer à l’international, mais aussi de leur faire remonter des besoins identifiés par les équipes de Bpifrance à l’étranger. Elle dispose à ce jour de neuf agences dans le monde, dont trois en Afrique (Dakar, Abidjan, Nairobi), bientôt quatre avec l’ouverture de Casablanca en fin d’année. Cela souligne encore l’importance que Bpifrance accorde aux opportunités d'affaires sur ce continent. Les chefs de bureau sont au plus près du terrain. C'est pourquoi nous avons souhaité avoir un échange avec deux d'entre eux, Arnaud Floris (Abidjan) et Mourad Chouiqa (Nairobi).

Pour faire simple ils sont en quelque sorte responsables, le premier de l’Afrique occidentale et centrale, le second de l’Afrique de l’Est et australe. Des environnements différents en soi d’un bord à l’autre du continent, mais aussi entre Etats de la même zone. La pandémie a également marqué les économies de manière très inégale. « Les pays à forte dominante d’exportations agricoles ont mieux résisté économiquement que ceux principalement exportateurs de pétrole », note ainsi Arnaud Floris.

Bien entendu, la zone francophone est davantage prisée par nos entrepreneurs que la lusophone ou l’anglophone. La Côte d’Ivoire, qui tend à devenir la base d’installation de nos entreprises en Afrique de l’Ouest, à partir de laquelle elles peuvent rayonner, mais aussi le Sénégal, où nous demeurons n° 1 des exportateurs, sont, à juste titre, particulièrement recherchés.

Cependant, il ne faut pas négliger, souligne Arnaud Floris, des pays plus petits, mais néanmoins dynamiques, où la croissance est forte, au-delà de 5-7 % au long cours, comme le Togo ou le Bénin. Néanmoins, la concurrence internationale y est féroce, celle des Chinois et des Indiens tout spécialement.

Alors, dans la mesure où notre technologie est souvent appréciée, dans le traitement de l’eau, les infrastructures industrielles, le transport, les énergies renouvelables, la logistique… nous pouvons, en challengers, tenter notre chance sur d’autres zones en développement.

En Afrique de l’Est, Mourad Chouiqa recommande le Kenya, où il est installé, un pays avec lequel le président de la République a souhaité développer nos relations, et où l’activité est tonique, dans un environnement politique actuellement stable.

Mais, signale Mourad Chouiqa, d’autres Etats de la sous-région sont également intéressants à suivre, comme la Tanzanie, où la banque publique d’investissement a pu financer la vente d’équipements français dans le secteur de l’agroalimentaire, au travers d’une solution de Crédit Export.

En Afrique australe, Mourad Chouiqa signale la croissance soutenue du Rwanda, qui rend ce pays digne d’attention. Pour ce qui est de l’Afrique lusophone, également surveillée par l’agence Bpifrance de Nairobi, c’est plus compliqué, pour des raisons diverses, aussi bien la Guinée-Bissau que le Mozambique ou l’Angola.

Quant à la partie occidentale, Arnaud Floris évoque l’énorme potentiel que représente le Nigéria, avec ses 300 millions d’habitants où, à lui seul, l’Etat de Lagos représente un poids économique considérable. Cependant, l’environnement des affaires y est très complexe. Il faut du temps, beaucoup de moyens et un objectif très rémunérateur à terme.

Royaume-Uni : toujours proche malgré son départ de l’UE

Le Royaume-Uni est un de nos partenaires essentiels, ne serait-ce que parce qu'il nous rapporte notre plus gros excédent commercial, dans un océan de déficits. Tout ce qui s'y passe est donc très important pour la France. La dernière phase de son départ de l'Union européenne mérite dès lors qu’on prenne le temps des possibilités de commerce et d’investissement que la fière Albion nous offre, à l’aune ou en dépit de changements réglementaires ou administratifs.

Le Royaume-Uni a connu en 2020 une chute spectaculaire de son PIB, de l'ordre de 11 % après plusieurs années où sa croissance a tendu à se rapprocher à la baisse de la moyenne – relativement faible – des pays de l'Ouest européen. Ce ralentissement est sans doute dû en partie aux incertitudes concernant le Brexit. En 2019, cette croissance fut d’un peu plus de 1 %. L’inflation a alors également ralenti, à 1,8 %, alors qu’elle était plus élevée auparavant – près de 3 % en 2017 par exemple.

Face à l’épidémie de Covid, le Royaume-Uni a pris des mesures similaires aux nôtres, quoique probablement plus orientées vers les entreprises de ce point de vue. On pense au report d’impôts des indépendants, voire à la suppression de l’IS dans certains secteurs particulièrement éprouvés, à l’image du commerce de détail hors alimentaire, de l’hôtellerie ou encore des loisirs. Des garanties publiques d’un montant élevé ont été mises en place sur les prêts bancaires. Des budgets très importants ont été également instaurés, pour faire face cette fois à l'urgence sociale, avec des dispositifs généreux de chômage partiel, mais aussi d'aide aux indépendants.

Toutes ces dépenses exceptionnelles cumulées ont évidemment fait exploser les déficits, d'autant que la partie recettes a fortement baissé de son côté. Le solde public 2020 était prévu par les experts de Coface à -17,2 % en 2020 contre -2,6 % en 2019.  Quant au ratio dette publique sur PIB, il aura probablement dépassé la parité à 105 % environ, toujours selon Coface. Notons que nous avons fait pire en la matière !

Du côté des échanges commerciaux, ils sont traditionnellement lourdement déficitaires pour nos voisins. 2020 n'aura pas dérogé à la norme. Signalons qu’en 2019 le déficit de la balance des biens ressortait à 5,9 %, sans que le non moins traditionnel excédent de celle des services (4,8 %) parvienne à le compenser.

Fort heureusement pour lui, le Royaume-Uni conserve une place fondamentale dans le système financier mondial et arrive aussi à financer son déficit courant en engrangeant de nombreux investissements étrangers.

Alors, quels sont les points forts du Royaume-Uni ?  Coface relève en premier lieu sa production d’hydrocarbures, qui lui assure les trois quarts de ses besoins énergétiques. L’excellence de ses services financiers, ainsi qu’un régime fiscal compétitif, sont également des atouts significatifs. Et puis, on doit mentionner trois secteurs industriels de pointe : l’aéronautique, l’automobile et la pharmacie. Du côté négatif, Coface relève des dettes publiques et des ménages élevées (120 % du revenu disponible), une faible productivité ainsi, entre autres, que de fortes disparités régionales, particulièrement en matière d'infrastructures de transport et d'énergie. Autrement dit, Londres et le sud-est de l'Angleterre sont mieux lotis que le reste du royaume.

Echanges commerciaux : la France bien placée

Le Royaume-Uni connaissait, comme d’habitude, un très gros déficit commercial en 2019, qui atteignait 165 955 millions d’USD, selon la Banque mondiale, tandis que les excédents de sa balance de service culminaient à 132 000 millions d’euros environ. Les Etats-Unis sont de loin son principal client (15,7 % du total des exportations en 2019), devant l’Allemagne (9,9 %), la France (6,5 %) tout juste devant les Pays-Bas (6,5 %) et la Chine (6,4 %).

Du côté des importations – attention au pourcentage car ils sont en fonction de montants plus élevés d’un tiers environ, venait en premier lieu l’Allemagne (12,4 %) devant les USA (9,7 %), talonnés par la Chine (9,5 %). En quatrième position, on trouve les Pays-Bas (7,8 %), devant la France (5,6 %).


Brexit : des opportunités à travers de nouveaux cadres

Thierry Drilhon, président de la Chambre de commerce franco-britannique, est particulièrement bien placé pour nous donner un avis circonstancié sur l’évolution future des échanges trans-Manche, et sur les contraintes imposées par le Brexit à partir du 1er janvier. Même si la Chambre qu’il préside regroupe tant des entreprises françaises que britanniques, il s’exprime plus particulièrement dans nos colonnes du point de vue de l’intérêt des structures tricolores.

Conquérir : Peut-être tout d’abord quelques mots sur la Chambre de commerce franco-britannique et sur vous-même ?

Thierry Drilhon : Volontiers. Notre organisation compte environ 2 000 entreprises dans son écosystème. 60 % sont françaises, 40 % britanniques. Si l’on examine la stratification par taille cette fois, 30 % sont des grandes entreprises, 40 % des ETI et 30 % des PME-PMI.

Nous tenons particulièrement à accompagner les PME-PMI, car ce sont elles, dans cette période d’incertitude, qui ont le niveau le plus élevé d’exposition au risque.

J’ai pris la présidence de la Chambre en 2018. Je souhaitais faire bénéficier les adhérents de mon expérience du monde anglo-saxon, acquise à travers mes expériences de directeur général de Microsoft France et vice-Président monde de Cisco entre autres.

Conquérir : Quid de l’avenir après ces très longues négociations sur la sortie du Royaume-Uni de l’UE ?

Thierry Drilhon : Je souhaite d’abord dire que les britanniques se sont exprimés démocratiquement pour une sortie de l’UE, et qu’il convient d’en prendre acte. C’est vrai que les discussions ont été longues, mais il n’y a rien de pire, quel que soit leur résultat, que l’attente et l’incertitude qui s’ensuit. Désormais, nous y voyons un peu plus clair. Cependant, au-delà du cadre général de nos futurs échanges qui vient d’être tracé, il va falloir maintenant rentrer dans le détail, en particulier celui de 682 traités bilatéraux ou multilatéraux qui devront être revus. Les accords qui en résulteront auront des conséquences sur les échanges sectoriels concernés.

Conquérir : Des oiseaux de mauvais augure prédisent de longue date l’apocalypse…

Thierry Drilhon : …c’est exact. La période post-référendum a occasionné la diffusion de nombreuses fausses nouvelles comme le chaos sur le Channel, l’arrêt de la circulation des personnes et des marchandises…  Or, pendant que les discussions UE–RU s’éternisaient, tant les autorités administratives que les entreprises des deux côtés de la Manche se sont activées de manière, précisément, à préparer le terrain pour éviter ces écueils.

Même les PME–PMI se sont attelées à l’organisation de leur chaîne logistique, d’approvisionnement… post-Brexit. Quant à la partie douanière et taxes, les autorités françaises concernées ont mis en œuvre les bases d’une frontière intelligente. De son côté, la société qui gère le tunnel sous la Manche a mis 47 millions d’euros sur la table pour rendre à l’avenir le trafic de plus en plus fluide, en dépit des contraintes administratives supplémentaires qui s’imposeront. Les efforts réalisés par les gouvernements des deux côtés du Channel font, par exemple, que le processus douanier est prêt depuis deux ans.

 Conquérir : Le départ du Royaume-Uni va-t-il affaiblir notre relation économique et commerciale avec lui ?

Thierry Drilhon : Je pense qu’il faut distinguer le court-moyen terme d’une part, le long terme d’autre part. A court terme, il faut s’attendre sans doute à une réduction de notre relation, à travers des réajustements d’exportations des acteurs économiques. Mais la forte relation entre les deux pays perdurera et les fondamentaux sont là. Les transactions économiques entre la France et le Royaume-Uni représentent actuellement 107 millions d'euros par an. Notre coopération est particulièrement importante dans le domaine de l'aviation et de la défense. Tout cela ne s'effacera pas d'un trait de plume !

C'est vrai que pour les prochains mois, le tableau s’avère moins réjouissant, puisque le niveau des investissements au Royaume-Uni a considérablement baissé, tandis que, d’après les résultats de notre baromètre 2019 et les premières tendances 2020 enregistrées, les transactions franco–britanniques sont impactées de 25 à 30 %. En cas de sortie compliquée, l’économie britannique pourrai subir, toutes choses égales par ailleurs, un recul de 7 à 9 % sur cinq ans.

Au-delà de ces constatations macro-économiques, les PME–PMI prendront parfois la décision de poursuivre, voire d’accentuer leur pénétration sur le marché britannique, en fonction de l’analyse qu’elles feront de leur propre chaîne de valeur et des nouvelles conséquences fiscales ou douanières. J’ai par exemple en tête une TPE de salariés du monde du marketing direct et de la PLV, qui sous-traitait sa production de cartons en Grande-Bretagne, et qui fait désormais appel à un fournisseur allemand. Chaque cas est spécifique…

Conquérir : Pourra-t-on subir des conséquences positives du Brexit sur la France et les entreprises françaises ?

Thierry Drilhon : Le Brexit peut être une véritable opportunité dans trois domaines en particulier selon moi.

  • C'est l'occasion tout d'abord de repenser la relation économique entre nos deux pays, voire de la renforcer, là où la coopération est vivace, comme en matière de défense et d'aéronautique, tandis que la compétition restera au contraire de mise dans la pharmacie et la santé, des secteurs où le Royaume-Uni est bien implanté :
  • Le Brexit va nous permettre aussi de valoriser la France comme réceptacle d'investissements. A cet égard, la confiance étrangère n'a jamais été aussi élevée et nous arrivons même en tête de toute l'Europe actuellement de ce point de vue.
  • Revoir la gouvernance européenne, dans le cadre à 27, avec un nouveau projet. Le Brexit ne sera pas la fin de l’Union européenne. On a bien vu que le bloc des 27 ne s'est pas disloqué pendant les négociations. Ces opportunités existent aussi pour les PME–PMI, en fonction de leur analyse, car le Royaume-Uni possède une économie résiliente et des atouts importants pour son développement futur. Les services vont continuer à prospérer, en particulier dans le domaine financier.
  • La chute de la livre – de 20 % depuis 2016 – permet d’acquérir des entreprises au Royaume-Uni à moindre coût. Ce volume d’acquisitions a été multiplié par deux depuis le référendum, tandis que dans le sens inverse le nombre d’acquisitions britanniques d’entreprises étrangères a été divisé par trois.

Conquérir : Le choc va-t-il être plus rude pour le Royaume-Uni ou pour l’Union européenne ?

Thierry Drilhon : Le Royaume-Uni possède une économie très dynamique, en particulier dans le secteur des services financiers d’abord, mais aussi dans le domaine des TIC, où il est un réel pôle d’excellence.

En revanche, son industrie automobile risque de beaucoup souffrir, dans la mesure où la valeur ajoutée de sa production se place surtout à l’extérieur, puisqu’il n’a plus de constructeur national. Seuls les firmes asiatiques y investissent encore. De plus, le Royaume-Uni réalise 47 % de ses échanges avec l’UE. C’est 7 % dans l’autre sens.

A court terme, voire à moyen terme, la situation du Royaume-Uni sera sans doute assez difficile, mais je suis confiant sur son avenir économique à long terme. En attendant, je parie sur le fait que nos entrepreneurs sauront transformer le challenge d’aujourd’hui en opportunité pour demain.

Propos recueillis par Alain Gazo


Région Ile-de-France : les bénéfices du Brexit

Thierry Drilhon, président de la Chambre de commerce franco-britannique, évoque dans son interview les opportunités qu’offre le Brexit à la France.

Comme en écho des chiffres publiés récemment par Choose Paris Régions et Paris Europlace viennent confirmer ce sentiment. En effet, depuis le 23 juin 2016, 369 projets d’implantation, d’investissement, ou tout simplement de relocalisation d’équipes, ont été identifiés en relation avec le Brexit. On pouvait cependant s’en douter, près de la moitié (47 %) relèvent du secteur financier. Nettement plus loin, viennent les projets dans le domaine des activités de services et de conseils (14 %), puis ceux relevant du numérique (13%).

Fait plus significatif encore, qui témoigne du retour en grâce de la France comme lieu d’investissement, FDI Market, spécialiste du secteur, estime que la région Ile-de-France a devancé, entre 2018 et 2019, toutes les grandes régions mondiales en termes d’augmentation des IDE dans les finances, alors que le Grand Londres baissait dans le même temps de 2 %. N’enterrons pas trop vite quand même nos voisins britanniques. Ils ont de la ressource et l’ont amplement démontré dans le passé.

Quoi qu’il en soit, 369 beaux projets c’est déjà bien, d’autant que 184 prennent corps, avec près de 5 000 emplois à la clé, dont 3 500 dans des projets financiers qui, on le voit, représentent près des deux tiers de cet ensemble aujourd’hui.

On l’a indiqué supra, ces décisions ou réflexions d’implantation ou de relocalisation d’emplois sont en lien avec le Brexit. Mais quelle est la nationalité des intervenants concernés ? 46 % sont des entreprises britanniques, 18% américaines ; le Japon, la Chine et la France représentant 11 % du total.

Une accentuation de l’attention des investisseurs étrangers

Les commentateurs de l’étude envisagent – espèrent – une accentuation de ce phénomène favorable à la France, en particulier à la Région-Capitale, dans les mois ou les années à venir. Ils pointent une accentuation possible des transferts de collaborateurs de grandes banques dans l’Union européenne, mais aussi des développements favorables dans le secteur d’excellence du Royaume-Uni qui est la pharmacie, évoquant le fait que, par exemple, Sanofi a d’ores et déjà retiré la fière Albion de ses chaînes d’approvisionnement pour l’Europe. Selon ces mêmes analystes, le Royaume-Uni perdrait aussi sa place de leader dans les essais cliniques. Les échanges dans le domaine pharmaceutique, comme dans d’autres, seront tributaires des droits de douane qui seront fixés in fine.

Les atouts de la région Ile-de-France dans ce contexte sont importants. Les segments de la biothérapie, de l’oncologie et de la thérapie génique sont en plein essor. Nos instituts de recherche sont à cet égard de niveau mondial (Institut Curie, Gustave-Roussy, Institut Pasteur, Inserm…). Des pôles de recherche de haut niveau se sont développés à l’instar de Genopole, Medicen Paris, Region ou Cancer Campus. De quoi attirer l’attention des investisseurs internationaux !


Mobilité UE - Royaume-Uni : des changements notables en 2021

Quel que soit le contenu précis des 2000 pages de l'accord post-Brexit à valider début janvier, si tout va bien, des changements notables interviendront dans de nombreux domaines, en particulier en matière de mobilité personnelle, et surtout professionnelle. Les dispositions régissant la mobilité résultent de l’accord de sortie ratifié fin 2019. Les DRH devront, en particulier, être très attentifs, que ce soit en France pour intégrer des collaborateurs britanniques, et réciproquement au Royaume-Uni pour recruter des Français, et plus généralement des ressortissants de l’UE, de l’EEE ainsi que de la Suisse. On peut penser que des accords bilatéraux assoupliront certaines règles à l’avenir.

Commençant par le plus « simple », ce qui concerne la mobilité temporaire. Tout d'abord, à partir du 1er octobre 2021, un passeport en cours de validité, accompagné selon les cas d'un titre de séjour, sera nécessaire pour rentrer en France. Un visa ne sera pas nécessaire pour les séjours de moins de 90 jours. Cette dispense de visa ne concerne pas les séjours pour études ou pour le travail. Une période de transition, dont les modalités seront un peu plus souples, a été mise en place jusqu'au 30 septembre 2021. Quant aux séjours de longue durée, et sans rentrer dans trop de détails, nous dirions que la stabilité des ressortissants britanniques et français est respectée dans leur pays « d’adoption », du moment qu’ils justifient d’un séjour continu de plus de cinq ans.

Pour les nouveaux arrivants, de nouvelles règles d’immigration seront mises en place dès le début 2021, en particulier au Royaume-Uni, pour ce qui est des détachements, de la mobilité intra-groupe…

Voyons cela de manière plus détaillée. En premier lieu un visa de travail devient nécessaire. Pour faire simple, le Royaume-Uni privilégiera les emplois hautement qualifiés à partir d’une grille « à points ». La Skilled Workers Route – c’est ainsi que se nomme le dispositif, démarre seulement à partir du moment où l’intéressé a reçu une offre d’emploi – qualifié – émanant d’un parrain dûment agréé. L’acceptation du dossier est fondée sur le respect de différents critères, dont un seuil de salaire plancher annuel (25 600 livres actuellement), et un très bon niveau d’anglais. Voilà qui entraîne des frais et des délais. Autrement dit, anticipez tout cela dans le rétroplanning d'un détachement. Bien entendu, plus aucune faveur particulière n'est assurée aux ressortissants français, comme à ceux de l’UE du reste. Notons que plus de 140 000 de nos ressortissants installés au Royaume-Uni ont demandé depuis mars 2019 le bénéfice du Settled-Status (plus de cinq ans de résidence) ou du pré-Settled-Status. Les demandes en ce sens pourront être encore adressées jusqu'au 30 juin 2021. Le pré-Settled-Status permettra d'obtenir le Settled-Status au moment du dépassement de la barre des cinq ans de séjour ininterrompu.

Dès lors, les bénéficiaires auront eux aussi le statut de résident permanent autorisant à continuer à travailler, étudier… De la même manière qu’auparavant.

Vincent Gardy

Vietnam : en pleine forme

Relativement discret, le Vietnam a su tracer son chemin ces dernières années, en épousant à bien des égards la stratégie de la Chine : celle du communisme libéral sur le plan économique. Si, sur le plan de la démocratie telle que nous la concevons, le compte n'y est pas, en tout cas force est de constater que sur le plan de l’économie, la réussite est là.

Et surtout en 2020, la croissance était au rendez-vous, un peu plus même que celle de l'Empire du Milieu (2,8 % contre 2,4 %). Certes, on est bien en dessous de la moyenne de 6,8 % enregistrée ces deux dernières décennies. Mais, cela demeure un bel exploit. Quelles sont les raisons de ce succès ? Elles sont naturellement multiples, et sont principalement le résultat d’un travail de longue haleine, entamé en 1986, avec l'abandon du projet communiste traditionnel. Essentiellement centrée historiquement sur l'agriculture – 18 % du PIB aujourd'hui – principalement la riziculture et les produits de la pêche, l'économie vietnamienne s'est alors orientée vers l’industrie (37 %) puis les services (45 %). Parmi ces services, ceux liés aux tourisme (hôtels, restaurants, lieux de loisirs…). 2020 a été très négative pour ces activités, comme partout ailleurs dans le monde.

Une industrie dynamique

En revanche, l’industrie s’est très bien portée. Tout d’abord parce que la pandémie a été très bien contrôlée. Dès lors, l’économie a pu repartir rapidement, après un court temps d’arrêt. Le Vietnam a donc bénéficié d’un report d’importateurs vers lui – on pense aux ordinateurs ou à la téléphonie par exemple. Signalons à cet égard que le Coréen Samsung représente 25 % des exportations. Une autre raison de cette belle performance, c'est le conflit commercial sino-américain, avec son lot d’augmentations de taxes à l’importation, qui amène les opérateurs à revoir leur sourcing. Pour la suite, les observateurs spécialisés sont très optimistes pour ce pays-phare de la péninsule indochinoise, puisqu’une croissance de 6,7 % est prévue pour 2021 par Credendo, l'assurance-crédit belge (moins que les 8,1 % envisagés en début d’année en Chine, mais plus que dans bien des Etats de l'Asie du Sud-Est et de l’Est). Les fondamentaux sont en outre satisfaisants, avec un déficit budgétaire annuel contrôlé (moins de 6 % en 2020, année très compliquée par essence) et une dette publique à «seulement » 46,6 % du PIB. Quelques faiblesses – il en faut bien – sont cependant pointées par Credendo, dont un manque de transparence publique en dépit des efforts réalisés ces dernières années ainsi que la vulnérabilité du secteur bancaire. Les banques d'Etat devraient d'ailleurs prochainement être recapitalisées, selon les experts. Du côté des forces, la perspective de relations américano-chinoises durablement affectées par leur conflit commercial, mais aussi géostratégique, devrait favoriser les IDE entrants. Ces IDE pourraient se porter sur des productions industrielles désormais davantage diversifiées et de plus haut de gamme.
Cette montée en gamme va de pair avec l’enrichissement progressif de la population. Si, aujourd’hui, la classe moyenne représente 13 % du total, elle devrait monter à 45 % d’ici une quinzaine d’années. Le PIB par habitant, actuellement de 2 540 USD, devrait suivre peu ou prou cette courbe ascendante. Un PIB dopé par les exportations Le PIB vietnamien est alimenté par une forte croissance du commerce extérieur – et particulièrement des exportations – sur le long terme. Ces exportations ont augmenté de 7 % en 2020, atteignant 282,7 milliards d’USD, tandis que les importations
– dynamiques également en raison de la hausse de la demande de produits médicaux mais aussi électroniques – se montraient cependant un peu moins toniques, à 262,7 milliards d’USD. Du coup, l'excédent commercial, déjà élevé, a presque doublé de 2019 à 2020, atteignant 20 milliards d’USD. Rappelons que le commerce mondial a, pendant ce temps, fléchi d’environ… 10 %. Notons d'ailleurs que les échanges commerciaux du Vietnam ont plus que triplé en huit ans !
Il est intéressant de signaler que les entreprises étrangères installées sur place exportent deux fois plus que les entreprises locales. Les ventes vietnamiennes sont principalement assises sur le secteur manufacturier, avec une volonté des autorités, comme dans d’autres pays émergents, de monter en gamme. On observe du reste que les produits manufacturés à moindre valeur ajoutée (textile, vêtements, chaussures) ou encore les produits agricoles, ont cédé du terrain, face à ceux à plus grande valeur, comme les mobiles Samsung en particulier. Mais, on remarque aussi les ventes d’ordinateurs et d’accessoires. Le téléphone (18 %) et les ordinateurs ou composants associés (15,8 % du total) se taillent la part du lion. Les USA… premier client Les Etats-Unis, faisant fi de la période de guerre, ont trouvé en ce pays de l’ancienne Cochinchine un rempart contre le quasi ennemi chinois. C'est vrai sur le plan politique. Cela l’est à coup sûr aussi sur le plan commercial, puisque les Etats-Unis demeuraient en 2020 le premier client du Vietnam, avec 77 milliards d’USD et 27 % du total. La Chine et l’UE à 27 arrivent ensuite, avec respectivement 48,9 et 40 milliards d’USD. L’Asean ne figure qu’à la 4e place, à 23,2 milliards d’USD, un montant en baisse de 8,7 %, au lieu d’une augmentation de 25,4 % vers les USA. Du côté des importations, leur structure est corrélée avec les nécessités d’une économie essentiellement exportatrice. Dès lors, les produits indispensables à la fabrication et à l’assemblage de produits électroniques et textiles destinés à la revente à l’extérieur prédominent.
En tête de gondole, les ordinateurs, produits électroniques et accessoires (64 milliards d’USD, en forte hausse). Viennent ensuite les machines, équipements et accessoires (37 milliards d’USD), les téléphones portables et accessoires (16,6), puis les tissus (11,9). Les pays asiatiques – toutes zones confondues – dominent nettement le marché, avec 70 % de pénétration. En premier lieu, vient la Chine (32 %), devant la Corée du Sud (18 %). Les échanges franco–vietnamiens demeurent faibles, alors que l’Indochine fut un des fleurons de notre empire colonial. Nous sommes le 18e client de notre ancienne colonie (1,17 % des exportations vietnamiennes, selon les données douanières locales), et en contrepartie son 20e fournisseur (0,58 % de parts de marché). Tout cela en 2020, où l’arrêt des livraisons d’avions a pesé sur nos ventes (-39,7 %). Le déficit commercial s’est donc creusé de 7,2 % à 3,3 milliards d’euros, malgré la belle performance de nos exportations de produits pharmaceutiques (+14 %). Afin de fournir des indicateurs plus valables sur le long terme, nous citerons les chiffres de 2019. Le Vietnam était alors notre 45e client (1,6 milliard d'euros) et notre 22e fournisseur (5,6 milliards d'euros). Ce qui implique un lourd déficit de 4 milliards d'euros.
Nos ventes se concentraient sur quatre secteurs principaux : – Les matériels de transport (quasi exclusivement l'aéronautique avec 616 millions d'euros). – Les produits pharmaceutiques (263 millions), donc encore en hausse en 2020. – Les équipements mécaniques, le matériel électrique, électronique et informatique, dont une bonne part de machines industrielles et agricoles. – Enfin les produits des IAA (162 millions d’euros). Si l’on y ajoute les produits agricoles, on arrive au « score » honorable de 12 %. Quant à nos IDE, ils sont en revanche loin d’être négligeables, si l’on se réfère au comparatif européen. En effet, nous étions fin 2018 le deuxième investisseur dans ce cadre, mais aussi le 15e investisseur mondial, avec un stock d’IDE de 3,7 milliards d’USD. Deux tiers des investissements français sont fixés dans le domaine des semences, un cinquième dans l'industrie (essentiellement eau, gaz, électricité), 7 % dans l’agriculture, et 5 % dans la distribution (Source : Chambre de commerce et d'industrie française au Vietnam). Les flux commerciaux du Vietnam devraient notablement progresser à l’avenir, en raison de probables nouvelles relocalisations industrielles, mais aussi de futurs investissements liés à de nombreux accords multilatéraux signés par le Vietnam, comme celui avec l’Union européenne, entré en vigueur le 1er août dernier. Le Vietnam a également conclu des accords similaires avec des pays d’Asie-Pacifique (CFTPP), et ses voisins plus immédiats (CRCEP).

Australie : des opportunités d’implantations à découvrir

On a eu l'occasion en octobre de parler de la Nouvelle-Calédonie, au moment du deuxième référendum sur sa possible indépendance. Il fut un temps où l’Australie lorgnait vers ce territoire français au relatif voisinage de ses côtes. Il semblerait que cette sourde hostilité, liée aussi il fut un temps aux essais nucléaires français dans le Pacifique, soit révolue. Les échanges franco-australiens et nos IDE aux antipodes prospèrent-ils ces dernières années ? Certes oui, mais sans excès, pourrait-on répondre très succinctement.

L’Australie est un pays–continent très éloigné de l’Europe. Elle est tout naturellement essentiellement tournée vers l’Asie-Pacifique, si l’on veut bien y inclure les Etats-Unis, qui disposent d’une vaste façade donnant sur cette immense surface marine. Cet éloignement est en partie compensé par sa position élevée dans le concert des grandes nations économiques. Donc, même si notre pourcentage est petit, il n’est pas négligeable en valeur absolue.

Le stock d’IDE dans le pays des kangourous s’élève ainsi à 13 590 millions d’euros en 2019 (+17 % par rapport à 2014), malgré une baisse notable des flux de 2 188 millions d’euros*. Nous arrivons cependant loin des principaux investisseurs là-bas, lesquels sont, dans l’ordre, les Etats-Unis (151 247 millions de dollars US), le Japon (74 743), le Royaume-Uni (69 696), les Pays-Bas (34 769) et la Chine (28 305)**.

Si les augmentations de flux d’IDE avaient notablement ralenti en 2019, et il en sera encore de même en 2020, ils ont beaucoup progressé dans la période post-crise financière de 2008–2009. En 2019, l'Australie figurait ainsi à la septième place des économies mondiales, en termes d’apport d’IDE. Les stocks y atteignaient 714 milliards d’US $. Les principaux investisseurs s’avérent donc les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la Belgique, le Japon, Hong Kong, Singapour, Luxembourg, la Chine et la France. C’est que l’Australie est classée 14e sur 190 dans le rapport de 2020 de Doing Business. L’étroitesse de son marché intérieur, son éloignement géographique par rapport à la plupart des pays du monde développé, sont compensés par le libéralisme économique, la stabilité, ainsi qu’une croissance économique continue depuis 25 ans, y compris pendant la crise financière de la fin de la précédente décennie. Son positionnement stratégique au sein d'une région Asie–Pacifique à fort potentiel, de même qu’avec les Etats-Unis, sont d’autres indéniables atouts.

La réglementation vis-à-vis des IDE est, en outre, attrayante, et vient encore d’être simplifiée. Le pays des kangourous est très ouvert au commerce international, comme en témoignent ses multiples accords commerciaux – celui en négociation avec l’UE étant en revanche toujours au point mort. Attention cependant ! Dans une démarche très pragmatique, le gouvernement de Canberra ne se gêne pas pour rejeter des propositions qui lui paraissent contraires à l’intérêt national.

Un contexte économique contrasté

Si la croissance économique a été continue pendant 26 ans, sa tonicité s’étiole cependant quelque peu. Avant même l'accident de 2020, le PIB n'avait progressé que de 1,8 % en 2019. Pour la présente année, une baisse sensible est anticipée par le FMI (-6,7 %), avant une possible remontée de pratiquement autant en 2021 (6,1 %).

Le taux d’inflation est faible, entre 1 et 2 %, et le taux de chômage à plein temps bas (5,2 % l’an dernier). Il devrait cependant remonter à 7,6 % en 2020. La dette publique n’atteignait que 41,8 % en 2019, cela fait rêver, tandis que le déficit est quasi nul. L'investissement – une fois passé le cap difficile de cette année – est sur une pente ascendante, selon les experts, en raison principalement d'une fiscalité favorable, de transferts sociaux, d'une politique monétaire « bienveillante », comme partout ailleurs, et des dépenses d’infrastructures. Parmi les éléments négatifs pour le pays des antipodes, la forte concurrence de la Chine, dont elle est de plus en plus dépendante du reste. Autre point noir, son potentiel économique interne est également érodé par le vieillissement de la population et les effets du changement climatique.

Une économie très ouverte

Pays de 25,2 millions d’habitants, immense île au bout du monde, l’Australie est logiquement extrêmement ouverte au commerce mondial. Il représente, selon les données de la Banque mondiale de 2017, 43,1 % de son PIB. Qu’exportent donc les Australiens ? Principalement du charbon et des combustibles solides (19,7 %), des minerais et concentrés de fer (18,7 %) de l’or et (5,6 %) - cette année cela rapporte, des huiles de pétrole (2,3 %), puis des minerais et des concentrés de cuivre (1,8 %).

Du côté des importations, c’est évidemment différent. On y trouve tout d’abord des huiles de pétrole (12, 7 %), des véhicules à moteur (7,3 %), des appareils de transmission pour la téléphonie (3,7 %), ou encore des machines et éléments de traitement de l’information (3,5 %).

Sa balance commerciale, structurellement déficitaire jusque vers la fin de la précédente décennie, est désormais beaucoup plus équilibrée, souvent excédentaire. Ainsi, en 2018, l’Australie a-t-elle exporté pour 325 milliards de dollars. L’excédent commercial ressort donc à 21,1 milliards de dollars et le solde global, en incluant les services, s’est établi à 17,3 milliards de dollars US toujours, selon la Banque mondiale. Les principaux partenaires sont la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l’Inde, les Etats-Unis, l’Allemagne et la Thaïlande. Notons que l’Australie cherche à diversifier géographiquement ses partenaires, puisqu’elle négocie actuellement des accords avec le conseil de coopération du Golfe, l’Inde, le Pérou, l’Indonésie et Hong Kong.

Un bel excédent pour la France

Nous l’écrivions supra, l’Australie – certes lointaine, 37e client et 50e fournisseur, nous apporte des excédents commerciaux. Mais oui ! En 2019, nos exportations se sont ainsi élevées à 2 655 millions d’euros (+1 %) et nos importations à seulement 1 128,3 millions. D’où il ressort un excédent de 1 532,7 millions ! Nous vendons en premier lieu des machines industrielles agricoles et diverses (20 % du total), des produits des industries agroalimentaires (15,4 %), des matériels de transport (12,8 %), ou encore des produits chimiques, des parfums et des cosmétiques (12 %).

A l’inverse, notre premier poste d’achat sont les hydrocarbures naturels et autres produits des industries extractives (56 %), devant les produits agricoles, sylvicoles, de la pêche et de l’agriculture (10,7 %), puis des produits manufacturés divers (6,8 %) et des produits pharmaceutiques (5,8 %). Nous étions le 13e fournisseur de l’Australie en 2019, ils sont nos 23e clients.

 

* Source Banque de France 2019.

** Source FMI 2018.

 

De belles opportunités encore méconnues

 

John Rees est le responsable du développement en énergie du secteur défense de l’Etat d’Australie du Sud. Parfait francophone, il est également chargé de développer les implantations françaises dans cet Etat du pays-continent.

 

 « Le marché australien est beaucoup plus important pour la France qu’on ne le pense », remarque John Rees. Il cite à l’appui l’exemple d’un programme de construction de 12 sous-marins Baracuda sur place par Navagroup (anciennement DCNS). Ce programme durera cinquante ans à partir de 2023, et amène déjà bon nombre de PME sous-traitantes à s’installer sur place pour le jour J. « 38 des 40 sociétés du CAC 40 sont en Australie, poursuit John Rees, le marché est mal connu sauf par les businessmen avisés, dans des domaines aussi variés que le secteur financier, les jeux électroniques et bien sûr la défense aéronautique et navale ». Les énergies renouvelables sont également de la partie « avec plusieurs gros projets, dont celui du français Neoem, qui veut créer une ferme éolienne de 150 MgW de production et de stockage d’électricité. Alors que l’Australie exporte toujours principalement des matières premières, des opportunités existent pour les sociétés de l’agroalimentaire ou encore du secteur de la transformation de minerais, susceptibles d’apporter de la plus-value », analyse John Rees. « D’autre part, les accords de libre-échange noués par l’Australie avec pratiquement tous les pays de la zone Asie-Pacifique, dès lors des entreprises françaises implantées sur place peuvent bénéficier de ces dispositifs », conclut-il.

John Rees décrit les Australiens comme directs, sportifs et résilients. C’est particulièrement le cas en Australie du Sud, « Etat de plus en plus sec du continent le plus sec au monde ».  L’Australie du Sud, un des six Etats du pays, a donc déployé « une énorme compétence dans l’eau et l’irrigation »… et aussi dans l’élaboration de vins… parfois haut de gamme. L’activité vinicole est importante en Australie.

 


Des possibilités de rayonnement dans la zone Asie-Pacifique

 

Fernando Alves, chef du pôle Industrie Business France en Australie, et son collègue Pierre Le Queven, chargé de développement pour le département industrie*, sont des observateurs attentifs du monde économique australien et des opportunités qu’il recèle. Ils ont bien voulu répondre à quelques questions de notre rédaction.

Conquérir : Quelles entreprises, principalement les PME, ont-elles intérêt à s'implanter à Australie ?

Fernando Alves : Le paysage des opportunités d’affaires en Australie peut offrir de nombreux débouchés commerciaux pour les PME françaises détenant une expertise dans l’une des industries suivantes : la défense, les énergies (énergies renouvelables, hydrogène), le secteur du gaz, le secteur spatial, la construction et la maintenance d’infrastructures, le secteur minier, et tous les aspects tech et numériques (optimisation des procédés via des technologies innovantes).

Les PME qui disposent d’une expérience à l’export réussie dans un pays anglo-saxon (Canada, Etats-Unis, Royaume-Uni) seront également avantagées, car la pratique des affaires y est similaire, notamment en raison du pragmatisme pour conduire les affaires et les négociations. Les entreprises dont la stratégie export est basée sur la mise en place de partenariats avec des acteurs locaux, de partage de compétences ou de projets « d’Australianisation » auront les meilleurs retours sur investissement.

Conquérir : Comment les PME doivent-elles aborder le marché ?

Fernando Alves : L'Australie a perdu une partie importante de ses capacités de fabrication en 2017 lorsque l'industrie automobile a quitté le pays. Les trois plus grands constructeurs automobiles, GM, Ford et Toyota, qui employaient directement plus de 50 000 personnes (2016), ont délocalisé leurs activités commerciales à l'étranger. L'industrie australienne compte sur les capacités étrangères pour fournir des équipements de haute technologie sur ses marchés industriels.

L'Australie est l'une des nations les plus riches du monde, mais c'est l'une des économies les moins complexes, selon la récente étude de la Harvard Kennedy School of Government sur la complexité économique. Cela a de graves implications pour la sécurité et l'économie du pays (The Australian - We Lack the Will to have a Manufacturing Industry, 19 février 2020).

Le gouvernement fédéral australien souhaite donc, à travers d’immenses investissements dans des grands projets de défense, réindustrialiser une partie du pays, maximiser l’apport de nouvelles technologies et de savoir-faire étranger ainsi que créer de nouveaux emplois qualifiés. Les PME étrangères innovantes qui manifestent une réelle stratégie d’implantation ou de partenariat sont donc les bienvenues.

Il est important de noter pour les PME françaises que, dans l’industrie de défense australienne, la part locale est une exigence importante si l’on veut se positionner sur les grands contrats de construction navale et de défense (la formation, la maintenance, le SAV, l'assemblage ou la fabrication de pièces sur place). Le gouvernement australien incite les acteurs de la supply chain globale du secteur à créer des partenariats avec des entreprises australiennes. Les investissements et l’implantation physique permettront de maintenir à flot l’industrie australienne et de créer des emplois locaux dans le pays. Il est également conseillé d’établir une relation avec les grands donneurs d’ordre en local et de connaître leurs fournisseurs actuels de même que le tissu industriel australien.

Je signalerais également les défis auxquels font face les PME françaises en Australie : la distance (15 000 km, 24h d’avion), la superficie de 7,7 millions km2, soit 14 fois la France, le décalage horaire (entre 6h et 10h), la langue et un tropisme anglo-saxon. Enfin, selon le rapport Doing Business 2019 rédigé par la Banque mondiale, l’Australie est classée 14e sur 190 quant à la facilité à faire des affaires. La stabilité de l’économie australienne, la rapidité et la simplicité de développer une entreprise de manière sécurisée en font cependant un pays avantageux.

Ponctuellement, les perspectives de sortie de la crise Covid en Australie offrent de nouvelles opportunités aux entreprises françaises. Notamment avec l’émergence de nouvelles filières industrielles dans les secteurs critiques tels que :

  1. Les métaux rares via la création de chaînes de valeurs sur place pour renforcer la souveraineté du pays vis-à-vis du monopole chinois.
  2. Le développement d’une filièrehydrogène qui viendra conforter son statut de premier exportateur énergétique de la région.
  3. La continuité des investissements dans le secteur spatial (avec notamment la signature de l’accord Artemis et des investissements d’un montant de 150 M AUD pour la mission Moon to Mars)ainsi que les grands budgets d’armement.

Conquérir : L'Australie peut-elle être une base de conquête de la zone Asie-Pacifique ?

Fernando Alves : Oui tout à fait. De nombreuses entreprises s’installent en Australie pour rayonner sur la zone Asie-Pacifique. L’Australie est une puissance politique et économique ainsi qu’un acteur majeur de la région Asie-Pacifique. Le pays est complètement intégré dans l’espace économique de la zone. Canberra a notamment signé un accord de libre-échange entre l’Asean, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, entré en vigueur en 2010 (AANZFTA).

Douze des quinze plus grands partenaires commerciaux de l’Australie se trouvent en Asie et en Océanie, générant une valeur commerciale d'environ 577 Mds AUD en 2018-19 – ses trois premiers clients étant la Chine, le Japon et la Corée du Sud, notamment portés par les besoins en matières premières de ces derniers (ressources agricoles).

En 2019, 79 % des exportations australiennes étaient destinées à la zone Apec (Coopération économique pour l'Asie-Pacifique), 11,8 % à l’Asean et 7,1 % à la zone Euro, tandis que 66,6 % des importations australiennes provenaient de l’Apec, 19,2 % de la zone Euro et 16,2 % de l’Asean.

Conquérir : Pouvez-vous fournir quelques exemples de PME françaises qui ont fait le choix de l'Australie et qui y connaissent le succès ?

Fernando Alves : Certaines PME françaises ont choisi l’Australie comme premier pays pour implanter leur filiale, notamment Squad (entreprise de cyber sécurité) ou Probent (ingénierie et fabrication de composants). Elles ont notamment été portées par le contrat des sous-marins, remporté par le constructeur français Naval Group, s’élevant à plus de 80 Mds AUD.

 Un certain nombre de PME ont également signé des contrats de distribution/partenariat avec des acteurs locaux (Souriau, Socitec, Pinette), ont créé une entité locale (Fiva, Predict, Adexflow) ou ont choisi la formule du VIE pour prospecter le marché (Qos Energy, Probent, LGM, Neoen).

*La directrice de Business France Australie est Armelle Rebuffet.

Propos recueillis par la rédaction de Conquérir

Commerce extérieur 2020 : alourdissement du déficit

Difficile de tirer des enseignements d’une année aussi perturbée que 2020, à tous points de vue, y compris de celui relatif au commerce extérieur de la France, d’autant que nous avons été fortement pénalisés par le ralentissement du transport aérien, qui a eu une répercussion immédiate sur nos ventes dans l’aéronautique.

Cependant, les comparaisons avec nos partenaires et concurrents de l’Union européenne, qui ont vécu des situations similaires, permettent de remarquer les différences de comportement de nos économies pendant cette crise.
Globalement, nos échanges extérieurs se sont contractés, comme ceux de la plupart des pays du monde. Cependant, nos exportations sont en recul plus net (-15,9 %) que nos importations (-13 %). Dans ces conditions, notre déficit FAB/FAB se dégrade à nouveau de 7,3 milliards d’euros à 65,2 milliards contre 57,9 en 2019. Un sommet depuis 2012, remarquent les experts de la statistique publique du département des Douanes et droits indirects du ministère des Finances.
Alors que l’on parle beaucoup de la nécessaire réindustrialisation de la France, après tant d’années d’abandon, notre solde manufacturier – négatif de 22,3 milliards d’euros –pèse lourd dans la balance. Si les ventes, comme les achats du reste, de produits pharmaceutiques demeurent dynamiques, les secteurs de l’automobile et de l’aéronautique nous apportent des déboires. Ponctuellement, nos importations de masques de protection (5,9 milliards d’euros) ont durement affecté nos comptes. Cependant, la baisse du prix moyen du pétrole en 2020, additionnée à la diminution de l’activité, ont fortement allégé notre fardeau énergétique (déficit de 25,7 milliards d’euros contre 44,8 milliards), tandis que notre excédent agricole reculait légèrement, de 0,4 à 1,4 milliard. In fine, nos importations FAB reviennent à 493 milliards d’euros, et nos exportations à 428,1 milliards.

UE et Asie pèsent lourd dans notre déficit

En incluant le matériel militaire et certaines autres données, le solde commercial CAF/FAB se monte à 82 milliards d’euros (en hausse de 4,7 milliards d’euros par rapport à 2019) en-dessous cependant du plus haut niveau historique atteint en 2011 (91,7 milliards). Mais attention, le solde énergétique était alors beaucoup plus élevé.
Géographiquement, d’où provient essentiellement ce déficit ? Sans surprise, de l’Asie (dégradation de 9,6 milliards dont 6,6 avec la Chine), alors que parallèlement, l’excédent avec les USA se réduit de 5,4 milliards, toujours par rapport à 2019. Tandis que le déficit – considérable – avec l’UE (à 27) demeure stable, à 45 milliards d’euros quand même – notre solde – limité, s’améliore avec des pays tiers autres que l’Amérique. Pour ce qui est du Royaume-Uni, notre solde positif se réduit… On verra qui souffre le plus du Brexit (9,9 milliards d’excédent quand même). Notons que notre déficit avec l’ensemble de l’Asie ressort à 43,5 milliards d’euros, dont 38,9 pour la seule Chine.
Partant du principe que tous les pays du monde ont peu ou prou été touchés par le ralentissement économique, il est intéressant de comparer les évolutions des uns et des autres. Force est de constater que les résultats de cette étude nous sont défavorables. Ainsi, la baisse des exportations de biens en volume (-15,4 %) est supérieure à celle de la demande mondiale adossée à la France, selon le département des Douanes et droits indirects. Dès lors, notre part de marché est en baisse, cela alors que le taux de change de l’euro est relativement stable.
Observons maintenant de plus près l’évolution de nos principaux partenaires de l’UE.
L’Allemagne a certes vu son solde commercial se dégrader quelque peu, mais son excédent est toujours notable (5,5 % du PIB contre 6,7 % en 2019), alors que notre déficit passe dans le même temps de 3,1 % du PIB à 3,6 %.
Quant à l’Espagne et à l’Italie, leur solde relativement au PIB s’améliore même (1,3 % en territoire négatif au lieu de 1,4 % outre Pyrénées et 3,8 % en positif outre Arno, au lieu de 3,1 %). C’est que nos exportations ont chuté plus lourdement que chez nos trois voisins immédiats, où le recul est d’environ 10 %, seulement.
On peut remarquer – ce qui traduit sans doute le maintien d’une plus grande vitalité économique sur son sol – que la diminution des importations allemandes ( -7,6 %) est deux fois moins élevée que chez ses principaux partenaires européens. Cela étant, quelle tendance pour nos zones d’exportation privilégiées ? Force est de constater que, sur le long terme (2000 à 2020), nos parts de marché en Asie (+6 points) progressent sensiblement, presque autant que celles de l’Allemagne ((+7 points). L’Espagne ((+3 points) et l’Italie (+2 points) sont un peu plus à la traîne. La pharmacie en forme Dans cet environnement de crise sanitaire, nulle surprise à remarquer l’augmentation de nos ventes de produits pharmaceutiques (+4,7 %), même si elle s’inscrit dans une tendance de long terme. Parmi nos meilleurs acheteurs, figurent les Etats-Unis, en dépit d’une légère baisse, mais aussi la Suisse, la Belgique et l’Italie. En revanche, nos livraisons aéronautiques et spatiales s’effondrent de 45,5 %, après il est vrai un record historique de ventes à 64 milliards d’euros en 2019. La fin 2020 s’est avérée cependant beaucoup plus positive à cet égard. Malgré, là encore, une reprise au deuxième semestre, nos ventes d’automobiles assemblées ont également chuté – de 18,7 %, à peu près autant en pourcentage que celles des produits métallurgiques (-18 %). Pour le reste, tout est en territoire négatif, y compris dans nos points forts. Ainsi, nos exportations de produits agroalimentaires ont-elles décru de 4,3 %. Les boissons ont été impactées par les taxations imposées par les USA, provoquant là-bas un recul de nos ventes de cognac, de champagne, voire de vin. Les parfums et cosmétiques – un autre de nos points forts – n’ont pas échappé à la tendance (-12,7 %), de même que les textiles et l’habillement (-10,6 %), ou encore les produits informatiques (-16,6 %). Remarquons que, du côté de nos importations, on retrouve – mis à part le domaine des produits énergétiques – une relative symétrie, puisque les achats aéronautiques baissent de 44 % et celui des automobiles de 14,3 %. En revanche, nos importations de produits agricoles poursuivent leur progression
(+2,5 %), impactés il est vrai par la hausse des cours des denrées. On l’a dit supra, nos achats de produits pharmaceutiques ont nettement progressé – de 10,4 %, pour des raisons que vous savez, tandis que l’importation de masques a boosté nos importations dans la filière des produits de l’industrie textile (+21,3 % !). Mais la performance sans doute la plus remarquable provient du secteur des bateaux (+46,2 %), aussi bien des paquebots, des bateaux citernes, que plus généralement ceux conçus pour le transport des marchandises comme celui des personnes.

Commerce extérieur : un plongeon inégal selon les secteurs  

 

Il nous a paru intéressant en cette rentrée de faire un point de la situation de notre commerce extérieur à mi-année. Naturellement, il est impacté par la crise du Covid-19. Mais, les chiffres transmis par les douanes traduisent des évolutions qui ne sont pas forcément linéaires, c’est-à-dire de baisse en termes de rubriques. De même, l’évolution de nos échanges avec les pays tiers est souvent contrastée. 

Quoi qu’il en soit, la France a connu une importante dégradation de son déficit commercial au premier semestre 2020 (34 milliards d’euros au lieu de 29 pendant la même période de 2019). Cette accentuation du déficit est le fait d’une baisse plus importante de nos exportations (-21,5 %) que de celle de nos importations -17,6 %). Nos ventes résistent mieux vers l’Union européenne (-17 %), grâce à un rebond dès le mois de mai, que vers les pays tiers (-28,6 %). La plupart des biens sont affectés par le repli des échanges. Les produits pharmaceutiques bénéficient cependant d’une hausse de 10,1 % des ventes, particulièrement remarquée au premier trimestre. Les produits agricoles (+5,1 %) se sont montrés également toniques, alors que les exportations agroalimentaires ne reculent que modérément (-4,9 %).

En revanche, les secteurs automobile et aéronautique s’effondrent littéralement, tant en importations qu’en exportations (respectivement -47,2 % et -38,2 % d'un semestre à l'autre).

 Il convient de resituer ces chiffres dans le cadre d'une prévision de baisse du commerce mondial de 10 % en 2020, selon l'OMC. Le nouveau ministre délégué au Commerce extérieur et à l’attractivité, Franck Riester, ne nie pas la difficulté du moment. Il rappelait cependant le 7 août dernier « les bonnes performances enregistrées en matière de commerce extérieur et d’attractivité depuis 2017 ». Il valorise ainsi l'importante progression de nos exportations de 2017 à 2019 (+17,6 milliards d'euros), la réduction de notre déficit pendant cette période (de 5,1 milliards d’euros), ainsi que la place de numéro un en Europe en matière de projets d’IDE.

Les réformes économiques et fiscales entreprises par les gouvernements de la présidence Macron sont, selon Franck Riester, à l'origine de cette performance légèrement améliorée, et peut-être de la croissance du nombre d’entreprises exportatrices, atteignant « son plus haut niveau depuis 19 ans », fin mars 2020 à 130 000, selon les données du ministère.

De nouvelles mesures ont été décidées le 25 août en Conseil des ministres, qui viennent s’ajouter au plan de relance spécifique déjà mis en place pour des secteurs majeurs comme l’aéronautique (15 milliards d’euros), l’automobile (8,5 milliards) et le tourisme (18 milliards).

Une belle consolation, selon la Banque de France, nos échanges de services demeurent légèrement excédentaires, malgré un repli sensible (+2,4 milliards d'euros contre 11,7 au premier semestre 2019).

Le déficit manufacturier double

Au deuxième trimestre proprement dit, nos exportations ont reculé de 28,9 %, après 7,3 % au premier trimestre. Quant à nos importations, elles ont suivi le même chemin, toutefois moins pentu (-20,7 %, après -6,4 %), le tout en données FAB. Le déficit de la période du 1er avril au 30 juin s’élève donc à -20,4 millions d’euros. Pour une fois, ce n’est pas le déficit énergétique (-3,9 milliards d’euros), qui a pesé le plus. En effet, la baisse des prix du pétrole conjuguée à de moindres besoins énergétiques en relation avec la crise, a réduit nos achats. En revanche, notre déficit manufacturier a doublé, à 18,8 milliards d’euros. Il est à noter – quelle tristesse –  le montant élevé des importations de masques de protection, qui creuse le déficit de 3,7 milliards d’euros !

Quant à nos ventes à l’extérieur, près de la moitié de leur baisse au deuxième trimestre provient des matériels de transport (-60 %), et encore davantage des équipements aéronautiques et spatiaux (-64,2 % au second trimestre après -26,2 % au premier).  Tout le reste recule, y compris les produits agricoles (-4,2 % après +4,8 % au premier trimestre), ou même les produits pharmaceutiques (-12 %, après +13,4 %). Mais ces secteurs résistent bien tout de même, à l'instar également du bois-papier-carton et des produits chimiques hors parfums. Car le luxe est également atteint.

Achat de masques de protection : l’explosion

L’évolution des importations est également contrastée. Bien entendu, là encore, l’aéronautique (-51 % par rapport au premier trimestre) et l’automobile (-44,6 %), tirent nos achats à la baisse. Le département des statistiques et des études du commerce extérieur relève un élément significatif, qui est un recul des importations de biens d’investissement beaucoup plus important que celui des biens de consommation. Par exemple, les produits des industries agroalimentaires (-6,7 %), reculent peu. On remarque même une hausse de certains postes, comme celui des produits pharmaceutiques (+1,1 %), ou encore des téléphones et ordinateurs.

Beaucoup plus importante est la hausse des achats de textile–habillement (+12,8 %) tirés par celle des masques (3,6 milliards d'euros pour le seul deuxième trimestre). Une veine pour la Chine ! Quant aux importations énergétiques, c'est par contre l'effondrement (-40,4 %), ce qui correspond malheureusement à l’anémie de notre économie.

Dans ce contexte, nos soldes par compartiments tendent pour la plupart à se dégrader. L'aéronautique devient ainsi à peine excédentaire (0,9 milliards d'euros, contre 5,2 au premier trimestre). Et cela n'est pas près de s'enrayer. Le solde agricole demeure également positif (0,8 milliard), de même que les parfums et cosmétiques (1,7 milliard) mais en net recul, la chimie ou les produits pharmaceutiques (0,4 milliard). L’agroalimentaire (0,7 milliards) tire aussi son épingle du jeu. L’énergie, avec un solde négatif de 5,6 milliards d’euros nous pénalise moins (-11 milliards en moyenne habituelle). Le textile–habillement–cuir nous fait plonger de 5,6 milliards d'euros. Quant aux véhicules et équipements, régulièrement déficitaires depuis plusieurs années, car nous produisons de moins en moins en France, il participe au déficit du deuxième trimestre pour 3,1 milliards d’euros.

Une meilleure résistance des exportations vers l’UE

Nos exportations reculent partout mais dans une moindre mesure vers l’UE hors UK (-26,8 %) toujours par rapport au premier trimestre, ce qui fait environ 30 % de moins par rapport à un trimestre « normal ». Vers l’Europe hors UE, on est à -60 % environ, toujours par rapport à la « norme », -40 % pour l’Amérique, -65 % pour l’Asie, et -30 % « seulement » pour l’Afrique.

Les importations d’Asie en forme

Du côté des importations, l'Asie résiste très bien par rapport à la moyenne trimestrielle habituelle (-4 %). La chute est plus notable pour le reste des zones géographiques, dont l’UE (-25 % environ), l’Europe hors UE (-40 %), l'Amérique (-30 % environ). In fine, notre solde s’aggrave très notablement au deuxième trimestre vis-à-vis de l’Asie (+55 % en moyenne trimestrielle à -13,5 milliards). Par rapport à l’UE, on reste dans les eaux habituelles, à -10,5 milliards, ce qui est cependant beaucoup en pourcentage, puisque les valeurs globales ont notablement diminué.

Nos seuls excédents – limités – par zones géographiques, correspondent au Proche/Moyen-Orient, à l’Afrique et à l’Europe hors UE.

Une analyse plus fine pays par pays permet d’observer – toujours au troisième trimestre, une dégradation de notre balance vis-à-vis de l’Espagne (-1 milliard d’euros mais aussi du Royaume-Uni (-1,7 milliard), Singapour (-1 milliard) et surtout bien sûr, la Chine (-3,1 milliards) ou encore la Suisse (-1,1 milliard).  Heureusement, cela va mieux avec les États-Unis, vis-à-vis desquels notre solde commercial s’améliore de 0,8 milliard d’euros. Il faut bien se consoler !

Pour finir et sur douze mois glissants (selon les données de la DGDDI comptabilisant y compris le matériel militaire), nos exportations atteignaient 455,5 milliards d’euros FAB (-10,4 %), alors que nos importations se repliaient de 8,5 % à 518,4 milliards. Ce qui fait ressortir un déficit sur cette même période de 68 milliards d’euros. Voilà qui nous ramène à peu près pour le moment au niveau de 2018, qui n’était pas terrible…  Car on observe que notre déficit, déjà élevé, pâtit de la crise, ce qui n'aurait pas forcément lieu d'être, et alors même que notre déficit énergétique se réduit considérablement. Cela démontre à l'envi, du point de vue des échanges de biens, notre vulnérabilité, liée à la disparition de l’industrie en France. Dès que l’aéronautique « s’en va », la misère apparaît dans toute sa splendeur. Et les belles incantations (« on va produire en France ») ne suffisent pas.

 

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