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Maroc : une bonne cible pour les investissements

Dans un univers extrêmement perturbé, l’Afrique n’est pas épargnée par les conflits – latents ou déjà exacerbés. Pourtant, ce continent est porteur de perspectives de croissance forte, à court terme comme à long terme. On a tendance à beaucoup évoquer à cet égard l’Afrique sub-saharienne. Mais il ne faut pas oublier le Maghreb, et singulièrement le Maroc.

Le Maroc jouit du régime le plus stable d’Afrique du Nord depuis de nombreuses années déjà. Bien sûr, il n’est pas exempt de difficultés frontalières. C’est particulièrement le cas avec l’Algérie, en raison du contentieux du Sahara espagnol, mais aussi avec l’Espagne, autour des presidios de Ceuta et de Melilla, réclamés de longue date par la monarchie chérifienne. Peut-être ces tensions vont-elles s’apaiser à l’aune du revirement complet de l’Etat ibérique vis-à-vis du statut de son ancienne colonie. Quoi qu’il en soit, une politique étrangère audacieuse et entrepreneuriale lui a permis de développer son influence dans une partie de l’Afrique, en particulier francophone, sur le plan économique, mais pas seulement.

Le royaume alaouite a également renoué des relations avec Israël, où vivent de nombreux descendants de juifs marocains. Cela devrait non seulement favoriser le tourisme, mais aussi les investissements sur place.

Cela dit, pour l’heure, l’Espagne, son voisin immédiat, et la France, ancienne puissance tutélaire, demeurent les principaux partenaires commerciaux, même si, comme partout ailleurs, la Chine, surtout à l’import, fait plus que pointer le bout de son nez.

A ce propos, même si le Maroc est un pays désormais largement développé, son positionnement encore intermédiaire à cet égard, lui permet, ainsi qu’à des investisseurs, de bénéficier d’aides spécifiques, comme celle de l’AFD.

Coface positionne du reste favorablement le risque « Maroc » au niveau B pour le risque pays et A pour l’environnement des affaires.

Très précautionneux sur le plan sanitaire pendant la crise du Covid, le royaume a pâti d’une rétractation de ses recettes touristiques, qui représentaient ordinairement 12 % de son PIB.

En décroissance, de 6,3 % en 2020, son PIB devrait avoir rebondi de 5,7 % en 2021, selon les estimations de Coface, sans doute un peu moins en raison de la fermeture récente de ses frontières aériennes pendant plus de deux mois. En 2022, les analystes de Coface envisagent pour le pays une croissance modérée de 3 % en parallèle d’une inflation de seulement 1,5 % qui devra, selon nous, être probablement réévaluée.

Le solde public a évidemment pâti, comme presque partout ailleurs dans le monde, de la pandémie, en tous cas des mesures prises pour en limiter les effets sur les populations. Ce solde a atteint -7,6 % en 2020, sans doute -6,7 % en 2021, avec une prévision à -6,5 %, quasiment inchangée en pourcentage, en 2022.

Parallèlement, la dette publique a sensiblement progressé, passant de 64,8 % du PIB en 2019 à 79 % en 2022 (estimation). C’est mieux que chez nous, mais les situations de nos deux pays ne sont évidemment pas comparables. Quoi qu’il en soit, le Maroc bénéficie d’atouts non négligeables. Bien entendu, de sa position proche du marché européen, mais aussi de sa politique économique, en particulier dans le monde de l’industrie, avec une stratégie de diversification accompagnée d’une montée en gamme de sa production.

La communauté internationale est présente pour soutenir ses investissements verts, à hauteur de 300 millions de dollars, à travers deux projets, tandis que son marché finit par devenir significatif et que le pays s’intègre de façon croissante, on l’a mentionné supra, au marché africain.

Tout va-t-il pour autant pour le mieux dans le meilleur des mondes au royaume chérifien ? Quand même pas, malheureusement.

Coface relève ainsi que son économie repose encore beaucoup sur les performances agricoles (12 % du PIB, 30 % de la population active), des performances très liées à la pluviométrie, variable d’une année à l’autre. Des poches de pauvreté demeurent en outre nombreuses et le taux de chômage est encore élevé, surtout chez les jeunes, avec de grandes disparités régionales engendrant çà et là des contestations parfois vigoureuses.

De plus, le Maroc, dont la productivité et la compétitivité demeurent faibles, est en concurrence sur ce plan avec d’autres pays du bassin méditerranéen, comme la Turquie ou l’Egypte. Le roi et son gouvernement ne baissent pour autant pas les bras, bien au contraire. Les investissements sont ainsi stimulés par le fonds ad hoc « Mohammed VI », centré sur le tourisme, le transport et les infrastructures au sens large. A cet égard, un plan « d’accélération de l’industrialisation » pourrait offrir des opportunités au secteur privé. Les IDE, dont 35 % proviennent de France, devraient remonter en 2021, à la faveur notamment de l’implantation sur place d’une usine de fabrication du vaccin chinois.

Par ailleurs, une nouvelle usine automobile – un des points forts du Maroc, va ouvrir à Kenitra, ouvrant la perspective à une augmentation de la capacité de production de véhicules, donc d’exportations. Les exportations de pièces automobiles, mais aussi de produits alimentaires et de phosphate ont été soutenues du reste en 2021. Cela, alors que le secteur du tourisme, demeuré en retrait l’an dernier, devrait reprendre modérément, sauf nouvelle catastrophe bien sûr.

Notons que la dette publique n’était détenue que pour 25 % par des créanciers extérieurs en 2020 et qu’en outre 70 % de cette partie se trouve financée par des créanciers bilatéraux et multilatéraux, ce qui est évidemment rassurant.

Commerce extérieur marocain : de profondes transformations

La structure des exportations marocaines a sensiblement évolué dans les années 2010. « Cela est essentiellement dû à la montée en puissance des écosystèmes industriels, notamment automobile, désormais premier secteur exportateur », rapporte la Direction générale du Trésor. Cela n’empêche pas la balance commerciale du royaume de demeurer régulièrement déficitaire mais évidemment, nous Français, resterons discrets à cet égard !

Pourquoi ces déficits récurrents ? En raison de la nécessité d’importer des produits énergétiques, des intrants pour l’industrie, ainsi que des céréales, en cas de mauvaises récoltes locales. Quoi qu’il en soit, le taux de couverture n’a été que de 57,4 % en 2019, plutôt stable en pourcentage depuis 2010. Les importations ont atteint 491,2 milliards de dirhams cette année-là, et les exportations 282 milliards. Quant aux principales tendances observées au sein des exportations, on voit logiquement une augmentation des ventes de nature industrielle « nouvelle », alors que le secteur manufacturier à faible valeur ajoutée recule – le textile en particulier. Le secteur agro-alimentaire résiste bien.

Si l’on examine plus en détail les postes industriels, l’on remarque une hausse supérieure à la moyenne de l’automobile (écosystème du câblage en premier lieu), ainsi que de l’aéronautique. Le secteur agricole-alimentaire arrive en deuxième position, derrière celui de l’automobile (21,8 % contre 28,4 %). Tandis que le textile poursuit son déclin, le phosphate arrive troisième, avec cependant des performances énergétiques variables selon les années, en fonction de la demande et des cours mondiaux.

L’Union européenne demeure le premier partenaire du Maroc (53,1 % des importations et 66,7 % des exportations). Les deux premiers fournisseurs restent l’Espagne (15,6 %) et la France (12,2 %). Le troisième fournisseur est la Chine (10,1 %) mais l’Inde aussi revient fort.

La « fameuse » UMA (Union du Maghreb Arabe regroupant la Mauritanie, l’Algérie, la Tunisie, la Lybie et bien sûr le Maroc) demeure peu vigoureuse, en raison de relations parfois tumultueuses entre les protagonistes ou de la déliquescence des Etats concernés. La crise sanitaire a montré, d’autre part, la dépendance trop grande de l’industrie marocaine aux intrants provenant d’Europe ou d’Asie. L’idée est évidemment de les produire en interne, avec l’appui du fonds d’investissement stratégique évoqué supra.

France-Maroc : un partenariat fort

Le partenariat entre la France et le Maroc demeure vigoureux malgré l’ouverture accentuée du royaume alaouite au monde. La France est ainsi le deuxième partenaire commercial au Maroc, avec un solde bilatéral restant cependant déficitaire depuis une décennie. Les flux financiers en sa direction sont étoffés, faisant de nous le premier pays en termes de stock comme de flux moyen d’IDE. Le Maroc est d’ailleurs le premier bénéficiaire des financements de l’AFD (Agence française de développement) dans le monde, avec un encours qui s’élevait à 2,4 milliards d’euros à fin juin 2020. Le secteur de l’eau, mais aussi ceux des transports, de l’énergie et de l’équipement industriel sont particulièrement visés par ces financements, comme par les garanties BPI. Notons enfin que les transferts financiers provenant de résidants marocains en France comme des touristes représentent une manne significative.

Sur le plan des échanges commerciaux, nous avons accusé un déficit de 816 millions d’euros en 2019. Le Maroc est notre 19e partenaire commercial – le premier africain. Les principaux postes bénéficiaires en 2019 étaient les produits métallurgiques et métalliques (336,6 millions en 2019), les produits informatiques, électroniques et optiques (205,6 millions).

Les principaux postes déficitaires étaient les matériels de transport (-1343,5 millions d’euros), le textile, l’habillement, le cuir et les chaussures (-646,5 millions), les produits sylvicoles, apicoles et piscicoles (-314 millions d’euros).

La France, premier investisseur étranger du royaume, est présente dans tous les domaines d’activité, mais principalement dans les services (trois quarts du stock). Le premier sous-secteur récipiendaire d’IDE tricolores et celui de la banque et de l’assurance (41,5 %), devant l’immobilier (22,3 %) et en troisième lieu seulement l’industrie (16,7 %). Plus de 950 filiales de sociétés françaises y sont recensées, dont « une trentaine du CAC 40 », selon la DGT.

France-Pologne : des échanges significatifs

On parle beaucoup de la Pologne, mais essentiellement pour dire qu'ils ont un gouvernement dont les pratiques, les méthodes ou la politique, ne conviennent pas aux instances bruxelloises. Nous ne rentrerons pas ici dans ce débat, et nous nous concentrerons sur les aspects bénéfiques de notre relation économique avec cette grande puissance d’Europe orientale.

Depuis la fin du communisme, puis son adhésion à l’Union européenne, la Pologne a connu un essor sans précédent, comparativement supérieur à celui de voisins placés dans la même situation. Tout n’est cependant pas rose, puisque ces trente dernières années se sont traduites par une émigration massive (les fameux plombiers !), particulièrement au Royaume-Uni. Conjuguée à une baisse de la natalité, cette perte de substance humaine a conduit à faire appel à de la main-d’œuvre ukrainienne – le jeu des vases communicants. Malgré tout, avec 38 millions d’habitants, la Pologne représente un potentiel intéressant pour investisseurs ou exportateurs. Les chiffres des IDE, émanant maintenant du GUS (institut statistique polonais) le confirment. En 2018, 1 195 entreprises étaient contrôlées, au moins en partie, par des entités françaises, dont 70 % majoritairement, pour un total d’actifs estimés à 5,9 milliards d’euros (12,8 % des actifs étrangers). Dès lors, nous nous étions – en stock, le troisième investisseur étranger, loin cependant derrière les Pays-Bas (23,2 %) et l’Allemagne (16,6 %).  Cependant attention, pour des raisons fiscales, les Pays-Bas mais aussi le Luxembourg et Chypre tendent à être surreprésentés. Nous sommes très présents dans les télécoms (Orange Polska), la distribution (Auchan, Carrefour), puis l’énergie.

Une forte présence française

Nous générions, en 2017 cette fois, 34,3 milliards d’euros de CA cumulés, derrière l’Allemagne et les Etats-Unis. Plus de 200 000 personnes seraient employées sur place par nos entreprises, en particulier du fait d’Auchan (20 000), de Carrefour (16 000) ou encore d’Orange (15 000). Nous sommes également très bien implantés dans le secteur bancaire, troisième européen derrière l'Espagne et l'Allemagne.

La direction du Trésor évalue donc favorablement notre position dans ce pays d'Europe orientale, le situant dans le cadre « du positionnement stratégique du marché polonais au sein de la chaîne de production européenne […] [et du] fort potentiel du marché intérieur ».  Cependant, elle pointe « des restrictions ponctuelles » quant à la liberté d’investissements extérieurs dans quelques secteurs d’activité (banques précisément, mais aussi médias ou transport aérien), et un processus de « repolonisation de l’économie » qui ne va pas dans le sens du développement des IDE. Pourtant l’agence Invest in Poland évoque de nombreux projets où des IDE seraient les bienvenues. L’Allemagne est, logiquement, le plus gros investisseur de capitaux en Pologne (21 % du total des IDE), en très forte progression après l’adhésion à l’UE. L’effort financier germanique a porté principalement dans le secteur automobile, mais aussi l’externalisation des processus d’affaires (dans l’informatique en particulier).  Les Américains sont également très actifs, dans une nettement moindre mesure toutefois (11 % du total). Les géants sont là, à commencer par Amazon, Philip Morris, Procter & Gamble ou encore International Paper.

La France ne vient donc pas loin derrière avec 10 %. On l’a dit, la grande distribution y est très active (Auchan, Carrefour, mais aussi Leroy Merlin), de même que les constructeurs du secteur de l’automobile (PSA, Valeo, Michelin). Et il ne faut pas oublier les nombreuses PME installées via des filiales ou des participations, plus de 1 000 en tout.

Selon une enquête datant de 2018, menée par l’agence polonaise d’investissement et de commerce extérieur, Grant Thorthon et HSBC, le climat d’investissement en Pologne est perçu favorablement par la plupart des pays, mais d’abord le Royaume-Uni, suivi de la Chine. Les Suédois et les Néerlandais seraient plus réservés de ce point de vue. Ces réticences sont peut-être dues à la survenue de difficultés liées à une réglementation parfois trop changeante, à un système juridique jugé peu efficace, ainsi qu’à une fiscalité compliquée. En revanche, la qualité des sous-traitants et des fournisseurs, à travers une main-d’œuvre efficace, est appréciée par les investisseurs étrangers, toujours au vu des résultats de l’étude précitée.

Solde extérieur France-Pologne : un déficit régulier

Certes, nous ne pouvons que nous réjouir de la pente positive de nos échanges commerciaux avec la Pologne – encore + 5,5 % en 2019. Nous sommes le quatrième partenaire commercial de la Pologne, après une croissance très forte.

Cependant, notre solde est déficitaire. Ainsi, en 2019 toujours, nos exportations faisaient de nous le sixième fournisseur de Varsovie, étaient en hausse limitée de 2,8 % à 101 milliards d’euros (nous étions en sixième position, avec 3,6 %, derrière l’Italie, 5 %), alors que nos importations s’avéraient en augmentation beaucoup plus dynamique, de 8,1 % à 11,76 milliards d’euros (5,9 % des exportations polonaises).

Afin de nous fournir des chiffres plus actualisés, la direction générale du Trésor nous propose une analyse sur la période de juin 2019 à mai 2020. Nous avons exporté principalement des automobiles (10,9 % de nos exportations totales), toujours l’effet de l’intégration des fabrications, puis des machines et équipements d’usage général (7,4 %), des produits pharmaceutiques (6,3 %), et des produits chimiques divers (6,2 %). Ce qui est le plus remarqué, en termes de de variation, c'est la hausse sensible des ventes de produits pharmaceutiques (+28,5 %) alors que celles d'automobiles se tassaient nettement (-18,7 %).

Dans l'autre sens, nous avons acheté, sur la même période et dans l'ordre, du matériel électrique (8,6 %), des automobiles (6,9 %) des équipements automobiles (6,6 %), des meubles (5,7 %). Au chapitre des variations, on notera l’explosion des achats de tabac manufacturé (+ 52,1 %), de matériel électrique (38,2 %), tandis que ceux d’automobiles se tassaient nettement (-13,1 %).

Pologne-reste du monde : un excédent record

En 2020, la Pologne a décuplé son surplus commercial (12 milliards d’euros). En effet, tandis que les exportations ne reculaient que modestement, de 0,3 % à 227, 5 milliards d’euros, les importations fléchissaient bien davantage, de 4,8 %.

La dépréciation de 7 % de la monnaie, le zloty – voilà un outil utile que nous n’avons plus, a soutenu les exportations et, à l’inverse, freiné les achats à l’extérieur. La Banque centrale polonaise a été à la manœuvre dans ce but.

Concernant les importations, qui nous intéressent davantage, elles sont d’abord constituées par les machines et équipements de transports (35,8 %), les produits manufacturés (16,7 %) et chimiques (14,7 %).

74 % des exportations et 55 % des importations étaient réalisées avec des Etats membres de l’UE en 2020, et 6 % - une part en recul, du commerce en moyenne avec des pays d’Europe centrale et orientale.

Du côté des fournisseurs, on note la très forte présence – logique – de l’Allemagne (22 %), devant la Chine (14,6 %). Les ventes s’orientent fortement vers l’Allemagne (29 %), puis la République tchèque (5,8 %), juste devant le Royaume-Uni (5,7 %) et donc la France (5,6 %).

Nos spécialistes de la direction générale du Trésor notent cependant une baisse de la part de l’Allemagne, de l’Italie et de la France depuis une vingtaine d’années. Ils attribuent ce phénomène à la montée en gamme des produits polonais (moins de biens intermédiaires), ainsi qu’à une intégration croissante des économies du groupe de Visegrad – cela rappelle un peu le Comecon !

Des notes conjoncturelles contrastées

Coface publiait récemment une note conjoncturelle relativement contrastée à propos de la Pologne. Elle relevait de nombreux points forts, à commencer par des prix compétitifs, une main-d’œuvre qualifiée et peu chère, son intégration dans la chaîne de production allemande, et bien sûr un marché d’une taille significative. De plus, l’économie est diversifiée et le secteur financier est qualifié de « résilient ».

A l’inverse, les experts de Coface notent quelques points qu’ils jugent négatifs : faiblesse de la R & D, contraste de développement entre l’ouest et l’est du pays et le niveau d’investissement – local – insuffisant. La part de chômage structurel est également trop élevée.

Cela dit, si l’on compare les indicateurs économiques de la Pologne à ceux d’autres pays de l’UE de tailles relativement comparables, nos voisins de l’extrême Est de l’Union n’ont pas à rougir de leurs performances. Le ratio dette publique/PIB est estimé à 57 % en 2021 (118 % en France), le solde public à -4 % (-9 % chez nous) et la croissance à +4 %, après seulement -3 ,4 % en 2020 (-8,3 % dans l’Hexagone). Les différents plans d’investissement appuyés par l’UE devraient soutenir la croissance polonaise, sauf si on coupe le robinet pour des raisons purement politiques – ce qui est très peu probable.


Négométal-C2A : une PME française en Pologne

De nombreuses PME françaises sont donc implantées en Pologne. Négométal a été un des pionniers. « Nous étions parmi les pionniers en Pologne, quelques années après son entrée dans l'Union européenne, car ce pays n'apparaissait pas encore suffisamment attractif pour beaucoup, se souvient Gilles d’Huiteau, son gérant. Spécialisés dans les services du monde du transport, poursuit-il, nous avons installé une filiale en Pologne, afin de mettre à profit l’extraordinaire embellie de ce secteur là-bas depuis quinze ans.  Songez, s’exclame-t-il, qu'un de nos clients est passé d'un seul camion à une flotte de 100 pendant cette période ! »

 Sur le plan des relations humaines, Gilles d’Huiteau évoque « une longue période avant que nos interlocuteurs nous fassent confiance, une exigence quant à la qualité du service rendu, qui doit être irréprochable, ainsi qu’une attention toute particulière au prix ». Cependant, en dépit de ce qui se dit souvent, il ressent les Polonais comme pro-européens, regardant ce qui se passe à l’Ouest.

Alors, quel métier Négométal exerce-t-il, en Pologne, et en France bien sûr ? Il s'agit de la location d'appareils de télépéage aux transporteurs.  Négométal, qui compte soixante-dix collaborateurs en tout, dispose d’une équipe sur place de huit personnes. Gilles d’Huiteau dévoile son projet : « Cette implantation était indispensable pour deux grandes raisons, d’une part la nécessité d’avoir localement une cellule parlant polonais, alors que nos interlocuteurs chez nos 500 clients sur place ne maîtrisent pas le français, ni l’anglais, une cellule à même également d’être en contact avec les autorités fiscales du pays ».

 « D’autre part, nous proposons une location sans garantie de paiement des télépéages, alors que nos confrères implantés hors de Pologne exigent une garantie portant sur deux mois, deux mois et demi de péages et se reportent sur un assureur-crédit qui ne va pas suivre, en règle générale, en raison de l’absence de publication des comptes des sociétés en Pologne. » Les clients de Négométal alimentent un compte à concurrence de la somme habituellement réglée par quinzaine, sur lequel leurs dépenses seront prélevées. Un algorithme fait évoluer le montant du dépôt en fonction des débours réellement effectués. Négométal présente une facture globale au client qui lui permettra de récupérer la TVA et de bénéficier de remises sur le prix des péages.

La société sœur de Négométal, C2A, propose également en Pologne les services de sa carte éponyme, destinée principalement aux transporteurs routiers mais aussi aux gestionnaires de flottes automobiles. C2A est une carte de débit Mastercard, « seule
à proposer en Europe le règlement de dépenses prépayées, dans les stations-service de nombreux réseaux avec, grâce à ses partenariats, la possibilité d'obtenir des remises,
ainsi qu’une facturation centralisée, permettant la récupération de la TVA et des droits d’accises ».
Le réseau est significatif en France (Leclerc, Esso, ENI…), au Luxembourg, en Autriche, en Belgique et bientôt en Italie. Bien entendu, C2A, carte Mastercard, ouvre l’accès au réseau mondial de 9’acceptation de la carte.

Québec : en recherche d’impatriés et de repreneurs dans le tourisme

Les frontières internationales s’ouvrent, et avec ce phénomène l’appétence des voyages. Des voyages de loisirs, d’affaires mais aussi pour de longues périodes, voire une expatriation. Le Québec renoue ainsi avec sa politique d’immigration choisie et qualifiée, forcément ralentie au cœur de la crise sanitaire.

Cette immigration est sélective. Deux critères apparaissent toujours fondamentaux : tout d’abord la qualification des demandeurs, en fonction des besoins ressentis par la Belle Province, ensuite leur francophonie. Priorité sera donc donnée aux locuteurs de notre langue, en particulier les Français, mais pas seulement.

Quand on parle de qualification, il ne s’agit pas principalement de spécialistes en nouvelles technologies, mais de personnes maîtrisant un métier, comme les boulangers, les cuisiniers… Là où une rareté de main-d’œuvre existe au Québec.

Une politique très pragmatique

Ces expatriés vont trouver à s’employer sur place, sous réserve de leur agrément par les autorités. Ils peuvent aussi trouver au Québec des opportunité d’entrepreneuriat. Là encore, il faudra faire valider son visa – donc son projet. Dans ce contexte, l’agglomération de la ville de Québec, capitale éponyme de la Province, propose, au travers de sa structure Québec International, de mettre en relation des cédants et des personnes intéressées pour reprendre leur entreprise. L’accent est particulièrement mis sur le domaine du tourisme. Quand on parle de l’industrie touristique, Carol Gilbert, directeur intérimaire start-ups et entrepreneurs de Québec International, précise d’emblée que l’acception de ce domaine au Québec est large : hébergement et restauration, mais aussi boulangeries et chocolateries, entreprises de divertissement ou d’excursions…

En somme, tout ce qui permet aux visiteurs de profiter du cadre et de vivre cette expérience dans les meilleures conditions. Le tourisme, évidemment mis en sommeil pendant deux ans sur le plan des voyages internationaux, devrait repartir fortement dans les prochains mois ou les prochaines années. Les Canadiens en premier lieu, les citoyens des USA, les Français bien entendu qui séjournent plus longuement, en moyenne quinze jours, mais aussi d’autres Européens, à commencer par les Britanniques, ou encore les Chinois et les Japonais, constituent une clientèle notable une chalandise attractive pour entrepreneurs et donc repreneurs dans cette industrie.

Carol Gilbert souligne que le tourisme national au Québec a fortement crû ces deux dernières années. Le secteur touristique compte 32 000 entreprises au Québec, dont 82 % ont moins de 20 employés, et que 68 % – c’est à noter – se situent à l’extérieur de Montréal et de l’agglomération de Québec. 35 millions de touristes sont accueillis en moyenne chaque année, dont 9 millions hors Québec. Ils procuraient 10,4 milliards de dollars canadiens en 2018, essentiellement pendant la haute saison, de juin à septembre.

Se faire accompagner dans la reprise

Carol Gilbert souligne que les repreneurs sont coachés et accompagnés dans la mise en place et le développement de leur projet par la structure Québec International, comme par les autres agences de développement régional de la Province, cela en collaboration étroite avec le CTEQ.

Le CTEQ (Centre de Transfert d’Entreprises au Québec) est un organisme à but non lucratif qui a pour vocation « d’assurer la pérennité des entreprises québécoises, particulièrement celles du secteur touristique. Elle assiste aussi bien les cédants que les repreneurs potentiels ».

L’enjeu en matière touristique est crucial, puisque, rapporte Carol Gilbert, 15 000 entreprises devront trouver un repreneur dans les cinq à dix ans, faute de successeurs. Et les entrepreneurs locaux n’y suffiront pas. D’où la volonté du Québec de chercher ou d’encourager les profils à l’étranger, bien sûr en premier lieu en France, compte-tenu de nos liens culturels.

Entreprendre au Québec nécessite, comme dans d’autres pays, une préparation adéquate. Vous pouvez, pour découvrir les opportunités, visiter des sites tels que placedescommerces.com/ca ou fusacq.com mais Carol Gilbert conseille aux personnes intéressées de se rapprocher très en amont du projet de structures telles que Québec International, ou d’autres agences régionales, en coordination avec le CTEQ, qui seront à même de les accompagner, au besoin jusqu’à la signature de l’acte de cession.

Sur le plan social et fiscal, l’environnement est plutôt plus favorable qu’en France. Carol Gilbert fait valoir un coût du personnel globalement moins élevé que chez nous. Selon lui, la durée moyenne de finalisation d’un projet de reprise est de douze mois. Des spécificités juridiques peuvent, quoi qu’il en soit, exister, et il est conseillé de se faire aider par des spécialistes dans ce domaine.

Mexique : un géant discret

Une grande partie du commerce extérieur de la France s’effectue avec les pays d’Europe, spécifiquement ceux de l’UE, et au-delà, avec des Etats majeurs sur le plan économique (USA, Chine, Royaume-Uni en particulier). Dès lors, nos échanges avec l'Amérique latine au sens large sont relativement restreints en pourcentage, ce qui ne veut pas dire que des opportunités n’existent pas à leur échelle pour nos PME–PMI et ETI.

Parmi ces pays d’Amérique latine, le Mexique est un acteur qu’il faut regarder de près. Il est majeur sur ce continent pour la France. L’ancien empire aztèque bénéficie de plusieurs côtés favorables, à commencer par sa démographie (128 millions d’habitants), ses ressources pétrolières, un vrai outil industriel aussi, avec une main-d’œuvre qualifiée. Le revenu de ses habitants est, qui plus est, qualifié par les spécialistes « d’intermédiaire élevé ». Alors, bien sûr, le Mexique est orienté prioritairement vers les Etats-Unis qui, d'une part absorbent, dans le cadre de l’Alena, une grande partie de ses exportations, d'autre part lui procurent des ressources financières à travers le rapatriement de sommes gagnées par l'immigration chez les « Yankees », ainsi que les appellent couramment les descendants d’Espagnols et d’Indiens.

En second lieu, le reste de l’Amérique latine, et bien sûr le Canada, sont des partenaires importants du Mexique. Parmi les Européens, c’est l’Espagne, ancienne puissance coloniale, qui mobilise le plus les échanges. Cependant, notre position dans ces échanges est loin d’être négligeable. Le Mexique était ainsi encore en 2020 notre deuxième partenaire commercial, derrière le Brésil, avec toujours un solde positif, bien que nettement réduit, du fait principalement de la baisse significative de nos livraisons d’aéronefs.

Les exportations temporairement en recul

Alors que nos exportations étaient sur une pente ascendante toutes ces dernières années, et avaient connu une hausse de 6,5 % en 2019, 2020 a été marquée par un recul de 20 % des échanges bilatéraux, essentiellement dû à la faiblesse de nos ventes, puisqu’elles ont baissé de plus de 1 milliard d’euros à 2,6 milliards, tandis que nos importations s’effritaient tout juste à 2,3 milliards.

Nos cinq premiers postes d’exportation constituant plus de 75 % du total sont, dans l’ordre, les matériels de transport, principalement avions, mais aussi matériel ferroviaire – rappelons que la France construisit le métro de Mexico, avec 655 millions d’euros en 2020. Suivaient les produits manufacturés divers (19,8 % du total à 460 millions), les produits informatiques, électroniques et optiques (19,3 % à 447 millions), les équipements électriques et ménagers (6,5 % à 151 millions) puis les machines industrielles, agricoles et diverses, avec 6 % et 138 millions.

Les produits pharmaceutiques, ou encore le poste « produits chimiques, parfums et cosmétiques », viennent assez loin, ce qui laisse entrevoir une réalité bien différente de nos ventes, par rapport à l'Asie par exemple.

Une situation économique plutôt solide

Les spécialistes du crédit export, comme Credendo ou Coface, établissent un bilan contrasté, mais plutôt positif, de la situation économique et politique du Mexique. Pour un investisseur – et nos IDE sont dynamiques, on le verra supra, il est bon de savoir où on met les pieds. Les points forts relevées par Credendo sont, en particulier, une dette contrôlée, la présence d’un secteur manufacturier significatif – le Mexique étant en concurrence avec la Chine, on le sait, comme atelier du monde, surtout pour les Etats-Unis, et sa diversification économique. Le taux de change flottant donne de la flexibilité, tandis que les réserves de change permettent de voir venir. Du côté du revers de la médaille, Coface cite, en particulier, l'insuffisance des infrastructures (transport, santé, éducation), une base d’imposition étroite, ou encore un niveau élevé de corruption dans un contexte de criminalité malheureusement exacerbé.

Le Mexique a connu, comme partout ailleurs, une forte récession en 2020 (-8,5 %) après des années 2018 et 2019 déjà moyennes. Les estimations de croissance pour 2021 se situent dans la fourchette 2,5 % -3 %, à peu près la même chose en 2022. En revanche, les autres indicateurs économiques sont plutôt au vert. Ainsi, le solde public c’est établi à -3,6 % l’an dernier, bien sûr en hausse notable, mais relativement peu en égard à ce qui s’est passé dans la plupart des autres pays du monde. Il devrait se maintenir sur ce seuil en 2021, selon Coface et Credendo.

Le solde courant est même faiblement positif, alors que la dette publique demeure à un niveau assez bien contrôlé (65,6 % du PIB), de même que l’inflation, à 3,3 %.

Un gouvernement aux tendances étatistes

Quoi qu’il en soit, force est de constater avec les experts de Credendo que, bien que le Mexique à ce propos ait été le moins restrictif d’Amérique latine avec le Brésil (on parle plus de ce dernier, n’est-ce pas !) en matière de lutte contre la pandémie, la décroissance y a été plus forte que la moyenne régionale.

Credendo attribue ce surcroît de déficit à la modification des règles du jeu pour les investisseurs, ce qui a engendré un certain attentisme. L’assureur belge énumère un certain nombre d’abandons de projets majeurs : construction d’un aéroport, annulation d’achats d’électricité par système d’enchères… Et puis, bien sûr, l’austérité budgétaire pratiquée par le président Lopez Obrador.

Malgré tout, l’assureur-crédit belge envisage une croissance de plus de 4 % cette année, Coface, étant beaucoup moins optimiste à cet égard. Les experts de Credendo misent sur un impact marqué du méga-plan de relance aux Etats-Unis. L’effet du ruissellement en somme ! Naturellement, l’évolution de la crise sanitaire peut influer notablement sur le résultat final.

Faire des affaires au Mexique, au-delà des problèmes de corruption ou de criminalité, c’est évidemment aussi se prémunir contre les défauts de paiement. On s’attend, en effet, à une hausse des défaillances dans le privé, dans la mesure où le gouvernement de Manuel Lopez Obrador a été parcimonieux dans ses soutiens pendant la pandémie, en les réservant essentiellement aux ménages modestes, donc pas ou peu à des entreprises privées.

Les experts de Credendo mettent également en exergue l’intervention étatique qui peut être nuisible pour leur expansion (révisions de contrats inattendues, augmentation substantielle du salaire minimum en 2021, nouvelles réglementations, collecte d’impôts supplémentaires frappant les grandes entreprises…). En revanche, la reprise du tourisme à moyen terme dopera certains secteurs d’activité et les comptes nationaux. Sur le plan politique, le gouvernement de Manuel Lopez Obrador est moins solide au fil du temps, mais la popularité du président demeure élevée. Le risque politique est considéré comme faible.

IDE : toujours en baisse

Sur l’ensemble de la région Amérique latine, les IDE ont fortement reculé, de 45 % à 55 % en 2020. Si cette chute brutale est en grande partie liée à la pandémie, il convient cependant de relever que ces mêmes IDE avaient déjà reculé notablement de 8 % en 2019 dans les pays de l’Amérique latine. Pour ce qui concerne le Mexique, il demeure à une place élevée dans le classement des récipiendaires d’IDE dans le monde, la 14e, juste derrière la France et devant la Russie en termes d’attractivité. Il s’avère le deuxième Etat d’Amérique latine derrière le Brésil dans ce cadre. Le montant des IDE reçus dans l'ancien empire des Mayas en 2019 atteignait plus de 34 milliards de dollars US. Le stock total se montait à plus de 600 milliards d'euros fin 2019. La France y est le neuvième investisseur, au Mexique, loin derrière les Etats-Unis (47 %) mais aussi l’Espagne (12 %) et le Canada (7 %). Nous arrivons en cinquième position des pays de l’UE. C’est le secteur industriel qui est le plus prisé par les investisseurs étrangers (47 % des flux en 2019), principalement du fait dernièrement de rachats d’entreprises locales, en particulier dans le secteur des infrastructures.

La bonne place du Mexique dans ce concert des destinataires d’IDE serait due, selon les experts du Trésor public français, à ce qu'il est « un des pays émergents les plus ouverts aux IDE ».

Près de 500 entreprises tricolores y sont présentes, dont 38 du CAC 40. Nos investissements, selon les données du Trésor, se montent à plus de 9,5 milliards de dollars US et permettent 150 000 emplois directs (dont 80 % hors de la capitale). Nous intervenons dans des secteurs très variés : aéronautique, automobile, énergie, agroalimentaire, services financiers et d’assurance.

Plus généralement, les IDE réalisés au Mexique le sont essentiellement dans les secteurs suivants : industrie (automobile en premier lieu), télécommunications, numérique et santé. Notons que les services financiers ont été particulièrement percutants de ce point de vue en 2019 (33 % des IDE), moins cependant que les télécoms-médias (61 %). A contrario, les investissements dans le domaine de l’énergie ont lourdement chuté en 2019 (-75 %), l’Etat étant venu au secours de la compagnie pétrolière national Pemex, en difficulté, ainsi que du service public d'électricité.

Ce faisant, il convient de noter que le gouvernement mexicain a bâti fin 2020 un plan d'investissements dans les infrastructures du pays d’un montant de 20 milliards de dollars US. Les secteurs touchés sont prioritairement ceux de l’énergie, des transports et du tourisme. La participation d'investisseurs privés à une partie des projets est prévue. Peut-être donc des opportunités à saisir !

Pour finir ce chapitre Mexique, nous souhaitons souligner que 80 % des exportations mexicaines sont destinées au marché US, phénomène en bonne partie lié au niveau d’intégration élevé de son industrie dans la chaîne de valeur américaine. Le Mexique est d’ailleurs devenu le premier partenaire des Etats-Unis en 2019 (2e client, 2e fournisseur). Son sort est donc grandement lié à la forme économique de son grand voisin.

Commerce extérieur 2021 : un très mauvais millésime  

 

Comme chaque année à la même époque, nous vous proposons une courte étude, accompagnée d’une analyse, de notre commerce extérieur sur l’exercice précédent. Force est de constater que les choses ne s’arrangent pas, puisque les spécialistes de la Direction des douanes et des droits indirects pointent au moins trois défauts à notre cuirasse.

Ces trois défauts principaux sont, en premier lieu, un déficit catastrophique qui ne cesse de s’alourdir, en 2021 à 84,7 milliards d’euros, 20 de plus qu’en 2020. Bien entendu, ce surcroît de déficit est tiré par l’énergie, dont les prix ont augmenté très vite, mais aussi par le poste des produits manufacturés.

Le deuxième défaut, c’est que, si nos exportations ont augmenté de 17 % (après -15,8 % en 2020), elles demeurent 2 % en dessous de celles de 2019, alors que, remarquent les mêmes analystes, « les exportations de nos principaux partenaires européens ont dépassé leur niveau d’avant-crise de 3 à 9 % […] ».

Le troisième défaut, qui découle du précédent, c’est que la perte de parts de marché de notre pays « quasi-ininterrompue depuis 2010 » se poursuit.

L’accroissement du déficit s’explique par une progression un peu plus soutenue des importations (+18,8 % après -13 % en 2020, année où elles avaient mieux résisté que nos ventes à l’extérieur du reste). Là encore, l’effet de l’inflation donne une impression d’augmentation des volumes infondée. Car les hausses de prix, on le sait, ont été considérables en 2021, et continuent à l’être. On pense aux hydrocarbures (+93 % pour le pétrole), mais de nombreux produits manufacturés ne sont pas en reste (+6 % en moyenne). Le solde manufacturier (-65,7 milliards d’euros), figure d’ailleurs désormais comme celui qui altère le plus l’équilibre de nos échanges, assez loin devant celui du solde énergétique (-43,1 milliards d’euros).

A l’inverse, notre solde agricole demeure positif, mais à un niveau fort famélique (+0,8 milliard d’euros), loin de nos standards habituels. En revanche, l’agroalimentaire s’est bien comporté, avec des exportations en hausse de 14,6 %, tirées par la faveur de nos boissons (+24,7 %), en particulier le champagne et le cognac. Plus généralement, le luxe apporte une contribution très positive à notre commerce extérieur, encore plus que d’habitude. Ainsi en a-t-il été de nos parfums, cosmétiques et produits d’entretien (+18,2 %), du cuir, des bagages et chaussures (+26,7 %), enfin des articles d’habillement (+20,4 %).

Si nos exportations de produits pharmaceutiques ont été étales, elles demeurent cependant à leur plus haut niveau historique. Sans rentrer dans tout le détail des postes, celui des produits chimiques de base s’est avéré très positif (+34 %), alors que celui des matériels de transport (+7,7 %) était un tantinet faiblard, après une lourde chute de 33,3 % en 2020. Tandis que la pénurie de composants frappait la production automobile, la reprise en dents de scie du trafic aérien freinait les initiatives des compagnies. C’est ainsi que, si l’automobile s’inscrivait malgré tout en reprise de 9,6 % (en-deçà de 12 % par rapport à 2019), les produits de la construction aéronautique et spatiale ne se relevaient que de 5,5 % en 2021, atteignant ainsi à peine plus de la moitié de leur niveau de 2019. Et quand l’aéronautique ne va pas, rien ne va pour limiter notre déficit commercial structurel. 

Des importations accrues par une absence d’offre interne pertinente

Rien de très réjouissant dans ces chiffres. Bien entendu, bon nombre d’entreprises, grands comptes mais aussi PME, tirent bien leur épingle du jeu, au-delà de ces chiffres macro-économiques assez sinistres. Mais ce qui est un peu inquiétant, c’est que l’on semble recroquevillé sur nos points forts, du luxe et du savoir-vivre à la française. En attendant, bien sûr, la reprise du secteur aéronautique. Ce manque de compétitivité dans les autres secteurs se retrouve dans la progression de nos importations. La reprise de notre consommation profite ainsi en premier lieu aux vendeurs étrangers, par suite d’un manque de compétitivité de nos produits ou en raison de l’absence d’une offre intéressante pour répondre à la demande.

Les analystes de la Direction des douanes et des impôts indirects relèvent ainsi que les volumes de produits manufacturés ont même augmenté plus nettement que la demande intérieure (respectivement +9,6 % et +6,6 %). Bémol cependant, on peut observer une évolution similaire dans d'autres pays européens.

Quoi qu'il en soit, du côté des importations, on ne peut que souligner le fort rebond des importations d’énergie (+75,2 % après -40,5 % en 2020).

En regardant plus en détail le tableau, on note la progression du poste des produits agroalimentaires (+10,3 % à 46,2 milliards d’euros), de celui de la pharmacie (+8,1 % à 32,7 milliards), avec les vaccins et autres produits anti-Covid, tandis que celui du textile-habillement se replie de 2,6 %, à la faveur de la baisse sensible du poste des importations de masques de protection (355 millions d’euros, après 5,9 milliards – une paille – en 2020).

Côté automobile et aéronautique, même constat que pour les exportations. Se fondant sur une étude davantage macro-économique, les experts notent que la croissance des importations est tirée en premier lieu par la consommation intermédiaire et l’investissement, ce qui est une donnée plutôt positive, en revanche.

Comparaison n’est pas raison, dit-on. Il est quand même bon de savoir où en sont nos voisins dans ce contexte. On va dire que le commerce extérieur de nos voisins du Sud a davantage repris que le nôtre et que celui de l’Allemagne, si l’on se réfère à l’UE à 27.  Par exemple, les exportations et importations espagnoles ont respectivement progressé de 20,6 % et 24,1 %, celles de l’Italie, de 18,4 % et de 24,1 % dans les mêmes termes. Pour l’Allemagne et la France, le redémarrage est plus poussif. Nos exportations ont progressé de 15,1 %, celles de l’Allemagne de 13,5 %, tandis que nos importations respectives se redressaient de 18,1 % et de 16,3 %.

Recul en Afrique, bonne performance avec les USA

Si l’on compare les données par rapport à 2019, année de référence plus significative, les importations 2021 dépassent leur niveau de 2,2 points en France, mais de 6,1 en Espagne, 7,6 en Allemagne et même 8,7 en Italie. Du côté du des exportations, nous sommes à 3,9 points en dessous du niveau de 2019, alors qu’à l’inverse, l’Allemagne (+2,5 points), l’Italie (+6,9 points) et surtout l’Espagne (+8,8 points) progressent.

Quelles sont les zones géographiques où nous tirons le mieux notre épingle du jeu dans ce contexte ? En termes de soldes, ce qui compte en termes d’analyse macro-économique. Notons d’abord que, sur notre terrain de jeu privilégié, l’Union européenne, nous buvons la tasse avec 56,7 milliards d’euros de déficit en 2021, après une certaine stabilité les années précédentes, autour des 45 milliards d’euros en négatif.

Parmi les pays tiers, toujours une belle performance avec le Royaume-Uni, tant vilipendé par les dirigeants de l’UE pendant la passe du Brexit. L’excédent est toutefois en baisse régulière, atteignant en 2021 7,6 milliards d’euros (-2,2 milliards par rapport à 2020), en raison d’un tassement relatif de nos ventes et du coût supplémentaire de nos importations d’énergie. L’Amérique au sens large nous est aussi profitable, dégageant un excédent de 3,6 milliards d'euros, porté pour les deux tiers par les USA. Côté Asie, on pousse toujours le bouchon un peu plus profondément avec 47 milliards de déficit, dont 34,6 pour la Chine et Hong Kong, même si notre solde avec la Corée du Sud a subi également un important solde négatif supplémentaire, en l’occurrence de 1,7 milliard d’euros, par rapport à 2020.

Pour remettre les choses en perspective, il faut détailler les soldes, en les relativisant. Ainsi notre solde positif avec le Royaume-Uni résulte de la différence entre des ventes de 29,2 milliards d’euros et 21,6 d’achats. Celui – négatif – avec la Chine et Hong Kong, met en balance 64,4 milliards d’achats et 29,8 de ventes pour un montant donc élevé. Nous exportons en Allemagne, premier partenaire commercial, pour 68,6 milliards d’euros, contre 81,4 d’achats.

Nos résultats dans les autres grandes régions géographiques mondiales sont en berne.

En Afrique où nous renouons avec une mauvaise passe, la vive reprise de nos importations à 25,6 milliards d’euros pousse notre solde dans le rouge, alors que nos exportations vers ce continent porteur de la dynamique émergente de demain, ne progresse que mollement, à 23,5 milliards d’euros. Ce qui aboutit à un solde négatif de 2,1 milliards. Et pourtant, les pouvoirs publics ont mis l’accent sur cette destination.

Quant au Proche et Moyen-Orient, notre solde reste négatif, mais s’améliore à -3,5 milliards d’euros, en dépit de la hausse des cours du pétrole.

Notons que, puisqu’on parle beaucoup de la Russie en ce moment, notre solde avec les pays des tsars s’est aggravé de 2,7 milliards d’euros. La hausse du prix du gaz n’y est pas pour rien, bien entendu.

Afrique : un moteur de croissance pour l’avenir

Le développement à l’international nous permet et nous permettra de tirer notre croissance. Trop peu de nos PME-PMI, dont le secteur s’y prête pourtant, s’intéressent à la conquête de marchés dans le reste du monde. Et celles qui le font demeurent prudemment dans l’Union européenne. Or, au-delà des avatars de la période pandémique et post-pandémique, qui changent momentanément la donne, la croissance demeurera plus faible en Europe que dans le reste du monde. A cet égard, on pense souvent à l’Asie et beaucoup moins à l’Afrique. C’est cette perception faussée de ce continent que les autorités françaises veulent changer.

L’équipe de France de l’export, « Team France Export », est à la manœuvre pour booster notre commerce et notre développement en Afrique, agglomérant en particulier les compétences et le savoir-faire de Business France, des CCI, ainsi que de Bpifrance. Nous nous sommes entretenus avec Pedro Novo, directeur exécutif Export de Bpifrance à propos de l’intérêt de l’Afrique en termes de relais de croissance pour nos PME et des actions concrètes menées pour les favoriser.

Conquérir : Pourquoi faut-il s’intéresser à l’Afrique aujourd’hui ?

Pedro Novo : Je dirais effectivement qu’il ne faut pas perdre de temps, car l’Afrique représente une source essentielle pour la croissance du secteur privé - et au niveau national. Les deux ans qui viennent seront cruciaux. La croissance de l’Afrique, vue dans son ensemble, a été très dynamique ces dernières années – 5 % en moyenne – et elle devrait se maintenir ainsi pendant longtemps, tant le continent est vaste et sa démographie puissante. Sa population devrait ainsi doubler d’ici 2050, atteignant alors 2,5 milliards d’habitants. La consommation devrait ainsi mécaniquement progresser et même vraisemblablement davantage, à l’aune de l’émergence des classes moyennes. En conséquence, les besoins d’infrastructures dans des domaines clés, comme l’énergie – en particulier renouvelable – le traitement de l’eau, le transport, mais aussi le tourisme et l’agroalimentaire devraient beaucoup se développer. Et cela offre de véritables opportunités pour nos entreprises françaises et leurs savoir-faire. Bien entendu, tout n’est pas si facile. Je pense à la problématique de l’endettement des Etats, à une qualité de risque difficile à cerner, et à un cadre d’interventions complexes, liées à la présence de multiples guichets, quoique nous ayons bien simplifié la route à cet égard avec la Team France Export.

Conquérir : La diplomatie française est à l’œuvre pour favoriser notre conquête de marchés en Afrique, et aussi permettre aux pays qui le composent de résoudre les difficultés, en particulier celles liées à la crise du Covid. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Pedro Novo : Effectivement, 2021 et 2022 vont être jalonnées de rendez-vous importants à cet égard. Ils suivent des événements s’inscrivant dans le même esprit qui ont eu lieu en 2020, comme la manifestation Big où le Président de la République a accueilli le chef de l’Etat du Kenya, C. Kenyatta. L’idée était alors de renforcer nos liens avec ce pays, et au-delà,

l’Afrique de l’Est. En 2021, voici quelques temps forts. Les 18 et 19 mai a eu lieu à Paris le sommet multilatéral relatif au financement du continent africain, à l’issue de la crise du Covid-19. Puis, une importante réunion d’entrepreneurs et de personnalités, tant françaises qu’africaines, était organisée à Abidjan début juin. Deux autres devraient suivre courant 2021, l’une à Nairobi, l’autre à Casablanca. En octobre, cette fois à Montpellier, une convention réunira un millier de patrons de PME-PMI de toutes tailles, pendant laquelle sera évoquée la nouvelle relation entre la France et le continent africain. Enfin, en février 2022, une manifestation de rencontres entre Européens et Africains est prévue.

Conquérir : Voilà un agenda bien chargé. Quel en est le propos ?

Pedro Novo : Il s’agit d’encourager les entrepreneurs français à saisir davantage les opportunités commerciales et de croissance, qu’offre l’Afrique. Tout cela se fait aussi en lien avec l’action politique du Président de la République sur le continent. Pour cela, il nous faut démystifier le risque qui y est associé dans l’esprit de nos dirigeants de PME- PMI. . Ils pensent qu’investir – en temps et en argent – en Afrique peut être trop couteux, voire également trop risqué. Le retour sur investissement vient certainement un peu moins vite qu’ailleurs, mais lorsque le point mort est dépassé, le résultat est particulièrement satisfaisant pour les entreprises qui se lancent. Pour avoir de bonnes chances de réussite, il convient d’abord de se faire à l’idée que l’Afrique a changé ces dernières années. Les Africains souhaitent s’inscrire dans une logique de partenariat, et que chacun des partenaires y trouve son avantage, en termes économiques comme sociaux. Nous conseillons donc à nos clients de s’établir dans leurs pays stratégiques, de faire de leurs entreprises des entreprises africaines, de transférer les compétences par une formation active, de valoriser les managers locaux et, c’est vrai aussi, de ne pas hésiter à surfinancer les projets, en se fixant un objectif de ROI à cinq ans, voire dix ans. C’est le prix du succès, et ceux qui ont réussi vous diront que ça vaut le coup !

Conquérir : Vous avez évoqué l’agenda Afrique au plus haut niveau de l’Etat. Qu’en est-il de celui de Bpifrance ?

Pedro Novo : En déclinaison de l’agenda de l’Etat, nous avons notre propre plan Afrique sur la période 2020-2025, avec des objectifs ambitieux en matière de financement et de garanties export. Nous comptons doubler notre activité à ce titre sur le continent africain pendant cette période, avec un renforcement notable du crédit export, au-delà de 1 milliard d’euros, mais aussi en matière de garanties et d’Assurance-Prospection, que nous gérons depuis 2018, via notre filiale Bpifrance Assurance Export (l’agence française de crédit à l’export en charge de la gestion des garanties publiques à l’exportation au nom, pour le compte et sous le contrôle de l’Etat). Le crédit export, octroyé par les banques françaises et auquel nous apportons la garantie de l’Etat via Bpifrance Assurance Export facilite évidemment les choses, puisqu’il aide le client final africain à se positionner dans l’achat de technologies et de services français. Les taux d’intérêt sont, en effet ceux de la zone euro, plus bas qu’en Afrique tout en offrant des maturités d’amortissement plus longues que ce qui est proposé sur le continent. Dès 1 million d’euros, nos entreprises sont ainsi en mesure de proposer une offre technique financée, ce qui est une attente forte de nos partenaires en Afrique.

D’autre part, nous poursuivons notre stratégie de soutien du capital investissement africain, via notre dispositif commun avec Proparco en fonds de fonds Averroès Africa et comptons déployer ainsi 130 millions d’euros dans les cinq ans à venir. Au-delà de l’importance des sommes en tant que telles, notre présence dans l’opération permet de faciliter les levées de fonds des start-up et PME du continent. C’est ainsi, que depuis le lancement du premier véhicule Averroès en 2003, nous avons permis aux partenaires de lever plus d’un milliard d’euros pour investir sur le continent africain. Pour les 4 prochaines années ce sont ainsi plus de 1,5 Mds € qui en levier seront injectés via les fonds partenaires Notre appui facilitera certainement le développement de nouvelles filières, comme celle du tourisme, très inégalement développé sur le continent.

Conquérir : Développez-vous des actions non directement d’ordre financier pour appuyer la démarche de nos PME et ETI ?

Pedro Novo : Certainement, et la plupart du temps en coopération avec nos partenaires, en particulier de Business France. Nous avons ainsi lancé en février un programme spécifique haut de gamme destiné à 25 PME et ETI françaises, dénommé Accélérateur Afrique. Ainsi, au travers d’un programme d’immersion collectif de 12 mois, nous aidons ces dirigeants à bâtir un business plan, à organiser leur logistique, à préparer la rédaction de leurs contrats.

Parallèlement, nous croyons beaucoup à la mobilisation de la diaspora pour conquérir des marchés dans leurs pays d’origine ou ceux de leurs parents. C’est ce que nous appelons le Pass Africa. Nous avons créé à l’intention de jeunes entrepreneurs, souvent issus de quartiers populaires, des sessions d’entraînement, baptisées Fast Track, qui incluent mentorat, coaching approprié, accélérateurs de financement. Nous nous assurons, avant qu’ils se lancent, qu’ils aient coché toutes les cases, en particulier celle des mécanismes que Bpifrance et l’Etat mettent à leur disposition. Mais nous parlons souvent de l’Afrique dans sa globalité, alors que

l’Afrique, ce sont 54 réalités différentes.

Conquérir : Nous allons en avoir un aperçu avec vos chefs de bureaux à Abidjan et à Nairobi.

Propos recueillis par Alain Gazo


Afrique : 54 réalités différentes

Bpifrance dispose d’un réseau de cinquante agences en France métropolitaine et dans les DOM-TOM, ce qui représente un maillage très significatif, à même de traiter les demandes de PME–PMI ou d’ETI désireuses de se développer à l’international, mais aussi de leur faire remonter des besoins identifiés par les équipes de Bpifrance à l’étranger. Elle dispose à ce jour de neuf agences dans le monde, dont trois en Afrique (Dakar, Abidjan, Nairobi), bientôt quatre avec l’ouverture de Casablanca en fin d’année. Cela souligne encore l’importance que Bpifrance accorde aux opportunités d'affaires sur ce continent. Les chefs de bureau sont au plus près du terrain. C'est pourquoi nous avons souhaité avoir un échange avec deux d'entre eux, Arnaud Floris (Abidjan) et Mourad Chouiqa (Nairobi).

Pour faire simple ils sont en quelque sorte responsables, le premier de l’Afrique occidentale et centrale, le second de l’Afrique de l’Est et australe. Des environnements différents en soi d’un bord à l’autre du continent, mais aussi entre Etats de la même zone. La pandémie a également marqué les économies de manière très inégale. « Les pays à forte dominante d’exportations agricoles ont mieux résisté économiquement que ceux principalement exportateurs de pétrole », note ainsi Arnaud Floris.

Bien entendu, la zone francophone est davantage prisée par nos entrepreneurs que la lusophone ou l’anglophone. La Côte d’Ivoire, qui tend à devenir la base d’installation de nos entreprises en Afrique de l’Ouest, à partir de laquelle elles peuvent rayonner, mais aussi le Sénégal, où nous demeurons n° 1 des exportateurs, sont, à juste titre, particulièrement recherchés.

Cependant, il ne faut pas négliger, souligne Arnaud Floris, des pays plus petits, mais néanmoins dynamiques, où la croissance est forte, au-delà de 5-7 % au long cours, comme le Togo ou le Bénin. Néanmoins, la concurrence internationale y est féroce, celle des Chinois et des Indiens tout spécialement.

Alors, dans la mesure où notre technologie est souvent appréciée, dans le traitement de l’eau, les infrastructures industrielles, le transport, les énergies renouvelables, la logistique… nous pouvons, en challengers, tenter notre chance sur d’autres zones en développement.

En Afrique de l’Est, Mourad Chouiqa recommande le Kenya, où il est installé, un pays avec lequel le président de la République a souhaité développer nos relations, et où l’activité est tonique, dans un environnement politique actuellement stable.

Mais, signale Mourad Chouiqa, d’autres Etats de la sous-région sont également intéressants à suivre, comme la Tanzanie, où la banque publique d’investissement a pu financer la vente d’équipements français dans le secteur de l’agroalimentaire, au travers d’une solution de Crédit Export.

En Afrique australe, Mourad Chouiqa signale la croissance soutenue du Rwanda, qui rend ce pays digne d’attention. Pour ce qui est de l’Afrique lusophone, également surveillée par l’agence Bpifrance de Nairobi, c’est plus compliqué, pour des raisons diverses, aussi bien la Guinée-Bissau que le Mozambique ou l’Angola.

Quant à la partie occidentale, Arnaud Floris évoque l’énorme potentiel que représente le Nigéria, avec ses 300 millions d’habitants où, à lui seul, l’Etat de Lagos représente un poids économique considérable. Cependant, l’environnement des affaires y est très complexe. Il faut du temps, beaucoup de moyens et un objectif très rémunérateur à terme.

Commerce international : les bonnes techniques pour réussir vos opérations

Le commerce international a connu une belle reprise en 2021. La France n’est pas en reste de ce point de vue, et a bénéficié d’un rebond de ses exportations.  Si les perspectives de croissance s’avèrent plutôt bonnes, quelques nuages pointent à l’horizon, ou sont déjà présents. C’est le cas des difficultés ou des surcoûts quant au transport maritime, à certains approvisionnements, à l’inflation, au Brexit… Des problèmes il y en a toujours. La question est de les résoudre une fois qu’ils se posent et, mieux encore, de les anticiper. Nous avons réuni des spécialistes des opérations du commerce international (financements, douanes…) afin de mettre en lumière, d’une part quelques règles de base, d’autre part et surtout, la manière de faire face aux problématiques actuelles.

Si la part de l'international dans les comptes de nos sociétés a notablement augmenté ces dernières années, en particulier à travers des exportations plus vigoureuses, elle ne concerne cependant encore qu'une minorité d'entre elles –129 000 rappelle Marianne Pavard-Soum, un nombre plutôt stable d'après les douanes avec une très forte concentration des volumes réalisée par une centaine d'entreprises seulement.

Véritable baromètre du dynamisme économique, le commerce international est souvent un bon indicateur à suivre pour mesurer le niveau de reprise. Pour comprendre quel rôle les exportations jouent dans la sortie de crise, il faut d'abord s'intéresser à la santé de nos entreprises tant sur le plan financier que sur le niveau de trésorerie. Avec près de 40 milliards d'euros de factures traitées chaque année, Factofrance suit de près l'activité des entreprises. "Notre cockpit de reprise, indique Luc Belleil, met en évidence trois indicateurs principaux :

- Le délai de paiement moyen (DSO) tend à baisser aux alentours de 50 jours sous l'effet des trésoreries abondantes liées en grande partie aux 142 Milliards de PGE et au report du paiement des charges sociales.

- Corollaire du point précédent, on observe depuis plusieurs mois un taux de réserve disponible d'environ 20%, presque 2 fois plus élevé que la moyenne habituelle. Ce taux reflète cependant une réalité variable suivant les tailles d'entreprises : 11,8% pour les TPE, 25% pour les PME et 19,3% pour les ETI et au-delà.

- Enfin, si l'on considère les volumes achetés par Factofrance en 2020, ils étaient pour la première fois en recul de 11%, un phénomène essentiellement lié à la baisse de l'activité domestique (-15%), -7% sur la part internationale.

Si le niveau d'activité des entreprises est bien en hausse depuis plusieurs mois, c'est bien l'international qui a généré la plus forte augmentation des volumes, au point de dépasser le niveau de 2019. A fin juin, les volumes traités par le marché de l'affacturage à l'international avait crû de 12%. Tout est-il pour autant si rose ? Si la situation des trésoreries est saine dans l’ensemble, Luc Belleil craint les effets du remboursement du PGE, qui s’étalera en règle générale sur quatre ans et qui va consommer beaucoup de cash. Ce sont 142 milliards d’euros qui devront être remboursés, consommant 10 % de marge, « cela, tandis que le regain d’inflation tend à son pincement ».

« Attention aux retards de paiement, prévient Thomas Bonte, car la vie d'une PME repose sur sa trésorerie qui est, en général en flux tendu, à la merci d’un coup dur ». Cela peut être l’impayé d’un gros client.  C'est pourquoi Eric Latreuille regrette le trop grand poids du crédit inter-entreprises. Il valorise le rôle du crédit manager, qui va pouvoir sécuriser le poste client, mais aussi celui du poste fournisseur. Luc Belleil rebondit sur ce point avec des chiffres évocateurs : on compte 800 milliards de crédit interentreprises dont seuls 145 milliards étaient intermédiés en 2019. Loin d'être mature la part, bien que prépondérante, de l'affacturage devant les autres solutions de financement court terme, ne représente que 35 milliards de ces encours court termes, alors même qu'il propose une solution plus stable qu'un découvert qui peut être retiré à tout moment..

Le factor peut également apporter des conseils, dont les patrons de TPE–PME ont besoin, « alors que leur situation est parfois fragile sans qu’ils en aient conscience », souligne Thomas Bonte. Bien entendu, Creditsafe, comme d’autres confrères de son secteur, amène beaucoup de visibilité grâce, non seulement, à une compilation des comptes remis aux greffes, mais aussi à des études comportementales ou encore à des éléments fournis directement par les entreprises qui désirent être scorées.

 

Financement des opérations d’exportation : l’attrait de l’affacturage

Lorsqu'on vend à l'étranger, il faut se faire payer et cela devient vite plus compliqué qu'en France, surtout au grand export. Bien sûr, il y a les traditionnels crédits documentaires, reconnaît Eric Latreuille, mais « ils sont longs à se mettre en place ; certes escomptables, ils ne concernent qu’un client à la fois et ne sont donc pas globalisables. Mais dans l’Union européenne, poursuit-il, des banques ont mis en place une procédure dite de l’Instant Payment, pour aller plus vite dans la transaction ». Cependant, Eric Latreuille plébiscite en premier lieu « l’augmentation spectaculaire du factoring à l’international, qui a décomplexé les entreprises ne voulant pas y aller ». « La place du factor, à l’international comme en domestique, est de rendre le cash prévisible. Il permet également dans certains cas de sortir les créances du bilan de l'entreprise », rebondit Luc Belleil.  Le périmètre d'intervention élargie à l'ensemble du poste clients, en France comme à l'étranger permet de proposer une solution globale et adaptée aux spécificités locales tant en matière de moyens de règlement que de maitrise linguistique. A l'export, cela favorise la pérennité des opérations quand on pense qu'un quart des entreprises jettent l'éponge au bout d'un an devant les difficultés rencontrées. Bien sûr, la prestation du factor a un coût (frais de gestion et agios), mais Luc Belleil le relativise, car « les financements sont calés sur l'indice de référence du marché monétaire de court terme. Les taux sont donc très modérés actuellement et ils devraient le rester si l’on raisonne à trois ans, car il n’y a pas de réelle remontée de l’Euribor prévue ».

Quoi qu’il en soit, avant de vendre, cela ne fait pas de mal de se renseigner sur ses clients, en France comme ailleurs, y compris lorsqu’une commande impromptue surgit de l’étranger à travers Internet. C’est évidemment plus compliqué à l’international. Dès lors, l’apport de Creditsafe, par exemple, est fort utile. « Bien sûr, en France, nous disposons d’une très bonne visibilité grâce à nos remontées de terrain et aux obligations légales de transparence qui, même si elles ne sont pas toujours respectées, nous permettent un scoring très efficace », souligne à cet égard Thomas Bonte.

A l’étranger, tout dépend des pays, et il faut souvent chercher de l’information non publiée, financière ou extra-financière. Contrairement à ce que l’on pense généralement, Creditsafe parvient à se faire une idée assez précise des risques en Chine et en Russie, toujours selon Thomas Bonte. Aux Etats-Unis – tout dépend des assignations fédérales mais aussi de celle des Etats, ou tout simplement des comportements des entreprises, et on n’a parfois pas de bilan disponible.  Dans l’Union européenne, les Pays baltes seraient les plus vertueux dans leur transparence.

« Vendre ou acheter à l’international cela nécessite des outils qui existent, mais que peu maîtrisent », intervient Jean-Louis Cabot. Il faut surtout choisir le bon Incoterm. Et c'est un choix important, en termes de moment du transfert de propriété, de charge du transport et de sa maîtrise… Et il vaut mieux, selon Eric Latreuille, ne pas laisser les vendeurs internes décider… « et surtout pas l’acheteur », conseille Jean-Louis Cabot. A la lumière de sa grande expérience et de celle de Seb, il préconise de choisir les Incoterms où le transfert de propriété s’effectue à l’arrivée. Cela paraît de prime abord plus risqué, mais in fine, rapporte d’expérience Jean-Louis Cabot, même si le transfert s’effectue au départ, c’est toujours le vendeur dont la responsabilité sera recherchée en cas de problème.

A cet égard, Jean-Louis Cabot privilégie le DAP « rendu au lieu de destination convenu ». Le transfert du risque s’effectue au lieu de destination du bien avant débarquement. Les coûts et les risques sont supportés par le vendeur jusqu’à ce stade. Quant à lui, l’acheteur s’occupe des formalités de douane en rapport avec l’importation de biens, et procède au déchargement de la marchandise dans ses propres locaux.

 

Assureur-crédit : un rôle majeur

L’assureur-crédit peut également jouer un rôle majeur dans la sécurisation des créances à l’international, indique Eric Latreuille. Garantir les créances certes, mais aussi apporter des informations et des analyses de risques, rappelle-t-il. L'assureur-crédit, on le sait, ne va pas garantir toutes les créances. Il va en rejeter d'emblée certaines et instaurer des plafonds parfois contraignants. Eric Latreuille explique qu’il ne faut pas s’arrêter à ces plafonds et instaurer un dialogue avec l’assureur en amenant, par exemple, dans sa besace, des éléments complémentaires sur ses clients. Luc Belleil abonde dans son sens et rappelle que dans le cadre de l’affacturage, le transfert de propriété de la créance s’accompagne d’une délégation de paiement de l’indemnité éventuelle versable par l’assureur-crédit pour les entreprises ayant leur propre police d'assurance.

« Pour les opérations franco–françaises, complète Marianne Pavard–Soum, nous avons nos propres équipes d’analyse crédit, nous permettant de délivrer directement nos propres garanties contre l'insolvabilité sans plafond de décaissement. Pour les transactions internationales, nous avons davantage l'habitude de travailler avec les principaux assureurs-crédit bénéficiant de données locales ». Evidemment, il faudra faire face aux limites globales de décaissements fixées par l’assureur-crédit, et donc à des plafonds unitaires. C’est peut-être pourquoi nos PME sont encore peu équipées en la matière. Elles disposent d’un moindre pouvoir de négociation avec l’assureur-crédit, même si elles pourraient s’appuyer sur des courtiers, davantage en position de force, grâce à l’étendue de leur portefeuille.

 

Risque-crédit et risque de change 

« Le risque d’impayé ne doit pas faire oublier celui de perte de change, avertit Marianne Pavard–Soum. Plus on met de temps à se faire payer, plus ces deux risques augmentent notamment sur le grand export », poursuit-elle.  « Nous ne pratiquons pas à proprement parler de couverture du risque de change chez Factofrance, précise Luc Belleil, mais nous pouvons convenir d'un taux entendu à l'avance. Et attention, dans le cadre d'une vente à l'international, le but n'est pas celui d'un pari, mais de préserver la marge prévue à l’origine ». Cette variabilité des taux de change est même prise en compte par les douanes « qui autorisent un taux de calcul fixe pendant seulement un mois et uniquement si la variation pendant cette période n’excède pas 5 % », note Jean-Louis Cabot.

 

Vigilance et proximité vis-à-vis des fournisseurs

Lorsqu’on vend des produits un tant soit peu complexes, il est rare de nos jours qu’une partie au moins des éléments nécessaires à leur fabrication ne proviennent pas de l’étranger. Dès lors, les perturbations de l’approvisionnement actuelles, liées à une reprise économique très vive, doivent être prises en considération par les entreprises. Comment faire alors ? Il faut anticiper les commandes, autant que faire se peut, et soigner ses fournisseurs d’autant que, comme le souligne Jean-Louis Cabot, les conteneurs sont rares et chers. Le « juste à temps » a du plomb dans l’aile. Si l’on peut, il convient de constituer des stocks. « Les entreprises les plus agiles en matière d’approvisionnement et de stockage ont bénéficié plus rapidement du redémarrage économique par leur capacité à répondre à la demande », analyse Marianne Pavard–Soum. Dès lors, la relation fournisseurs est devenu un réel enjeu stratégique pour les entreprises. L'affacturage inversé permet d'y répondre en partie en limitant l'impact du delta entre les délais de paiement fournisseurs et clients mais reste encore l'apanage des grands donneurs d'ordre.

Plus récemment, le dispositif de financement de commandes garanti par l'Etat proposé par les factors a permis de maintenir un afflux de cash constant en compensation du manque de facturation pour maintenir l'activité de tout type d'entreprises.

Effectivement, le delta entre la facturation des futures ventes et celle effectuée par les fournisseurs augmente. D’où l’idée de l’affacturage inversé, qui participe finalement de la même idée que l’affacturage sur les ventes, à savoir donner de l’air à la trésorerie des entreprises. « Ce sont 20 milliards d'euros de garantie qui ont été attribués à ce dispositif par le ministère de l'économie et des finances dans le cadre du plan de relance, complète Luc Belleil. En intervenant en amont de la facture, ce dispositif amène ainsi quatre à cinq mois de trésorerie. » « C’est particulièrement important dans le domaine industriel », corrobore Eric Latreuille.

Douane, TVA… des nouveautés constantes

« N’oubliez pas la douane ! », plaide à cet instant de nos échanges Alban Gruson.
« Longtemps l’apanage de spécialistes, comme les commissionnaires en douane, ce sujet est aujourd’hui un peu mieux connu chez les chargeurs eux-mêmes, car l’administration diffuse sa règlementation directement auprès deux », explicite le PDG de Conex. « Certes, nuance Jean-Louis Cabot, cependant si les grands groupes se posent les questions adéquates, les PME–PMI attendent souvent que les problèmes surviennent, pour se les poser, au nombre de trois :

– Qui dédouane ? Car il y a un choix à effectuer.

– Qui va déclarer ? Nous-mêmes ou un commissionnaire, et là il vaut mieux le choisir plutôt que ce soit le fournisseur

– Avec quoi ? Factures… ce qui nécessite de gérer convenablement les données ».

« Bien sûr, on peut consulter la douane en cas de doute, mais on ne peut se passer des professions de commissionnaires ou de transitaires, poursuit-il, sans oublier de pratiquer un benchmark intelligent ». « Le métier de commissionnaire et de transitaire, toujours important dans certains secteurs d’activité, a évolué », analyse Alban Gruson.

En effet, les cautionnements pratiqués par ces intermédiaires pour payer des droits tendent à disparaître, d’autant que la TVA va être auto-liquidée par les entreprises pour les achats provenant de pays extérieurs à l’UE. « Il ne faut pas non plus négliger de former les équipes en interne, complète Alban Gruson, ce que nous faisons à travers une formation certifiante dans une filiale de Conex ». Jean-Louis Cabot rebondit sur la question de la TVA : « Au 1er janvier, les choses changent du tout au tout pour l’ensemble des importateurs », explique-t-il. Jusqu’à présent, la TVA import dans l’UE était réglée par chèque de banque ou crédit d’enlèvement à chaque mouvement en même temps que les droits de douane. « Le changement de règles aura un impact important car le taux de la TVA, de 20 %, est bien plus élevé que celui des droits de douane, de 2 à 3 % en moyenne », note encore Jean-Louis Cabot. Désormais, à partir du 1er janvier, la TVA concernée sera reportée directement sur la déclaration CA3. « Cela constitue une opportunité de consommer ainsi moins de cash, souligne-t-il, mais l'entreprise devra s'assurer que le calcul est bon, afin de ne pas risquer de pénalité par la suite ». « Attention aussi au fait que c’est la douane qui reste chargée du calcul et non la DGFIP, qui peut par contre le remettre en cause a posteriori », avertit Alban Gruson.

A propos de TVA, le PDG de Conex revient sur un fait réglementaire important survenu au 1er juillet dernier, à savoir l’application généralisée de la TVA à tous les colis importés hors UE, alors qu’auparavant ceux d’un montant inférieur à 22 euros en étaient exemptés. En contrepartie, une franchise de droits de douane a été instaurée jusqu’au montant unitaire de 150 euros.

Les plates-formes de e-commerce qui vendent des produits pour leur propre compte ou celui de vendeurs hébergés sur leur plate-forme doivent choisir un lieu de centralisation de leur calcul dans l’UE pour y payer la TVA, laquelle sera ensuite dispatchée dans les différents Etats-membres.

 

Brexit : moins de perturbations que prévu

Les difficultés liées au Brexit et à la sortie du Royaume-Uni de l’UE ne sont évidemment pas finies. La catastrophe annoncée, souvent pour des raisons politiques, n'a pas eu lieu. « Nous avions craint un blocage des flux, se souvient Alban Gruson, en fait nous avons connu peu de problèmes, sauf pour les produits soumis au contrôle vétérinaire ». Quant aux entreprises insuffisamment habituées aux procédures douanières et qui travaillaient régulièrement avec le Royaume-Uni, elles ont su s’adapter et ont fait appel en général à des RDE (nouveau nom des commissaires en douane) et ont recruté du personnel supplémentaire en interne, développe-t-il encore en substance.

Dans le sens de la Grande-Bretagne vers la France, « une frontière intelligente » a été rapidement mise en place. L’objet en est d’anticiper l’arrivée des marchandises en validant leur entrée pendant leur temps de transport. Le système douanier délivre pendant ce temps-là un BAE (bon à enlever) ou au contraire une demande de contrôle à l’arrivée.

Dans l’autre sens, la mise en place d’un système similaire, le pre-lodged, a été plus longue, mais il est désormais opérationnel. Cependant, la pratique britannique des contrôles a été très libérale ces derniers mois, selon Alban Gruson. Cela étant, des droits de douane sont progressivement instaurés, même si le taux de 0 % vers la Grande-Bretagne demeure majoritaire. Encore faut-il prouver dans le cas général l’origine communautaire des produits. Le délai de prescription est de cinq ans. « Le dédouanement est possible pendant la traversée, complète Jean-Louis Cabot, mais il faut bien avoir tout anticipé ; l'alternative c'est la livraison sous douane. La question se pose sinon de savoir où dédouaner, y compris dans ses propres entrepôts, mais alors il faut avoir signé une convention avec la douane, ou faire appel à un transitaire ».

Avant le clôture des débats, Alban Gruson évoque la nécessité, dans toutes les transactions internationales, que les équipes maîtrisent les langues étrangères, et même pour les échanges au sein de l’UE. « Certes, il faut commencer par l'anglais, langue aujourd'hui universelle, reconnaît-t-il, mais dès qu'on entre dans les détails techniques, connaître la langue vernaculaire de l'autre est important. Chez Conex nous veillons de ce point de vue à disposer des compétences nécessaires ». Cette analyse est partagée par nos autres intervenants, dont Eric Latreuille.

 


Intervenants

Luc Belleil, directeur général adjoint de Factofrance. Factrofrance, spécialiste de l’affacturage, compte 500 collaborateurs D’une activité au départ domestique, elle est passée il y a plus de 40 ans déjà à une extension de son offre dans 100 pays, à la faveur de l’internationalisation de notre économie.

Délivrant « 200 millions d’euros de crédit par jour aux entreprises », Factofrance s’impose trois missions :

  • Donner de l’oxygène aux entreprises en libérant du cash.
  • Garantir la bonne fin des factures.
  • Optimiser la gestion des clients au travers du recouvrement et du lettrage des encaissements

Marianne Pavard-Soum, directrice marketing et développement de Factofrance.

Thomas Bonte, analyste scoring, spécialiste de Creditsafe. Creditsafe est un fournisseur de données sur les entreprises dont le développement se situe d’abord en Europe. 623 millions de rapports sont disponibles dans le monde, dont 308 millions avec une limite de crédit. Ces données sont délivrées soit en direct, soit à travers des partenariats. La filiale française compte une centaine de collaborateurs et recense dans sa base 1,5 million d’entreprises ayant leur siège dans notre pays avec un scoring établi par ses soins.

Jean-Louis Cabot, responsable des douanes du groupe Seb. Le groupe Seb réalise plus de 7 milliards d’euros de CA, compte plus de 33 000 collaborateurs dans le monde répartis dans 100 filiales. Parmi ses principales marques, Calor, Moulinex, Rowenta, Tefal et bien sûr Seb.

Alban Gruson, PDG de Conex. Conex est leader des éditeurs de logiciels dans le domaine douanier en France. La firme nordiste compte 700 clients, commissionnaires, transitaires et chargeurs, aussi bien exportateurs qu’importateurs. Conex fournit des outils informatiques pour traiter les opérations douanières, aujourd’hui entièrement dématérialisées. Sa plate-forme sert aussi à traiter le dialogue entre les douanes et les opérateurs. Conex emploie une soixantaine de collaborateurs, principalement en France, mais aussi au Royaume-Uni, où elle a ouvert une filiale, comme en Belgique.

Eric Latreuille, président d’honneur de l’AFDCC (Association des credit-managers et conseils). Actuellement crédit-manager chez Ajinomoto Food Europe, il est également formateur en négociations internationales.

Vietnam : en pleine forme

Relativement discret, le Vietnam a su tracer son chemin ces dernières années, en épousant à bien des égards la stratégie de la Chine : celle du communisme libéral sur le plan économique. Si, sur le plan de la démocratie telle que nous la concevons, le compte n'y est pas, en tout cas force est de constater que sur le plan de l’économie, la réussite est là.

Et surtout en 2020, la croissance était au rendez-vous, un peu plus même que celle de l'Empire du Milieu (2,8 % contre 2,4 %). Certes, on est bien en dessous de la moyenne de 6,8 % enregistrée ces deux dernières décennies. Mais, cela demeure un bel exploit. Quelles sont les raisons de ce succès ? Elles sont naturellement multiples, et sont principalement le résultat d’un travail de longue haleine, entamé en 1986, avec l'abandon du projet communiste traditionnel. Essentiellement centrée historiquement sur l'agriculture – 18 % du PIB aujourd'hui – principalement la riziculture et les produits de la pêche, l'économie vietnamienne s'est alors orientée vers l’industrie (37 %) puis les services (45 %). Parmi ces services, ceux liés aux tourisme (hôtels, restaurants, lieux de loisirs…). 2020 a été très négative pour ces activités, comme partout ailleurs dans le monde.

Une industrie dynamique

En revanche, l’industrie s’est très bien portée. Tout d’abord parce que la pandémie a été très bien contrôlée. Dès lors, l’économie a pu repartir rapidement, après un court temps d’arrêt. Le Vietnam a donc bénéficié d’un report d’importateurs vers lui – on pense aux ordinateurs ou à la téléphonie par exemple. Signalons à cet égard que le Coréen Samsung représente 25 % des exportations. Une autre raison de cette belle performance, c'est le conflit commercial sino-américain, avec son lot d’augmentations de taxes à l’importation, qui amène les opérateurs à revoir leur sourcing. Pour la suite, les observateurs spécialisés sont très optimistes pour ce pays-phare de la péninsule indochinoise, puisqu’une croissance de 6,7 % est prévue pour 2021 par Credendo, l'assurance-crédit belge (moins que les 8,1 % envisagés en début d’année en Chine, mais plus que dans bien des Etats de l'Asie du Sud-Est et de l’Est). Les fondamentaux sont en outre satisfaisants, avec un déficit budgétaire annuel contrôlé (moins de 6 % en 2020, année très compliquée par essence) et une dette publique à «seulement » 46,6 % du PIB. Quelques faiblesses – il en faut bien – sont cependant pointées par Credendo, dont un manque de transparence publique en dépit des efforts réalisés ces dernières années ainsi que la vulnérabilité du secteur bancaire. Les banques d'Etat devraient d'ailleurs prochainement être recapitalisées, selon les experts. Du côté des forces, la perspective de relations américano-chinoises durablement affectées par leur conflit commercial, mais aussi géostratégique, devrait favoriser les IDE entrants. Ces IDE pourraient se porter sur des productions industrielles désormais davantage diversifiées et de plus haut de gamme.
Cette montée en gamme va de pair avec l’enrichissement progressif de la population. Si, aujourd’hui, la classe moyenne représente 13 % du total, elle devrait monter à 45 % d’ici une quinzaine d’années. Le PIB par habitant, actuellement de 2 540 USD, devrait suivre peu ou prou cette courbe ascendante. Un PIB dopé par les exportations Le PIB vietnamien est alimenté par une forte croissance du commerce extérieur – et particulièrement des exportations – sur le long terme. Ces exportations ont augmenté de 7 % en 2020, atteignant 282,7 milliards d’USD, tandis que les importations
– dynamiques également en raison de la hausse de la demande de produits médicaux mais aussi électroniques – se montraient cependant un peu moins toniques, à 262,7 milliards d’USD. Du coup, l'excédent commercial, déjà élevé, a presque doublé de 2019 à 2020, atteignant 20 milliards d’USD. Rappelons que le commerce mondial a, pendant ce temps, fléchi d’environ… 10 %. Notons d'ailleurs que les échanges commerciaux du Vietnam ont plus que triplé en huit ans !
Il est intéressant de signaler que les entreprises étrangères installées sur place exportent deux fois plus que les entreprises locales. Les ventes vietnamiennes sont principalement assises sur le secteur manufacturier, avec une volonté des autorités, comme dans d’autres pays émergents, de monter en gamme. On observe du reste que les produits manufacturés à moindre valeur ajoutée (textile, vêtements, chaussures) ou encore les produits agricoles, ont cédé du terrain, face à ceux à plus grande valeur, comme les mobiles Samsung en particulier. Mais, on remarque aussi les ventes d’ordinateurs et d’accessoires. Le téléphone (18 %) et les ordinateurs ou composants associés (15,8 % du total) se taillent la part du lion. Les USA… premier client Les Etats-Unis, faisant fi de la période de guerre, ont trouvé en ce pays de l’ancienne Cochinchine un rempart contre le quasi ennemi chinois. C'est vrai sur le plan politique. Cela l’est à coup sûr aussi sur le plan commercial, puisque les Etats-Unis demeuraient en 2020 le premier client du Vietnam, avec 77 milliards d’USD et 27 % du total. La Chine et l’UE à 27 arrivent ensuite, avec respectivement 48,9 et 40 milliards d’USD. L’Asean ne figure qu’à la 4e place, à 23,2 milliards d’USD, un montant en baisse de 8,7 %, au lieu d’une augmentation de 25,4 % vers les USA. Du côté des importations, leur structure est corrélée avec les nécessités d’une économie essentiellement exportatrice. Dès lors, les produits indispensables à la fabrication et à l’assemblage de produits électroniques et textiles destinés à la revente à l’extérieur prédominent.
En tête de gondole, les ordinateurs, produits électroniques et accessoires (64 milliards d’USD, en forte hausse). Viennent ensuite les machines, équipements et accessoires (37 milliards d’USD), les téléphones portables et accessoires (16,6), puis les tissus (11,9). Les pays asiatiques – toutes zones confondues – dominent nettement le marché, avec 70 % de pénétration. En premier lieu, vient la Chine (32 %), devant la Corée du Sud (18 %). Les échanges franco–vietnamiens demeurent faibles, alors que l’Indochine fut un des fleurons de notre empire colonial. Nous sommes le 18e client de notre ancienne colonie (1,17 % des exportations vietnamiennes, selon les données douanières locales), et en contrepartie son 20e fournisseur (0,58 % de parts de marché). Tout cela en 2020, où l’arrêt des livraisons d’avions a pesé sur nos ventes (-39,7 %). Le déficit commercial s’est donc creusé de 7,2 % à 3,3 milliards d’euros, malgré la belle performance de nos exportations de produits pharmaceutiques (+14 %). Afin de fournir des indicateurs plus valables sur le long terme, nous citerons les chiffres de 2019. Le Vietnam était alors notre 45e client (1,6 milliard d'euros) et notre 22e fournisseur (5,6 milliards d'euros). Ce qui implique un lourd déficit de 4 milliards d'euros.
Nos ventes se concentraient sur quatre secteurs principaux : – Les matériels de transport (quasi exclusivement l'aéronautique avec 616 millions d'euros). – Les produits pharmaceutiques (263 millions), donc encore en hausse en 2020. – Les équipements mécaniques, le matériel électrique, électronique et informatique, dont une bonne part de machines industrielles et agricoles. – Enfin les produits des IAA (162 millions d’euros). Si l’on y ajoute les produits agricoles, on arrive au « score » honorable de 12 %. Quant à nos IDE, ils sont en revanche loin d’être négligeables, si l’on se réfère au comparatif européen. En effet, nous étions fin 2018 le deuxième investisseur dans ce cadre, mais aussi le 15e investisseur mondial, avec un stock d’IDE de 3,7 milliards d’USD. Deux tiers des investissements français sont fixés dans le domaine des semences, un cinquième dans l'industrie (essentiellement eau, gaz, électricité), 7 % dans l’agriculture, et 5 % dans la distribution (Source : Chambre de commerce et d'industrie française au Vietnam). Les flux commerciaux du Vietnam devraient notablement progresser à l’avenir, en raison de probables nouvelles relocalisations industrielles, mais aussi de futurs investissements liés à de nombreux accords multilatéraux signés par le Vietnam, comme celui avec l’Union européenne, entré en vigueur le 1er août dernier. Le Vietnam a également conclu des accords similaires avec des pays d’Asie-Pacifique (CFTPP), et ses voisins plus immédiats (CRCEP).

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