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Turquie : une économie puissante malgré le contexte monétaire

Le tremblement de terre de février dernier a malheureusement endeuillé le pays et nous avons de la compassion pour les familles meurtries. Le pays se relèvera comme il a su le faire par le passé. En mai 2023 devraient avoir lieu les élections générales. L’occasion pour nous de faire le point sur l’évolution économique de ce puissant pays à la lisière de l’Union européenne. Une population nombreuse, une main d’oeuvre qualifiée, un revenu moyen plutôt élevé et une situation géographique stratégique sont des atouts significatifs pour l’ancien empire ottoman.

Même si les échanges franco-turcs demeurent plutôt limités par rapport à l’Allemagne, à l’Italie, voire à l’Espagne, nos entreprises doivent étudier les possibilités d’exportations ou d’investissements sur place, en fonction de leurs activités bien sûr.

Dans un premier temps, quel est le contexte de l’économie turque ? A vrai dire, il est très contrasté. Si on l’examine sous le prisme de l’inflation (80 % en glissement annuel), il semble plutôt inquiétant. Et pourtant, la politique monétaire de la Banque centrale turque, sous l’impulsion du président Erdogan est souple, voire accommodante, puisque les taux sont régulièrement abaissés. Contraintes étatiques aidant, les entreprises peuvent donc se financer à plutôt bon compte.

Qu’en est-il de la croissance ? Comme un peu partout, elle a ralenti en 2022, autour de 2,5 %, après une hausse de 11 % en 2021, alors même qu’elle n’avait pas fléchi en 2020. Parmi les points forts de la Grande Porte, figure, selon Coface, un secteur manufacturier diversifié et expert, une population jeune, et un déficit des balances commerciales et des comptes publics à des niveaux très raisonnables, même si, sur ce dernier point, on n’appréhende que le déficit du gouvernement central.

Le solde public devrait atteindre 4 % du PIB en 2022 et la dette publique 36,5 % du même PIB. Nous n’en sommes pas là du tout en France (115 % environ). Coface n’en décèle pas moins des éléments assez défavorables pour la Turquie. En particulier sa dépendance visà- vis d’importations d’énergie comme de biens intermédiaires, une inflation, on l’a vu, très élevée avec, en corollaire, une livre turque au plus bas.

La Chine en pôle position

Qui vend à la Turquie ? En premier lieu la Chine (23 milliards d’USD en 2020, +20,3 %), devant l’Allemagne (21, 7 milliards, 12,6 %). La Russie figurait alors à la troisième place (17, 9 milliards, +12,6 %) puis les Etats-Unis (11,5 milliards), l’Italie (9,2 milliards), l’Irak, la Suisse… La France, alors en léger progrès, s’avérait le huitième fournisseur de la Turquie, avec une part de marché stable à 3,2 % (7 milliards d’USD). Cela est loin d’être négligeable.

Quels biens les anciens ottomans achètent-ils ? Le Trésor nous le confirme : les deux premiers postes d’exportation demeurent les véhicules automobiles et leurs parties pour 22,1 milliards d’USD alors, puis les chaudières, machines, appareils, engins mécaniques et leurs parties (16,8 milliards). Puis viennent les machines, appareils électriques et leurs parties (9,3 milliards d’USD), le fer et l’acier.

La Turquie a bien progressé en 2020 sur d’autres créneaux, en particulier celui de l’agroalimentaire, avec une mention pour les fruits et noix comestibles ou encore les préparations à base de céréales, de féculents ou de lait. Notons aussi la belle progression de spécialités médicales, dont les appareils d’assistance respiratoire développés localement.

Qu’achètent les Turcs de leur côté ? En 2020, et en valeur, en premier lieu des hydrocarbures (28, 9 milliards d’USD) devant les pierres gemmes, les métaux précieux (26, 6 milliards, + 9,9 %). C’est que les Turcs se sont alors rués sur l’or, si l’on peut dire, pour se protéger de la chute de la monnaie locale. Troisième poste d’importation, les chaudières, machines, engins mécaniques et leurs parties, pour 25,2 milliards d’USD (+13,9 %). Quant aux achats de véhicules automobiles, ils avaient bondi de 52,7 % sur 2020 à 15,3 milliards d’USD.

Québec : en recherche d’impatriés et de repreneurs dans le tourisme

Les frontières internationales s’ouvrent, et avec ce phénomène l’appétence des voyages. Des voyages de loisirs, d’affaires mais aussi pour de longues périodes, voire une expatriation. Le Québec renoue ainsi avec sa politique d’immigration choisie et qualifiée, forcément ralentie au cœur de la crise sanitaire.

Cette immigration est sélective. Deux critères apparaissent toujours fondamentaux : tout d’abord la qualification des demandeurs, en fonction des besoins ressentis par la Belle Province, ensuite leur francophonie. Priorité sera donc donnée aux locuteurs de notre langue, en particulier les Français, mais pas seulement.

Quand on parle de qualification, il ne s’agit pas principalement de spécialistes en nouvelles technologies, mais de personnes maîtrisant un métier, comme les boulangers, les cuisiniers… Là où une rareté de main-d’œuvre existe au Québec.

Une politique très pragmatique

Ces expatriés vont trouver à s’employer sur place, sous réserve de leur agrément par les autorités. Ils peuvent aussi trouver au Québec des opportunité d’entrepreneuriat. Là encore, il faudra faire valider son visa – donc son projet. Dans ce contexte, l’agglomération de la ville de Québec, capitale éponyme de la Province, propose, au travers de sa structure Québec International, de mettre en relation des cédants et des personnes intéressées pour reprendre leur entreprise. L’accent est particulièrement mis sur le domaine du tourisme. Quand on parle de l’industrie touristique, Carol Gilbert, directeur intérimaire start-ups et entrepreneurs de Québec International, précise d’emblée que l’acception de ce domaine au Québec est large : hébergement et restauration, mais aussi boulangeries et chocolateries, entreprises de divertissement ou d’excursions…

En somme, tout ce qui permet aux visiteurs de profiter du cadre et de vivre cette expérience dans les meilleures conditions. Le tourisme, évidemment mis en sommeil pendant deux ans sur le plan des voyages internationaux, devrait repartir fortement dans les prochains mois ou les prochaines années. Les Canadiens en premier lieu, les citoyens des USA, les Français bien entendu qui séjournent plus longuement, en moyenne quinze jours, mais aussi d’autres Européens, à commencer par les Britanniques, ou encore les Chinois et les Japonais, constituent une clientèle notable une chalandise attractive pour entrepreneurs et donc repreneurs dans cette industrie.

Carol Gilbert souligne que le tourisme national au Québec a fortement crû ces deux dernières années. Le secteur touristique compte 32 000 entreprises au Québec, dont 82 % ont moins de 20 employés, et que 68 % – c’est à noter – se situent à l’extérieur de Montréal et de l’agglomération de Québec. 35 millions de touristes sont accueillis en moyenne chaque année, dont 9 millions hors Québec. Ils procuraient 10,4 milliards de dollars canadiens en 2018, essentiellement pendant la haute saison, de juin à septembre.

Se faire accompagner dans la reprise

Carol Gilbert souligne que les repreneurs sont coachés et accompagnés dans la mise en place et le développement de leur projet par la structure Québec International, comme par les autres agences de développement régional de la Province, cela en collaboration étroite avec le CTEQ.

Le CTEQ (Centre de Transfert d’Entreprises au Québec) est un organisme à but non lucratif qui a pour vocation « d’assurer la pérennité des entreprises québécoises, particulièrement celles du secteur touristique. Elle assiste aussi bien les cédants que les repreneurs potentiels ».

L’enjeu en matière touristique est crucial, puisque, rapporte Carol Gilbert, 15 000 entreprises devront trouver un repreneur dans les cinq à dix ans, faute de successeurs. Et les entrepreneurs locaux n’y suffiront pas. D’où la volonté du Québec de chercher ou d’encourager les profils à l’étranger, bien sûr en premier lieu en France, compte-tenu de nos liens culturels.

Entreprendre au Québec nécessite, comme dans d’autres pays, une préparation adéquate. Vous pouvez, pour découvrir les opportunités, visiter des sites tels que placedescommerces.com/ca ou fusacq.com mais Carol Gilbert conseille aux personnes intéressées de se rapprocher très en amont du projet de structures telles que Québec International, ou d’autres agences régionales, en coordination avec le CTEQ, qui seront à même de les accompagner, au besoin jusqu’à la signature de l’acte de cession.

Sur le plan social et fiscal, l’environnement est plutôt plus favorable qu’en France. Carol Gilbert fait valoir un coût du personnel globalement moins élevé que chez nous. Selon lui, la durée moyenne de finalisation d’un projet de reprise est de douze mois. Des spécificités juridiques peuvent, quoi qu’il en soit, exister, et il est conseillé de se faire aider par des spécialistes dans ce domaine.

Brésil : une bonne dynamique, la France très présente

L’élection présidentielle qui s’y déroulait a remis récemment le Brésil sur le devant de la scène. Le président sortant avait privilégié la continuité de l’économie pendant la crise majeure du covid qui a secoué son pays. Sur ce plan - nous ne parlons pas des aspects sanitaires bien sûr, sa stratégie a plutôt bien fonctionné. Une enquête récente montrait que ce grand Etat lusophone pointait en tête des intentions d’embauche parmi quaranteet- un pays majeurs au monde.

 

Deuxième débouché de la France en Amérique latine

Nous ne sommes certes que 10e fournisseur du Brésil, qui n’est que notre 30e client. Mais il faut relativiser tout cela, car notre commerce extérieur est avant tout orienté vers l’Union européenne, l’Europe en général, les Etats-Unis, la Chine et toujours l’Afrique, même si nous y perdons pied chaque jour davantage.

Dès lors, en Amérique latine, le Brésil est devenu en 2021 notre premier client, devant le Mexique. Notre commerce bilatéral a progressé l’an dernier de 15,6 % à 6,2 milliards d’euros. Cependant, le niveau de 2019 - pré-pandémie, n’a pas été retrouvé. Nos ventes se sont avérées en hausse de 13,3 % à 63,3 milliards d’euros (0,7 % de notre total mondial). Notre solde commercial reste excédentaire, à 403 millions d’euros - c’est déjà cela de pris. Que vend-on au Brésil ? Essentiellement des produits manufacturés à haute valeur ajoutée, nous répond notre service économique régional. En tête de gondole, les produits chimiques, les parfums et cosmétiques (+13,2 % à 913 millions d’euros, 28 % du total). Puis, viennent les matériels de transport (595 millions d’euros, 18 % du total). Il s’agit en l’occurrence principalement d’aéronefs qui remontent un peu à la faveur de la reprise du trafic aérien. Les produits pharmaceutiques constituent aussi un poste important, là aussi en reprise (375 millions d’euros, 11,4 % de nos ventes). Juste devant les machines industrielles, agricoles et diverses (10,7 % à 353 millions d’euros). Les experts du service économique régional de Brasilia tempèrent cependant la lecture optimiste de prime abord au vu de ces résultats.

En effet, ils remarquent que les entreprises tricolores n’ont pas su, ou pu, tirer profit de l’embellie économique de la puissance lusophone en 2021, en raison d’un profil d’exportations orienté vers les matériels, biens d’équipement et intrants industriels, qui ont relativement souffert d’une faible reprise des investissements. Du côté des importations, il s’agit pour une grande majorité de produits de base - agricoles, agro-industriels ou encore de minerais. L’agro-alimentaire domine largement (27,8 % de nos achats à 802 millions d’euros), en premier lieu des tourteaux de soja et les aliments pour animaux. Les hydrocarbures et autres produits des industries extractives sont en plein rebond - hausse des cours aidant, à 678 millions d’euros (14,4 %) du total. Dans le même esprit, le poste bois-papier-carton s’est montré en plein rebond (111 millions d’euros, 14,4 % de l’ensemble). La part des produits agricoles, sylvicoles, de la pêche et de l’aquaculture est également significative (11,1 % de l’ensemble à 321 millions d’euros).

IDE : une présence française dense

La place de la France dans le commerce extérieur brésilien est relativement modeste. En revanche, comme le souligne notre service économique régional, le Brésil est un partenaire majeur de notre pays dans ce qu’il est convenu d’appeler la sphère émergente, bien qu’à notre sens, le grand Etat amazonien présente à bien des égards le profil d’une puissance de premier plan. Quoi qu’il en soit, le Brésil est la deuxième direction de nos IDE, derrière la Chine. Notre stock d’IDE atteignait 21,9 milliards d’euros en 2020 (11e position), ce qui représentait 68,6 % du total français dans la région. En termes de flux, c’était un peu moins bien (14e destination en 2020, avec 596 millions d’euros générés). Notre stock d’IDE se concentre avant tout dans quatre secteurs : les services (47 %), les activités financières et assurantielles (23,6 %), l’industrie extractive (22,6 %), puis manufacturière (22,1 %). La banque centrale du Brésil nous situe comme cinquième investisseur derrière les Pays-Bas, les Emirats Arabes Unis et le Luxembourg. Ce qui ne fait cependant que 5 % du total. Selon le critère dit du « contrôle fiscal », nous serions même troisième, avec 6,2 % du total du stock d’IDE sur place.

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Commerce extérieur 2021 : un très mauvais millésime  

 

Comme chaque année à la même époque, nous vous proposons une courte étude, accompagnée d’une analyse, de notre commerce extérieur sur l’exercice précédent. Force est de constater que les choses ne s’arrangent pas, puisque les spécialistes de la Direction des douanes et des droits indirects pointent au moins trois défauts à notre cuirasse.

Ces trois défauts principaux sont, en premier lieu, un déficit catastrophique qui ne cesse de s’alourdir, en 2021 à 84,7 milliards d’euros, 20 de plus qu’en 2020. Bien entendu, ce surcroît de déficit est tiré par l’énergie, dont les prix ont augmenté très vite, mais aussi par le poste des produits manufacturés.

Le deuxième défaut, c’est que, si nos exportations ont augmenté de 17 % (après -15,8 % en 2020), elles demeurent 2 % en dessous de celles de 2019, alors que, remarquent les mêmes analystes, « les exportations de nos principaux partenaires européens ont dépassé leur niveau d’avant-crise de 3 à 9 % […] ».

Le troisième défaut, qui découle du précédent, c’est que la perte de parts de marché de notre pays « quasi-ininterrompue depuis 2010 » se poursuit.

L’accroissement du déficit s’explique par une progression un peu plus soutenue des importations (+18,8 % après -13 % en 2020, année où elles avaient mieux résisté que nos ventes à l’extérieur du reste). Là encore, l’effet de l’inflation donne une impression d’augmentation des volumes infondée. Car les hausses de prix, on le sait, ont été considérables en 2021, et continuent à l’être. On pense aux hydrocarbures (+93 % pour le pétrole), mais de nombreux produits manufacturés ne sont pas en reste (+6 % en moyenne). Le solde manufacturier (-65,7 milliards d’euros), figure d’ailleurs désormais comme celui qui altère le plus l’équilibre de nos échanges, assez loin devant celui du solde énergétique (-43,1 milliards d’euros).

A l’inverse, notre solde agricole demeure positif, mais à un niveau fort famélique (+0,8 milliard d’euros), loin de nos standards habituels. En revanche, l’agroalimentaire s’est bien comporté, avec des exportations en hausse de 14,6 %, tirées par la faveur de nos boissons (+24,7 %), en particulier le champagne et le cognac. Plus généralement, le luxe apporte une contribution très positive à notre commerce extérieur, encore plus que d’habitude. Ainsi en a-t-il été de nos parfums, cosmétiques et produits d’entretien (+18,2 %), du cuir, des bagages et chaussures (+26,7 %), enfin des articles d’habillement (+20,4 %).

Si nos exportations de produits pharmaceutiques ont été étales, elles demeurent cependant à leur plus haut niveau historique. Sans rentrer dans tout le détail des postes, celui des produits chimiques de base s’est avéré très positif (+34 %), alors que celui des matériels de transport (+7,7 %) était un tantinet faiblard, après une lourde chute de 33,3 % en 2020. Tandis que la pénurie de composants frappait la production automobile, la reprise en dents de scie du trafic aérien freinait les initiatives des compagnies. C’est ainsi que, si l’automobile s’inscrivait malgré tout en reprise de 9,6 % (en-deçà de 12 % par rapport à 2019), les produits de la construction aéronautique et spatiale ne se relevaient que de 5,5 % en 2021, atteignant ainsi à peine plus de la moitié de leur niveau de 2019. Et quand l’aéronautique ne va pas, rien ne va pour limiter notre déficit commercial structurel. 

Des importations accrues par une absence d’offre interne pertinente

Rien de très réjouissant dans ces chiffres. Bien entendu, bon nombre d’entreprises, grands comptes mais aussi PME, tirent bien leur épingle du jeu, au-delà de ces chiffres macro-économiques assez sinistres. Mais ce qui est un peu inquiétant, c’est que l’on semble recroquevillé sur nos points forts, du luxe et du savoir-vivre à la française. En attendant, bien sûr, la reprise du secteur aéronautique. Ce manque de compétitivité dans les autres secteurs se retrouve dans la progression de nos importations. La reprise de notre consommation profite ainsi en premier lieu aux vendeurs étrangers, par suite d’un manque de compétitivité de nos produits ou en raison de l’absence d’une offre intéressante pour répondre à la demande.

Les analystes de la Direction des douanes et des impôts indirects relèvent ainsi que les volumes de produits manufacturés ont même augmenté plus nettement que la demande intérieure (respectivement +9,6 % et +6,6 %). Bémol cependant, on peut observer une évolution similaire dans d'autres pays européens.

Quoi qu'il en soit, du côté des importations, on ne peut que souligner le fort rebond des importations d’énergie (+75,2 % après -40,5 % en 2020).

En regardant plus en détail le tableau, on note la progression du poste des produits agroalimentaires (+10,3 % à 46,2 milliards d’euros), de celui de la pharmacie (+8,1 % à 32,7 milliards), avec les vaccins et autres produits anti-Covid, tandis que celui du textile-habillement se replie de 2,6 %, à la faveur de la baisse sensible du poste des importations de masques de protection (355 millions d’euros, après 5,9 milliards – une paille – en 2020).

Côté automobile et aéronautique, même constat que pour les exportations. Se fondant sur une étude davantage macro-économique, les experts notent que la croissance des importations est tirée en premier lieu par la consommation intermédiaire et l’investissement, ce qui est une donnée plutôt positive, en revanche.

Comparaison n’est pas raison, dit-on. Il est quand même bon de savoir où en sont nos voisins dans ce contexte. On va dire que le commerce extérieur de nos voisins du Sud a davantage repris que le nôtre et que celui de l’Allemagne, si l’on se réfère à l’UE à 27.  Par exemple, les exportations et importations espagnoles ont respectivement progressé de 20,6 % et 24,1 %, celles de l’Italie, de 18,4 % et de 24,1 % dans les mêmes termes. Pour l’Allemagne et la France, le redémarrage est plus poussif. Nos exportations ont progressé de 15,1 %, celles de l’Allemagne de 13,5 %, tandis que nos importations respectives se redressaient de 18,1 % et de 16,3 %.

Recul en Afrique, bonne performance avec les USA

Si l’on compare les données par rapport à 2019, année de référence plus significative, les importations 2021 dépassent leur niveau de 2,2 points en France, mais de 6,1 en Espagne, 7,6 en Allemagne et même 8,7 en Italie. Du côté du des exportations, nous sommes à 3,9 points en dessous du niveau de 2019, alors qu’à l’inverse, l’Allemagne (+2,5 points), l’Italie (+6,9 points) et surtout l’Espagne (+8,8 points) progressent.

Quelles sont les zones géographiques où nous tirons le mieux notre épingle du jeu dans ce contexte ? En termes de soldes, ce qui compte en termes d’analyse macro-économique. Notons d’abord que, sur notre terrain de jeu privilégié, l’Union européenne, nous buvons la tasse avec 56,7 milliards d’euros de déficit en 2021, après une certaine stabilité les années précédentes, autour des 45 milliards d’euros en négatif.

Parmi les pays tiers, toujours une belle performance avec le Royaume-Uni, tant vilipendé par les dirigeants de l’UE pendant la passe du Brexit. L’excédent est toutefois en baisse régulière, atteignant en 2021 7,6 milliards d’euros (-2,2 milliards par rapport à 2020), en raison d’un tassement relatif de nos ventes et du coût supplémentaire de nos importations d’énergie. L’Amérique au sens large nous est aussi profitable, dégageant un excédent de 3,6 milliards d'euros, porté pour les deux tiers par les USA. Côté Asie, on pousse toujours le bouchon un peu plus profondément avec 47 milliards de déficit, dont 34,6 pour la Chine et Hong Kong, même si notre solde avec la Corée du Sud a subi également un important solde négatif supplémentaire, en l’occurrence de 1,7 milliard d’euros, par rapport à 2020.

Pour remettre les choses en perspective, il faut détailler les soldes, en les relativisant. Ainsi notre solde positif avec le Royaume-Uni résulte de la différence entre des ventes de 29,2 milliards d’euros et 21,6 d’achats. Celui – négatif – avec la Chine et Hong Kong, met en balance 64,4 milliards d’achats et 29,8 de ventes pour un montant donc élevé. Nous exportons en Allemagne, premier partenaire commercial, pour 68,6 milliards d’euros, contre 81,4 d’achats.

Nos résultats dans les autres grandes régions géographiques mondiales sont en berne.

En Afrique où nous renouons avec une mauvaise passe, la vive reprise de nos importations à 25,6 milliards d’euros pousse notre solde dans le rouge, alors que nos exportations vers ce continent porteur de la dynamique émergente de demain, ne progresse que mollement, à 23,5 milliards d’euros. Ce qui aboutit à un solde négatif de 2,1 milliards. Et pourtant, les pouvoirs publics ont mis l’accent sur cette destination.

Quant au Proche et Moyen-Orient, notre solde reste négatif, mais s’améliore à -3,5 milliards d’euros, en dépit de la hausse des cours du pétrole.

Notons que, puisqu’on parle beaucoup de la Russie en ce moment, notre solde avec les pays des tsars s’est aggravé de 2,7 milliards d’euros. La hausse du prix du gaz n’y est pas pour rien, bien entendu.

Afrique du Sud : réels atouts et points de faiblesse

L’Afrique du Sud apparaît de prime abord comme un pilier solide de l'Afrique subsaharienne. Cependant, la situation n'y est pas si rose malgré un état de développement comparativement plus avancé depuis des décennies. Nos relations économiques avec ce pays sont relativement limitées à l'aune de nos échanges mondiaux. En revanche, si on les rapporte à ceux avec l'Afrique subsaharienne dans son ensemble, elles sont significatives, devant la Côte d'Ivoire sous certains aspects. Il nous a donc paru intéressant de nous pencher sur cet Etat de la pointe du continent.

L'Afrique du Sud a su passer sans trop de casse du système de l’apartheid à un régime dominé par la majorité noire avec une ANC qui s'est maintenue au pouvoir, amenant ainsi une certaine stabilité. Cependant, cet équilibre est fragile. La popularité de l’ANC tend à s’éroder, suite à de nombreux scandales, dont celui de corruption présumée de l’ancien président Jacob Zuma. L’aile extrême de l’ANC veut accentuer les mesures favorisant les populations non blanches (plan Black Economic Enpowerment) en développant les expropriations.

Des émeutes surviennent de temps à autre, favorisées par un chômage de masse - l'assureur-crédit Credendo parle d'un taux de 35 %, ce qui amène à des troubles de nature xénophobe.

Cela étant, si Coface évaluait récemment le risque pays de l’Afrique du Sud à C, ce qui n’est pas bon, l’environnement des affaires est, lui, coté à A4. De fait, le pays du Cap de Bonne Espérance jouit de nombreux atouts. A commencer par des ressources naturelles abondantes (or, platine, charbon, minerais rares), un marché financier développé, et un système bancaire en bonne santé selon Coface. A cet égard, Credendo valorise l'accroissement de la dette publique détenue par les investisseurs nationaux.

En revanche, les aspects négatifs ne doivent pas être occultés. Outre un chômage élevé, la pauvreté toucherait 20 % de la population, créant un climat social délétère (criminalité, grèves…). En dépit d’un taux d’emploi insuffisant, on constate en outre un manque de main-d’œuvre qualifiée. Les autres structures sont souvent insuffisantes en matière de transport ou d’énergie, occasionnant par exemple de fréquentes coupures de courant. L’emblématique électricien Eskom est, du reste, en grande difficulté.

Une croissance de croisière à l’aune des pays européens

La croissance sud-africaine est faiblarde. Elle suit une courbe assez comparable aux pays de l’Ouest européen, voire s’avère un tantinet plus faible. Début 2022, le consensus tournait pour cette année autour de 2 %, après +5,1 % en 2021 et -6,4 % en 2020. En 2021, le rebond a été occasionné par l’explosion des exportations de matières premières, mises sous cloche lors du premier épisode du Covid. L’augmentation des prix a fait le reste.  Cette année, les experts pensent qu’il n’en sera pas de même et que la consommation intérieure ne pourra pas prendre le relais, d’autant que le taux d’inflation sera élevé, sans doute de 5 %. Ce qui a amené la Banque centrale, qui est indépendante, à donner un tour de vis monétaire, en relevant récemment son taux directeur à 4,75 %. Le manque, déjà patent –d’investissements, devrait donc se faire encore plus sentir sauf, selon Coface, dans le domaine des énergies renouvelables. Les IDE, par parenthèse, sont faibles. Malgré tout, le solde public (-8 % en 2021 après -10,8 % en 2020) devrait s’alléger à -6,5 % en 2022 selon Coface.

Observons que la dette publique attendrait 73 % en 2022, ce qui nous fait pâlir d’envie, nous Français. Tout cela est bien incertain néanmoins, et très dépendant du niveau de prix des matières premières à l'export, comme à l'import (pétrole), du rythme de reprise du tourisme… Quoi qu'il en soit, les réserves de change restent satisfaisantes (cinq mois environ du montant des importations).

Second partenaire commercial de la France

Nous l’avons dit supra, l’Afrique du Sud est le deuxième partenaire commercial de la France (en Afrique subsaharienne premier client et deuxième fournisseur) et avec un excédent commercial à la clé de 530 millions d’euros (+16 %) en 2021. On est bien loin du record du début des années 2010 (+1,4 milliard d’euros), mais dans la période de disette actuelle, on ne va pas se plaindre !

Du reste, l'an dernier, nos exportations ont progressé de 20 % pour atteindre 1,6 milliard d'euros, récupérant tout le terrain perdu en 2020. L'augmentation a été tirée par « les machines industrielles et agricoles (+48 % à 249 millions d'euros) » à l'instar des pièces détachées pour le la construction et l’industrie minière ou encore des machines de sondage et de forage de la terre.

Tout cela en lien avec le boom des matières premières, bien entendu. Nos ventes de produits agroalimentaires ont bondi aussi de 41 %, pour atteindre 201 millions d’euros, particulièrement en raison de la levée des restrictions à l’importation d’alcools, favorisant le cognac et le champagne. En revanche, le matériel de transport était encore à la traîne, alors que la reprise du trafic aérien se faisait alors attendre. Globalement, si l’on s’en tient à la nomenclature des douanes, « les produits chimiques, cosmétiques et parfums » demeurent notre premier poste d’exportation – environ 20 % du total. Viennent ensuite « les machines industrielles et agricoles », qui montent au deuxième rang, grâce en particulier, à la vente de parties de réacteur nucléaire ou de matériels pour l’industrie minière.

Une deuxième place au détriment des produits pharmaceutiques, en régression à 15 %, juste devant l’agro-alimentaire, en hausse de quatre points à 13 %.

Les experts du Trésor, tout en reconnaissant que « l’Afrique du Sud est un débouché secondaire pour les produits français » – 0,3 % du total de nos exportations en 2021 –soulignent qu’elle demeure notre premier client en Afrique subsaharienne, avec 16 % devant la Côte d’Ivoire (14 %) tandis que nous sommes son dixième fournisseur (2,1 %) en Europe derrière l’Allemagne (8,2 %) et l’Italie (2,7 %).

Du côté des importations, elles ont progressé en 2021 à peu près dans les mêmes proportions que nos exportations (+20 % à 1,1 milliard d’euros). Nos achats de « produits métallurgiques et métalliques » ont bondi de 120 % à 121 millions d’euros. Sans surprise, ce sont les produits des industries minières qui mènent la danse à 175 millions d’euros, dopés essentiellement par le fer et le manganèse. Notons cependant que le premier poste était celui du matériel de transport, à 362 millions d’euros en particulier celui de la véhiculation de marchandises.

La Chine principal partenaire

La France tient donc une place relativement honorable dans les échanges commerciaux de l’Afrique du Sud, loin cependant derrière la Chine. L’Empire du Milieu était en 2020 son premier fournisseur (20,8 % du total), mais aussi son premier client (11,5 %). Côté ventes, venaient ensuite les USA (8,4 %), l’Allemagne (7,5 %), le Royaume-Uni (5 %), puis le Japon (4,5 %). Quant à leurs achats, les Sud-Africains se tournent en second lieu vers l’Allemagne (9,1 %) ensuite les Etats-Unis (6,4 %), l’Inde (5,2 %) et l’Arabie Saoudite (3,9 %).

C’est que le pétrole et les produits assimilés représentent le premier poste à l’importation à 12,6 % du total, loin devant les appareils électriques pour la téléphonie (3,6 %), les véhicules de tourisme (3,1 %) puis les médicaments (2,6 %). Du côté des ventes, le platine, le palladium, l’iridium, l’oxium… représentent 12,6 %, devant l’or sous toutes ses formes (7,9 %) et ensuite les minerais de fer ainsi que leurs concentrés (7,2 %).

Commerce international : les bonnes techniques pour réussir vos opérations

Le commerce international a connu une belle reprise en 2021. La France n’est pas en reste de ce point de vue, et a bénéficié d’un rebond de ses exportations.  Si les perspectives de croissance s’avèrent plutôt bonnes, quelques nuages pointent à l’horizon, ou sont déjà présents. C’est le cas des difficultés ou des surcoûts quant au transport maritime, à certains approvisionnements, à l’inflation, au Brexit… Des problèmes il y en a toujours. La question est de les résoudre une fois qu’ils se posent et, mieux encore, de les anticiper. Nous avons réuni des spécialistes des opérations du commerce international (financements, douanes…) afin de mettre en lumière, d’une part quelques règles de base, d’autre part et surtout, la manière de faire face aux problématiques actuelles.

Si la part de l'international dans les comptes de nos sociétés a notablement augmenté ces dernières années, en particulier à travers des exportations plus vigoureuses, elle ne concerne cependant encore qu'une minorité d'entre elles –129 000 rappelle Marianne Pavard-Soum, un nombre plutôt stable d'après les douanes avec une très forte concentration des volumes réalisée par une centaine d'entreprises seulement.

Véritable baromètre du dynamisme économique, le commerce international est souvent un bon indicateur à suivre pour mesurer le niveau de reprise. Pour comprendre quel rôle les exportations jouent dans la sortie de crise, il faut d'abord s'intéresser à la santé de nos entreprises tant sur le plan financier que sur le niveau de trésorerie. Avec près de 40 milliards d'euros de factures traitées chaque année, Factofrance suit de près l'activité des entreprises. "Notre cockpit de reprise, indique Luc Belleil, met en évidence trois indicateurs principaux :

- Le délai de paiement moyen (DSO) tend à baisser aux alentours de 50 jours sous l'effet des trésoreries abondantes liées en grande partie aux 142 Milliards de PGE et au report du paiement des charges sociales.

- Corollaire du point précédent, on observe depuis plusieurs mois un taux de réserve disponible d'environ 20%, presque 2 fois plus élevé que la moyenne habituelle. Ce taux reflète cependant une réalité variable suivant les tailles d'entreprises : 11,8% pour les TPE, 25% pour les PME et 19,3% pour les ETI et au-delà.

- Enfin, si l'on considère les volumes achetés par Factofrance en 2020, ils étaient pour la première fois en recul de 11%, un phénomène essentiellement lié à la baisse de l'activité domestique (-15%), -7% sur la part internationale.

Si le niveau d'activité des entreprises est bien en hausse depuis plusieurs mois, c'est bien l'international qui a généré la plus forte augmentation des volumes, au point de dépasser le niveau de 2019. A fin juin, les volumes traités par le marché de l'affacturage à l'international avait crû de 12%. Tout est-il pour autant si rose ? Si la situation des trésoreries est saine dans l’ensemble, Luc Belleil craint les effets du remboursement du PGE, qui s’étalera en règle générale sur quatre ans et qui va consommer beaucoup de cash. Ce sont 142 milliards d’euros qui devront être remboursés, consommant 10 % de marge, « cela, tandis que le regain d’inflation tend à son pincement ».

« Attention aux retards de paiement, prévient Thomas Bonte, car la vie d'une PME repose sur sa trésorerie qui est, en général en flux tendu, à la merci d’un coup dur ». Cela peut être l’impayé d’un gros client.  C'est pourquoi Eric Latreuille regrette le trop grand poids du crédit inter-entreprises. Il valorise le rôle du crédit manager, qui va pouvoir sécuriser le poste client, mais aussi celui du poste fournisseur. Luc Belleil rebondit sur ce point avec des chiffres évocateurs : on compte 800 milliards de crédit interentreprises dont seuls 145 milliards étaient intermédiés en 2019. Loin d'être mature la part, bien que prépondérante, de l'affacturage devant les autres solutions de financement court terme, ne représente que 35 milliards de ces encours court termes, alors même qu'il propose une solution plus stable qu'un découvert qui peut être retiré à tout moment..

Le factor peut également apporter des conseils, dont les patrons de TPE–PME ont besoin, « alors que leur situation est parfois fragile sans qu’ils en aient conscience », souligne Thomas Bonte. Bien entendu, Creditsafe, comme d’autres confrères de son secteur, amène beaucoup de visibilité grâce, non seulement, à une compilation des comptes remis aux greffes, mais aussi à des études comportementales ou encore à des éléments fournis directement par les entreprises qui désirent être scorées.

 

Financement des opérations d’exportation : l’attrait de l’affacturage

Lorsqu'on vend à l'étranger, il faut se faire payer et cela devient vite plus compliqué qu'en France, surtout au grand export. Bien sûr, il y a les traditionnels crédits documentaires, reconnaît Eric Latreuille, mais « ils sont longs à se mettre en place ; certes escomptables, ils ne concernent qu’un client à la fois et ne sont donc pas globalisables. Mais dans l’Union européenne, poursuit-il, des banques ont mis en place une procédure dite de l’Instant Payment, pour aller plus vite dans la transaction ». Cependant, Eric Latreuille plébiscite en premier lieu « l’augmentation spectaculaire du factoring à l’international, qui a décomplexé les entreprises ne voulant pas y aller ». « La place du factor, à l’international comme en domestique, est de rendre le cash prévisible. Il permet également dans certains cas de sortir les créances du bilan de l'entreprise », rebondit Luc Belleil.  Le périmètre d'intervention élargie à l'ensemble du poste clients, en France comme à l'étranger permet de proposer une solution globale et adaptée aux spécificités locales tant en matière de moyens de règlement que de maitrise linguistique. A l'export, cela favorise la pérennité des opérations quand on pense qu'un quart des entreprises jettent l'éponge au bout d'un an devant les difficultés rencontrées. Bien sûr, la prestation du factor a un coût (frais de gestion et agios), mais Luc Belleil le relativise, car « les financements sont calés sur l'indice de référence du marché monétaire de court terme. Les taux sont donc très modérés actuellement et ils devraient le rester si l’on raisonne à trois ans, car il n’y a pas de réelle remontée de l’Euribor prévue ».

Quoi qu’il en soit, avant de vendre, cela ne fait pas de mal de se renseigner sur ses clients, en France comme ailleurs, y compris lorsqu’une commande impromptue surgit de l’étranger à travers Internet. C’est évidemment plus compliqué à l’international. Dès lors, l’apport de Creditsafe, par exemple, est fort utile. « Bien sûr, en France, nous disposons d’une très bonne visibilité grâce à nos remontées de terrain et aux obligations légales de transparence qui, même si elles ne sont pas toujours respectées, nous permettent un scoring très efficace », souligne à cet égard Thomas Bonte.

A l’étranger, tout dépend des pays, et il faut souvent chercher de l’information non publiée, financière ou extra-financière. Contrairement à ce que l’on pense généralement, Creditsafe parvient à se faire une idée assez précise des risques en Chine et en Russie, toujours selon Thomas Bonte. Aux Etats-Unis – tout dépend des assignations fédérales mais aussi de celle des Etats, ou tout simplement des comportements des entreprises, et on n’a parfois pas de bilan disponible.  Dans l’Union européenne, les Pays baltes seraient les plus vertueux dans leur transparence.

« Vendre ou acheter à l’international cela nécessite des outils qui existent, mais que peu maîtrisent », intervient Jean-Louis Cabot. Il faut surtout choisir le bon Incoterm. Et c'est un choix important, en termes de moment du transfert de propriété, de charge du transport et de sa maîtrise… Et il vaut mieux, selon Eric Latreuille, ne pas laisser les vendeurs internes décider… « et surtout pas l’acheteur », conseille Jean-Louis Cabot. A la lumière de sa grande expérience et de celle de Seb, il préconise de choisir les Incoterms où le transfert de propriété s’effectue à l’arrivée. Cela paraît de prime abord plus risqué, mais in fine, rapporte d’expérience Jean-Louis Cabot, même si le transfert s’effectue au départ, c’est toujours le vendeur dont la responsabilité sera recherchée en cas de problème.

A cet égard, Jean-Louis Cabot privilégie le DAP « rendu au lieu de destination convenu ». Le transfert du risque s’effectue au lieu de destination du bien avant débarquement. Les coûts et les risques sont supportés par le vendeur jusqu’à ce stade. Quant à lui, l’acheteur s’occupe des formalités de douane en rapport avec l’importation de biens, et procède au déchargement de la marchandise dans ses propres locaux.

 

Assureur-crédit : un rôle majeur

L’assureur-crédit peut également jouer un rôle majeur dans la sécurisation des créances à l’international, indique Eric Latreuille. Garantir les créances certes, mais aussi apporter des informations et des analyses de risques, rappelle-t-il. L'assureur-crédit, on le sait, ne va pas garantir toutes les créances. Il va en rejeter d'emblée certaines et instaurer des plafonds parfois contraignants. Eric Latreuille explique qu’il ne faut pas s’arrêter à ces plafonds et instaurer un dialogue avec l’assureur en amenant, par exemple, dans sa besace, des éléments complémentaires sur ses clients. Luc Belleil abonde dans son sens et rappelle que dans le cadre de l’affacturage, le transfert de propriété de la créance s’accompagne d’une délégation de paiement de l’indemnité éventuelle versable par l’assureur-crédit pour les entreprises ayant leur propre police d'assurance.

« Pour les opérations franco–françaises, complète Marianne Pavard–Soum, nous avons nos propres équipes d’analyse crédit, nous permettant de délivrer directement nos propres garanties contre l'insolvabilité sans plafond de décaissement. Pour les transactions internationales, nous avons davantage l'habitude de travailler avec les principaux assureurs-crédit bénéficiant de données locales ». Evidemment, il faudra faire face aux limites globales de décaissements fixées par l’assureur-crédit, et donc à des plafonds unitaires. C’est peut-être pourquoi nos PME sont encore peu équipées en la matière. Elles disposent d’un moindre pouvoir de négociation avec l’assureur-crédit, même si elles pourraient s’appuyer sur des courtiers, davantage en position de force, grâce à l’étendue de leur portefeuille.

 

Risque-crédit et risque de change 

« Le risque d’impayé ne doit pas faire oublier celui de perte de change, avertit Marianne Pavard–Soum. Plus on met de temps à se faire payer, plus ces deux risques augmentent notamment sur le grand export », poursuit-elle.  « Nous ne pratiquons pas à proprement parler de couverture du risque de change chez Factofrance, précise Luc Belleil, mais nous pouvons convenir d'un taux entendu à l'avance. Et attention, dans le cadre d'une vente à l'international, le but n'est pas celui d'un pari, mais de préserver la marge prévue à l’origine ». Cette variabilité des taux de change est même prise en compte par les douanes « qui autorisent un taux de calcul fixe pendant seulement un mois et uniquement si la variation pendant cette période n’excède pas 5 % », note Jean-Louis Cabot.

 

Vigilance et proximité vis-à-vis des fournisseurs

Lorsqu’on vend des produits un tant soit peu complexes, il est rare de nos jours qu’une partie au moins des éléments nécessaires à leur fabrication ne proviennent pas de l’étranger. Dès lors, les perturbations de l’approvisionnement actuelles, liées à une reprise économique très vive, doivent être prises en considération par les entreprises. Comment faire alors ? Il faut anticiper les commandes, autant que faire se peut, et soigner ses fournisseurs d’autant que, comme le souligne Jean-Louis Cabot, les conteneurs sont rares et chers. Le « juste à temps » a du plomb dans l’aile. Si l’on peut, il convient de constituer des stocks. « Les entreprises les plus agiles en matière d’approvisionnement et de stockage ont bénéficié plus rapidement du redémarrage économique par leur capacité à répondre à la demande », analyse Marianne Pavard–Soum. Dès lors, la relation fournisseurs est devenu un réel enjeu stratégique pour les entreprises. L'affacturage inversé permet d'y répondre en partie en limitant l'impact du delta entre les délais de paiement fournisseurs et clients mais reste encore l'apanage des grands donneurs d'ordre.

Plus récemment, le dispositif de financement de commandes garanti par l'Etat proposé par les factors a permis de maintenir un afflux de cash constant en compensation du manque de facturation pour maintenir l'activité de tout type d'entreprises.

Effectivement, le delta entre la facturation des futures ventes et celle effectuée par les fournisseurs augmente. D’où l’idée de l’affacturage inversé, qui participe finalement de la même idée que l’affacturage sur les ventes, à savoir donner de l’air à la trésorerie des entreprises. « Ce sont 20 milliards d'euros de garantie qui ont été attribués à ce dispositif par le ministère de l'économie et des finances dans le cadre du plan de relance, complète Luc Belleil. En intervenant en amont de la facture, ce dispositif amène ainsi quatre à cinq mois de trésorerie. » « C’est particulièrement important dans le domaine industriel », corrobore Eric Latreuille.

Douane, TVA… des nouveautés constantes

« N’oubliez pas la douane ! », plaide à cet instant de nos échanges Alban Gruson.
« Longtemps l’apanage de spécialistes, comme les commissionnaires en douane, ce sujet est aujourd’hui un peu mieux connu chez les chargeurs eux-mêmes, car l’administration diffuse sa règlementation directement auprès deux », explicite le PDG de Conex. « Certes, nuance Jean-Louis Cabot, cependant si les grands groupes se posent les questions adéquates, les PME–PMI attendent souvent que les problèmes surviennent, pour se les poser, au nombre de trois :

– Qui dédouane ? Car il y a un choix à effectuer.

– Qui va déclarer ? Nous-mêmes ou un commissionnaire, et là il vaut mieux le choisir plutôt que ce soit le fournisseur

– Avec quoi ? Factures… ce qui nécessite de gérer convenablement les données ».

« Bien sûr, on peut consulter la douane en cas de doute, mais on ne peut se passer des professions de commissionnaires ou de transitaires, poursuit-il, sans oublier de pratiquer un benchmark intelligent ». « Le métier de commissionnaire et de transitaire, toujours important dans certains secteurs d’activité, a évolué », analyse Alban Gruson.

En effet, les cautionnements pratiqués par ces intermédiaires pour payer des droits tendent à disparaître, d’autant que la TVA va être auto-liquidée par les entreprises pour les achats provenant de pays extérieurs à l’UE. « Il ne faut pas non plus négliger de former les équipes en interne, complète Alban Gruson, ce que nous faisons à travers une formation certifiante dans une filiale de Conex ». Jean-Louis Cabot rebondit sur la question de la TVA : « Au 1er janvier, les choses changent du tout au tout pour l’ensemble des importateurs », explique-t-il. Jusqu’à présent, la TVA import dans l’UE était réglée par chèque de banque ou crédit d’enlèvement à chaque mouvement en même temps que les droits de douane. « Le changement de règles aura un impact important car le taux de la TVA, de 20 %, est bien plus élevé que celui des droits de douane, de 2 à 3 % en moyenne », note encore Jean-Louis Cabot. Désormais, à partir du 1er janvier, la TVA concernée sera reportée directement sur la déclaration CA3. « Cela constitue une opportunité de consommer ainsi moins de cash, souligne-t-il, mais l'entreprise devra s'assurer que le calcul est bon, afin de ne pas risquer de pénalité par la suite ». « Attention aussi au fait que c’est la douane qui reste chargée du calcul et non la DGFIP, qui peut par contre le remettre en cause a posteriori », avertit Alban Gruson.

A propos de TVA, le PDG de Conex revient sur un fait réglementaire important survenu au 1er juillet dernier, à savoir l’application généralisée de la TVA à tous les colis importés hors UE, alors qu’auparavant ceux d’un montant inférieur à 22 euros en étaient exemptés. En contrepartie, une franchise de droits de douane a été instaurée jusqu’au montant unitaire de 150 euros.

Les plates-formes de e-commerce qui vendent des produits pour leur propre compte ou celui de vendeurs hébergés sur leur plate-forme doivent choisir un lieu de centralisation de leur calcul dans l’UE pour y payer la TVA, laquelle sera ensuite dispatchée dans les différents Etats-membres.

 

Brexit : moins de perturbations que prévu

Les difficultés liées au Brexit et à la sortie du Royaume-Uni de l’UE ne sont évidemment pas finies. La catastrophe annoncée, souvent pour des raisons politiques, n'a pas eu lieu. « Nous avions craint un blocage des flux, se souvient Alban Gruson, en fait nous avons connu peu de problèmes, sauf pour les produits soumis au contrôle vétérinaire ». Quant aux entreprises insuffisamment habituées aux procédures douanières et qui travaillaient régulièrement avec le Royaume-Uni, elles ont su s’adapter et ont fait appel en général à des RDE (nouveau nom des commissaires en douane) et ont recruté du personnel supplémentaire en interne, développe-t-il encore en substance.

Dans le sens de la Grande-Bretagne vers la France, « une frontière intelligente » a été rapidement mise en place. L’objet en est d’anticiper l’arrivée des marchandises en validant leur entrée pendant leur temps de transport. Le système douanier délivre pendant ce temps-là un BAE (bon à enlever) ou au contraire une demande de contrôle à l’arrivée.

Dans l’autre sens, la mise en place d’un système similaire, le pre-lodged, a été plus longue, mais il est désormais opérationnel. Cependant, la pratique britannique des contrôles a été très libérale ces derniers mois, selon Alban Gruson. Cela étant, des droits de douane sont progressivement instaurés, même si le taux de 0 % vers la Grande-Bretagne demeure majoritaire. Encore faut-il prouver dans le cas général l’origine communautaire des produits. Le délai de prescription est de cinq ans. « Le dédouanement est possible pendant la traversée, complète Jean-Louis Cabot, mais il faut bien avoir tout anticipé ; l'alternative c'est la livraison sous douane. La question se pose sinon de savoir où dédouaner, y compris dans ses propres entrepôts, mais alors il faut avoir signé une convention avec la douane, ou faire appel à un transitaire ».

Avant le clôture des débats, Alban Gruson évoque la nécessité, dans toutes les transactions internationales, que les équipes maîtrisent les langues étrangères, et même pour les échanges au sein de l’UE. « Certes, il faut commencer par l'anglais, langue aujourd'hui universelle, reconnaît-t-il, mais dès qu'on entre dans les détails techniques, connaître la langue vernaculaire de l'autre est important. Chez Conex nous veillons de ce point de vue à disposer des compétences nécessaires ». Cette analyse est partagée par nos autres intervenants, dont Eric Latreuille.

 


Intervenants

Luc Belleil, directeur général adjoint de Factofrance. Factrofrance, spécialiste de l’affacturage, compte 500 collaborateurs D’une activité au départ domestique, elle est passée il y a plus de 40 ans déjà à une extension de son offre dans 100 pays, à la faveur de l’internationalisation de notre économie.

Délivrant « 200 millions d’euros de crédit par jour aux entreprises », Factofrance s’impose trois missions :

  • Donner de l’oxygène aux entreprises en libérant du cash.
  • Garantir la bonne fin des factures.
  • Optimiser la gestion des clients au travers du recouvrement et du lettrage des encaissements

Marianne Pavard-Soum, directrice marketing et développement de Factofrance.

Thomas Bonte, analyste scoring, spécialiste de Creditsafe. Creditsafe est un fournisseur de données sur les entreprises dont le développement se situe d’abord en Europe. 623 millions de rapports sont disponibles dans le monde, dont 308 millions avec une limite de crédit. Ces données sont délivrées soit en direct, soit à travers des partenariats. La filiale française compte une centaine de collaborateurs et recense dans sa base 1,5 million d’entreprises ayant leur siège dans notre pays avec un scoring établi par ses soins.

Jean-Louis Cabot, responsable des douanes du groupe Seb. Le groupe Seb réalise plus de 7 milliards d’euros de CA, compte plus de 33 000 collaborateurs dans le monde répartis dans 100 filiales. Parmi ses principales marques, Calor, Moulinex, Rowenta, Tefal et bien sûr Seb.

Alban Gruson, PDG de Conex. Conex est leader des éditeurs de logiciels dans le domaine douanier en France. La firme nordiste compte 700 clients, commissionnaires, transitaires et chargeurs, aussi bien exportateurs qu’importateurs. Conex fournit des outils informatiques pour traiter les opérations douanières, aujourd’hui entièrement dématérialisées. Sa plate-forme sert aussi à traiter le dialogue entre les douanes et les opérateurs. Conex emploie une soixantaine de collaborateurs, principalement en France, mais aussi au Royaume-Uni, où elle a ouvert une filiale, comme en Belgique.

Eric Latreuille, président d’honneur de l’AFDCC (Association des credit-managers et conseils). Actuellement crédit-manager chez Ajinomoto Food Europe, il est également formateur en négociations internationales.

Maroc : une bonne cible pour les investissements

Dans un univers extrêmement perturbé, l’Afrique n’est pas épargnée par les conflits – latents ou déjà exacerbés. Pourtant, ce continent est porteur de perspectives de croissance forte, à court terme comme à long terme. On a tendance à beaucoup évoquer à cet égard l’Afrique sub-saharienne. Mais il ne faut pas oublier le Maghreb, et singulièrement le Maroc.

Le Maroc jouit du régime le plus stable d’Afrique du Nord depuis de nombreuses années déjà. Bien sûr, il n’est pas exempt de difficultés frontalières. C’est particulièrement le cas avec l’Algérie, en raison du contentieux du Sahara espagnol, mais aussi avec l’Espagne, autour des presidios de Ceuta et de Melilla, réclamés de longue date par la monarchie chérifienne. Peut-être ces tensions vont-elles s’apaiser à l’aune du revirement complet de l’Etat ibérique vis-à-vis du statut de son ancienne colonie. Quoi qu’il en soit, une politique étrangère audacieuse et entrepreneuriale lui a permis de développer son influence dans une partie de l’Afrique, en particulier francophone, sur le plan économique, mais pas seulement.

Le royaume alaouite a également renoué des relations avec Israël, où vivent de nombreux descendants de juifs marocains. Cela devrait non seulement favoriser le tourisme, mais aussi les investissements sur place.

Cela dit, pour l’heure, l’Espagne, son voisin immédiat, et la France, ancienne puissance tutélaire, demeurent les principaux partenaires commerciaux, même si, comme partout ailleurs, la Chine, surtout à l’import, fait plus que pointer le bout de son nez.

A ce propos, même si le Maroc est un pays désormais largement développé, son positionnement encore intermédiaire à cet égard, lui permet, ainsi qu’à des investisseurs, de bénéficier d’aides spécifiques, comme celle de l’AFD.

Coface positionne du reste favorablement le risque « Maroc » au niveau B pour le risque pays et A pour l’environnement des affaires.

Très précautionneux sur le plan sanitaire pendant la crise du Covid, le royaume a pâti d’une rétractation de ses recettes touristiques, qui représentaient ordinairement 12 % de son PIB.

En décroissance, de 6,3 % en 2020, son PIB devrait avoir rebondi de 5,7 % en 2021, selon les estimations de Coface, sans doute un peu moins en raison de la fermeture récente de ses frontières aériennes pendant plus de deux mois. En 2022, les analystes de Coface envisagent pour le pays une croissance modérée de 3 % en parallèle d’une inflation de seulement 1,5 % qui devra, selon nous, être probablement réévaluée.

Le solde public a évidemment pâti, comme presque partout ailleurs dans le monde, de la pandémie, en tous cas des mesures prises pour en limiter les effets sur les populations. Ce solde a atteint -7,6 % en 2020, sans doute -6,7 % en 2021, avec une prévision à -6,5 %, quasiment inchangée en pourcentage, en 2022.

Parallèlement, la dette publique a sensiblement progressé, passant de 64,8 % du PIB en 2019 à 79 % en 2022 (estimation). C’est mieux que chez nous, mais les situations de nos deux pays ne sont évidemment pas comparables. Quoi qu’il en soit, le Maroc bénéficie d’atouts non négligeables. Bien entendu, de sa position proche du marché européen, mais aussi de sa politique économique, en particulier dans le monde de l’industrie, avec une stratégie de diversification accompagnée d’une montée en gamme de sa production.

La communauté internationale est présente pour soutenir ses investissements verts, à hauteur de 300 millions de dollars, à travers deux projets, tandis que son marché finit par devenir significatif et que le pays s’intègre de façon croissante, on l’a mentionné supra, au marché africain.

Tout va-t-il pour autant pour le mieux dans le meilleur des mondes au royaume chérifien ? Quand même pas, malheureusement.

Coface relève ainsi que son économie repose encore beaucoup sur les performances agricoles (12 % du PIB, 30 % de la population active), des performances très liées à la pluviométrie, variable d’une année à l’autre. Des poches de pauvreté demeurent en outre nombreuses et le taux de chômage est encore élevé, surtout chez les jeunes, avec de grandes disparités régionales engendrant çà et là des contestations parfois vigoureuses.

De plus, le Maroc, dont la productivité et la compétitivité demeurent faibles, est en concurrence sur ce plan avec d’autres pays du bassin méditerranéen, comme la Turquie ou l’Egypte. Le roi et son gouvernement ne baissent pour autant pas les bras, bien au contraire. Les investissements sont ainsi stimulés par le fonds ad hoc « Mohammed VI », centré sur le tourisme, le transport et les infrastructures au sens large. A cet égard, un plan « d’accélération de l’industrialisation » pourrait offrir des opportunités au secteur privé. Les IDE, dont 35 % proviennent de France, devraient remonter en 2021, à la faveur notamment de l’implantation sur place d’une usine de fabrication du vaccin chinois.

Par ailleurs, une nouvelle usine automobile – un des points forts du Maroc, va ouvrir à Kenitra, ouvrant la perspective à une augmentation de la capacité de production de véhicules, donc d’exportations. Les exportations de pièces automobiles, mais aussi de produits alimentaires et de phosphate ont été soutenues du reste en 2021. Cela, alors que le secteur du tourisme, demeuré en retrait l’an dernier, devrait reprendre modérément, sauf nouvelle catastrophe bien sûr.

Notons que la dette publique n’était détenue que pour 25 % par des créanciers extérieurs en 2020 et qu’en outre 70 % de cette partie se trouve financée par des créanciers bilatéraux et multilatéraux, ce qui est évidemment rassurant.

Commerce extérieur marocain : de profondes transformations

La structure des exportations marocaines a sensiblement évolué dans les années 2010. « Cela est essentiellement dû à la montée en puissance des écosystèmes industriels, notamment automobile, désormais premier secteur exportateur », rapporte la Direction générale du Trésor. Cela n’empêche pas la balance commerciale du royaume de demeurer régulièrement déficitaire mais évidemment, nous Français, resterons discrets à cet égard !

Pourquoi ces déficits récurrents ? En raison de la nécessité d’importer des produits énergétiques, des intrants pour l’industrie, ainsi que des céréales, en cas de mauvaises récoltes locales. Quoi qu’il en soit, le taux de couverture n’a été que de 57,4 % en 2019, plutôt stable en pourcentage depuis 2010. Les importations ont atteint 491,2 milliards de dirhams cette année-là, et les exportations 282 milliards. Quant aux principales tendances observées au sein des exportations, on voit logiquement une augmentation des ventes de nature industrielle « nouvelle », alors que le secteur manufacturier à faible valeur ajoutée recule – le textile en particulier. Le secteur agro-alimentaire résiste bien.

Si l’on examine plus en détail les postes industriels, l’on remarque une hausse supérieure à la moyenne de l’automobile (écosystème du câblage en premier lieu), ainsi que de l’aéronautique. Le secteur agricole-alimentaire arrive en deuxième position, derrière celui de l’automobile (21,8 % contre 28,4 %). Tandis que le textile poursuit son déclin, le phosphate arrive troisième, avec cependant des performances énergétiques variables selon les années, en fonction de la demande et des cours mondiaux.

L’Union européenne demeure le premier partenaire du Maroc (53,1 % des importations et 66,7 % des exportations). Les deux premiers fournisseurs restent l’Espagne (15,6 %) et la France (12,2 %). Le troisième fournisseur est la Chine (10,1 %) mais l’Inde aussi revient fort.

La « fameuse » UMA (Union du Maghreb Arabe regroupant la Mauritanie, l’Algérie, la Tunisie, la Lybie et bien sûr le Maroc) demeure peu vigoureuse, en raison de relations parfois tumultueuses entre les protagonistes ou de la déliquescence des Etats concernés. La crise sanitaire a montré, d’autre part, la dépendance trop grande de l’industrie marocaine aux intrants provenant d’Europe ou d’Asie. L’idée est évidemment de les produire en interne, avec l’appui du fonds d’investissement stratégique évoqué supra.

France-Maroc : un partenariat fort

Le partenariat entre la France et le Maroc demeure vigoureux malgré l’ouverture accentuée du royaume alaouite au monde. La France est ainsi le deuxième partenaire commercial au Maroc, avec un solde bilatéral restant cependant déficitaire depuis une décennie. Les flux financiers en sa direction sont étoffés, faisant de nous le premier pays en termes de stock comme de flux moyen d’IDE. Le Maroc est d’ailleurs le premier bénéficiaire des financements de l’AFD (Agence française de développement) dans le monde, avec un encours qui s’élevait à 2,4 milliards d’euros à fin juin 2020. Le secteur de l’eau, mais aussi ceux des transports, de l’énergie et de l’équipement industriel sont particulièrement visés par ces financements, comme par les garanties BPI. Notons enfin que les transferts financiers provenant de résidants marocains en France comme des touristes représentent une manne significative.

Sur le plan des échanges commerciaux, nous avons accusé un déficit de 816 millions d’euros en 2019. Le Maroc est notre 19e partenaire commercial – le premier africain. Les principaux postes bénéficiaires en 2019 étaient les produits métallurgiques et métalliques (336,6 millions en 2019), les produits informatiques, électroniques et optiques (205,6 millions).

Les principaux postes déficitaires étaient les matériels de transport (-1343,5 millions d’euros), le textile, l’habillement, le cuir et les chaussures (-646,5 millions), les produits sylvicoles, apicoles et piscicoles (-314 millions d’euros).

La France, premier investisseur étranger du royaume, est présente dans tous les domaines d’activité, mais principalement dans les services (trois quarts du stock). Le premier sous-secteur récipiendaire d’IDE tricolores et celui de la banque et de l’assurance (41,5 %), devant l’immobilier (22,3 %) et en troisième lieu seulement l’industrie (16,7 %). Plus de 950 filiales de sociétés françaises y sont recensées, dont « une trentaine du CAC 40 », selon la DGT.

France-Pologne : des échanges significatifs

On parle beaucoup de la Pologne, mais essentiellement pour dire qu'ils ont un gouvernement dont les pratiques, les méthodes ou la politique, ne conviennent pas aux instances bruxelloises. Nous ne rentrerons pas ici dans ce débat, et nous nous concentrerons sur les aspects bénéfiques de notre relation économique avec cette grande puissance d’Europe orientale.

Depuis la fin du communisme, puis son adhésion à l’Union européenne, la Pologne a connu un essor sans précédent, comparativement supérieur à celui de voisins placés dans la même situation. Tout n’est cependant pas rose, puisque ces trente dernières années se sont traduites par une émigration massive (les fameux plombiers !), particulièrement au Royaume-Uni. Conjuguée à une baisse de la natalité, cette perte de substance humaine a conduit à faire appel à de la main-d’œuvre ukrainienne – le jeu des vases communicants. Malgré tout, avec 38 millions d’habitants, la Pologne représente un potentiel intéressant pour investisseurs ou exportateurs. Les chiffres des IDE, émanant maintenant du GUS (institut statistique polonais) le confirment. En 2018, 1 195 entreprises étaient contrôlées, au moins en partie, par des entités françaises, dont 70 % majoritairement, pour un total d’actifs estimés à 5,9 milliards d’euros (12,8 % des actifs étrangers). Dès lors, nous nous étions – en stock, le troisième investisseur étranger, loin cependant derrière les Pays-Bas (23,2 %) et l’Allemagne (16,6 %).  Cependant attention, pour des raisons fiscales, les Pays-Bas mais aussi le Luxembourg et Chypre tendent à être surreprésentés. Nous sommes très présents dans les télécoms (Orange Polska), la distribution (Auchan, Carrefour), puis l’énergie.

Une forte présence française

Nous générions, en 2017 cette fois, 34,3 milliards d’euros de CA cumulés, derrière l’Allemagne et les Etats-Unis. Plus de 200 000 personnes seraient employées sur place par nos entreprises, en particulier du fait d’Auchan (20 000), de Carrefour (16 000) ou encore d’Orange (15 000). Nous sommes également très bien implantés dans le secteur bancaire, troisième européen derrière l'Espagne et l'Allemagne.

La direction du Trésor évalue donc favorablement notre position dans ce pays d'Europe orientale, le situant dans le cadre « du positionnement stratégique du marché polonais au sein de la chaîne de production européenne […] [et du] fort potentiel du marché intérieur ».  Cependant, elle pointe « des restrictions ponctuelles » quant à la liberté d’investissements extérieurs dans quelques secteurs d’activité (banques précisément, mais aussi médias ou transport aérien), et un processus de « repolonisation de l’économie » qui ne va pas dans le sens du développement des IDE. Pourtant l’agence Invest in Poland évoque de nombreux projets où des IDE seraient les bienvenues. L’Allemagne est, logiquement, le plus gros investisseur de capitaux en Pologne (21 % du total des IDE), en très forte progression après l’adhésion à l’UE. L’effort financier germanique a porté principalement dans le secteur automobile, mais aussi l’externalisation des processus d’affaires (dans l’informatique en particulier).  Les Américains sont également très actifs, dans une nettement moindre mesure toutefois (11 % du total). Les géants sont là, à commencer par Amazon, Philip Morris, Procter & Gamble ou encore International Paper.

La France ne vient donc pas loin derrière avec 10 %. On l’a dit, la grande distribution y est très active (Auchan, Carrefour, mais aussi Leroy Merlin), de même que les constructeurs du secteur de l’automobile (PSA, Valeo, Michelin). Et il ne faut pas oublier les nombreuses PME installées via des filiales ou des participations, plus de 1 000 en tout.

Selon une enquête datant de 2018, menée par l’agence polonaise d’investissement et de commerce extérieur, Grant Thorthon et HSBC, le climat d’investissement en Pologne est perçu favorablement par la plupart des pays, mais d’abord le Royaume-Uni, suivi de la Chine. Les Suédois et les Néerlandais seraient plus réservés de ce point de vue. Ces réticences sont peut-être dues à la survenue de difficultés liées à une réglementation parfois trop changeante, à un système juridique jugé peu efficace, ainsi qu’à une fiscalité compliquée. En revanche, la qualité des sous-traitants et des fournisseurs, à travers une main-d’œuvre efficace, est appréciée par les investisseurs étrangers, toujours au vu des résultats de l’étude précitée.

Solde extérieur France-Pologne : un déficit régulier

Certes, nous ne pouvons que nous réjouir de la pente positive de nos échanges commerciaux avec la Pologne – encore + 5,5 % en 2019. Nous sommes le quatrième partenaire commercial de la Pologne, après une croissance très forte.

Cependant, notre solde est déficitaire. Ainsi, en 2019 toujours, nos exportations faisaient de nous le sixième fournisseur de Varsovie, étaient en hausse limitée de 2,8 % à 101 milliards d’euros (nous étions en sixième position, avec 3,6 %, derrière l’Italie, 5 %), alors que nos importations s’avéraient en augmentation beaucoup plus dynamique, de 8,1 % à 11,76 milliards d’euros (5,9 % des exportations polonaises).

Afin de nous fournir des chiffres plus actualisés, la direction générale du Trésor nous propose une analyse sur la période de juin 2019 à mai 2020. Nous avons exporté principalement des automobiles (10,9 % de nos exportations totales), toujours l’effet de l’intégration des fabrications, puis des machines et équipements d’usage général (7,4 %), des produits pharmaceutiques (6,3 %), et des produits chimiques divers (6,2 %). Ce qui est le plus remarqué, en termes de de variation, c'est la hausse sensible des ventes de produits pharmaceutiques (+28,5 %) alors que celles d'automobiles se tassaient nettement (-18,7 %).

Dans l'autre sens, nous avons acheté, sur la même période et dans l'ordre, du matériel électrique (8,6 %), des automobiles (6,9 %) des équipements automobiles (6,6 %), des meubles (5,7 %). Au chapitre des variations, on notera l’explosion des achats de tabac manufacturé (+ 52,1 %), de matériel électrique (38,2 %), tandis que ceux d’automobiles se tassaient nettement (-13,1 %).

Pologne-reste du monde : un excédent record

En 2020, la Pologne a décuplé son surplus commercial (12 milliards d’euros). En effet, tandis que les exportations ne reculaient que modestement, de 0,3 % à 227, 5 milliards d’euros, les importations fléchissaient bien davantage, de 4,8 %.

La dépréciation de 7 % de la monnaie, le zloty – voilà un outil utile que nous n’avons plus, a soutenu les exportations et, à l’inverse, freiné les achats à l’extérieur. La Banque centrale polonaise a été à la manœuvre dans ce but.

Concernant les importations, qui nous intéressent davantage, elles sont d’abord constituées par les machines et équipements de transports (35,8 %), les produits manufacturés (16,7 %) et chimiques (14,7 %).

74 % des exportations et 55 % des importations étaient réalisées avec des Etats membres de l’UE en 2020, et 6 % - une part en recul, du commerce en moyenne avec des pays d’Europe centrale et orientale.

Du côté des fournisseurs, on note la très forte présence – logique – de l’Allemagne (22 %), devant la Chine (14,6 %). Les ventes s’orientent fortement vers l’Allemagne (29 %), puis la République tchèque (5,8 %), juste devant le Royaume-Uni (5,7 %) et donc la France (5,6 %).

Nos spécialistes de la direction générale du Trésor notent cependant une baisse de la part de l’Allemagne, de l’Italie et de la France depuis une vingtaine d’années. Ils attribuent ce phénomène à la montée en gamme des produits polonais (moins de biens intermédiaires), ainsi qu’à une intégration croissante des économies du groupe de Visegrad – cela rappelle un peu le Comecon !

Des notes conjoncturelles contrastées

Coface publiait récemment une note conjoncturelle relativement contrastée à propos de la Pologne. Elle relevait de nombreux points forts, à commencer par des prix compétitifs, une main-d’œuvre qualifiée et peu chère, son intégration dans la chaîne de production allemande, et bien sûr un marché d’une taille significative. De plus, l’économie est diversifiée et le secteur financier est qualifié de « résilient ».

A l’inverse, les experts de Coface notent quelques points qu’ils jugent négatifs : faiblesse de la R & D, contraste de développement entre l’ouest et l’est du pays et le niveau d’investissement – local – insuffisant. La part de chômage structurel est également trop élevée.

Cela dit, si l’on compare les indicateurs économiques de la Pologne à ceux d’autres pays de l’UE de tailles relativement comparables, nos voisins de l’extrême Est de l’Union n’ont pas à rougir de leurs performances. Le ratio dette publique/PIB est estimé à 57 % en 2021 (118 % en France), le solde public à -4 % (-9 % chez nous) et la croissance à +4 %, après seulement -3 ,4 % en 2020 (-8,3 % dans l’Hexagone). Les différents plans d’investissement appuyés par l’UE devraient soutenir la croissance polonaise, sauf si on coupe le robinet pour des raisons purement politiques – ce qui est très peu probable.


Négométal-C2A : une PME française en Pologne

De nombreuses PME françaises sont donc implantées en Pologne. Négométal a été un des pionniers. « Nous étions parmi les pionniers en Pologne, quelques années après son entrée dans l'Union européenne, car ce pays n'apparaissait pas encore suffisamment attractif pour beaucoup, se souvient Gilles d’Huiteau, son gérant. Spécialisés dans les services du monde du transport, poursuit-il, nous avons installé une filiale en Pologne, afin de mettre à profit l’extraordinaire embellie de ce secteur là-bas depuis quinze ans.  Songez, s’exclame-t-il, qu'un de nos clients est passé d'un seul camion à une flotte de 100 pendant cette période ! »

 Sur le plan des relations humaines, Gilles d’Huiteau évoque « une longue période avant que nos interlocuteurs nous fassent confiance, une exigence quant à la qualité du service rendu, qui doit être irréprochable, ainsi qu’une attention toute particulière au prix ». Cependant, en dépit de ce qui se dit souvent, il ressent les Polonais comme pro-européens, regardant ce qui se passe à l’Ouest.

Alors, quel métier Négométal exerce-t-il, en Pologne, et en France bien sûr ? Il s'agit de la location d'appareils de télépéage aux transporteurs.  Négométal, qui compte soixante-dix collaborateurs en tout, dispose d’une équipe sur place de huit personnes. Gilles d’Huiteau dévoile son projet : « Cette implantation était indispensable pour deux grandes raisons, d’une part la nécessité d’avoir localement une cellule parlant polonais, alors que nos interlocuteurs chez nos 500 clients sur place ne maîtrisent pas le français, ni l’anglais, une cellule à même également d’être en contact avec les autorités fiscales du pays ».

 « D’autre part, nous proposons une location sans garantie de paiement des télépéages, alors que nos confrères implantés hors de Pologne exigent une garantie portant sur deux mois, deux mois et demi de péages et se reportent sur un assureur-crédit qui ne va pas suivre, en règle générale, en raison de l’absence de publication des comptes des sociétés en Pologne. » Les clients de Négométal alimentent un compte à concurrence de la somme habituellement réglée par quinzaine, sur lequel leurs dépenses seront prélevées. Un algorithme fait évoluer le montant du dépôt en fonction des débours réellement effectués. Négométal présente une facture globale au client qui lui permettra de récupérer la TVA et de bénéficier de remises sur le prix des péages.

La société sœur de Négométal, C2A, propose également en Pologne les services de sa carte éponyme, destinée principalement aux transporteurs routiers mais aussi aux gestionnaires de flottes automobiles. C2A est une carte de débit Mastercard, « seule
à proposer en Europe le règlement de dépenses prépayées, dans les stations-service de nombreux réseaux avec, grâce à ses partenariats, la possibilité d'obtenir des remises,
ainsi qu’une facturation centralisée, permettant la récupération de la TVA et des droits d’accises ».
Le réseau est significatif en France (Leclerc, Esso, ENI…), au Luxembourg, en Autriche, en Belgique et bientôt en Italie. Bien entendu, C2A, carte Mastercard, ouvre l’accès au réseau mondial de 9’acceptation de la carte.

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